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la lanterne de diogène
29 octobre 2015

Rugby : au-revoir la France, bonjour la finale

Coupe_du_monde_de_rugby_2015

Maintenant, on sait quels seront les finalistes de cette Coupe de Rugby 2015 : l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Deux habituées des finales. Je parierais bien sur la Nouvelle-Zélande car j'ai trouvé les Australiens un peu essoufflés contre les Argentins. En plus, ils auront une journée de plus pour se reposer et se préparer. Maintenant, au vu des demi-finales, on se dit que la France jouait, au moins, deux crans en dessous et que c'est justice si elle a été éliminée. Tout ce qu'on pouvait espérer, c'était que le XV de France ne prenne pas une raclée contre les All-Black. Eh bien, c'est raté ! La grande finale et la finale des battus verront s'opposer uniquement des nations de l'hémisphère sud. Montée en puissance, certes des Argentins mais, apparemment, des Écossais aussi qui se sont sans doute fait voler leur qualification.

 

À présent, il faut rebattre les cartes et se poser les vraies questions. Bien sûr, en France, il y a autant de sélectionneurs que d'amateurs de rugby. Puisque c'est comme ça, allons-y ! D'abord, il ne faut pas en vouloir exclusivement à Philippe Saint-André. Il a fait ses preuves comme joueur et comme entraîneur. Un autre aurait obtenu les mêmes résultats. Il apparaît clairement qu'ils sont la conséquence de l'organisation même de l'ovalie en France. Je ne sais pas comment ça fonctionne mais il est évident qu'il faut faire le ménage. Les archaïsmes hérités de la longue période Ferrasse ne sont plus de mise aujourd'hui, face à des sélections qui, partout, montent en puissance. Le problème se pose en termes d'autant plus pointus quand elles naviguent déjà au sommet depuis des décennies et qu'elles écrasent tout et sans doute encore pour longtemps. Je pense, évidemment, aux trois grandes nations de l'hémisphère sud. Encore une fois, je ne connais pas tous les rouages mais quand j'apprends que les championnats, là-bas, s'effectuent en une vingtaine de rencontres contre une quarantaine ici, on comprend une partie des difficultés. La Ligue et les clubs se gargarisent en répétant à l'envi que nous avons le meilleur championnat du monde et qu'il attire les meilleurs joueurs. On devrait plutôt dire qu'il paie le mieux des vieilles gloires qui attirent les spectateurs afin de garantir la recette qui fera vivre les clubs. Ça fait beaucoup de propositions subordonnées dans une même phrase. Avec des étrangers aux postes clés que sont l'arrière et l'ouverture, par exemple, on ne peut pas faire émerger des jeunes à ces postes. Par conséquent, on n'a pas forcément le meilleur dans la sélection. Dans la logique des clubs, l'important n'est pas d'avoir des internationaux français mais des joueurs qui font remplir les stades et qui font gagner les compétitions. La Coupe d'Europe des clubs monopolise beaucoup des meilleurs joueurs. Et quand les grands clubs professionnels font tourner une cinquantaine de joueurs par saison, il est difficile de parier sur la régularité, sur l'aguerrissement des sélectionnables. Pire, il est difficile pour les jeunes de se faire une place au milieu des vieilles gloires de l'hémisphère sud venus goûter aux charmes de la France. Malgré tout, ces joueurs étrangers jouent un rôle important dans le championnat et dans leurs clubs dans la mesure où ils impulsent un style et une rigueurs professionnelles indispensables quand on tâtonne dans ce milieu et qu'on découvre, petit à petit, les exigences du professionnalisme et des marques qui financent les clubs.

http://www.lemonde.fr/sport/infographie/2007/09/04/les-licencies-de-rugby-dans-le-monde_951300_3242.html

Les clubs, justement : 14 dans le Top et 16 en pro-D2. Ça peut paraître peu dans un pays aussi grand et peuplé que la France, même rapporté au nombre de licenciés. Or, dans nombre de ces pays qui tiennent la dragée haute, on fonctionne avec des « provinces ». ça permet aux clubs de ne pas avoir à supporter le budget d'un club professionnel tout en leur confiant le rôle éminent de formateur. On parle souvent de la rivalité entre Bayonne et Biarritz. Une poignée de kilomètres séparent les deux stades et l'on se demande, vu de l'extérieur, comment un tel archaïsme peut encore subsister. On oublie que le rugby français est un rugby de terroirs et que chaque club a son histoire dont il est fier et jaloux. Ces clubs ont parfois vu le jour sur fond de querelles entre laïcs et cathos, entre rouges et conservateurs ou autre. Même si ces querelles se sont éteintes, les rivalités subsistent et il serait vain de prétendre qu'il suffirait juste de raisonner les dirigeants et les licenciés pour qu'ils se réunissent. En tout cas, on ne s'épargnera pas des assises du rugby français afin de tout réorganiser. Malheureusement, il y a tout à craindre qu'on passe à côté. Il y aura bientôt des élections et les frondeurs vont se diluer dans l'une ou l'autre des deux listes en présence. Deux listes, ça signifie clairement qu'il y a ceux qui veulent se maintenir et ceux qui veulent prendre la place. Les projets importent peu et ne servent qu'à occuper le public. Quoi qu'il arrive, il y aura des changements mais rien de bien bouleversant et rien qui permettra de dégager une élite pour dans quatre ans. C'est un peu comme en politique. Le bipartisme assure une alternance tranquille qui maintient les choses en l'état.

 

Coupe_du_monde_de_rugby_2015_ballon

Sur le jeu proprement, dit, j’observe que les Black ont une pointe de vitesse supérieure et que ça a toujours été. Ça leur permet de trouver des intervalles avant que les adversaires n’aient le temps de se replacer. On cite encore l'immense joueur qu'était Jonah Lomu. Il était impressionnant à cause de son gabarit mais, surtout, il avait une pointe de vitesse qui le rendait inarrêtable. D'où le nombre impressionnant d'essais qu'il a marqué dans sa carrière écourtée par la maladie. Cette vitesse, caractéristique des Néo-Zélandais, leur permet de profiter de tous les intervalles que leurs adversaires leur offrent, faute de pouvoir se replacer en défense assez vite. La grande leçon des quarts de finale aura été le nombre réduit de mêlées. Il en a résulté un jeu agréable à regarder et qui n'était pas cassé par ces va-que-j'te-pousse.

D’autre part, je remarque aussi que le jeu à la main paie. J'en profite pour saluer et féliciter les prises de vues sur le jeu par les caméras anglaises. On n'a jamais aussi bien vu le rugby et ce ne sont pas les vues sur les mêlées prise du dessus qui sont les plus importantes. Cette fois, on comprend vraiment les fautes sanctionnées par l'arbitre. Toujours est-il que lorsqu'on voit l’enchaînement des passes des joueurs en noir, on en a le souffle coupé. Ça se passe comme à l’entraînement. Bien sûr, ça n'est possible qui si l'on possède une bonne pointe de vitesse et donc un rythme cardiaque excellent. Alors, à côté de ces séances d'haltérophilie qui impressionnent les journalistes, il paraît pour le moins fondamental d'améliorer la vitesse des déplacements

La France a longtemps pêché par la faiblesse de son pack. Dès sa nomination comme sélectionner, Laporte (candidat à la présidence de la FFR) a éliminé tous les gabarits qui lui paraissaient inférieurs à ceux de nos adversaires. On peut le comprendre à l'ère du professionnalisme. Pourtant, même amateurs, les nations de l'hémisphère sud ont toujours aligné des monuments sans commune mesure avec ceux de l'hémisphère nord. Malgré tout, les Français ont parfois fait jeu égal avec elles et les ont parfois battues. Donc, tout ne passe pas dans le physique. Ces dernières années, on a donc vu des Français de plus en plus costauds, cherchant systématiquement l'affrontement, les mêlées ouvertes, les rucks, et choisissant les mêlées de préférence aux pénalités afin de montrer la supériorité du pack français. On ne peut pas dire que les résultats aient été à la hauteur. Il n'est pas étonnant que les joueurs vedettes de ces dernières années aient été Chabal, Papé ou Picamoles. En revanche, les vedettes des autres sélections étaient des trois-quart ou des ouvreurs comme O'Driscoll, Patterson, Wilkinson, Robinson (l'immense Jason Robinson!) et maintenant Savua, Carter, Sexton.

Je ne sais pas si ça se passe comme ça dans le Top 14 mais ce jeu de regroupements, d'affrontement au sol n'aboutit qu'à un pugilat avec ce que ça sous-entend de coups par dessous, de vengeances, de fautes au sol (comme quand on ne peut pas lâcher le ballon) et de son corollaire, les pénalités qui nécessitent des butteurs émérites mais pas forcément français. C'est comme ça qu'on se retrouve en matches internationaux avec des butteurs qui ne réalisent pas un 100 % quand les anglo-saxons, eux, en alignent. J'observe pourtant que, même dans ces phases de jeu, les Black sont supérieurs aux Bleus et que le joueur qui est en dessous du tas, libère proprement la balle pour le demi de mêlée qui peut relancer le jeu qu'affectionne les Néo-Zélandais, pendant que les Français se relèvent péniblement...

 

À l'occasion de la défaite des Bleus, on aime repasser ces rencontres où ils ont battu les terribles All-Black. Oh, il n'y en a pas des masses mais on a l'impression qu'il n'y a eu que ça. Les Français sont extraordinaires. Il suffit qu'ils soient une fois au sommet pour que le public s'offusque qu'ils puissent retomber. Voir les Champions du monde de football de 1998, éliminés dès le premier tour, quatre ans plus tard. Voir, au rugby, les vice-champions du monde de 1999 finir piteusement à la quatrième place quatre ans plus tard sous l'ère Laporte. Personne n'a pourtant trouvé à redire alors que là, il fallait tirer la sonnette d'alarme. Sur ces vidéos, donc, on voit des Français déployer un jeu fluide, avec des passes, des passes croisées et qui font jouer les trois-quarts. En 1999, archi-battus à la mi-temps, les tricolores sont remontés point par point et ont finalement battu les Néo-Zélandais. Il faut dire que, à l'époque, il y avait un excellent capitaine, Rafael Ibanez, un marqueur d'essais hors pair, Philippe Bernad-Salle, et surtout un butteur remarquable, Christophe Lamaison. Ce sont ses coups de pieds qui ont permis la victoire car, face au mur noir, on ne pouvait que passer par dessus. Aussitôt après ce match historique, le nouveau sélectionneur, Bernard Laporte commence par écarter ces trois joueurs. On connaît la suite, quatrième place en 2003 et élimination en 2007, en France. Alors, quand on l'entend dire aujourd'hui qu'il faut tout changer, on se demande pourquoi il ne l'a pas fait au cours des huit années où il avait carte blanche et lorsqu'il était ministre. Penser qu'il va faire à présent ce qu'il n'a pas fait avant est une vaste blague. Laporte n'est qu'un ambitieux et peut-être même un simple arriviste. Joueur, il a voulu devenir commentateur, puis sélectionneur. Entraîneur, il veut devenir président. Entre-temps, il aura été ministre. Il est prêt à dire n'importe quoi pour s'opposer et arriver à ses fins. Là, c'est encore plus facile en période de crise. Après la débâcle, on aura vite fait d'accuser ceux qui sont en place et qui en portent la responsabilité pour se tourner vers l'opposant qui n'aura qu'à dire : je vous l'avais bien dit. Comme il n'y a qu'une seule liste d'opposition, il y a des chances pour que ça marche. On se rappellera plus qu'il n'a pas fait mieux et qu'il a disposé de huit ans, au contraire de ses successeurs.

 

Et maintenant, quoi faire, justement ? Bien sûr, il faut conserver les acquis induits par le professionnalisme, à savoir la forme physique et la rigueur sur le terrain. Seulement, il n'y a pas que le physique. Quand on voit le parcours de l'équipe de France, on ne peut que sourire en se rappelant ces images de joueurs soulevant des haltères, escaladant des sommets, partant en stage commando avec le GIGN. Comme si les autres nations n'avaient pas aussi effectué une longue préparation physique avant la Coupe du monde. Comme si le rugby, c'était la guerre. Ensuite, il faut revenir au jeu à la main, aux passes précises et à tout ce qui fait le succès des autres nations. Toutes ne parviennent pas au sommet mais la France encore moins depuis qu'elle a confondu le rattrapage physique et le jeu rentre-dedans. Et puis, pourquoi ne pas rajouter un couplet à cette supplique pour faire jouer les trois-quarts : qu'on laisse le joueur qui a le ballon aller le porter tout seul dans l'en-but s'il en a la possibilité ? Le grand défaut des Français, c'est de vouloir à tout prix faire une passe pour faire marquer l'autre et montrer qu'on ne joue pas personnel. L'intention est bonne mais le résultat est le plus souvent funeste.

Maillot_XV_de_France_coupe_du_monde_rugby

Je pense qu'il n'y aura pas de grands changements une fois la défaite digérée. On en a beaucoup parlé sur le moment et c'est vite retombé. Je pense surtout qu'il se passera ce qu'on a déjà vu des dizaines de fois dans le passé. L'échec ou plus généralement les blessures et autres forfaits des joueurs vedettes du XV de France ont obligé à faire appel à des nouveaux, souvent peu connus mais qui se sont vite imposé au point de faire oublier les titulaires. On aura la réponse pour le prochain Tournoi des 6 Nations.

Enfin, ça paraît un détail tellement il y a à faire mais ça, au moins, ça coûte rien : revenir au maillot bleu pour les Bleus ou au maillot blanc quand il faut changer. Les jeunes rêvent depuis tout petits de revêtir ce maillot bleu. Jouer en rouge quand on est Bleu est un non-sens tout à fait inutile.

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