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la lanterne de diogène
17 juillet 2015

Lendemanin de 14 juillet (mais pas de fête)

Chaque année, ça semble pire. Le 14 juillet passe sans que rien d'autre ne l'indique à part le défilé militaire, qui a ses admirateurs, et les propos du Président de la République qui occupent les journalistes au moment où le temps des vacances est véritablement commencé. Comme tous les ans, ils montent en épingle, créent des polémiques qui tiennent lieu de vie politique. Ainsi, dans les rues de la capitale, à la défaveur d'un lundi, les terrasses des cafés étaient fermées. Personne n'a pris le risque d'inviter un groupe pour attirer les badauds et, éventuellement, les faire danser ou au moins gigoter un peu. De ci, de là, les casernes de pompiers avaient ouvert leurs portes pour maintenir la tradition du bal des sapeurs . Les communistes, ou ce qu'il en reste, invitaient à se faire connaître et tâchaient d'entretenir la liesse de la Fête Nationale. Étrange pays qui rejette tout ce qui lui rappelle son histoire et les moments glorieux qui, désormais, semblent davantage connus à l'extérieur qu'ici.

Le comble semble avoir été atteint par cette grande surface du Nord

http://www.leparisien.fr/nord-pas-de-calais/nord-ils-font-leurs-courses-dans-un-supermarche-fantome-14-07-2015-4944329.php

qui est restée ouverte suite à l'oubli de l'employée chargée d'activer le système de fermeture à 13 heures. Les clients n'ont douté de rien et se sont pressés comme un jour ordinaire avant de constater que tout le personnel avait déserté. Comment s'en étonner puisque toutes les grandes surfaces ont prévenu, et depuis longtemps, qu'elles seraient ouvertes, quitte à arborer, toute honte bue, les symboles nationaux pour décorer leurs affichettes ? Si encore elles en avaient profité pour organiser une promotion mettant en valeur des produits français. Mais non, la Fête Nationale est désormais un jour incongru. C'est à croire que les uns méprisent cette journée qui rappelle que la France est un vieux pays avec une vieille population qui s'est unie, parfois dans la douleur mais qui tient bon malgré les vents contraires. C'est à croire que les autres ne voient pas l'intérêt d'une fête, d'un jour férié, au milieu de l'été. Enfin, tout ce qui compte de libéralistes purs et durs

trouve à redire à ces feignasses de Français pour qui tous les moyens sont bons pour ne pas travailler. Il est urgent de « réformer » tout ça, c'est à dire, supprimer tout ce qui régit le temps de travail et le temps de repos pour imposer des journées de labeur variables sans que le salaire ne change. Quelle absurdité de fêter la nation à l'heure de l'UE et de ses lois d'airain qui, justement, font sauter les verrous posés par les peuples autrefois souverains. Heureusement, on n'en est plus là.

PATRIOTISME ECONOMIQUE

patriotisme économique qu'ils disaient

Pourtant, les même prennent modèle sur les États-Unis où la Fête de l'Indépendance est véritablement sacrée. Si des films montrent ce qu'il en est ce jour-là et proposent des images de liesse collective, il serait difficile d'en faire autant, ici ,pour illustrer un 14 juillet. L'armée et ceux qui l'adulaient en sont les premiers responsables. À force de s'accaparer les symboles nationaux et de transformer la Fête Nationale en une journée des forces armées (comme il en existe dans de nombreux pays mais séparément de la fête nationale), l'idée s'est imposée que ce jour, qui devrait être le principal jour férié de l'année, ne concerne pas la population mais seulement l'armée et le personnel politique. Beau résultat qui coupe les Français et, notamment, ceux de fraîche date, de la cohésion nationale. On a beau jeu, après, de dénoncer ceux qui immigrent pour bénéficier de l'idée qu'ils se font encore de la protection sociale. On s'ingénie à ne leur proposer rien d'autre. Peuvent-ils, seulement, adhérer à un pays qui met sous le boisseau ce qui constitue son imaginaire collectif et qui dénigre à ce point son passé et les symboles nationaux ? Les Français trouvent naturel que ceux-là restent attachés à leurs origines, conservent, quelque part, un petit drapeau ou un écusson aux couleurs de leur pays mais s'offusquent que des Français en fassent autant chez eux. C'est sûr que ça ne va pas encourager les derniers arrivés à mêler leurs couleurs au tricolore national, quand bien même leur propre pavillon est inspiré de celui de la République française.

bal du 14 juillet 1907 dans le quartier du Sentier

Toujours à Paris, on s'étonne de ne plus voir d'autobus pavoisé. On dit que certains machinistes refusent. Ah bon ? Et il n'y a pas de sanction ? Dès lors, on comprend mieux que beaucoup ne savent pas vraiment quel jour c'est. Et puis, à Paris, la Mairie pourrait en profiter pour lancer « Paris-Plage ». Comme ça, tout le monde saurait quand ça commence. Et l'on sait que c'est une manifestation populaire dont le succès n'est jamais démenti. Seulement, les chrono-biologistes ou autres spécialistes du même genre ont dû étudier la question et déclarer doctement que ça devait commencer plus tard.

Pourquoi, justement, cette différence entre les États-Unis et la France quand il s'agit de fêter leur pays ? Outre Atlantique, on veut montrer qu'on est content de vivre dans un tel pays où tout est possible. C'est tout le sens du mot « liberté » qu'ils emploient à tout bout de champ et qui possède un sens essentiellement pratique. Les Étatsuniens sont avant tout pratiques et surtout pragmatiques. En France, « patrie de la liberté », ce mot revêt un sens symbolique et tout à fait abstrait. Chacun voit la liberté à sa façon et tâche, de plus en plus, de l'imposer à l'autre. C'est pour ça que les Français se comportent comme des enfants gâtés à qui tout est dû. Il n'y a donc aucune raison de se réjouir particulièrement de vivre dans un pays en paix, indépendant et bénéficiant encore de protection sociale. C'est normal. Ces enfants gâtés sont semblables aux adolescentes d'aujourd'hui pour qui la contraception et l'avortement sont choses qui vont de soi et pour qui il n'y aucune raison qu'il en soit autrement et encore moins de louer le combat de leurs aînées et de quelques femmes éclairées qui ont mené ces combats. Nous avons déjà pointé que Mimi Mathy a détrôné depuis longtemps Mme Simone Veil dans le classement féminin des personnalités françaises préférées. Ben oui, c'était au siècle dernier, juste au début du dernier quart ; autrement dit au Moyen-Âge.

Un pays où chaque génération a ses propres raisons pour dénigrer son propre pays. Les uns rêvent d'un monde sans plus d’État et donc sans guerre ; au sens où on l'entend traditionnellement . L'idéologie libéraliste veut aussi la mort des États – et donc de la France – au profit de grands ensembles supranationaux avec le moins de règles et de lois possible. Difficile, donc, de s'y retrouver et d'aimer un pays dont on ne peut se représenter une image fût-elle abstraite, tant il y a de paradoxes et de contradictions.. La France d'aujourd'hui est semblable à la grande manifestation du 11 janvier dernier. Chacun défile pour une cause différente mais tous ensemble. Pour les uns, c'est un pays où les lois ne veulent plus rien dire, où il n'y a aucune raison de les respecter. Ça va du code de la route aux jours fériés. Pour d'autres, un pays sans Histoire, qui s'est construit peu avant leur propre naissance et qui, avant, était dirigé par d'obscurs dictateurs couronnés qui ont mis le monde à feu et à sang alors que tous les peuples étaient plus brillants et vivaient tranquillement. Pour d'autres, encore, la fin de l’État signifie qu'on va pouvoir imposer une loi différente, d'abord autour de sa maison puis de plus en plus loin. La seule chose qui unit tout ça, c'est l'idée qu'il ne doit plus y avoir d’État puisque la notion de nation est répugnante. Dès lors, quand même le Président de la République ne mentionne pas une seule fois des mots comme France, République, nation, il n'y a aucune raison que les habitants de la France ressentent, tous ensemble, une joie particulière en ce jour d'été.

On relira :

encore un 14 juillet

14 juillet : embastillage programmé

Une fête de la laïcité ?

14 juillet

Idéalistes, révolutionnaires et autres indignés

JAURES malgré tout

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