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la lanterne de diogène
25 mars 2017

Des services publics : le reniement (2)

 

Malgré tout, tous les services publics ne se valent pas. J’ai aussi été confronté à l’incompétence et à des réponses non avenues. À la poste, le guichetier n’a pas su me répondre et est allé chercher un supérieur. Jusque là, rien à dire, au contraire. Ça évite les fameux « Je veux parler à un responsable ! ». Retour avec un rendez-vous avec un « conseiller en patrimoine » dont on me dit qu’il est « encore au-dessus du conseiller financier ». Rendez-vous pris pour passer une heure avec lui, pour une simple démarche administrative qui m’a, finalement, pris moins de cinq minutes par téléphone (temps d’attente non compris). Pourquoi ?

ptt-oiseau-bleu-1960

Simplement, parce que, depuis plusieurs années, La Poste fait tout pour casser son image de service public et notamment celui de distribuer le courrier. Bien sûr, la poste doit faire face à la baisse du volume échangé (dû à l’Internet après le fax et au téléphone mobile) et la concurrence des messageries privées étrangères qui ont racheté celles qui existaient ici. On comprend qu’il faille trouver des solutions pour éviter les licenciements massifs. Le bureau de poste de quartier ou de village aurait pu se transformer en maison des services publics et proposer le fameux « guichet unique » pour offrir un accès aux services à ceux qui ne peuvent pas se déplacer (vieux, handicapés et tous ceux qui n’ont pas de véhicule) puisqu’il disposait du local, du réseau, du personnel et du matériel ; donc pas d’investissement massif mais une extension de l’affectation. Au lieu de ça, chaque conférence de presse donne lieu à un exposé où l’on nous annonce tout ce que La Poste ne veut plus faire et qu’on attend d’elle et où l’on nous annonce tout ce qu’elle va faire et qu’on ne lui demande pas. À un moment, les bureaux de postes vendaient des jouets et l’espace dévolu au services habituels s’en trouvait réduit de moitié. Ensuite, on nous a imposé les automates : « ah, mais ça, il faut le faire avec la machine là-bas. Venez, je vais vous montrer comment on fait ». Pourquoi ne pas le faire, alors ? Non, La Poste ne veut plus qu’on demande aux guichetiers de faire le travail pour lequel ils ont été (bien) formés ! Si d’aventure vous avez besoin d’un timbre (ou d’un carnet), le guichetier est obligé de vous dire « vous savez que nous vendons des enveloppes pré-timbrées ? ». Comme s’il était ardu de coller un timbre sur une enveloppe.

La Poste veut surtout mettre en avant « la Banque Postale ». Finis les mandats, les chéquiers mêmes ! La poste (pardon, la banque postale) vend des produits financiers. Fini le « Livret A », d’ailleurs, il ne rapporte plus rien puisque, officiellement, les prix n’augmentent plus. Un conseiller financier va vous inciter à placer votre pognon péniblement gagné dans des portefeuilles d’actions. Si ça fait comme les actions de France-Télécom où les petits porteurs ont été floués avec les changements de nom et la filialisation… La « Banque Postale » développe ses assurances et, si possible, pas avec la CNP mais des partenaires du privé. Et puis, quand on vient signaler un sinistre, c’est comme pour remplir un formulaire : « Ah, mais, pour ça, il faut appeler un numéro de téléphone... ». Drôle d’assureur qui ne reçoit pas ses assurés quand ils ont besoin. La Poste veut se placer dans les télécom et, si possible pas avec son ancien partenaire des PTT, France-Télecom devenu Orange.

Le secteur financier des PTT s’était développé grâce à son réseau de bureaux de proximité. C’était justement la force des chèques postaux (CCP) par rapport aux autres banques ; et puis, ils ne payaient pas l’envoi des relevés de compte. Avec le gros Barre, on a mis fin à ces arrangements. Les CCP ont dû passer un accord avec La Poste (bien mentionné sur les enveloppes) et la poste a été tenue de fermer de plus en plus de bureaux. Ces dernières années, on a demandé aux mairies, aux bistrots, aux épiciers de bien vouloir faire un peu de place chez eux pour mettre une balance et une caisse afin d’assurer les services postaux de base.

Grâce à l’Union Postale Internationale (qui a adhéré à l’ONU à sa création), on pouvait utiliser des « post-chèques » dans le monde entier et retirer facilement de l’argent lors de déplacements à l’étranger. Il suffisait de se rendre au bureau de poste de la ville où l’on était. Ça marchait bien. Les immigrés pouvaient envoyer des mandats jusque dans leurs villages, au pays. Ça marchait bien. Eh bien non ! Maintenant, la poste travaille pour le compte de son concurrent, Western Union qui, justement, ne disposait pas d’un réseau aussi complet. Je crois que ça s’appelle « la concurrence libre et non-faussée ». C’est le service public qui se met au service d’entreprises privées. Après, on dira que les services publics marchent mal. Marchent tellement mal que les boites privées se servent d’eux pour se développer alors qu’ils ne le pouvaient pas tout seuls.

Si l’on se rend sur le site internet de La Poste, on trouve « la boutique » et « mon panier », comme sur les sites de vente par correspondance. Surtout, faire oublier qu’on est un service public qui fonctionne avec l’argent des impôts. Surtout, faire croire aux « clients » qu’ils ont à faire avec des « commerciaux » (pour ne pas dire des commerçants) et pas des fonctionnaires.

Idem chez Orange, l’autre branche des PTT qui ont fait envie au monde entier par leur excellence et leur réseau de proximité. Pour un simple changement d’adresse de facturation du téléphone, il faut entamer une démarche où, à chaque étape, on vous demande si vous ne voulez pas profiter de l’offre du moment et changer d’abonnement pour avoir l’Internet, le mobile, la TV, la 4G et bientôt la banque. La banque Orange, issue des PTT, ou plutôt « Orange Bank » va faire concurrence à la « Banque Postale » issue également des PTT…

sncf logos - Copie

La SNCF est aussi dans ce cas. C’est un autre service public qui bénéficiait d’une excellente réputation dans le monde entier. C’est un autre service public qui fait tout pour faire oublier qu’il en est un. D’abord, et depuis longtemps, la Sncf veut faire oublier qu’elle gère des trains. C’est ainsi que Calberson a été longtemps le premier transporteur routier de France. Aujourd’hui, c’est le groupe Géodis qui a pris le relais et qui veut se faire connaître en mettant son nom sur un bateau de course. Grâce à la loi Macron, la Sncf veut développer ses autocars. Le but est de supprimer les trains corail. Les omnibus ont été repris par les Régions sous le nom de « ter ». Les express et les rapides par le TGV, devenu une marque à part. La SNCF est devenue « SNCF » tout court, sans article car ça n’est plus un sigle mais une marque. Les marchandises ont été reprises par la concurrence. Le réseau a été repris par la SNCF qui entend bien déferrer partout où il reste encore des rails. La Sncf fait tout pour dissuader les opérateurs de faire rouler des trains en n’entretenant pas les voies, afin que le trafic soit reporté sur les routes dont on constate le bon entretien (hum!) depuis qu’elles relèvent des Départements. Et puis, à l’heure où l’on essaie d’attirer des opérateurs privés, ça serait le comble qu’il y en ait un qui gagne un peu de sous là où la Sncf n’a jamais pu. Donc, on enlève les rails mais il y a peu de chance qu’une entreprise privée veuille se lancer sur des relations modestes. Restent les Régions et la Sncf ne fait rien pour leur faciliter la tâche, au contraire. Peu importe, le TGV se porte bien et l’on propose maintenant aux « clients » de monter dans de vrais TGV même s’ils roulent sur voie normale et, donc, à vitesse normale. Les gens sont contents, ils ont pris le TGV… le plus fort, c’est que ça marche. Inversement, la Sncf va payer un péage exorbitant pour ses TGV entre Paris et Bordeaux puisque la voie rapide appartient à un réseau privé. Ça devient compliqué.

Donc, la SNCF oublie son vieux slogan « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous », qui date du lancement du TGV, au même prix que les autres trains. Dans les grandes gares, on trouve partout des automates pour acheter son billet. Ça marche plutôt bien, tant que la carte de crédit est reconnue. Sinon, finis les guichets. Maintenant, on a une « boutique » pour vendre les billets classiquement. Et pour le TGV, impossible de connaître le prix sur un trajet donné : « à partir de 10€ (voir conditions etc.) ».

rena-pros-1983-2

En d’autres termes, des services publics ont honte d’être de rendre service. L’heure n’est plus au « service » mais au commercial, pour ne pas dire au commerce. Nous avons vu, autrefois, comment le service de renseignements téléphoniques gratuit (inclus dans l’abonnement au téléphone) avait dû devenir payant et s’ouvrir à la concurrence qui se vantait d’offrir en plus l’horoscope et les pronostics hippiques. On nous avait présenté ça comme un progrès. « La vérité des prix », comme disait le gros Barre. Il y a depuis tant d’années, de telles campagnes de dénigrement des services publics qu’il devient infamant d’y travailler ou de s’en réclamer. Pourtant, ce sont les services publics qui ont permis à la France de se reconstruire aussi rapidement après la guerre et d’offrir une qualité de vie unique en Europe (pour ne parler que du continent dévasté) . C’est le « plan » et son principal instrument, les services publics qui ont contribué au redressement économique et offrir 30 années de progrès et d’expansion, qu’on appelle depuis les « trente glorieuses ». Les fleurons de l’industrie française se trouvaient tous dans le domaine public, d’une manière ou d’une autre : EDF-GDF, SNCF, PTT, Renault, Thomson-CSF, Snecma, Aérospatiale . Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, aucun investisseur privé n’aurait financé les études, la R&D, pour des projets tels que la fusée Ariane, le TGV, le parc nucléaire. On parle beaucoup de la fusée Ariane pour vanter l’Union Européenne alors qu’elle n’a rien à voir là-dedans. La fusée Ariane, c’est d’abord la France et son groupe Aérospatiale et quelques autres industries (publiques ou privées) en Europe ; souvent hors CEE comme la Suède et encore la Suisse ou la Norvège. On s’obstine dans la filière nucléaire en vantant « l’indépendance énergétique » mais l’indépendance énergétique, c’est d’abord EDF.

Aérospatiale

 

Il est facile pour un groupe financier, aujourd’hui, de se payer un géant industriel solide qui a bénéficié de l’assise des fonds souverains (autrement dit de l’État) quand tous les risques ont été pris et qu’il suffit de toucher les bénéfices. C’est ce qui s’est passé avec les autoroutes.

Il est même facile pour un groupe industriel de se lancer dans un projet comme le TGV après avoir attendu de voir si ça marchait en France. Siemens a beau jeu de lancer son Velaro et Bombardier son Zefiro après avoir vu le succès du TGV. De son côté, Alstom privatisé a été incapable de lancer un produit vraiment nouveau pour se maintenir tout en conservant ses marchés traditionnels. Et ne parlons pas des chantiers navals. Bouygues, actionnaire de référence d’Alstom, privatisé, a cédé sa branche d’excellence dans le matériel électrique aux États-Unis pour réaliser une belle opération financière. Il veut, à présent, liquider la construction ferroviaire pour maintenir le rendement de ses actions. C’est, une fois de plus, l’État qui va renflouer Alstom d’une façon ou d’une autre en attendant que Bombardier rafle la mise après l’élection présidentielle (en octobre) et profite néanmoins de la commande de l’État.

On ne demande pas à la SNCF de concurrencer son ancien partenaire des Trains Italiens (privatisé désormais), chez lui, mais d’offrir des trains à ses « clients » français, en nombre suffisant et au meilleur prix. On ne demande pas à EDF de racheter des compagnies boiteuses en Italie (décidément) ou en GB ni de construire des centrales nucléaires à l’étranger pour y prendre des parts de marché et d’être obligé d’augmenter ses tarifs parce que ça marche pas mais de distribuer de l’électricité à tous, en France, et le moins cher possible ; comme avant . On ne demande pas à GDF de s’associer avec un ancien géant franco-belge de l’énergie pour avoir une taille internationale si c’est pour voir sa facture augmenter afin de verser des dividendes aux anciens actionnaires privés. On ne demande pas à la poste de servir les intérêts de WU quand elle a les moyens d’offrir de bien meilleures prestations.

Le service public, ça marchait et ça marche encore quand il est vraiment un service public.

 

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