Tous écologistes (je fais un rêve)

Non mais, je rêve, là ? Voici que, soudain, toute la planète s'offusque parce que Volkswagen a triché sur les tests de pollution. Je ne savais pas que la pollution préoccupait autant le monde entier. Eh bien si, faut croire ! Tout le monde, je te dis : les écolos, les bien-pensants (toujours prompts à dénoncer le moindre manquement à l'idée qu'ils se font de la morale), les médias (connus pour mettre largement leurs moyens au service de la cause environnementale), les politiques (dont on connaît la probité proverbiale) et même les financiers, les boursicoteurs dont on sait à quel point l'avenir de la planète leur cause souci d'habitude. Tous !

Ça, c'est un résultat ! À quelques semaines du fameux sommet de Paris sur le climat – dont on attend beaucoup et notamment l'objectif de limiter à 2° le réchauffement climatique pour les prochaines années – ce ne sont plus quelques illuminés, quelques utopistes, quelques farfelus barbus et chevelus, quelques scientifiques et surtout plein d'oiseaux de mauvais augure et autres prophètes de malheur qui se mobilisent. Ce sont toutes les sphères de nos sociétés qui réagissent et grondent. La colère monte ! Comment, le premier fabricant d'automobiles européen a triché ? Il a falsifié les tests d'homologation de ses moteurs diesel ? Oh ! Shocking, disent en chœur les terriens. On n'aurait jamais cru ça possible. Ça n'est jamais arrivé, bien entendu. On n'aurait jamais imaginé que quelqu'un puisse faire une chose pareil. Quel crime abominable ! Il faut expier sur le champ.

Comme il fallait s'y attendre, le patron a dû présenter sa démission. On apprend, au passage, que depuis sa prise de fonction, tout a doublé chez VW : la production, les bénéfices, les emplois. Les emplois ? Ceci explique peut-être cela. Car enfin, à qui veut-on faire croire que, soudainement, à la fin de l'été 2015, la défense de l'environnement est devenue la préoccupation majeure de la Terre entière ? À qui va-t-on faire croire que les acheteurs de véhicules diesel n'ont investi qu'à condition que leur moteur ne pollue pas trop ? À qui va-t-on faire croire que, depuis un tel scandale « énaurme », « kolossal », les consommateurs vont renoncer rouler, à acheter des voitures particulière ou simplement se détourner des diesel ? Comme disait La Fontaine, il ne faut point forcer son talent. Cet excès soudain de vertu cache quelque chose. Il est vrai que, dans la culture protestante, le mensonge est toujours condamné sans appel. On ne badine pas avec les tricheurs. Nixon en sait quelque chose. D'un autre côté, pour la crise des « subprimes », on n'a pas montré autant de vertu et d'indignation. Ce qui vient à l'esprit en premier, c'est l'attaque des concurrents, en vertu de l'adage : à qui profite le crime ? On peut se poser la question quand on entend avec quel zèle on cite toutes les marques du groupe Volkswagen.

On peut penser aussi que ce sont les prémices d'un changement de stratégie et que c'est là un moyen d'enterrer le moteur diesel pour les usages des particuliers. On ne peut jurer de rien en l'état mais ça n'est pas clair.

Pour dire les choses brusquement, toute cette agitation – et au niveau planétaire – ressemble fort à une diversion. Occuper les médias à ce point, pour une triche au contrôle anti-pollution de quelques modèles de voitures, c'est du jamais-vu. À moins d'un accident, d'une catastrophe écologique, les questions d'environnement n'intéressent que quelques rabats-joie. Seulement, cette dimension mondiale rappelle au moins qu'un événement qui se veut de même calibre va se dérouler cet automne à Paris, la COP 21. On peut, raisonnablement, prédire qu'il n'en sortira rien de sérieux, rien de décisif et surtout rien de contraignant. On en restera au niveau des bonnes intentions. On se mettra d'accord sur le minimum. On parlera bien fort contre un État accusé de tous nos maux. On réitérera son souhait de voir, à long terme, limitée la hausse de la température à 2°. Au bout du compte, rien ne sera fait. Ce sera à l'image de la politique nucléaire de la France. On va réparer la énième avarie de la centrale de Fessenheim alors que, théoriquement, elle devait être fermée d'ici à la fin du quinquennat du Président Hollande. En fait, il va annoncer, l'année prochaine au mieux, qu'il va lancer les études pour envisager la fermeture (ou pas) de cette vieille centrale. Si c'est lui qui est ré-élu, il aura à nouveau cinq ans pour commencer à l'arrêter. Si c'est un autre, il pourra toujours revenir sur une promesse qu'il n'a pas faite. D'ailleurs, au moment d'écrire ces lignes, le Président de la République annonce que la centrale de Fessenheim ne sera pas démantelée dès l'an prochain car l'EPR a pris du retard. On pouvait s'en douter dans la mesure où toutes les avaries de cette centrale ont été réparées à grands frais ces dernières années, comme on peut se douter que la COP 21 ne sera qu'une pitrerie. D'une manière générale, toutes les mesures tendant à aider à la prise de conscience, à favoriser une transition énergétique et écologique ont été abandonnée. On se souvient de la taxe pour les poids lourds, du relèvement du prix de fioul pour diesel (ou au moins la fin des avantages tarifaires accordées), la casse de la filière solaire, le énième arrêt du canal Seine-Nord et à côté de ça la construction de la LGV Paris-Bordeaux et, bien sûr, de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. En d'autres termes, on renonce à des investissements durables et compatibles avec l'augmentation de la population et l'amenuisement des ressources naturelles mais on maintient les chantiers pharaoniques dont les budgets explosent et dont on sait qu'ils vont exploser.

En attendant, on se paie une virginité à peu de frais sur le dos de VW. On se prétend écologiste, non pas en renonçant au diesel pour les voitures particulières, non pas en promouvant les transports en commun ou la limitation des déplacements mais en faisant rendre gorge à l'affreux teuton qui fabrique des moteurs si polluants qu'il les cache. Car – c'est bien connu – il n'y a que VW qui fabrique des moteurs diesel qui polluent. Les autres s'en gardent bien. Ils savent leur clientèle trop attachée au respect de l'environnement. Ceux qui achètent des voitures – c'est bien connu aussi – demandent d'abord quel sera l'impact de leur pollution. Ça passe avant toute autre considération.

Trêve de plaisanterie : cette affaire VW n'est qu'une diversion pour nous faire oublier toute la pollution et notamment celle due à l'automobile. Cette énergie mobilisée contre une affaire de tests falsifiés servira d'excuse pour ne pas en faire autant pour la COP 21 et prendre des décisions significatives. Rideau !