Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
28 février 2016

Retour à Paris : le râleur

Paris est redevenue la ville dont on parle dans le monde entier. Il a fallu des attentats horribles pour en arriver là. Un peu avant, Woody Allen avait voulu marquer son attachement à l'ex ville-lumière mais cette nostalgie d'époques où la capitale française régnait sur le monde n'avait pas attiré le public français.Rappeler le prestige de la capitale, l'influence qu'elle a eue sur les artistes de tout poil, écrivains, peintres, cinéastes musiciens est mal venu. Ça met les Français mal à l'aise alors que la ré-écriture de l'Histoire officielle insiste désormais sur l'apport des étrangers sans lesquels la France n'existerait même pas et sur les pages les moins glorieuses. Curieusement la droite dure et la gauche moralisatrice se retrouvent dans le dénigrement de la France. Les uns pour hurler au déclinisme, les autres pour gratter les vieilles plaies et les faire saigner sans interruption.

Pray for Paris

Maintenant, le monde entier rappelle les Français à leur devoir de mémoire et d'entretenir le prestige de Paris. Du monde entier sont parvenus des messages de sympathie, de soutien et d'assurance de prières pour ce pays si mal à l'aise avec les religions. Imaginer que des personnes étrangères puissent défendre les valeurs républicaines issues d'une Révolution qui fait référence sous toutes les latitudes, tout en appelant à « prier pour Paris » est tout à fait incompréhensible ici. Si les Français, et singulièrement les Parisiens, apprécient cet élan de solidarité, ils ne le comprennent pas. Alors qu'on nous dit et répète depuis des lustres que tout ce que la France a apporté au monde est négatif et que l'arrogance (réelle) des Français a semé le malheur, voici que les peuples du monde expriment, au contraire, une forme de reconnaissance. Nous aurait-on trompé et à quel moment ?

 

Retour à Paris en février. Pas vraiment la meilleure saison pour apprécier la capitale. On a eu des chansons sur les mois d'avril, de mai et d'août à Paris mais à ma connaissance aucune sur les mois froids. J'ai la nostalgie, moi aussi, d'une ville à taille humaine et, partant, vivante. La ville a été bien retapée, paysagée, piétonnisée (néologisme trouvé dans la presse locale), embellie. Pourtant, j'ai du mal à m'y retrouver. Des boutiques de fringues partout. Certaines ont des enseignes connues, visibles ailleurs, franchises, marques internationales. D'autres sont tenues par des jeunes qui ont voulu lancer leur affaire et gagner leur vie sans avoir un patron sur le dos. D'une fois sur l'autre, ça change. Paris est aussi envahie par les restos, petits et grands et par les débits de bidoche bien grasse, cuite et recuite mais qui sent bon quand on passe à côté. Un point commun, c'est cher. À côté de ça, les bistrots ferment, les épiceries, les cours des halles aussi. Les marchés de rues revendent des aliments de deuxième choix, de fin de matinée à Rungis, à côté de quelques commerçants soucieux de qualité. « Les Français sont prêts à payer un peu plus pour avoir la qualité ». Ça dépend lesquels. Les commerçants qui misent sur la qualité misent aussi sur un nombre réduit de clients mais qui ne regardent pas trop à la dépense quand ils sont entourés d'autres qui vendent des fraises, des oranges, du raisin, des tomates toute l'année à des clients trop contents de se faire un petit plaisir à bas prix. Quand on ajoute les agences immobilières, les agences d'assurances mutuelles ou étrangères, on a tracé les grands traits du paysage parisien d'aujourd'hui. Il faut encore parler des petits supermarchés qui occupent l'emplacement d'une ou parfois deux anciennes boutiques. Pas de quoi faire un supermarché mais, une fois dedans, on découvre un vaste espace dont on se demande à quoi il était occupé auparavant, tellement c'est grand. Et il y en a dans tous les quartiers et avec des enseignes plutôt discrètes quand on compare avec les autres marques, et surtout les mêmes, de la grande distribution en périphérie.

 

Justement, parlons commerce avec une petite visite de l'expo dont tout le monde parle : les mobiles en papier de soie d'Ai Wei Wei. Pas de problème, ça vaut le déplacement. En plus, c'est gratuit mais il faut entrer dans le grand magasin du Bon Marché, le plus cher de Paris. Il faut d'abord subir l'enfilade des stands des marques de luxe, les vendeurs, triés sur le volet, tenue impeccable, l'étalage de la richesse, croiser les manteaux de vraie fourrure, les jeunes aux maquillages les plus originaux, comme si de rien n'était. On entre dans un autre monde. Les dragons et autres monstres volants attendent sous la verrière. Finalement, ces créatures paraissent moins irréelles que la faune qui fréquente le magasin. Appuyés sur les balustrades des étages, d'autres visiteurs contemplent. Les smartphones sont mis à contribution pour immortaliser les œuvres. Mon appareil photo était en panne. Pas de pot. Derrière le BM, la petite chapelle dite de « la médaille miraculeuse » attire un autre public et quelques mendiants. C'est tenu par les Filles de la Charité, fondées par Vincent-de-Paul. Pauvre Monsieur Vincent ! Il doit se retourner dans sa tombe (s'il en a une) en observant un tel contraste. Ses lointains successeurs parlent encore de « charité » derrière le temple de la consommation de luxe de monsieur Arnault, le milliardaire plus connu sous le sigle LVMH. Aujourd'hui, ce n'est plus la fronde des seigneurs qui met le populo dans la misère mais la voracité et la cupidité des nouveaux seigneurs qui en veulent toujours plus.

 

Des nouvelles des projets

 

Gambetta

Des places parisiennes vont faire peau neuve. Fort bien. Seulement, quand on voit ce qu'est devenue la place de la République, on se dit qu'il vaudrait encore mieux ne rien faire. Partout, on chasse les voitures. Bon, c'est pas mal sur le principe. Partout on chasse les sans-abris. Partout on enlève les arbustes et les buissons. Partout on met des dalles et, leur corollaire, des corbeilles pour le tri sélectif. Ça ne vit pas. Ces places, ces placettes ré-aménagées sont vides et sans vie. Elles fonctionnent plutôt comme des repoussoirs. Parmi les places qui vont changer, celle devant la mairie du XXe arrondissement. Elle porte le nom de Gambetta et est ornée de panneaux de verre coloré pour former une figure abstraite (ou peut-être pas). À 50 mètres de là, derrière la mairie, se trouve un petit square où l'on a transféré une partie du monument à Gambetta qui se trouvait, autrefois dans la cour du Louvre. Je ne sais plus ce qui est arrivé à l'ensemble mais on l'a découpé et isolé la silhouette du grand homme. À ses pieds, des morceaux d'humains sans bras, sans tête ; résultat de la découpe. Gambetta méritait mieux. Curieux qu'on n'ait pas transféré le monument sur la place qui porte son nom. Curieux qu'aucune association « d'amis de Gambetta » n'existe pour défendre le grand homme et réclamer que sa statue soit mise sur la place. Il doit bien y avoir un moulage quelque part. On doit pouvoir le refaire même en pierre de synthèse. On se demande aussi ce qu'il va advenir de la place de la Nation. Une chose est sure : les bagnoles en stationnement vont disparaître. Où vont stationner les nombreux riverains ? Les alentours sont haussmanniens et ne disposent pas de garages privés comme dans le XVIe arrondissement. C'est pas la même population non plus. Les élus semblent vivre hors-sol. Il est vrai que nombre d'entre eux disposent d'une voiture de fonction.

 

Autre place qui va changer : la Bastille. Autrefois départ ou arrivée des grandes manifestations populaires, c'est aujourd'hui la station de métro des sorties branchées dans l'ancien quartier des artisans parisiens. Il faut donc les flatter. Ce sont eux qui votent. Bien sûr, l'opéra qui devait être populaire n'est pas oubliée dans l'histoire. Après avoir constaté que le carrelage de la façade se décollait déjà, on pense la « végétaliser ». Au moins, y aura-t-il un peu de vie mais toujours moins qu'à l'époque de la gare et des boutiques qui se trouvaient dessous.

 

Censier va déménager. La vieille fac, célèbre en Mai 68 ne peut plus être rafistolée. On a dépensé des fortunes en étanchéité, en peinture, en désamiantage et tout est toujours à refaire. Cette fois, on va la transférer dans le quartier Picpus à côté de la tour de l'Institut du Bois. Pas mal. On pouvait craindre pire. En fait, comme d'hab, tout ne va pas tenir dans les nouveaux locaux et déjà on pointe les insuffisance. Je me disais : pourquoi ne pas profiter de la démolition pour mettre à jour la Bièvre qui passe dessous ? Censier a pris la place de la Halle aux Cuirs, et la Bièvre dans Paris servait surtout au lavage des peaux et des tapis (des Gobelins). Les lavandières sur les vieilles tofs se trouvaient près de la poterne des Peupliers. Las, il est question de conserver Censier et toutes ses annexes faute de place suffisante à Picpus. Il y a 30 ans et plus, on en parlait déjà. On pensait alors à Marne-la-Vallée qui était la solution à tous les problèmes de Paris. On a pensé aux Grands Moulins à Pantin mais c'est finalement Soufflet (Baguépi, Cérérif) puis BNP-Paribas qui ont raflé la mise. Moi, j'aurais bien vu un vaste campus regroupant Censier et Jussieu sur les terrains des Grands Moulins de Paris (décidément) sur le quai de la Gare, libérant du foncier pour une juteuse opération immobilière. Pour une fois, j'aurais approuvé. C'était ce que voulait aussi Tibéri mais comme personne ne pouvait le blairer, tout le monde était contre. On a donc réhabilité l'horrible tour de Jussieu qui est comme un furoncle quand on regarde Notre-Dame et qu'on voit ça pointer derrière les toits du Quartier Latin. Et puis, Tonton voulait de la place pour sa Grande Bibliothèque.

10635767_725197860900026_5667966865141606241_n

Et la Bièvre ? C'était un projet phare du premier mandat de M. Delanoé comme maire. Trop cher ! Abandonné. On n'a même pas cherché à faire un travail au rabais, en attendant mieux. Justement, on aurait pu, outre le curage et le nettoyage de l'affluent, ouvrir la couverture dans le square Le Gall et à l'emplacement de Censier démolie. On aurait pu ouvrir dans tous les secteurs en travaux. Il n'en sera rien. D'ailleurs, tout le monde s'en fout. On s'est habitué à ne pas voir la Bièvre. Un peu comme si, à Marseille, on voulait retrouver le Jaret. Déjà qu'on peut pas circuler dans la cité Phocéenne à cause de l'incompétence des élus et des hauts-fonctionnaires depuis des décennies.

https://www.facebook.com/media/set/?set=a.725183367568142.1073742269.242455849174232&type=3

10423919_725189840900828_7600927476711644029_n

 

Plus loin, en aval de la Seine, le pont d'Iéna s'effondre. On sait y faire. On va injecter du béton, délicatement, entre les pieux de bois sur lesquels reposent les piles les plus anciennes. En attendant, on a cerclé les piles du tablier et des bas-côtés. N'aurait-il pas mieux valu refaire un pont tout neuf ? On peut rêver d'une passerelle légère entre les jardins du Trocadéro et les pieds de la Tour-Eiffel puisque les piétons qui l'empruntent, sont principalement des touristes qui vont des uns à l'autre. Aujourd'hui, ils doivent affronter la circulation démentielle des quais. Ça faciliterait bien les choses et permettrait aussi de redistribuer la circulation automobile. Bien sûr, un peu de béton, même délicatement introduit doit coûter moins cher que tout refaire. Et puis, il se trouverait bien des amoureux des vieilles pierres estampillées du « N » impérial, soutenus pas l'opposition municipale, pour s'insurger. Un pont, ça ne rapporte rien. La « Tour Triangle » pourra être louée tandis qu'on ne va pas instaurer un péage pour un pont sur la Seine qu'il serait facile d'éviter.

 

Pour la zone de Tolbiac, les projets ne manquent pas. La Cité de la mode et la Grande Bibliothèque en sont les produits phares et la halle Freycinet va rouvrir. Pourtant, aucune unité architecturale là-dedans. On procède par à-coups. Mitterrand voulait sa bibliothèque et il va falloir faire avec pendant longtemps alors qu'elle n'est pas fonctionnelle du tout. L'entrée est catastrophique, les livres sont exposés à la lumière et les chercheurs ont du mal à réunir les documents, les outils de recherche, l'espace d'étude dans un périmètre réduit. Surtout, la Sncf, propriétaire des terrains, a manqué le coche pour construire une grande gare internationale, accessibles en voiture individuelle, en métro, en bus voire même en tram. Or, elle a besoin d'un tel équipement, pour soulager la Gare de Lyon, juste de l'autre côté de la Seine et qui est ultra-saturée, la gare Montparnasse qui est en voie de saturation avec l'augmentation du trafic TGV couplé à un fort réseau de banlieue. C'est d'autant plus étonnant qu'un projet de la fin des années 1950 prévoyait le renvoi des grandes gares parisiennes à la périphérie, leur démolition pour faire de la place à des tours ou des voies rapides et la gare d'Austerlitz devait être la première sacrifiée. Au lieu de ça, on la rafistole après l'avoir presque abandonnée quand les grands express vers la péninsule ibérique – dont le fameux Sud Express – ont été retirés. Voilà une vieille gare difficile d'accès surtout en métro : une station aérienne qui traverse la toiture et une autre très profonde sans que des aménagements soient possibles. Il faut autant de temps pour descendre de l'une à l'autre que pour faire Bastille-Austerlitz en métro. Ces escalier ! Pratique quand on a des bagages…

1920251_725192587567220_7130690699598863193_n

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 689
Newsletter
Publicité