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la lanterne de diogène
11 février 2018

Victoires, pleurnicheries, pensée unique.

Revenons un peu sur la cérémonie des Victoires de la Musique.

 

L’article de 20 minutes est soit d’une ironie salutaire, soit d’un convenu consternant. D’abord, le chapeau annonce la couleur : « Cette soirée a été riche en surprises, et certains artistes ont du mal à croire qu'ils ont reçu une Victoire de la musique... »

https://www.20minutes.fr/culture/2218427-20180210-victoires-musique-2018-reactions-artistes-laureats#xtor=EPR-182-[welcomemedia]--[article_culture]--

 

Quelqu’un comme moi, qui, comme tu le sais, écoute principalement Inter dont je dénonce, à longueur de blog, l’indigence de la diffusion de musique et le minimalisme du peu de chansons qui passent, a pu deviner, sur 10 catégories, pas moins de 7 résultats. Si je possédais la télévision et si j’écoutais des radios dites « musicales », j’aurais une connaissance complète des artistes nommés et je pourrais annoncer quasiment 100 % des lauréats.

Il était évident que Gainsbourg, Orelsan et MC Solaar allaient rafler la mise ; non que leurs travaux fassent autorité et survolent largement la production de variétés mais un certains nombre de critères, absolument éloignés de la qualité et même de l’émotion ressentie à l’écoute rendait évident le palmarès. Chacun de ces trois artistes répondait à un certain nombre de caractéristiques qui en faisaient d’infaillibles gagnants. Sans entrer dans les détails, disons que Charlotte a pour elle de s’appeler Gainsbourg qui s’impose comme un géant de la chanson française. Il est vrai que, même si ces dernières productions ont été moyennes, l’ensemble de sa carrière mérite et la légende qui s’est construite de son vivant n’a cessé de prendre de l’ampleur. Tant qu’elle ne fricotera pas avec une personnalité de droite en vue, personne ne s’avisera de dire qu’on n’entend rien de ce qu’elle chante et que les mélodies qui la servent sont, certes de bonne facture mais sans aucun génie. On lit, ici et là que c’est la première fois qu’elle chante en français. Heureusement qu’on l’apprend parce que l’écoute ne nous est d’aucun secours. Orelsan est l’étoile montante du rap français. Il a sorti, à la rentrée, un album très valable. Il est propre sur lui. Il est devenu la caution « jeune » de l’Académie qui remet les trophées. La chanson française demeure un entre-soi qui participe de l’exception française. Autrefois, c’étaient ceux qu’on appelait les « chanteurs engagés » qui marquaient cette différence. Beaucoup d’entre eux se distinguaient par des textes d’excellente qualités et parfois de belles musiques. Sinon, les textes faisaient largement oublier des mélodies moyennes. Tout autre était le show-business où des arrangements efficaces couvraient des paroles médiocres mais, finalement, pas plus que les grands tubes internationaux. Ceux qui se sont risquer à traduire les paroles des succès mondiaux ont démontré que nous nous emballons tous pour de la daube.

victoires music

S’il n’y a plus, depuis longtemps, de chanteurs engagés, de chansons à textes, on cultive un nouvel entre-soi, toujours revendicatif, qui ne va plus encourager des artistes contestataires mais des artistes minimalistes, dont on feint de croire qu’ils ont un talent immense simplement parce qu’ils ne sont pas reconnus par le système. En France, on a toujours aimé les perdants, les seconds. On aimait Poulidor qui courait pour un manufacturier de Saint-Étienne de préférence à Anquetil que les grandes marques de l’époque s’arrachaient. On aime penser à Rocard, à Mendès-France. L’armée, elle-même, commémore les défaites en faisant passer l’héroïsme des vaincus pour des victoires sentimentales. La Légion voue un culte à la bataille de Camerón et la main de bois du capitaine d’Anjou tandis que les chasseurs célèbrent Sidi-Brahim. Pire, la dernière ré-écriture de l’Histoire de France viser à rendre honteux des victoires. Ça correspond bien à cet esprit français qui voit dans l’impossibilité d’atteindre les sommets une injustice qui réveille le chevalier Bayard et le redresseur de torts révolutionnaire qui sommeillent en chaque français.

MC Solaar, était difficilement évitable. Il revient, toujours dans le même registre d’un rap poétique où les mots jouent avec les sonorités. Lui aussi donne cette image de propreté qui réconcilie le public pépère de la chanson française avec un genre, le rap, qui lui est étranger. Pour faire jeune, on se devait de le récompenser. Autre inévitable, M, lui aussi fils et petit-fils de. L’écarter signifierait nier la lignée dont il est issu. M a été distingué dans la catégorie « musiques du monde ». Ça n’est pas anormal dans la mesure où il s’est associé à des artistes maliens mais l’Académie choisit précisément le travail le plus français dans un genre qui se voudrait ouvert au monde. L’intéressé se justifie : « C’est un message de paix, de fraternité et de solidarité », a confié M. «C’est une année de bonheur. Il faut le prendre avec beaucoup d’humilité. C’était important d’y croire, d’être un peu audacieux. » . Quelle audace, en effet ! À croire qu’il est le premier à avoir travaillé avec des homologues africains et sans savoir si le public apprécierait. Quant au « message de paix, de fraternité et de solidarité », ça relève de « l’effet puits », c’est à dire quand on remplit un vide avec n’importe quoi. L’important, dans l’affaire, ce sont les intentions qui figurent dans le dossier de presse. Moyennant quoi, on sait à l’avance ce qui va se passer. Tout est dans le dossier de presse et c’est la façon dont on va le présenter au public qui va faire le succès ou non. Rien de tel que d’appeler à la paix, à la fraternité. Rien de tel que d’enfoncer des portes ouvertes pour faire consensus.

 

Un autre aspect ironique ou risible (c’est selon), c’est, après avoir souligné les surprises, d’insister sur l’émotion des artistes primés. Comme si ça n’était pas la loi du genre. Il y a maintenant plus de 20 ans, les Inconnus avaient parodié la cérémonie des César dont, les Victoires ne sont qu’une adaptation pour la chanson. Entre ceux qui s’expriment, en toute circonstance, avec 500 mots et ceux qui appuient leurs remerciements à leurs producteurs et à leurs parents, on a la synthèse de ce genre de soirée. Nous sommes au niveau de Mademoiselle Jeanne qui, pour intéresser Gaston Lagaffe, lui balance : « Ah, vraiment, je ne sais pas ce que je serais s’il n’y avait pas eu mes parents ». Franquin voulait faire rire. Pas sûr que ce soit le cas des artistes qui se perdent en congratulations et en remerciements. Exagéré ?

« Cet album, j'ai eu ma sœur en tête, je pense à elle ce soir. J'ai mon père en tête bien sûr. Mais aujourd'hui il porte ma vie aussi. Moi je suis vivante et je veux célébrer les gens autour de moi, ma mère (Jane Birkin), ma soeur (Lou Doillon), mon frère (Lulu) et plus personnellement ceux qui m'ont subie durant ces quatre ans de travail, Yvan (Attal) mon mari et mes enfants », a déclaré Charlotte G. Évidemment, dans son cas, ça se justifie un peu plus.

L’article conclut : « Un vrai bonheur pour tous les lauréats de cette soirée, qui ont été félicités par leurs proches et leurs fans pendant toute la soirée. ».

Tout est dans tout et réciproquement. On enfonce des portes ouvertes, on coupe des cheveux en quatre pour faire croire qu’on pense, on use de grands mots pour des banalités. Enfin, on feint la surprise quand tout était prévisible et qu’il suffisait de cocher les bonnes cases.

 

Prochaines surprises à attendre lors de la cérémonie des César. Je n’ai pas vu le film mais je peux annoncer, sans trop de risques, que « 120 battements par minute » va rafler les récompenses les plus importantes.

 

 

https://www.evous.fr/Victoires-de-la-Musique-nominations-artistes-nomines,1172692.html

https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/victoires-de-la-musique/victoires-de-la-musique-2018-orelsan-nomme-dans-trois-categories-grand-favori-de-la-33e-edition_2553239.html

https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/victoires-de-la-musique/victoire-de-la-musique-2018-le-rap-un-grand-favori-sans-categorie_2601380.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20180209-[lestitres-coldroite/titre3]

https://www.20minutes.fr/culture/2218439-20180210-victoires-musique-2018-orelsan-charlotte-gainsbourg-mc-solaar-palmares-complet#xtor=EPR-182-[welcomemedia]--[article_culture]--

https://www.20minutes.fr/culture/2218411-20180210-victoires-musique-2018-charlotte-gainsbourg-artiste-feminine-annee#xtor=EPR-182-[welcomemedia]--[article_culture]--

 

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Commentaires
J
Comme si cela était vraiment représentatif de ce qui s'écoute en réalité, se télécharge, se diffuse, se partage sur les réseaux sociaux sans faire de bruit. Un jour, je parlais de Mario Biondi à un Italien, et je lui disais qu'il était quasi inconnu en France, où par ailleurs on avait presque totalement oublié l'existence d'Adriano Celentano. L'Italien n'en revenait pas. Lui connaissait Gainsbourg, Ferré, Brel, Piaf qui reste malgré les années le symbole de la chanson française à l'étranger. <br /> <br /> L'entre-soi de l'exception culturelle franco-française est étroit, de plus en plus autistique. On a fait de Johnny l'Elvis français, mais il est inconnu hors de nos frontières et ses rares incursions aux Etats-Unis relevèrent de la pantalonnade. Quel fan moyen de Johnny pourrait citer, par contre, une seule chanson de Little Bob, chanteur de rock normand qui déjà il y a trente ans cartonnait à l'étranger ?
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