Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
20 mars 2016

Régionalisation (5) : des communes

Cette fois, la régionalisation est bien en marche. Elle progresse, silencieusement, insidieusement, même. C'est plutôt sur le silence qu'il faut insister car la campagne pour les élections de décembre dernier n'a pas passionné. Quelques semaines avant les élections, il ne se passait rien. Les sondages n'en avaient que pour les intentions de vote pour le FN. On ne savait même pas pour quoi on allait voter puisque la plupart des listes ne sont pas constituées et l'on en était encore à se demander avec qui tel ou tel grand parti allait faire liste commune et si ça serait pareil dans toute la France. Il n'y en avait que pour les conflits. Rien de tel pour donner une image de la régionalisation.Je retiendrai surtout qu'on a voté pour des listes départementales dans la mesure où je soutiens que la nouvelle régionalisation peut être une chance pour donner au département un rôle de premier plan dans l'édifice de la décentralisation, en renforçant son caractère de territoire de proximité, à même de s'occuper de la promotion des particularités : langue, terroir, patrimoine, culture notamment mais pas que. Le problème, c'est que les partis de gouvernement y recyclent les recalés des scrutins précédents ; ce qui ne va pas dans le sens du renouvellement de la classe politique. En plus, peu avant le début de la campagne, il y a eu de nouveaux attentats. Le scrutin qui ne passionnait a vu les électeurs penser à tout autre chose.

Pourtant, la régionalisation avance à pas de loup. À peine bouclées les élections cantonales – rebaptisées « départementales – que l'on préparait le prochain mauvais coup. En effet, la réforme consistant à fusionner deux cantons existants afin de pouvoir y mettre deux élus sans pour autant doubler leur nombre dans la chambre départementale est passée, pour ainsi dire, comme une lettre à la poste. Il y a bien eu quelques protestations lorsqu'il s'est agi de réunir ces cantons en ôtant une commune par ci et en rajoutant deux par là mais rien de bien méchant. Les appareils des partis sont trop occupés par les affaires nationales, par les disputes intestines, par l'esbroufe médiatique, pour s'intéresser à ce qui se passe en province ; qu'on est prié, instamment, d'appeler « régions ». L'abstention a pourtant été forte mais ça ne fait pas réfléchir pour autant les états-major qui, comme pour la plupart des sujets qu'ils traitent, s'obstinent à ne pas entendre les signaux adressés par les électeurs.

 

Ce mauvais coup n'est autre que la suppression des petites communes. Pensez : 36 552 (ou 36 685 selon les interprétations) communes ! Les pays comparables n'en ont pas autant. C'est là la source des gaspillages, des dérapages budgétaires, de la charge fiscale etc. Tout est bon pour accuser son chien quand on veut le noyer. Force est de constater que le coup a été préparé de longue date et se nourrit de tout ce qui peut le favoriser. Petit rappel historique.

Les Communes ont été créées à la Révolution et ont pris la succession des Paroisses. Désormais, l’État, tout aussi central que sous l'ancien régime, dispose d'un relais au plus proche de la population et décharge l’Église des tâches d'état-civil notamment pour la confiner dans la sphère strictement privée. Le nombre élevé de Communes vient donc du nombre élevé de Paroisses. Et encore, on a supprimé jusque dans l'immédiat après-guerre, nombre de petites communes rurales. Environ 18 000 communes comptent moins de 400 habitants et même quelques unes moins de 100 habitants.

En montagne, par exemple, il n'est pas rare que deux agglomérations soient côte-à-côte tandis que chacune d'elles possède des hameaux éloignés voire très éloignés, voire de l'autre côté de gorges, qui sont plus proches d'une autre commune que de celle à laquelle ils sont rattachés. C'est pratique pour accomplir des démarches ou pour le ramassage scolaire...

Ces archaïsme, ces absurdités, ne sont pas les fruits d'une inclinaison française pour la paperasserie ; contrairement à ce qu'on nous fait croire. Non, ces nombreuses communes françaises résultent du poids démographique de notre pays tout au long de l'Histoire. Peu de pays sur le continent européen ont connu une population aussi forte sur un territoire à peu près stable et qui s'est agrandi au fil des siècles. Faut-il encore rappeler que l'Allemagne et l'Italie n'existent que depuis un siècle et demi environ ? Leurs territoires ont connu au cours de leur existence des fortunes diverses et des modes d'administrations variés. Peut-on comparer Hambourg, capitale de la puissante Ligue Hanséatique avec Munich et la Bavière rurale ? Peut-on mettre dans le même panier le belliqueux Bismarck avec le pacifiste Louis II, tout entier à la protection des arts ? Ces deux pays, unifiés par les armes au 19e s. ont connu aussi et en même temps, une tragédie lorsque leurs populations ont amené au pouvoir les pires dictatures. Leurs reconstructions se sont faites différemment de celle de la France qui voulait renouer avec son passé glorieux ; chose que le Général De Gaulle appelait « la grandeur de la France ».

On a vu précédemment comment ce Gouvernement excelle dans l'art de ne pas faire ce qu'on attendait de lui et d'imposer ce que personne dans son électorat et au-delà ne lui demandait. Si l'on souhaitait une réforme des Conseil Généraux, personne n'avait demandé celle-là. Idem pour les Régions. Il avait bien été question de regrouper des Régions et de leur donner une dimension européenne mais l'on espérait aussi que ces regroupements se feraient sur la base des vœux des habitants concernés. Or, on a tout de suite prévu et prévenu les Bretons qu'il n'était pas question que Nantes retrouve le giron breton. Tout a été fait en ce sens. On dirait même que la loi a été écrite pour prévenir toute tentative ultérieure.

Le commissariat général à l’égalité des territoires, dans un rapport publié le 21 janvier 2015, préconise la dissolution des 36 000 communes de France dans près d’un millier d’intercommunalités. Il suggère aussi que le nombre total d’intercommunalités ne devrait pas être supérieur à 1000 (2108 actuellement) et encourage, par conséquent «la fusion de communes», «et surtout les créations de communes nouvelles». A terme, le rapport suggère que la clause de compétence générale des communes soit transférée aux intercommunalités. Où l'on voit que l'on cherche à transformer les Communes en coquilles vides. On voit d'ici le moment où l'on annoncera qu'on n'a pas touché aux Communes auxquelles les Français demeurent attachés.

Dans cette affaire, le très droitier président des Maires de France mène la bataille relayée par Le Figaro qui a pourtant participé à la campagne menée contre « le mille-feuilles administratif » avec l'épisode suivant « les 36 000 communes ». Il est vrai que la droite s'appuie sur un socle de communes rurales conservatrices à même d'assurer la majorité au Sénat le moment venu. Il semble bien, d'ailleurs, que ce soit le marché conclu entre le PS et LR : soutien à l'évidement des Communes tout en conservant des maires grands-électeurs. Ainsi, tout le monde sera content, sauf, bien sûr, les citoyens privé d'un peu plus de pouvoir et qui voient le premier échelon de la démocratie se dérober sous leurs pieds.

 

communes

Quoi qu'il en soit, la suppression des communes a commencé et la marche est inexorable. L’État PS (mais LR aurait fait pareil) n'a pas pris le risque de proposer une réforme territoriale au risque de soulever de nouvelles polémiques. Il a simplement décidé de baisser la dotation aux communes. Ainsi, les maires des petites communes, celles de moins de 5000 habitants, ont été contraints de se regrouper afin de conserver un minimum de moyens sans augmenter la pression fiscale. Des communes de quelques centaines d'habitants se retrouvent ainsi noyées dans des groupes aux noms improbables (souvent liés à un ruisseau ou une colline) d'environ 1500 habitants. Et ce n'est pas fini. On parle déjà de ne rien avoir qui soit inférieur à 10 000 voire 20 000 habitants. C'en est fini de la démocratie locale et, bien sûr de la ruralité avec son corollaire qu'est la paysannerie. Sur ce dernier point, c'est la voie ouverte aux fermes industrielles avec des millier d'animaux en batterie et des engins monstrueux inadaptés au territoire français disposé en petites et moyennes parcelles. En d'autres termes, c'est la fin des dimensions à l'échelle humaine. Dans un premier temps, c'est-à-dire jusqu'aux prochaines municipales, on aura encore des mairies annexes partout où il y avait une commune. Après, tout sera regroupé, y compris le personnel municipal. Le cantonnier de Fernand Raynaud qui se proclamait « Heureux ! » est bel et bien enterré et avec lui ce qui faisait cette qualité de vie à la française qui était enviée par le monde entier.

 

Autre modification qui est passée comme une lettre à la poste : désormais (déjà depuis les dernières municipales) dans les communes de moins de 5000 habitants, on ne peut plus voter pour quelqu'un qui n'a pas déposé sa candidature. On ne pourra plus rayer des noms sur une liste et en rajouter etc. Tout un pan de la démocratie est balayé sans que personne ne bronche faute d'être au courant. Et ça va continuer car les médias ne s'intéressent pas à la France des terroirs et des petites communes mais seulement aux grands ensembles et aux villes qui posent des problèmes de criminalité et de délinquance. Avec les Métropoles, ils vont être servis. D'autant que, vu de Paris, on ne comprend pas pourquoi, par exemple, Aix et Marseille ne peuvent pas se regrouper. Mais qu'on écoute un peu les habitants, les citoyens, les humains !

Avec ces changements par petits coups, par à-coups, par coups-bas, on est en train de transformer complètement le cadre de vie et la façon de vivre en France. Alors que des projets se font de plus en plus entendre pour promouvoir un revenu de base universel, apte à relancer l'économie (ce qui compte le plus pour nos élites), à lutter contre la désertification des agglomérations, à en finir avec la précarité et les travailleurs pauvres, nos gouvernants, bornés, s'entêtent à rafistoler l'existant et aménager le territoire pour qu'il soit compatible avec les besoins des plus grandes entreprises globalisées.

C'est là que va se jouer l'avenir de la France et c'est sur ce terrain qu'il va falloir lutter sans relâche contre un ennemi omniprésent capable de porter des coups décisifs sans qu'on les voie venir et presque sans douleur sur le moment.

 

http://www.lagazettedescommunes.com/138694/conclure-la-decentralisation-par-referendum/

 

http://blogs.ac-amiens.fr/0021476u_histgeovinci/index.php?post/2011/10/20/36%C2%A0700-communes%C2%A0%3A-un-attachement-fran%C3%A7ais

 

http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2015/02/suppression-des-36000-communes-fran%C3%A7aises-.html

 

http://www.ladepeche.fr/article/2015/06/14/2124417-on-ne-touche-pas-aux-communes.html

http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/fusion-des-communes-exemples-etrangers

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/intercommunalite/peut-on-faire-disparaitre-communes-2.html

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 703
Newsletter
Publicité