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la lanterne de diogène
9 novembre 2016

L’élection de Trump et ce que ça dit de nous

Donc, M. Donald Trump sera le prochain Président des États-Unis. Et nos médias de tirer la tronche le mercredi matin qui correspond à la soirée du mardi d’élections outre-Atlantique. C’est que, ici, en France, personne ne voulait y croire. Toutes les rédactions qui se sont déplacées là-bas, à grand frais, ont préparé des plateaux avec des partisans de Mme Clinton. Les économistes, les politologues, les soi-disant hommes de la rue : tous étaient pour la candidate Démocrate. Chaque station et probablement chaque télévision avait programmé une « nuit américaine », satisfaits de leur jeu de mot. Selon les émissions, on avait des spécialistes ou des artistes qui, tous, à l’instar de Bruce Springsteen ne tarissaient pas d’éloge d’Hilary. Les Français, toujours persuadés d’être les plus intelligents du monde, ont largement fait connaître leur préférence et ne comprennent pas qu’on ne les ait pas écoutés là-bas. Les commentateurs ont exposé la vacuité du programme de M. Trump ou sa dangerosité. Les humoristes se sont moqués jusqu’à son prénom, ignorants qu’ils sont que Donald est un prénom écossais très populaire avant d’être celui d’un personnage de « comics ».

http://www.rfi.fr/ameriques/20161109-etats-unis-donald-trump-elu-45e-president-etats-unis

 

Le message était : il faut voter Clinton car Trump est un imbécile. Comme en plus, tout passe par le prisme de l’anti-racisme, ici, on mettait en avant les propos racistes du candidat Trump et, dans une moindre mesure, ses dérapages à propos de la gent féminine. Curieusement, le traitement de la moitié de la population passe après celui des minorité ethniques. C’est comme ça et si l’arrêt symbolique de la journée de travail, voici quelques jours, à 16 h 34 pour les femmes a peut-être intrigué quelques personnes, il s’en trouve, y compris chez les femmes, pour trouver normal la différence de revenus entre les genres.

http://actus.clicanoo.re/article/soci%C3%A9t%C3%A9/1414979-les-femmes-appel%C3%A9es-%C3%A0-arr%C3%AAter-le-travail-aujourdhui-%C3%A0-16h34

http://www.francesoir.fr/tendances-eco-france/inegalites-salariales-les-femmes-appelees-cesser-le-travail-16h34-pour

 

Tout était bon, cependant pour se réjouir de voir la première femme accéder à la Présidence de la première puissance mondiale. Chaque fois qu’un journaliste annonçait qu’on connaîtrait bientôt le nom du nouveau Président, il se trouvait une voix féminine pour préciser : « ou de la nouvelle Présidente ! ». On a même souligné qu’il y avait un très beau coucher de soleil sur Manhattan et que c’était de bon augure pour le lendemain. Tout ça paraît bien lointain et bien vain, à présent.

On nous a expliqué, en long, en large et en travers que Trump ne pouvait être élu. Même ceux qui ne portent pas Hilary dans leur cœur ont rappelé qu’elle avait le soutien de la finance et de quelques pays riches, alliés traditionnels des États-Unis, qui ont financé sa campagne. Le système était trop bien organisé et trop fort pour laisser la moindre chance à un candidat marginal. C’est pourtant ce qui s’est passé. Ce qui a été approuvé par le peuple étatsunien, ce ne sont pas ses dérapages racistes et misogynes. Ce qu’on admire, c’est la possibilité qu’a, un homme seul, de briguer la Présidence. Certes, ça n’est pas n’importe quel homme. C’est un milliardaire mais dans un pays de forte culture protestante, ça n’est pas répréhensible ; au contraire. On a admiré sa capacité à financer tout seul sa campagne, à se passer de l’appareil du Parti Républicain et de sa logistique. On a salué sa constance, son opiniâtreté et sa pugnacité. Bref, on a salué sa réussite personnelle. Tout ce qui, ici, le rendait ridicule et paraissait comme autant de handicaps a été vu, là-bas, comme autant d’obstacles qu’il a surmontés.

Aux États-Unis et en Amérique, en général, on aime ceux qui parviennent à la force du poignet. c’est valable dans la vie de tous les jours. C’est valable dans le monde des entreprises. C’est valable, par conséquent, en politique. Là-bas, on aime une vieille formule qui illustre bien l’espoir offert à tous : « from the log cabin to the White House » (de la cabane en rondin des pionniers à la Maison Blanche). M. Barak Obama en est l’illustration la plus récente. Son successeur ne vient pas de rien. Il disposait déjà de la fortune paternelle lorsqu’il a débuté mais il l’a fait fructifier et la tour qu’il a fait ériger au cœur de la « grande pomme » en est la preuve visible ; et c’est ça qui a été plébiscité par l’électorat. Ici, au contraire, sa tour a été présentée comme le signe d’une mégalomanie pathogène et l’on méprise les « parvenus ». D’ailleurs, il n’y a pas de formule toute faite pour traduire « self-made man », tout simplement parce que la chose n’existe pas de ce côté-ci de l’Atlantique où l’on fait des courbettes devant les héritiers et où l’on n’aime que le travail d’équipe.

Toujours est-il que, une fois de plus, les médias, se sont gourés. Comment peut-il en être autrement puisque le niveau de connaissance, de culture générale est ridiculement bas et contraste singulièrement avec les moyens dont disposent les rédactions ? Ah oui, ils savent nous en mettre plein les yeux et les oreilles avec leurs effets spéciaux, leurs « jingles », les satellites qui nous ont habitués à ces 2 secondes de décalage entre la question et la réponse. Seulement, ça ne fait pas tout et ça n’est pas celui qui a la plus grosse qui a forcément raison. Le matin, on pouvait percevoir l’embarras des meneurs de débats face à leurs invités, tous du camp Démocrate, qui ne savaient que dire de la défaite qui s’amplifiait. Pis, il fallait exhumer les quelques propos de Républicains, grappillés avant la soirée pour avoir quelques échos sonores du camp vainqueur. On a même entendu que, finalement, il fait froid à New York, cette nuit. Il sont loin le coucher de soleil et le beau quartier de lune de la veille. Tout ceci était ridicule et pathétique. On pourrait croire que les médias qui parlent de « gueule de bois » ce matin feront amende honorable et tireront les leçons de leur emportement démesuré. Gageons qu’il n’en sera rien et que, au contraire, on trouvera rapidement de quoi faire oublier cette bévue et ce gaspillage de moyens en vue de célébrer la première femme Présidente des États-Unis.

Les médias contre la démocratie

 

Maintenant, voyons les conséquences pour nous. D’abord, rappelons qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre les Républicains et les Démocrates. Simplement, les derniers ont notre préférence car ils sont un peu plus soucieux de partage des richesses et, partant, ont la faveur des Noirs. Donc, on aime bien les Démocrates et, comme on aime bien les victimes, on garde le souvenir de l’assassinat du Président Kennedy. Nombre de communes françaises l’ont honoré d’un nom de rue. Il faut tordre le cou à l’idée selon laquelle le Parti Républicain serait l’équivalent de notre droite parlementaire (c’est en grande partie vrai) et le Parti Démocrate serait un parti social-démocrate. Rien n’est plus faux. Les deux se situent bien à droite. Sur le plan international, on a vu, ces dernières années, que les États-Unis ne font plus la pluie et le beau temps dans le monde. On a vu aussi comment les aventures criminelles lancées par le clan Bush ont déstabilisé le monde entier. Désormais, la Maison Blanche reste en retrait et c’est ce qui a été reproché au Président Obama. Il n’a réglé aucun des conflits en cours et son successeur pensera surtout à se retirer des champs de bataille. En revanche, il a promis d’aller contre les traités de libre-échange. Alors que son adversaire promettait de tout faire pour en signer davantage, que les Européens se jettent à corps perdu dans les griffes de ces traités qui leur sont pourtant très défavorables, M. Trump envisage d’y mettre fin. Son constat est simple : l’ALENA et les autres traités ont surtout servi à délocaliser la production et donc à mettre au chômage les salariés étatsuniens. Le Mexique est le grand bénéficiaire mais pas seulement puisque d’autres traités viennent d’être signés ou seront signés bientôt avec l’Asie. Il est bien évident qu’un peuple de chômeurs n’a aucune raison d’approuver de tels traités. Le tout est de voir s’il aura les moyens de résister à la grande finance internationale qui soutenait Mme Clinton et saura se contenter des baisses d’impôts promis.

 

Maison-Blanche

En fait, tout dépendra de qui va travailler avec le futur Président Trump. Nous avons déjà connu la situation où un pitre s’est installé à la Maison Blanche. Dans les deux cas, il avait été porté par le Parti Républicain et par un clan, composé d’ intérêts particuliers mais convergents. C’est ce clan qui a poussé à la guerre en Afghanistan, officiellement pour chasser les soviétiques athées mais, en fait, pour faire passer des oléoducs et contourner l’ennemi iranien. On sait ce qui est advenu en finançant les ultra-religieux. C’est encore ce clan qui a poussé à la guerre en Irak, avec les conséquences que nous subissons depuis, en permanence et alors même que la France y était opposé. Tout dépendra de ceux qui le conseilleront. Lui, tâchera de réaliser ce qu’il a promis mais pour le reste, il laissera faire les conseillers qui, comme d’habitude, se tireront dans les pattes. Le rôle du vice-président sera fondamental, d’autant que, dans un premier temps, c’est lui qui devra trouver ceux qui formeront le Gouvernement fédéral et la plupart des membres des cabinets. Or, le Parti Républicain a soutenu le candidat Trump comme la corde, le pendu.

 

Autre conséquence sur notre politique, cette fois. En France, nous avons la vision de l’Amérique que notre imaginaire a construit à partir de vieux clichés, d’images sur nos livres scolaires, des clips vidéo des chanteurs de là-bas et des produits infects que les traités nous forcent à trouver dans les magasins. Nous voyons qu’il en est de même de la politique. Chacun prend dans les États-Unis ce qu’il a envie et ce qui l’arrange. À droite, on aime l’entreprise, les impôts modérés, l’armée surpuissante, la primauté du religieux, gage de conservation des traditions qui ont assis la prospérité de quelques intérêts particuliers. À gauche, on admire la culture décalée, on feint de croire que les chansons que nous aimons ici sont engagées alors que les textes sont creux voire mièvres. On aime les grandes manifestations pacifistes et la lutte des minorités pour l’égalité. Remarquons qu’ici, on a fait le contraire : on a encouragé les minorités à se singulariser et se revendiquer comme telles. Maintenant, comme tout le monde veut faire « comme en Amérique », on imite, on singe, plutôt. Il y a ce qu’on appelle « les primaires » et dont on devrait voir qu’elles n’ont rien de commun avec celles des États-Unis. Peut importe, on persiste. On aime ces références américaines. Aussi, l’extrême-droite se trouve des affinités avec l’initiative Trump. Elle entonne son refrain favori sur le « candidat anti-système ». S’il avait été battu, on aurait compati et pesté contre le système qui bâillonne la voix du peuple. Vainqueur, c’est de bon augure. C’est ce qu’on va nous servir, avec l’appui des médias qui n’ont jamais voulu reconnaître que l’extrême-droite actuelle est son pur produit et qu’ils en ont besoin pour faire de l’audience car, les dérapages, toujours attendus, sont prometteurs de jours et de semaines de commentaires, sans compter les livres écrits depuis trente ans. Déjà, dès le mercredi matin, avant même la proclamation officielle du résultat, on avançait que ça profiterait à Le Pen. Et d’établir des comparaisons : les cheveux blonds, la candidate autoproclamée « anti-système » alors qu’elle est l’enfant, au propre et au figuré de la politique puisqu’elle succède à son père. Qu’importe ! Comme pour le reste, on prend ce qui arrange.

Le Pen une affaire de famille

Encore Le Pen

L'extrême droite dans les sondages et les médias

 

En tout cas, il y a quelque chose qui échappe complètement aux Français : c’est que, aux États-Unis, la classe politique se renouvelle. C’est aussi une exception française que de voir les mêmes politicards pendant des dizaines d’années. Mitterrand a connu deux Républiques, quantité de postes ministériels où il n’a pas brillé. Chirac a hanté les cabinets ministériels dès la fin de son service militaire. Battus, ils n’ont eu de cesse d’organiser leurs partis politiques, de les créer, même, afin de servir leur ambition. Nous n’avons que des chevaux de retour à la présidentielle, que des candidats qui ont échoué d’une manière ou d’une autre. Force est de constater que c’est ce que le peuple, ou du moins les électeurs, veulent puisqu’ils écartent les nouveaux venus et tous ceux qui proposent une réelle alternative. Aux États-Unis, les électeurs ont signifié qu’ils ne voulaient pas revoir un(e) Clinton à la Maison-Blanche. Pourtant, ce n’est pas ça que les commentateurs français mettent en avant et forcément puisque ça irait contre leurs propres intérêts. Nous avons vu, avec la couverture de la campagne aux États-Unis, tout ce dont les médias sont capables. On nous a dit que le futur président est un con, qu’il ne pouvait pas gagner, on a déployé des moyens démesurés pour couvrir les derniers jours de la campagne, on a organisé des « nuits américaines », on s’apprêtait à se réjouir qu’une femme entrerait à la Maison Blanche. On n’arrête pas de suggérer qu’il faut imiter ce modèle en France, qu’il faut des primaires et qu’il faut une alternance tranquille à l’américaine, avec nivellement idéologique (c’est en cours) et mise à l’écart des autres tendances. On oublie que ce nivellement et cette gabegie sont rejetés par une forte proportion de l’électorat qui ne se déplace pas pour voter, sachant que ça ne changera pas sa vie quotidienne. On oublie que ce nivellement, cette absence d’alternative réelle favorise les positions extrême et le repli sur soi. Alors qu’il faut du temps pour que les nouveautés traversent l’Atlantique, on observe partout ce repli sur soi et ce rejet de l’autre. Les États-Unis, phare du monde, viennent de nous le rappeler.

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