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la lanterne de diogène
30 septembre 2015

TGV et démocratie

Une nouvelle ligne de TGV devrait me réjouir a priori. Depuis le temps que cet engin, ce bolide me fait rêver. Quand je pense que j'ai fait un exposé, en 4e sur le TGV qui n'était alors qu'un projet sur du papier avec, déjà, il est vrai, quelques essais avec un moteur à turbine à gaz, abandonné avec la crise de l'énergie de 1974.

Depuis, c'est devenu une réalité avec cette première ligne Paris-Lyon où il suffisait de payer une réservation obligatoire pour voyager à grande vitesse. Une voix nous indiquait quand « nous roulons en ce moment à 250 km/h ». Formidable !

Las, dès le TGV Atlantique, c'en était fini du « progrès ne vaut que s'il est partagé par tous ». Le début du TGV, c'était la grande vitesse pour tous. Désormais, il ne fallait pas payer un billet pour un de ces prestigieux TEE qui sillonnaient l'Europe à toute vitesse et dans un confort exceptionnel. Parfois, on appelle ce genre d'évolution consistant à rendre abordable par le plus grand nombre, des prestations jusque là réservée à un public restreint, la « démocratisation ». La nouvelle politique tarifaire allait réserver ce type de déplacement à ceux qui peuvent prévoir à l'avance leurs déplacements à ceux qui voyagent régulièrement. Maintenant, cette tarification aberrante est généralisée. Si le TGV représentait cette part de progrès acceptée par tous malgré des inconvénients réels, il a rejoint aujourd'hui les autoroutes et autres projets pharaoniques dont se vantent les élus locaux, surtout quand ils réussissent à les faire payer par l’État, autrement dit tous les contribuables parmi lesquels bien peu en profitent. Peu importe. Sur place, les seigneurs féodaux dans leurs fiefs peuvent clamer : « J'ai amené l'autoroute », « J'ai demandé l'arrêt du TGV dans votre ville ». Le plus fort, c'est que ça marche ! Les administrés demeurent persuadés que ça va amener de l'activité et des emplois. Les travaux, même partagés entre les entreprises locales, ne requièrent que peu d'embauches supplémentaires. Les ouvriers mangent à la gamelle plutôt qu'au petit resto du coin. Même lorsqu'ils se contentent de regarder passer les camions ou les TGV, ils ne comprennent pas toujours qu'ils ont été faits et doivent supporter le bruit. Concernant le bruit, notons au passage qu'ils se mobilisent rapidement et fortement contre le TGV au moteur électrique qui ne circule pas la nuit mais acceptent comme un mal nécessaire la noria des camions jour et nuit avec la pollution en supplément.

tgv001

Aujourd'hui, le TGV ne fait plus consensus. D'abord, il ne fait plus rêver puisque le rêve est devenu réalité. Après avoir laissé la France expérimenter avec succès cet engin qui relance le ferroviaire qu'on croyait voué à l'abandon, les autres pays s'y sont mis et avec le même succès.

Le tout TGV a mis en lumière la détérioration des relations interurbaines et l'abandon de plus en plus de lignes, pas toutes secondaires. En fait, si l'on comprend ce qu'est une ligne principale, désigner toutes les autres sous le vocable de « secondaires » entretient la confusion. Des petites lignes ferment et depuis longtemps, depuis l'entre-deux guerres pour être précis. Ces vingt dernières années, ce sont des liaisons, y compris sur les lignes principales, qui ont été abandonnées. Elles étaient empruntées, essentiellement, par des clients modestes qui, bien souvent, ne peuvent plus se déplacer après la fermeture de ces lignes. Dans d'autres cas, il n'y a pas d'autre solution que de prendre le TGV, plus cher et plus compliqué à réserver, pour un banal déplacement. Je pense, évidemment, à la liaison Reims-Paris. Certes les Rémois gagnent la capitale en une heure mais à quel prix... Pour Bruxelles et Amsterdam, voire pour Londres, c'est encore le car, beaucoup plus long mais moins cher qui permet aux petits budgets de voyager.

Le TGV sud-ouest réunit tout ce qu'il ne faut pas faire. D'abord, la ligne actuelle n'est pas saturée. Rappelons que c'est la saturation de la « ligne impériale » (Paris-Lyon) qui a motivé la construction de la première LGV. Ensuite, la ligne actuelle Paris-Bordeaux est plutôt rectiligne. Autrement dit, elle est propice à l'augmentation de la vitesse. Des voix se font entendre pour autoriser la circulation à 180 ou 200 à l'heure sur les grandes lignes, au lieu de 160 km/h actuellement. On se souvient de l'Aquitaine, le TEE qui empruntait cette ligne à 220 km/h dès 1971, mettant Bordeaux à 3h 49 de Paris. 220 km/h à rapprocher des 250 km/h autorisés des premiers TGV. On aurait donc pu, au moyen de contournements des obstacles permettre aux TGV de rouler très vite sur la ligne actuelle. Rappelons que les premiers ICE allemands étaient prévus pour des grandes vitesses sur les lignes existantes. En d'autres termes, c'est techniquement possible. Les Allemands n'ont construit de LGV que pour augmenter la fréquence de leurs ICE et compléter les réseaux de France et du Bénélux. Pour l'arrêt intermédiaire, Angoulême et Poitiers étaient en concurrence. Qu'à cela ne tienne, on satisfera les deux. Les associations, après consultation des populations concernées, après études et contre études sont parvenus à la conclusion qu'il fallait privilégier une liaison à grande vitesse Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. Ils ne prônent pas non plus de nouvelle infrastructure mais plutôt l'optimisation de celles existantes partout où c'est possible. Il y a aussi, en arrière-pensée, la voie ouverte à une liaison rapide Paris-Clermont-Ferrand pour décharger un peu la LGV Paris-Lyon souvent à la limite de la saturation. Pour traverser le sud-ouest jusqu'à Bordeaux, on a dû bousiller des milieux naturels à préserver. Tout ça pour gagner quelques minutes : à peine 1h vu qu'avec un parcours à grande vitesse, il ne faut déjà que 3 heures pour rejoindre le chef-lieu de l'Aquitaine.

http://blog.yvantricart.info/

http://www.sudouest.fr/2015/09/26/lgv-bordeaux-dax-et-bordeaux-toulouse-le-gouvernement-donne-son-feu-vert-2136430-4755.php

http://www.lefigaro.fr/societes/2015/02/04/20005-20150204ARTFIG00026-le-tgv-paris-bordeaux-en-2h05-sera-a-l-heure-mi-2017.php

http://www.lgv-sea-tours-bordeaux.fr/

http://lgv.limogespoitiers.info/

Qu'importe ! Un faisceau de raisons que la raison ignore s'est formé autour de ce projet. Bordeaux est tenu par M. Juppé, élu de droite de premier plan. Il faut donc lui faire plaisir de temps en temps pour ne pas paraître sectaire. À peine connue la nouvelle, qu'il s'est réjoui en pensant que ses Landes natales seraient reliées à grande vitesse à Bordeaux. Sait-il seulement que c'est précisément sur la voie qui traverse les Landes que, pour la première fois, un train a roulé à plus de 330 km/h ? Donc, il n'y a pas besoin de construire une nouvelle ligne pour rouler à 300 km/h, des aménagements suffisent.

Et puis, le Président Hollande était élu de la Corrèze. Il avait donc à cœur d'offrir à ses anciens électeurs de bétonner leur campagne et leur paysage pour qu'ils croient accéder au progrès. Tout ça compte plus que toute autre considération. Comment expliquer, en effet, qu'on nous rabâche que « les caisses sont vides » et qu'on va trouver 8 milliards pour des projets contestables et contestés ? Ce gouvernement est vraiment impayable. Il renonce à tout ce qu'il avait annoncé et qu'on attendait de lui et nous impose des choses que personne (personne au sens de l'intérêt commun) ne lui a demandé. Alors que, justement, il pourrait arguer des restrictions budgétaires, des réductions de la dépense de l’État pour renoncer à ces chantiers pharaoniques, c'est justement le contraire qu'il choisit de faire et se met à dos non seulement son opposition (ce qui est normal et ne changerait rien) mais en plus ses électeurs ou ses sympathisants.

Au-delà de ces nouvelles LGV, on peut quand même relever que, une fois de plus, le quinquennat Hollande se caractérise par une fin de non-recevoir envoyée au peuple soi-disant souverain en démocratie. Si pour le chantier de Notre-Dame-des-Landes, le Président Hollande peut annoncer, sans ciller, qu'il démarrera après que tous les recours auront été épuisés – ce qui veut dire qu'il connaît à l'avance les décision de la Justice indépendante – il s'assoit maintenant sur les enquêtes d'utilité publique qui, pour le coup, sont tout à fait inutiles. Passons sur l'arrêt de la centrale de Fessenheim – dont on se doutait qu'il n'en serait rien malgré la promesse répétée – puisque, tout au long de ce quinquennat, elle a fait l'objet de plusieurs réparations onéreuses. On ne met pas le paquet pour réparer une machine en fin de vie. On apprend aussi que dans des villes qui refusent la mixité sociale et la construction d'HLM, les préfets imposent cette construction. Si l'on peut s'en réjouir pour la cohésion et la solidarité sociales et aussi parce qu'on peut espérer qu'il y ait moins de mal logés et de pas logés du tout, la démocratie en prend un sérieux coup.

http://immobilier.lefigaro.fr/article/menace-sur-les-villes-qui-ne-batissent-pas-assez-de-hlm_03636cb4-0f96-11e5-986f-d5574d29160d/

En d'autres termes, la France est en train de devenir une démocratie formelle à l'image de ce que pouvait être le Mexique dans les années 1970. On voit où en est le Mexique aujourd'hui, lié pieds et poings par l'ALENA et sous la coupe de la pègre dans les territoires où les autorités fédérales ne peuvent accéder. L'an passé, plus de quarante étudiants ont disparu (en fait massacrés mais leurs corps n'ont pas été retrouvés) et des femmes sont assassinées pour refuser cette nouvelle loi du silence et de la terreur. Il ne faut pas croire que ça n'arrivera pas en France. Il y a aussi des territoires où l’État n'a plus d'autorité et le Président Hollande tient à ce que le TAFTA soit signé au plus vite, si possible avant la fin de son mandat, malgré la révélation de l'espionnage des négociations par les États-Unis.

Avec un État qui ne décide plus de tout dans son ressort, avec les directives européennes, les accords du GATT puis de l'OMC, avec les exigences des firmes multinationales, ce sont des pans entiers de souveraineté qui échappent aux citoyens. Au niveau local, les décisions sont prises de plus en plus au niveau des intercommunalités et plus des conseils municipaux élus. Dans une indifférence absolue, les services du Ministère de l'Intérieur travaillent à supprimer des milliers de communes une fois (ou en même temps) qu'il aura imposé les intercommunalités à 15 000 habitants minimum. Les passages en force à l'Assemblée Nationale avec le 49-3, les projets pharaoniques imposés malgré de fortes oppositions argumentées ne sont qu'arbre qui cache la forêt. La France devient une démocratie formelle.

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