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la lanterne de diogène
18 mai 2016

MAYA partir

Donc, un jeune canadien de 15 ans, William Gadoury, aurait découvert une cité maya inconnue jusqu'à présent. Pour ce faire, ce passionné – comme on peut l'être à son âge – a utilisé les outils à sa disposition aujourd'hui et, pour ainsi dire, sans sortir de sa chambre. Il a comparé des images, notamment, et ça lui a mis la puce à l'oreille pour échafauder une hypothèse : et si les mayas, qui comptaient nombre de bons astronomes, avaient construit leurs cités en réseau qui reprend le schéma de constellations ?

Bingo ! La superposition de cartes coïncident. Et voilà le monde Internet, médiatique puis scientifique en émoi. D'abord, le premier salue l'exploit de ce jeunot, le deuxième s'empare de la chose, persuadé que le public est avide de fraîcheur et d'innocence dans ce monde de brutes, enfin le troisième, quand il s'est réveillé, a tout de suite mis le holà. Son argument est que cette hypothèse ne repose sur rien. Remarquons en passant que leur holà ne repose sur rien non plus sauf si l'on insinue que les scientifiques, archéologues et autres spécialistes se trouvent fort marris de s'être fait souffler la vedette. D'un manière générale, c'est tout à fait humain de se voir battu sur son terrain par un gamin quand on a de la bouteille et des heures de vol. « La valeur n'attend pas le nombre des années », disait le grand Pierrot mais c'est toujours aussi dur à avaler.

En fait, les scientifiques, surtout dans notre beau pays de France, façonné par un rationalisme qui a remplacé la raison, récusent le droit pour tous ceux qui ne sont pas du sérail, d'exercer, même en amateur, même pour le plaisir, leur métier. C'est l'éternel conflit entre le public et les critiques. Nous, les critiques, qui avons étudié pendant des années le sujet, nous ne pouvons pas tolérer que des néophytes, des gens qui n'y connaissent rien, donnent leur avis à égalité avec nous. Bien sûr, la télévision et, maintenant, l'Internet, augmentent ce nivellement en mettant sur le même plan, monsieur ou madame Tout-le-monde et les spécialistes.

S'y ajoutent parfois, des considérations bassement financières : comment justifier des rémunérations institutionnelles, parfois mirobolantes, et l'absence de résultat d'un côté tandis que, de l'autre côté, la recherche privée, amateur, obtient des résultats et quasiment sans moyen ? Les exemples abondent. Prenons la recherche sur le cancer, largement financée, avec les plus grands groupes pharmaceutiques multinationaux sur le coup et, finalement, des résultats indigents au regard des sommes investies et du temps passé. D'un autre côté, le professeur Solomidès, avec une petite équipe, obtenait des résultats. Plutôt que de les vérifier sur la longueur et la fréquence, on a préféré opposer tout de suite une fin de non recevoir : le professeur et son équipe ne sont pas homologués. À partir de là, fin de la discussion. Curieux que des scientifiques avancent un argument qui revient à dire : c'est une exception, on ne sait pas tout, peut-être même que le malade ne l'était pas tant que ça et donc, ça ne prouve rien.

On retrouve un peu la même démarche avec les fameux « lanceurs d'alerte » qui commencent à peine à être pris en considération alors que, pendant des décennies, on leur disait tout simplement qu'ils n'avaient pas le droit de. Souvenons-nous de l'affaire Aranda. Idem dans le milieu scientifique si vous n'avez pas le diplôme adéquat. Qu'importe si vous en avez un plus fort ou plus prestigieux : vous n'avez pas celui qui est reconnu. C'est ce que les ancêtres des scientifiques d'aujourd'hui avaient opposé à Marie Curie qui venait d'obtenir une récompense étrangère (le Prix Nobel) pour lui interdire l'entrée de l'Académie des Sciences.

Plus prosaïquement, il suffit de voir comment l'on traite les économistes qui se démarquent de la pensée unique, de la doxa imposée depuis 40 ans par le manuel de Barre, comment l'on traite les candidats à la présidentielle qui proposent autre chose que le discours rabâché depuis des années par les uns ET par les autres pour comprendre la réaction des scientifiques français, notamment.

Pensez, eux qui ont gratté le sol, accroupis, suant et tirant la langue sous le soleil ou piétinant dans les flaques d'eau, qui ont dormi dans des hamacs, ont subi les piqûres de bestioles infectes, ont bu de l'eau corrompue pendant des années puis lutté pour imposer leurs travaux, les faire éditer, les diffuser. Voici qu'ils se font coiffer par un minot bien propre sur lui et à peine entré dans l'adolescence. Pensez, à cet âge, le cerveau n'est pas encore totalement formé… Dire qu'on était sûr, il y a encore peu d'années, que les bébés n'avaient pas de sensibilité et qu'on a fait subir à certains des tortures, persuadé qu'ils ne sentaient rien...C'était scientifique !

Le grand capital, lui, n'a pas ces scrupules. Depuis des années, il s'est intéressé aux savoir ancestraux, aux remèdes qu'on qualifierait ici de « bonnes-femmes », des plantes médicinales exotiques. Ils ont étudié leurs vertus, échangé avec les indigènes qui s'en servent pour, aussitôt, les breveter et leur en interdire l'usage à moins de leur payer un dû. Ainsi, soit ils empêchent leur usage, soit ils les commercialisent à leur profit.

Votre serviteur a parfois rencontré dans sa vie des personnes occupant des responsabilités dans des domaines de recherches, qui n'avaient aucun goût, aucune passion pour leur sujet mais qui s'étaient lancés là-dedans, à l'âge de notre jeune québécois, simplement parce qu'il y avait de la place. Ils ne montraient à leur poste aucun intérêt pour la chose, investissaient dans des locaux et du matériel (donc avec inaugurations officielles par des huiles histoire de se faire bien voir) mais rien dans la recherche et, au contraire, s'efforçaient de limiter leur champ d'action, au grand dam de quelques uns de leur collaborateurs passionnés, pour qui c'était une vocation. D'ailleurs, pour être bien sûr de ne pas être embêtés par ceux-là, on leur confiait des tâches subalternes, administratives, dans lesquelles ils s'ennuyaient à mourir et où ils avaient, par conséquent, peu de chance d'obtenir des promotions. De leur côté, les incapables prenaient les bonnes places car, au moins, ils savent obéir et ne pas bousculer les habitudes. « Médiocre et rampant et l'on arrive à tout », fait dire un autre Pierrot à Figaro. En d'autres termes, ça n'est pas nouveau mais l'on peut penser que c'est plus navrant encore aujourd'hui dans la mesure où l'on a l'expérience.

Plus près de nous et dans un domaine moins risqué, qu'on se souvienne de la polémique autour du livre du comédien Lorànt Deutsch (drôle de prénom) sur Paris… Un théâtreux n'a nul droit de raconter des histoires sur la capitale et encore moins de gagner de l'argent là où les ouvrages spécialisés prennent la poussière dans les bibliothèques bien dotées. Avant lui, les enseignants André Castelot et Alain Decaux ont été traînés dans la boue pour avoir vulgarisé l'Histoire à la radio et à la TV. Le populo se passionnait pour l'Histoire à présent. Et il n'y connaissait rien. Et il mélangeait tout. Et la petite histoire prenait le dessus sur la grande. Horreur ! On veut bien la démocratie mais à condition que chacun reste à sa place. Où irions-nous si les autodidactes et ; pire encore, le grand public se mettaient à discuter de points d'Histoire !

 

maya enfouie

Alors, quand on n'est pas scientifique mais simple érudit, on se dit que, quand une nouvelle d'importance comme la découverte d'une cité maya inconnue, enfouie dans la jungle du Petén sort au grand jour, la moindre des choses serait de chercher à la vérifier. Là, on a utilisé la martingale habituelle de l'administration : circulez, y a rien à voir ! Il lui est reproché que ça ne repose sur rien mais ses contradicteurs n'ont rien de mieux. On peut même penser qu'ils vont dépenser de l'énergie pour dissuader quiconque d'aller vérifier sur place. Quand bien même irait-on et qu'on trouverait quelque chose, gageons que les mêmes s'empresseront de minimiser la trouvaille. D'une cité (possible) on fera un simple hameau, d'une pyramide (possible), on fera un lavoir. Pourtant, quiconque connaît un peu les lieux sait que quantité de pierres, visibles depuis les sites accessibles, sont couvertes de végétation. Donc, les cités connues étaient plus importantes que ce qu'on en voit. D'autre part, en circulant en pays maya, on est parfois surpris de voir, en rase campagne, de drôles de collines, de forme presque géométrique. On peut penser que quantité de vestiges sont envahis par la végétation mais qu'on n'a pas les moyens de les nettoyer. D'ailleurs, là-bas comme ici, nombre de gens ne le souhaitent pas. L'arrivée de spécialistes signifie des emmerdements, des surfaces neutralisées, l'arrêt de travaux ou d'exploitation quelconque etc.

 

orion pyramides

Inutile de rappeler à tous ces pisse-vinaigre que c'est comme ça que Champollion a déchiffré la langue de l’Égypte ancienne, que le premier vaccin a été découvert, que la pénicilline aussi. C'est aussi avec un raisonnement de ce genre qu'on a établit que les planètes du système solaire sont espacées régulièrement sauf entre Mars et Jupiter où se trouve, curieusement la ceinture d’astéroïdes. C'est aussi grâce aux vues prises par les satellites qu'on croit que les grandes pyramides d'Égypte sont disposées comme les étoiles formant le baudrier d'Orion. Là, on n'a pas craint de superposer des images alors même que c'est un peu tiré par les cheveux. Qu'importe, ceux qui l'affirment ont l'autorité pour. Autant de petits Galilée qui affrontent le scepticisme des uns allié à la défense des prérogatives des autres. Le jeune William Gadoury ne fera sûrement pas carrière dans l'archéologie. Il devra monter sa propre boite ou travailler dans un bureau d'assurances pour gagner sa vie dignement. Espérons pour lui qu'il pourra se payer un voyage en pays maya et, peut-être même à travers la jungle. Comme il vit dans un pays où l'on n'a pas d'a priori, déjà des spécialistes et autres se proposent d'aller vérifier et de l'emmener. Je lui laisse, s'il me lit, le soin de méditer sur ces vers de Jeannot : « Je ne sais de tout temps quelle injuste puissance laisse le crime en paix et poursuit l'innocence ».

 

 

http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2016/05/08/un-adolescent-de-15-ans-decouvre-une-cite-maya

http://rue89.nouvelobs.com/2016/05/12/cite-maya-deroute-journalisme-scientifique-264010?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#link_time=1463039965

http://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/une-cite-maya-decouverte-par-un-adolescent-quebecois-les-raisons-de-douter_1446084.html

http://www.lefigaro.fr/culture/2016/05/11/03004-20160511ARTFIG00180-un-expert-dement-la-decouverte-d-une-cite-maya-par-un-jeune-quebecois.php

http://www.journaldequebec.com/2016/05/12/une-mexicaine-tentera-daller-sur-les-lieux-de-la-cite-maya-perdue

http://www.journaldemontreal.com/2016/05/07/un-ado-decouvre-une-cite-maya

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