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la lanterne de diogène
10 mars 2018

Toilette de printemps pour Inter

Inter remue à l’approche du printemps. D’abord, M. Nicolas Demorand déclare, en direct à l’antenne, le 23 février 2018 : « je ne suis pas fou des relances » puis « je déteste les relances ».

 

Qu’est-ce qu’une relance ? C’est une astuce, une supercherie, consistant à poser une question à un chroniqueur pour qu’il fasse semblant d’y répondre et prouver la cohérence de son propos qui, justement, répond à la question que pose l’animateur. Ça vient du fait que quelqu’un, un jour, a affirmé que les auditeurs relâchent leur attention quand quelqu’un parle [un certain nombre de dizaines de secondes ; pardon mais c’est comme le fût du canon qui refroidit au bout d’un certain temps].

Or donc, partant de ce principe qui ne repose sur rien de sérieux, on considère qu’il faut couper l’expert qui nous éclaire sur un point d’actualité et lui poser une question pour le faire redémarrer comme la chenille. Bien sûr, ce n’est pas lui qui l’a inventé mais M. Stéphane Paoli a été le grand promoteur de la relance. Le problème, c’est que son professionnalisme incontestable sert de modèle à tous les matinaliers depuis qu’il a quitté ses fonctions pour raison de santé, à force d’en faire trop. Outre la suppression des pauses musicales dans la matinale, outre l’enchaînement à marche forcée des chroniques et des rubriques, outre l’obligation du direct plutôt que de la rubrique ou de la chronique enregistrée, il a imposé la relance. Est-ce que, sous son règne, la relance était préparée par le chroniqueur ou par lui-même ? Il faudrait demander aux intéressés. Toujours est-il que, de son temps, il faisait lever, en pleine nuit, le correspondant permanent à l’autre bout du monde pour qu’il nous raconte la vie là-bas et, bien sûr, pour justifier le dérangement, il posait une question à laquelle l’autre s’empressait de répondre puisque, en plus de devoir se lever en pleine nuit, il devait faire vite pour pouvoir enchaîner avec la rubrique suivante…

Ça, c’est pour l’historique. Depuis, les Weil, les Demorand, les Cohen, lui ont emboîté le pas. Pas une chronique sans la question, faussement naïve qui va permettre de continuer et de conclure. Bien sûr, le chroniqueur zélé se fendra d’une réponse personnalisée : « Eh bien oui, Nicolas, vous avez raison de poser cette question car c’est le point fondamental ! ». Flatteur, va !

 

En fait, la question, la relance est préparée par le propre chroniqueur qui, en plus de son papier, doit se triturer les méninges pour inventer une question qui va casser son propos tout en le relançant. On comprend que c’est artificiel en plus d’être ridicule ; pour rester poli. Déjà, lors de son premier passage dans la matinale d’Inter, M. Demorand avait, à plusieurs reprises, perdu ses papiers et dit carrément à l’autre qui attendait : non, je n’ai pas la relance, continuez.

Dans la matinale des samedi-dimanche, Mme Patricia Martin n’en peut mai. Elle passe son temps à dire à son interlocuteur : « Regardez ce que vous me faites dire ! ». Généralement, ça déstabilise le chroniqueur. S’ensuivent des propos décousus, visant à les justifier. On perd du temps. Or, dans ces matinales pleines comme du boudin, la moindre seconde est comptée. Le rédacteur en chef se sentirait dévalorisé s’il ne surajoutait pas des rubriques et des chroniques sans compter les infos. Pourtant, verra-t-on les relances disparaître ? Probablement qu’elles passeront de mode un jour ou l’autre et que, justement, le dépit de M. Demorand va accélérer le mouvement.

 

Cette affaire de relance n’est pas qu’anecdotique car elle montre bien comment, dans un centre de formation – école de journalisme ici, université ailleurs – des soi-disant spécialistes décrètent que « les auditeurs n’écoutent plus au bout de x secondes ». Les mêmes, sans aucun doute, ont décrété qu’il fallait interrompre une personnalité qui répond trop longuement à une question. Ainsi, quand un homme politique ou un expert développe une argumentation, il se trouve quelqu’un pour l’interrompre, rebondir sur un mot et l’inciter à répondre à autre chose. Ça peut être une plaisanterie qu’on va balancer, surtout s’il y a un public. Pourtant, l’auditeur, fait l’effort d’écouter. Surtout aujourd’hui où il y a pléthore de radios commerciales qui diffusent de la musique entre les pubs, l’auditeur qui choisit d’écouter des débats ne va pas s’ennuyer à l’écoute du sujet qui l’intéresse ou de l’expert qui fait référence. Mais non, comme pour le reste, nous devons passer sous les fourches caudines de ceux qui pensent à notre place et savent mieux que nous ce qui nous convient. Remarquons aussi que ces grands cerveaux qui s’inquiètent de l’ennui des auditeurs ne pensent pas que d’entendre un flot ininterrompu de paroles pendant des heures peut les ennuyer. Personne pour dire qu’un entretien, même intéressant, lasse au bout de 20 minutes. Idem pour les grands reportages diffusés le dimanche matin sur Inter : trop long quand on n’a pas l’image.

 

Demorand 2

Si M. Demorand n’est pas encore venu à bout de « la relance », il a modifié l’organisation de sa matinale. Ainsi, dès le 5 mars, la revue de la presse a été reportée à la fin du « grand entretien » ; puisque c’est le terme qu’il veut imposer. Cette affaire de la revue de presse nous agaçait. M. Cohen, son prédécesseur, avait pris la fâcheuse habitude de prolonger son entretien de 8 h 20 après 8 h 30 puis, de plus en plus tard. Une fois, il était même pas loin de 8 h 40. Or, ainsi que nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, l’auditeur du matin utilise l’ordre des rubriques comme une pendule. On ne peut pas déborder n’importe comment. Autant, on admettrait un commentaire de l’animateur entre deux rubriques mais il faut vraiment qu’elle soient ponctuelles. Ce n’est pas le commentaire personnel qui pose problème mais la mise bout à bout de tout ça sans répit. Le report à 8 h 45 a le mérite de fixer les choses. Reste que ça laisse 20 minutes sans repère chronologique pour ceux qui se préparent à partir au boulot ou qui sont dans leur voiture. On peut penser aussi que ça met de l’ordre dans les vidéos puisque, depuis quelques années, la radio est enregistrée en vidéo, surtout quand il y a un entretien. Donc, une seule vidéo pour l’échange avec le journaliste principal et pour les questions des auditeurs, de moins en moins nombreuses, d’ailleurs.

 

La revue de la presse désoriente de plus en plus. Nous avons déjà mentionné qu’il s’agit plus d’une sélection que d’un survol de l’actualité vue depuis différents points de vue. Maintenant, M. Askolovitch développe un sujet. C’est à croire qu’il lit l’intégralité de l’article avant de donner sa conclusion personnelle. Quelle manie ils ont tous de vouloir nous donner leur opinion sur un sujet ! Qu’ils aient unes sensibilité, une manière de voir, d’analyser, de commenter, on le comprend mais de là à imposer une opinion dans une tranche d’information d’une radio dite de « service public », il y a une confusion qui s’est généralisée et qu’on nous impose.

 

C ‘est, depuis longtemps, la règle de la chronique humoristique qui clôt la matinale. La matinale qui finit par une tranche de rigolade a été introduite, dès la fin des années 1970 par Europe 1 et « Tonton Collaro ». RTL a suivi et, plus récemment, les deux radios périphériques s’affrontent à coups d’imitateurs. Inutile de rappeler leurs noms. TF 1 a même embauché l’un d’eux pour terminer son grand JT du soir. Il faut croire qu’on ne peut plus rester sérieux une demi-heure sans qu’un pitre vienne faire retomber le soufflet. Inter s’y est mis puis a été tentée d’y renoncer avant que M. Val, directeur et lui-même ancien humoriste, n’impose l’humour en toute fin de session d’information. Pourtant, l’auditeur d’Inter veut, en principe, écouter la différence. La différence doit-elle se faire entre différentes formes d’humour après l’info ?

Ces billets d’humeur sont de moins en moins drôles.Curieusement, on ne se soucie pas de « relance » pour les humoristes. On suppose qu’ils sont assez désopilants pour retenir l’attention. Évolution intéressante puisqu’on considère qu’on va s’ennuyer en écoutant des choses sérieuses mais être attentif en écoutant des conneries. Les différents humoristes – ou soi-disant tels – évoluent tous dans un genre différent. M. Beigbeder, visiblement, ne sait pas quoi dire toutes les semaines. Il est généralement en province et semble étranger à tout ce ramdam. M. Morel est un véritable artiste. Il étale la richesse de son vocabulaire et glisse ses plaisanteries. Mme Ferroni, toujours essoufflée, joue aussi avec les mots et c’est ce qui est drôle. Disons qu’elle fait du slam scientifique puisque c’est sa formation (à un niveau de professeur de collège) et qu’elle veut attirer l’attention sur des problèmes mais sur le mode humoristique. Mme Aram est devenue la mère-fouettarde. Elle s’en prend à quelqu’un qu’on connaît pas forcément pour s’offusquer des propos qu’il a tenus et que personne n’a entendus, sauf elle, mais comme elle se fait une haute idée de sa personne et de son rôle, elle suppose que c’est d’un intérêt universel. Elle nous fait la morale, parfois en évoquant ses organes génitaux ou son anus (mais oui, vidéos à l’appui). Finalement, il ne reste guère que M. Vizoreck, humoriste belge, qui fait le boulot pour lequel il est payé. Après, chacun a toute latitude pour rire ou pas des uns et des autres mais l’humour est singulièrement absent de nombre de ces chroniques finales. Il semble, d’ailleurs, que M. Demorand les apprécie de moins en moins. Ce n’est peut-être qu’une impression. Toujours est-il que ce rire obligatoire est de plus en plus moralisateur et de moins en moins divertissant. Là aussi, il existe au moins une radio qui diffuse de l’humour. En raison des changements printaniers, l’humoriste ne peut plus céder à la facilité consistant à dézinguer, devant lui, l’invité de la matinale en sachant qu’il ne pourra évidemment pas répondre.

 

Nous venons d’évoquer des changements mais il y a des choses qui ne bougent pas. Ainsi, dans les bulletins de la météo, on parle toujours de l’affreuse région PACA alors que toutes les autres sont désignées par leur nom officiel, tel que voté par les nouvelles assemblées élues. Ce sigle qui, mieux qu’un autre, symbolise la technocratie, semble ancré ; ce qui montre bien le pouvoir médiatique qui parvient à imposer un terme qui n’évoque absolument rien. On a échappé à ALCA, APoiL, davantage en raison de l’abandon des termes que ces sigles auraient simplifiés. On échappe encore à ARA mais la persistance de PACA laisse présager que ça ne tiendra pas longtemps.

Dans le même ordre d’idée, on s’est empressé d’adopter le nouveau nom de « Bercy » quand il désigne le palais omnisports de Paris. Pourtant, le nom à rallonge évoque le secteur où évolue le parraineur ; à savoir une chaîne hôtelière. Rien à voir avec le sport ou les spectacles. Rien n’empêche de continuer à dire « Bercy » comme avant quand il ne serait venu à l’idée de personne de dire « POPB » ni la signification des initiales. Ce climat où les marques sont citées, banalisées, permet, aujourd’hui, de faire accepter, la publicité de marques sur l’antenne d’Inter. C’est une manipulation, à petite dose, indolore mais qui nous nous fait accepter ce que nous refusons, par principe, lorsqu’on décide d’écouter Inter. Puisqu’il y aura un nouveau PDG d’ici au mois de juin, attendons-nous à l’augmentation de la publicité sur l’antenne et à écouter de moins en moins la différence.

 

Pour finir, ce qui relève davantage du mimétisme ou, plutôt, de la paresse moutonnière des journalistes : il suffit que l’un d’entre eux balance une formule, un terme choc pour que les autres reprennent sans sourciller. Le vendredi 9 mars, on nous annonce, dès les premières éditions du matin que « le fameux Bottin® » abandonne sa version papier. Dans le développement de l’info, on nous parle de la disparition des Pages Jaunes®. On nous a parlé du Bottin® comme d’un terme familier quand il s’agit d’une marque ; encore une. Après vérification, il s’agit de l’annuaire, qui est un nom commun et qui désigne la liste des abonnés au téléphone, comme chacun sait, surtout depuis l’utilisation des moteurs de recherche. Le Bottin® , lui, est un répertoire spécialisé, édité par Bottin et qui existait plus d’un siècle avant l’invention du téléphone… Pages Jaunes® est le nom d’une des sociétés issues du dépeçage de France-Télécom chargées de récupérer la publicité et les autres revenus des annuaires.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2018/02/18/36155006.html

 

Bien sûr, ce n’est pas grave mais remarquons, tout de même, que toutes les rédactions de Radio France et de France-Télévision ont repris allègrement cette confusion. Pourtant, une telle confusion pour un objet banal nous conduit à penser qu’il doit y avoir d’autres confusions du même genre, pour des sujet importants et que nous nous laissons induire en erreur faute de pouvoir relever l’équivoque. On se souviendra, tout de même, du festival qu’a été la guerre du Golfe de 1991 où tout a été mélangé, confondu, où des soi-disant spécialistes nous ont raconté des balivernes, soir après soir, sans connaître un minimum les armements, les termes militaires et encore moins les relations internationales compliquées du Moyen-Orient.

Il n’est donc pas inutile de dénoncer la confusion entre annuaire et Bottin® et de s’inquiéter d’autres plus importantes.


 

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/03/05/20002-20180305ARTFIG00151-pages-jaunes-l-annuaire-papier-pourrait-disparaitre-des-2019.php

 

https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-version-papier-de-l-annuaire-des-pages-jaunes-pourrait-disparaitre-l-prochain-1520243019

 

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