Parce que c'est Boulez
Décidément, ce blog va devenir une nécrologie si ça continue. Pourquoi parler de Boulez, alors ?
C'est que Boulez incarne plus que tout autre ce dont notre beau pays est capable. Voilà un musicien qui, comme tous les musiciens, cherchait à se faire connaître. Comme un peu partout les places étaient prises, il a cherché à se démarquer. Et voici qu'il « compose » de la musique à partir des mathématiques – à la manière d'un Xénakis – ou se met à faire de la musique « atonique » ; de la musique sans ton, donc. Et nos élites de s'ébaubir ! Faire de la musique sans ton, fallait y penser.
Avec le soutien de ses amis célèbres avant lui (très important d'avoir des amis célèbres), il a imposé ses vues. Dans un premier temps, il a bien eu la concurrence avec Marcel Landowski mais finalement, on l'a préféré. La droite au pouvoir cédait facilement aux pressions en matière culturelle. D'abord, parce que la droite n'a pour ainsi dire rien dans son magasin pour occuper le terrain de la culture. Ensuite, parce que ces concessions étaient une manière d'avoir la paix avec les élites de gauche. Enfin, parce que, au fond, la droite se fiche complètement de la culture.
Donc, Boulez a été rémunéré – et grassement – par l’État. Pour faire quoi ? De la musique atonique, donc, de la musique expérimentale. Il obtient de pouvoir créer une institution dédiée à la musique où il pourrait faire ce qu'il voudrait. Il ne s'en est pas privé. Il a donc touché l'argent du contribuable pour faire des recherches. Une de ses dernières trouvailles a été présentée vers la fin des années 1990. Un auditoire trié sur le volet a été convié à admirer (pas d'alternative bien sûr on aurait pu écrire les commentaires avant juste en lisant le dossier de presse comme assez souvent) le « travail » du maître et de ses disciples. La prestation a duré 2 heures. La musique en elle même n'a duré que 20 minutes… tout le reste a été consacré à « présenter le travail ». Il y avait là, quelques vingt années de recherches, peut-être plus ; tout ça pour créer 20 minutes de musique et d'une musique inaudible. Même parmi les présents, beaucoup ont trouvé que c'était un peu exagéré.
Le budget de la Culture, même sous Malraux, même sous Lang a toujours été restreint. Les ministres cités ainsi que les autres méritent d'entrer dans l'Histoire pour avoir réalisé des prouesses dont on parle encore, avec aussi peu de sous. Quoi qu'il en soit, nombreux sont les artistes, mêmes confirmés, qui font appel à l'aide publique pour continuer, pour acheter du matériel, pour se faire connaître un peu plus. Les créatifs ne manquent pas. En général, on leur oppose une fin de non-recevoir. Avant que « les caisses soient vides », elles l'étaient déjà pour la Culture ; à part quelques projets prestigieux et d'autres qui feraient mousser ceux qui ont lâché les pépettes. L'intérêt d'avoir un Ministère des Affaires culturelles, c'est de permettre au plus grand nombre – parfois appelé « le peuple » – d'accéder à la culture sous toutes ses formes. Avec Boulez, c'est pas vraiment le cas. Parmi les mélomanes, les spécialistes, seuls un tout petit nombre s'intéressait à ce qu'il produisait. Et c'est la gauche qui, outre la défense des artistes se doit de défendre les masses populaires qui a porté, soutenu et qui soutient encore Boulez et l'IRCAM. L'IRCAM et la musique de Boulez, c'est tout sauf populaire. Même les thuriféraires doivent se munir du mode d'emploi ( 1 heure 40 d'explications pour 20 minutes de « musique » donc) pour apprécier. Rien n'illustre mieux la primauté des intentions sur l’œuvre artistique que le cas Boulez. Rien n'illustre mieux l'apartheid culturel que Boulez : une infime minorité dans la minorité qui méprise la majorité parce qu'elle considère que la musique doit parler aux émotions et doit divertir. Écouter de la musique et danser dessus ? Ces gens sont d'un vulgaire !
Quelques années plus tard, Boulez avait refait parler de lui. Pas avec sa musique, bien entendu mais pour avoir réclamé que Paris dispose d'une salle de concert digne d'une grande capitale. À l'époque, personne ne s'est avisé de lui répondre qu'avec le pognon qu'il a touché pour lui-même et pour l'Ircam, il y aurait eu de quoi construire une belle et grande salle. Mais non ! On ne touchait pas à Boulez. C'était défendu. On peut le comprendre au prix qu'il nous coûtait. Personne pour seulement lui demander des comptes. Il est vrai, encore une fois, que le public, le contribuable, ignorait qu'une chose comme l'Ircam et sa musique pouvait seulement exister.
Léo Ferré qui en connaissait un rayon en musique avait choisi d'en rire sur la scène. Il tapait les touches de son piano au hasard et disait : « ça, c'est de la musique dodécaphonique ! »
Le pire, c'est que ça n'était même pas exagéré. Pour s'en convaincre, outre les vidéos qu'on peut trouver sur la toile, on lira les articles encyclopédiques consacrés à Boulez. Même à l'aide d'un dictionnaire d'usage courant (genre Le Robert) on n'y comprend rien. Il avait demandé à Jean-Roger Caussimon d'exprimer ce qu'il ressentait dans « Les spécialistes » :
On se sent à l'aise
Lorsque c'est Boulez
Qui s'empare de la baguette
Mais... c'est inopportun
Lorsque c'est quelqu'un
Qui "fait" dans la chansonnette
Et même pas dans le show-business!
et encore (tout seul cette fois) :
http://www.ina.fr/video/I00010351
La Musique?
Tu la trouves à Polytechnique
Entre deux équations, ma chère!
Avec Boulez dans sa boutique
Un ministre à la boutonnière
Dans la rue la Musique!
Music? in the street!
La Musica? nelle strade!
BEETHOVEN STRASSE!
MUSS ES SEIN? ES MUSS SEIN!
CELA DOIT-IL ÊTRE? CELA EST!
Dans la rue la Musique!