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la lanterne de diogène
22 septembre 2016

Sarkozix

Cette rubrique où je m’autocongratule n’est pas la plus remplie et pourtant…

 

Cette fois – comme quoi tout peut arriver – c’est l’ancien Président de la République, j’ai cité M. Nicolas Sarkozy, lui-même, qui apporte de l’eau à mon moulin. Je fais même d’une pierre, deux coups puisque je rappelle que j’ai ouvert ce blog pour proposer un angle de vue essentiellement différent de ce qu’on entend partout.

Notre ancêtre Astérix

Astérix a trouvé Alésia

Lorsque je prétendais et tentais de démontrer que notre ancêtre n’est pas un « Gaulois inconnu », sans visage ni sépulture, mais un petit bonhomme, inventé par le génie de René Gossiny et le crayon d’Al Uderzo. La ficelle est classique : on transpose dans un monde imaginaire, notre société contemporaine afin de pouvoir mieux la critiquer. La Fontaine, en son temps, avait choisi de mettre en scène des animaux. Dans notre monde contemporain, les animaux sont connotés enfantins. D’où le mépris pour les fables de La Fontaine et leur éviction progressive des programmes scolaires. Montesquieu a eu recours à des chroniqueurs iraniens imaginaires. Gossiny et Uderzo ont préféré transposer dans une Histoire imaginaire les travers de notre monde. À l’époque, il s’agissait de moquer la France des années d’expansion et la France gaulliste avec ses antagonismes et ses modes délirantes.

Le succès a été tel que la fameuse bande dessinée s’est imposée comme une référence après avoir investi de nombreux domaines, parmi lesquels ceux qui sont familiers du grand public. Outre les journaux, Astérix a fait des incursions à la radio, sous forme de feuilleton, au cinéma d’animation (logique), et surtout dans la publicité. Ceux qui avaient la bonne idée de s’offrir les services d’Astérix étaient assurés du succès. D’autant plus que la publicité se déclinait sur différents supports, y compris les magasines de BD concurrents de Pilote dont le slogan était : « Le journal d’Astérix ». La prise au sérieux de la BD, considérée comme le 9e art, a eu pour première conséquence un déplacement du rapport à la caricature constituée par Astérix. Conjugué avec l’éducation de masse, on a pris l’habitude de croire qu’Astérix évoluait dans le monde tel qu’il était à son époque. D’ailleurs, il y croise des personnages réels comme Cléopâtre et Jules-César, tout comme Alix, autre héros de la bande dessinée historique. Comme au cinéma, on a pris l’habitude de considérer deux genres : les comédies et le cinéma réaliste. Finalement, Astérix et Alix traitent également la même période, sauf qu’un prétend faire rire tandis que l’autre privilégie l’aventure humaine. Finalement, avec les deux, « on apprend des choses ». Cette formule a été très en vogue à une époque où l’on se piquait de vouloir « apprendre des choses » tout en se divertissant. La société des loisirs est passée par là. Elle complète parfaitement l’école laïque et obligatoire prolongée, comme par hasard, à la même époque, jusqu’à 16 ans ainsi que la société de consommation en pleine apogée.

 

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On a tous en tête cette carte de « la Gaule » en tête des albums. C’est le point de départ de la confusion qui n’avait pour but que de caricaturer l’hexagone et montrer ce qu’il en était auparavant. Rappelons aussi que c’était l’époque où l’idée de régionalisation pointait après le livre de Lafont paru en 1958. Donc, notre duo facétieux a calqué cette idée pour rappeler les noms des régions d’autrefois, des « provinces » selon le terme romain. De même que le latiniste Gossiny aimait à rappeler les noms des villes du temps des Romains ; à commencer par Condate (Rennes) qui n’était pas un nom latin. Dès qu’on a survolé cette page de garde, commence le véritable mythe astérixien d’une France qui s’appelait la Gaule avant (avant quoi?), peuplée de Gaulois, nos ancêtres, et possédant déjà cet esprit frondeur au point de résister à l’envahisseur romain. Ne pas oublier que les adultes de l’époque avaient presque tous connu l’occupation allemande et qu’on en voyait encore des traces.

Comme l'a fait remarquer un internaute, Soyons aussi honnête de dire que le débat sur les Gaulois est une façade bien rigolote qui permet de se moquer de notre cher ancien président. 24 heures après sa saillie sur « nos ancêtres les Gaulois », il n’est certainement pas anodin de constater que tout ce qu’on lui a opposé sur le mode humoristique appartient au registre astérixien, à commencer par Sarkozix et en continuant avec la relance de l’industrie du menhir. Justement, le menhir comme les sangliers, sont les marques de fabrique d’Astérix. Aujourd’hui, les deux auteurs devraient probablement les breveter. Seulement, à l’époque, la bande dessinée n’avait pas cette prétention et pour caricaturer les années d’expansion, les auteurs ont eu l’idée géniale d’inventer une industrie du menhir, à côté de la fabrication artisanale des serpes d’or et de la chasse au sanglier.

 

D’un autre côté, la force des médias est telle aujourd’hui qu’à peine un discours commencé, qu’on le commente sans attendre la suite et la fin. De tout le discours de M. Sarkozy, on n’a retenu que « nos ancêtres les Gaulois ». Dès lors, on considère que si lui le dit, c’est forcément pour le revendiquer et le jeter à la figure de ceux qui ne sont pas d’origine gauloise. Peu importe le reste de la phrase. Peu importe qu’il ait rappelé aussitôt ses propres origines étrangères et invité tous ceux qui sont dans son cas à « assimiler » le récit national du pays d’accueil. Des journalistes un peu plus consciencieux ont ressorti un de ses discours datant d’il y a dix ans et dans lequel il rappelait que la France était constituée d’une population d’origines multiples. Dans son esprit, les deux ne sont pas contradictoires puisqu’il appelait simplement à revendiquer l’Histoire d’adoption, à la manière des convertis.

 

On observera aussi que cette paresse intellectuelle consistant à isoler une formule et la commenter à l’envi, a accompagné les sketches des « Guignols de l’info » au point d’être tenus pour la réalité. C’est d’ailleurs ce qui se passe avec Astérix : il suffit de quelques détails empruntés au réel pour faire vrai. Ainsi, le livre écrit par Thierry Rolland « Tout à fait Jean-Michel » est devenu « tout à fait Thierry » après la parodie du célèbre duo par « les Guignols ». Idem pour « le monsieur te demande ». « Mangez des pommes ! », lancé par les mêmes « Guignols » pour se moquer du vide du programme du candidat Chirac à la présidentielle est devenu l’emblème de sa campagne électorale sur les conseils de la propre fille de M. Chirac qui avait bien compris qu’on ne pouvait pas lutter contre la prescription médiatique et qu’il valait mieux s’en servir. Bien lui a pris puisque M. Chirac avec la pomme comme emblème a remporté l’élection.

 

Le plus aberrant dans l’affaire, c’est qu’il est parti, lui aussi, comme ses contradicteurs, du postulat selon lequel on a tous appris à l’école « nos ancêtres les Gaulois ». Pourtant, bien peu sont les personnes encore en vie à avoir appris cette formule. C’est exactement comme ces gens qui prétendent, pour se mettre en valeur, qu’ils étaient très mauvais à l’école et qu’ils étaient toujours assis au fond de la classe, là où il y avait « le » radiateur. Comme si, dans la France de l’après-guerre, il n’y avait pas le chauffage central avec plusieurs radiateurs dans les classes et, pour ceux qui ont connu les « préfa » (modules préfabriqués), il y avait un poêle à mazout unique, certes, mais près du tableau, donc ceux qui choisissaient de délaisser l’école obligatoire, se retrouvaient au contraire dans la zone la moins chauffée, au fond de la classe. Peu importe, tout le monde jure avoir passé sa scolarité, « au fond de la classe près du radiateur », avoir copié cent fois des lignes moralisatrices, avoir appris « nos ancêtres les Gaulois ». Quand Boris Vian, a écrit la fameuse chanson, c’était précisément parce que son copain Henri Salvador lui avait dit avoir appris cette formule à l’école guyanaise où il usait les bancs. Salvador est né en 1917 et Vian en 1920. Or Vian ne connaissait pas cette formule. On peut supposer raisonnablement qu’on se servait dans les département d’outre-mer (colonies à l’époque) de manuels scolaires obsolètes, qu’on y usait les invendus des éditeurs et les rebuts de la métropoles. Donc, le petit Henri a appris l’Histoire de France dans des manuels déjà hors d’usage dans l’hexagone ; d’où l’étonnement puis l’amusement de Boris Vian. Peu importe, cette formule, tout le monde, à commencer par M. Sarkozy, jure l’avoir apprise. C’est que, dans les années 1980, quand on a parlé de « droit à la différence », on l’a ressortie pour signifier qu’on ne voulait plus en entendre parler et qu’il fallait considérer la population avec origines différentes. Depuis, la formule décriée sert à dénoncer le mépris des Français d’origines européenne à l’encontre des autres et, plus couramment, les difficultés à l’embauche pour ceux qui n’ont pas une tête de Gaulois ; pour reprendre la terminologie employée dans ces cas-là. Par extension, nombre de laissés pour compte en raison de la discrimination au faciès (embauche, contrôles policiers) utilisent le mot « Gaulois » pour injurier ceux qui sont d’origines européennes. Un certain discours (celui de l’extrême-droite) choisit de revendiquer ce qui est devenu une insulte et de se l’approprier. En cela, ils reprennent la même phraséologie victimaire que ceux qu’ils entendent dénoncer : nous sommes victimes de racisme anti-français parce que nos ancêtres étaient des Gaulois. Inutile de dire que tout cela est absurde mais, néanmoins, un autre discours visant à culpabiliser le passé colonial de la France, à considérer que les populations issues des anciennes colonies sont par définition victimes, même aujourd’hui, vient renforcer cet antagonisme irrationnel. Ce qu’on appelle le « discours identitaire » (qui ne s’applique qu’aux Français d’Europe) et la « victimisation » (pour ceux qui seraient victimes des précédents) vont dans le même sens qui est celui de monter les gens les uns contre les autres avant toute chose. Ça renvoie chacun à ses origines supposées ou affichées. Il faut qu’on soit tombé bien bas pour en arriver à cette caricature des rapports humains. Pire, il faut qu’on soit tombé bien bas pour que le discours politico-médiatique s’empare de formules oubliées, de parodies de notre monde contemporain, et les impose – et avec quelle facilité – au point de devoir les commenter, les reprendre, les analyser (en 24 heures on ne comptait déjà plus le nombre de réponses argumentées pour prouver que les ancêtres européens des Français n’étaient pas que des Gaulois) et de sommer les gens de choisir leur camp. C’est ce dernier point qui paraît le plus grave ; en même temps qu’il est typique de la manière de (dé)raisonner dans ce pays : tout doit être tout blanc ou tout noir mais certainement d’une des multiples nuances intermédiaires. C’est précisément ce que cherchent ceux qui rêvent d’en découdre par la force. Pourquoi par la force ? Simplement parce que c’est la solution la plus facile à mettre en œuvre par des cerveaux incomplètement formés. En plus, chacun des deux camps est persuadé de remporter une victoire sans appel, surtout avec l’aide de Dieu qu’on ne manque pas d’invoquer quand on ne sait plus quoi dire. Bien pratique, Dieu : personne ne l’a vu, personne ne l’a entendu et l’on peut lui faire dire ce qu’on veut. Ça s’appelle la barbarie.

 

 

http://www.legorafi.fr/2016/09/20/plusieurs-gaulois-genes-dapprendre-quils-sont-les-ancetres-de-nicolas-sarkozy/

http://www.lepoint.fr/politique/sarkozy-des-que-l-on-devient-francais-nos-ancetres-sont-gaulois-19-09-2016-2069668_20.php

http://www.vsd.fr/actualite/polemique-nicolas-sarkozy-enflamme-les-reseaux-sociaux-en-evoquant-nos-ancetres-les-gaulois-16811

http://www.francetvinfo.fr/politique/les-republicains/primaire-de-la-droite/sarkozy-sa-reference-sur-les-gaulois-fait-polemique_1834661.html

http://www.liberation.fr/france/2016/09/20/sarkozix-le-gaulois-attila-de-l-histoire_1503960

http://sarkozix.canalblog.com/

http://www.theatreonline.com/Spectacle/Sarkozix-le-Gaulois/19670

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Commentaires
C
J aime beaucoup cette tournure " cerveaux incomplètement formés." J ai ri.
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