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la lanterne de diogène
16 mars 2018

Tempête sur Europe 1

Tandis qu’Inter sourit et même bombe carrément le torse, Europe 1 rame. Le talent de ses animateurs et de sa rédaction n’est pas en cause. Tous ont eu du succès sur d’autres médias et c’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont été embauchés. S’ils réussissent moins bien rue François-1er , c’est que l’ensemble de cette antenne n’est pas satisfaisant. Rappelons que sa création a marqué l’histoire de la radio en France. Elle innovait à l’époque. On a rappelé « Salut les copains » quand Johnny est mort. On devrait rappeler aussi l’invention des flashes horaires. Et puis, il y avait ce style dynamique qui faisait se sentir jeune. Encore faut-il répéter qu’Europe 1 a vu sa rédaction pillée à l’arrivée des chaînes de télévision privées qui sont allées débaucher ses excellents journalistes. Europe 1 ne s’en est jamais remise. Également, l’arrivée des radios destinées aux jeunes sur la bande FM l’a privée de son auditoire habituel. Ce n’est pas pour rien que la station de la rue François-1er a été surnommée « radio-barricades » en Mai 68. Les jeunes d’autrefois ont vieilli et les jeunes d’aujourd’hui n’écoutent pas les radios généralistes et en ignorent même le nom et l’existence. C’est aussi pour ça que nous doutons toujours de la véracité des sondages qui marquent l’audience des radios.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2018/01/19/36061927.html

 

 

Europe n°1

Quoi qu’il en soit, Europe 1 va mal. En matière d’audience, la rumeur vaut plus que la réalité. Il suffit qu’on dise partout que personne n’écoute pour que les hésitants n’écoutent plus. C’est bien ce qui se passe et l’arrivée de M. Cohen dans la matinale n’y a rien changé, malgré sa compétence saluée sur Inter jusqu’à l’année dernière. Nous répétons qu’il n’y a plus la place pour trois radios généralistes. RTL caracole en tête depuis des lustres et accompagne bien son auditoire vieillissant sans faire de vague pour ne déplaire à personne. C’est très bien ainsi, d’ailleurs. Inter est devenue la radio des parisiens et des provinciaux cultivés qui écoutent avec envie tout ce qui se passe d’intéressant à Paris et se disent : « Oh, il faudrait qu’on y aille pour voir ça ».

 

Europe 1, outre ses auditeurs fidèles, ne peut compter que sur ceux qui sont déçus (en général d’Inter) mais qui retournent à leur premières amours, passée la déception. Les résultats en dents de scie de la rue François-1er correspondent à ces fluctuations.

Le proprio, M. Arnaud Lagardère, semble très attaché à cette radio, sinon créée par son père, au moins portée avec succès par lui. Il semble prêt à y engloutir sa fortune. Pourtant, s’il lit ses lignes, suggérons-lui quelque chose. Dans le passé, il y a eu un raisonnement semblable. On a dit, à la fin des années 1990, quand le débat sur les télévisions privées s’est apaisé quelque peu, qu’il y avait une chaîne généraliste de trop. Était visée la chaîne du groupe Hersant, « la 5 » qui, malgré le battage opéré par la droite à sa création et par le pognon du papivore, très engagé politiquement, n’a ni percé, ni même intéressé le public. Reprise par le groupe Hachette (Lagardère), l’affaire s’est terminée par un conflit social. Reprise par le pôle France-Télévision, la Cinquième puis France 5, a trouvé son public en faisant quelque chose de différent. France 5 attire aujourd’hui nombre de jeunes, avides de savoir, curieux comme tous les jeunes. Ceux qui ne sont ni avides, ni curieux regardent NRJ 12. France 5 attire des jeunes quand les variétés de la 5 et ses rediffusions ne les intéressaient pas. À la même époque, Europe 1 connaissait déjà la baisse de son audience et se demandait comment y remédier. Comme l’information avait été la vitrine de la rue François-1er , les patrons de l’époque avaient fait appel à un grand professionnel pour diriger la station : M. Jean-Pierre Elkabach qui y avait trouvé refuge après son éviction de la télévision. Des années plus tard, le fils Lagardère refait la même chose et s’adjoint un grand professionnel, M. Schlessinger qui avait eu la lourde tâche de faire oublier la direction controversée de MM. Hees et Val. C’est parce qu’il a réussi qu’il s’est vu offrir la présidence effective de la rue François-1er . Il annonce qu’il est assuré de la durée. C’est exactement ce que le père Lagardère avait dit à M. Elkabach en 1987. On connaît la suite : M. Elkabach n’a pas fait de miracle. Il est passé sur La 5, version Hachette (groupe Lagardère), mais n’a pas pu empêcher l’échec que nous venons de rappeler.

 

Europe 1 - JM Desjeunes 1

En d’autres termes, Europe 1 peut s’appuyer sur cette double expérience pour éviter de la répéter. Pourtant, comme Hersant autrefois, ses dirigeants pensent que c’est en débauchant les meilleurs journalistes et les meilleurs animateurs qu’ils pulvériseront les audiences. Un média (radio, TV, presse écrite, site Internet), c’est la rencontre d’un besoin d’une partie du public (qu’on espère la plus grande), du talents de ses animateurs, des moyens dont on dispose, d’une identité immédiatement reconnaissable et à laquelle on adhère. M. Cohen reconnaît lui-même que « L’identité des radios est plus forte que l’identité de leurs animateurs ». Les auditeurs, les téléspectateur, les lecteurs sont fidèles à un titre, une marque. Généralement, ils ignorent ce qui se passe ailleurs et encore plus leurs animateurs. Quand il y a des transferts, ils découvrent quelqu’un qui a parfois des années d’expérience réussie et qui est quelque peu célèbre. On a vu, en 1975, lors de l’éclatement de l’Ortf et de l’arrivée dans les nouvelles chaînes des vedettes de la radio, que les téléspectateurs ne les connaissaient absolument pas alors que c’est leur notoriété qui leur avait ouvert les portes du petit écran.

 

Dans la même entrevue, M. Cohen rappelle ce que nous avons déjà dit ( Inter en fête (enfin) ) : « Les auditeurs sont avant tout attachés à France Inter. Donc avant d’être séduit par Patrick Cohen sur Europe 1, il faut être déçu par France Inter. Et quitter la radio à laquelle on est fidèle pour une que l’on connaît moins est très difficile. »

Cela fait des lustres qu’Europe 1 n’attire que les déçus d’Inter avant qu’ils ne retrouvent les programmes de la maison ronde, lassés de la pub ou parce qu’ils ont entendu que celui contre lequel ils avaient une dent vient de partir. L’auditeur, au contraire du téléspectateur, ne regarde pas les programmes de la radio en se demandant ce qu’il va écouter le soir. Il ne va pas changer de station pour les beaux yeux ou plutôt la belle voix de Patrick Cohen, Franck Ferrand, Christophe Hondelatte ou Frédéric Taddeï. Cet attachement à l’identité d’une radio est fondamental pour comprendre les difficultés d’Europe 1. Si l’on prend l’exemple d’une autre radio privée détenue par un milliardaire, à savoir Radio-Classique de M. Arnault (groupe Les Échos propriété de LVMH), les auditeurs ne se précipitent pas pour écouter Ève Ruggieri, Patrick Poivre d’Arvor, Claire Chazal et autres chevaux de retour qui ont du mal à raccrocher. Ils veulent écouter d’abord de la musique classique sans le ton, souvent ennuyeux, de France-Musique. L’animateur vedette est un plus mais ne forme pas la substance. On peut prendre n’importe quel exemple de radio et l’on aura une réponse correspondant. En revanche, que répondre pour Europe 1 ?

 

Par conséquent, Europe 1 doit faire autre chose. Pour le divertissement, les auditeurs ont RTL. Pour s’informer, ils ont Inter. Il faut trouver autre chose pour les auditeurs qui veulent encore écouter une radio généraliste. D’ailleurs, peut-être ne faut-il plus qu’Europe 1 soit une généraliste. Après tout, RMC est devenue une radio d’infos avec des plateaux. Europe 1 doit faire quelque chose qui n’existe pas ou qui n’existe pas encore en France. Les vedettes ne sont pas nécessaires pour attirer les auditeurs. Lors de l’explosion des « radios libres » au début des années 1980, leurs animateurs étaient de parfaits inconnus et même pas des pros de la radio. Ils ont percé parce qu’ils proposaient du nouveau avec un ton original et du jamais entendu. Après, c’est le fric qui a éliminé la plupart d’entre elles pour ne conserver que les diffuseurs de pub avec un peu de musique (soit disant l’identité de ces radios) et les radios associatives. Entre temps, quelques directeurs de radios généralistes (comme M. Elkabach sur Europe 1, justement) avaient fait leur marché et embauché, sinon les meilleurs, du moins les plus connus (comme Arthur).

 

On peut penser qu’il y a assez d’intelligence dans ce pays, assez de créateurs, assez de gens qui ont des idées pour proposer quelque chose d’original comme l’a été Europe 1 à sa création.

 

http://www.telerama.fr/radio/toujours-a-la-peine,-europe-1-ajuste-sa-grille,n5429533.php

 

http://www.telerama.fr/radio/frederic-schlesinger-faire-du-france-inter-sur-europe-1,-ou-linverse,-naurait-aucun-sens,n5288110.php

 

 

http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/patrick-cohen-je-me-sens-responsable-d-un-eventuel-echec-sur-europe-1-_65ef6e82-0da4-11e8-9a67-a5802d52ee9b/

 

http://morange.canalblog.com/archives/2006/02/01/1290484.html

 

 

L’image fait partie d’une campagne de promotion d’Europe 1 de 1976-77. Jean-Michel Desjeunes venait d’Antenne 2 avec Pierre Lescure. Il animait une émission culturelle où il recevait des invités. M. Pierre Lescure intervenait pour les informations courantes et Mme Anne Sinclair débutait dans le rôle consistant à interroger de manière un peu musclée (inhabituelle à l’époque) l’un des invités. Jean-Michel Desjeunes s’est suicidé et les deux autres ont fait les carrières que nous connaissons.

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