Bienvenue, Guy Béart...
Ma première rencontre – si je puis dire – avec Guy Béart, c'était probablement « L'eau vive » qu'on entendait souvent à la radio. Une bien jolie mélodie, ma foi. Guy Béart avait le génie pour trouver des airs faciles à retenir mais tous différents. À moins que ça ne soit « Tiens, tiens, moi ça j'y tiens ». Ça doit pas être le titre d'ailleurs. Je me souviens de cette voie étrange, haut-perchée et de ces paroles qui ne ressemblaient à rien de ce qu'on entendait chez les autres. Dans ces années-là, on passait aussi « Il n'y a plus d'après à Saint-Germain-des-Prés » ou le « Bal chez Temporal ». On avait le droit de préférer la version chantée par ces belles voix de femmes.
Des paroles originales, dérangeantes même. Exemple : « La vérité ». Et puis, une qui me plaisait beaucoup, plus que les autres : « Sur la Lune, il y a des enfants ». Il l'a reprise dans un album de science-fiction, probablement introuvable aujourd'hui, dont la pochette était dessinée par Moebius. C'était ça aussi Guy Béart. Il expérimentait.
Un autre souvenir : un « Grand Echiquier » de Jacques Chancel avec Madeleine Renaud qui a fredonné « Les couleurs du temps » et Jean-Louis Barrault qui a récité les paroles poignantes de cette chanson où il évoque les derniers moments de sa mère : « En son hôtel, Dieu n'est pas maître ». Oui, on pouvait voir ça à la télévision à un moment.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/12/23/31190958.html
Guy Béart, c'était un œil malicieux, qui semblait dire : vous vous attendiez pas à ça, hein ?
C'était sans doute pour ça que Truffaut plaçait ses chansons dans ses grands films de la saga Antoine Doinel. On peut avoir une préférence pour « Les couleurs du temps », reprise par « Les Compagnons de la chanson ». Chanson facile dont les paroles ont été étudiées par des générations d'élèves avec comme travail personnel : toi aussi, invente des couleurs pour ton environnement familier, à la manière de Guy Béart.
Pourtant, pour moi, la chanson la plus mystérieuse reste celle que j'ai entendue une fois, un soir, il y a très longtemps, dans une émission de Gérard Sire. C'était un duo avec Marie Laforêt. Le refrain disait : « Je te réchaufferai, je te réchaufferai ». Je ne l'ai entendue qu'une seule fois mais elle m'est restée en mémoire. Avec le temps, je me demande même si elle a existé. Nulle part, je n'en ai trouvé la trace. Si tu sais quelque chose, merci de me le dire en commentaire.
En cherchant une tof pour illustrer l'article, je suis tombé sur celle-là, mais c'est encore pas ça...
Ces dernières années, on ne l'entendait plus. On disait qu'il vivait tout seul et tout nu. On n'entendait plus ses chansons. Sa querelle avec Gainsbourg (bourré comme d'hab), à propos de la chanson, l'avait mis hors-jeu définitivement. Béart défendait la bonne chanson à texte et avec des belles musiques si possible. Il avait prouvé, avec tant d'autres de sa génération, qu'on pouvait atteindre des sommets dans l'art. Gainsbourg, lui, a toujours mal vécu de ne pouvoir vivre de sa peinture et il ne comprenait pas comment un morceau de 3 minutes écrit en peu de temps pouvait lui rapporter autant. Alors, il insistait lourdement sur la chanson comme art mineur car, en effet, il n'y a pas d'école supérieure pour faire des chansons. Il en était la preuve vivante. Ensuite, il y a eu cette querelle avec Pierre Perret pour je ne sais quoi. Ça n'a pas contribué à la popularité de Guy Béart. Une certaine élite, ainsi que ses affidés, ne supporte pas qu'on égratigne ses icônes sacrées. Si cette élite réclame et revendique le blasphème pour les sujets religieux, elle ne tolère pas son usage pour ses idoles et autres figures de proue.
Alors, pour reprendre le titre d'une des plus célèbres émissions des grandes heures de la télévision – émission de Guy Béart – je dirai encore : Bienvenue Guy Béart !