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la lanterne de diogène
20 septembre 2018

Le boulot est de l'autre côté de la rue

traverser (2)

D’abord, je l’aurais pris au mot et je lui aurais demandé de m’accompagner dans une rue, sans mettre en avant sa fonction de Président de la République. À ce sujet, observons que, depuis le Président Sarkozy, nous avons affaire à des personnages qui se croient tout permis du haut de leur escalier élyséen. D’où ces écarts de langage ou ces frasques pantalonnesques.

 

Ceci dit, ça ne serait encore pas trop grave si un grande partie de l’opinion publique ne tenait le même langage de bistrot. Voici un florilège de ce qu’on entend :

« Du boulot, y en a quand on veut vraiment »

« Du boulot, moi je t’en trouve mais ça te plaira pas forcément »

« Y a qu’a aller vider les poubelles (sous-entendu : mais c’est trop dur et trop salissant alors tu veux pas mais viens pas te plaindre !) »

« T’as qu’à faire la plonge »

« Partout, les patrons cherchent du monde », « Les patrons se plaignent qu’ils ne trouvent personne »

« Moi aussi, j’ai été au chômage mais j’ai rebondi parce que je me suis battu »

 

traverser (2)

Ce qui réjouit malgré tout, c’est que cette phrase lancée à la cantonade, pour « parler vrai », n’a pas fini de coller à la peau du Président de la République. Après seulement 24 h, la toile était envahie de photos détournées. Nous en publions quelques unes.

 

Aujourd’hui, il y a des diplômes pour tout, même pour vendre des fleurs ou des pommes de terre, même pour servir dans un bar, même pour faire le ménage. Devant la pléthore de candidats à chaque petite-annonce passée, l’employeur va déjà éliminer ceux qui n’ont pas d’expérience puis ceux qui n’ont pas le diplôme qu’il faut. Il suffit pas de se présenter en disant : je crois que je peux faire l’affaire, mettez-moi à l’essai aujourd’hui et vous verrez en fin de journée. Ça a existé mais ça n’est plus le cas sauf, peut-être, chez des artisans en TPE.

 

Donc, le Président de la République se trompe et, probablement, parce qu’il n’entend que les jérémiades des patrons qui justifient de ne pas jouer le jeu de la reprise et de l’embauche en mettant en avant qu’ils ne trouvent pas de personnel ; certains ajoutent « qualifié ».

Ensuite, il se contredit. Il insinue que les diplômes ne servent à rien et que pour travailler dans le bâtiment, l’hôtellerie, la restauration, il suffit de se présenter à l’embauche et l’on va commencer sur le champ. Le problème, c’est que si l’on agit ainsi, ça justifie que les employeurs se plaignent d de ne pas trouver de personnel « qualifié ».

 

traverser

Dans l’opinion publique, il y a aussi une question qu’on entend souvent quand on doit avouer qu’on est au chômage : « Vous cherchez dans quoi ? ».

Il y a deux aspects dans la question. D’abord, celui qui la pose espère que l’interlocuteur ne va pas répondre qu’il cherche dans son secteur à lui. Ainsi, il peut facilement poursuivre en disant qu’il ne peut rien pour le demandeur d’emploi. Ouf ! Ensuite, c’est méconnaître la recherche d’emploi. Le demandeur d’emploi consulte les offres et les petite-annonces et regarde si quelque chose lui convient, en fonction de ses compétences. À partir de là, il peut postuler mais s’il cherche dans un secteur précis ou même élargi, il y a peu de chances qu’il trouve grand-chose ; sauf justement quand un poste se trouve vaquant ou, plus rarement, si l’entreprise cherche à augmenter son activité. Dans les deux cas, il est reproché au chômeur sa démarche : s’il se concentre sur son domaine, on lui dira qu’il faut élargir la recherche mais s’il l’élargit, on lui dira qu’il s’éparpille et que ça fait mauvais effet. Être privé d’emploi est un parcours où l’on est culpabilisé à chaque étape.

 

Enfin, l’opinion publique de gauche rejoint ces propos de comptoirs mais, en y ajoutant un aspect moral ou, plutôt moralisateur. On est de gauche, n’est-ce pas ? Celui qui ne trouve pas de travail est moqué puisque, du travail, il y en a pour ceux qui ont le courage de se retrousser les manches. Jusque là c’est pareil mais on ajoute que les étrangers, eux, acceptent ces boulots, même mal payés, même épuisants, même salissants. Ça n’empêche pas les mêmes de se solidariser avec les étrangers qui trouvent encore plus difficilement du travail du fait de leur situation.

 

En fait, tout le monde connaît des personnes qui ne sont pas à leur place pour n’avoir pas la formation, l’expérience, le diplôme correspondant au travail effectué. Éliminons les recommandations. Simplement – et pour reprendre le vocabulaire à la mode – le boulot revient à ceux qui savent se vendre. Nous connaissons tous des médiocres qui décrochent des bons boulots, bien payés alors qu’ils n’ont pas le minimum de compétences. Seulement, au moment de l’embauche, soit par aplomb, soit par inconscience, ils ont su se mettre en avant et faire croire qu’ils sauraient faire ce qu’on leur demande. Inversement, celui qui aura les diplômes, il faudra le payer en conséquence. Les patrons se plaignent de ne pas trouver de gens formés mais quand ils en trouvent, ça leur fait craindre pour leur portefeuille. S’ils ont l’expérience, l’employeur aura peur qu’il en sache plus que lui ou bien ses collègues craindront de se faire supplanter par le nouveau venu. Quand les places sont à ce point comptées et sans commune mesure avec le nombre de candidats, ce sont les moins scrupuleux et ceux qui ont le plus d’assurance qui les prennent. C’est sans doute ce qu’a fait M. Macron toute sa vie.

traverser la rue 3

 

Le chômage de masse prospère sur ces toutes ces contradictions qui s’expriment, souvent, dans le même propos. En fait, ceux qui, pour diverses raisons, ne connaissent pas la privation d’emploi, généralement les plus âgés, n’ont pas compris, pour avoir travaillé toute leur vie, parfois très tôt, que les temps ont changé puisque, eux, n’ont pas changé souvent d’emploi ou d’employeur. Les plus défavorisés d’entre eux participent à l’habituel conflit de génération : « les jeunes d’aujourd’hui... ». Les nantis adaptent juste leur mépris de classe.

 

S’ajoutent encore les euphémismes obligatoires qui nomment « plans de sauvegarde de l’emploi », les licenciements collectifs, à la satisfaction des concernés. Avec un tel environnement, les personnes privées d’emploi ne sont pas sorties de la galère.

 

traverser la rue 2En fait, le fond du problème, c’est que la pénurie est organisée par les employeurs afin de baisser le coût du travail. S’ils voulaient vraiment embaucher, ils proposeraient des meilleurs conditions de travail et un meilleur salaire mais, dans les grandes entreprises, une grande part du produit est absorbé par des dividendes à deux chiffres à verser aux actionnaires. Depuis une vingtaine d’années s’ajoutent encore deux autres facteurs : d’une part les machines et l’intelligence artificielle accomplissent de plus en plus de tâches. Le travail ne disparaîtra jamais complètement mais il va se faire plus rare. Contrairement à ce que prétend l’article, il faudra peu de personnel pour faire fonctionner tout ça. Jean-Jacques Servan-Schreiber, en 1980, prédisait que la révolution informatique ne détruirait pas d’emplois et que, au contraire, on allait en manquer. L’autre, c’est, bien sûr, le facteur démographique. La population croit à une vitesse jamais observée alors même que les besoins de main d’œuvre décroissent. Il faut considérer que, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le travail ne va plus assurer l’essentiel des ressources.

 

 

 

https://www.francetvinfo.fr/sciences/high-tech/en-2025-les-machines-accompliront-plus-de-taches-que-les-humains_2943945.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20180917-[lestitres-coldroite/titre4]

 

https://www.latribune.fr/economie/france/du-mal-a-trouver-un-emploi-macron-conseille-l-hotellerie-restauration-790617.html#xtor=EPR-2-[l-actu-du-jour]-20180917

traverser la rue 5

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1229174-la-restauration-peine-a-recruter-normal-humilie-exploite-vis-ma-vie-de-serveur.html

L’enfer du miracle allemand https://www.monde-diplomatique.fr/2017/09/CYRAN/57833

 

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1229174-la-restauration-peine-a-recruter-normal-humilie-exploite-vis-ma-vie-de-serveur.html

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Commentaires
J
On n'aime pas trop dans ce pays les novateurs, les solitaires, ceux qui marchent hors des clous et explorent les chemins de traverse. Sont entendues comme hérétiques, pour rester dans le parallèle religieux, les alternatives à, je dirais, le "travail forcé" et à un mode de vie tel que je le décrivais plus haut sur le mode caricatural. Plus largement, seront vus comme hérétiques les allergiques à la télé, à la pub, aux sports de masse, à "la vie associative", les critiques du bénévolat et du charity-business, les autodidactes, les abstentionnistes, les esprits lucides, les dissidents de Clochemerle, pour qui le monde ne saurait s'arrêter aux frontières de l'hexagone. <br /> <br /> <br /> <br /> L'exemple de NDDL, que tu cites, est éclairant. Un champ d'expérience qui, dans un pays libre autrement que dans les professions de foi de ses politiciens, aurait été intégré en tant qu'hypothèse de travail et étendu à d'autres territoires en friche. Mais là on se heurte à de rudes adversaires. Les technocrates, les politiciens, le clientélisme des politiciens, l'idéologie dominante, les multinationales du bétonnage et... la paysannerie qui est loin d'être une entité bienveillante - quiconque vit à la campagne ne me démentira pas. En arrière-plan se profile un dogme indéboulonnable issu de cette vieille culture paysanne dont découle le mode de vie-franco-français : le droit sacro-saint à la propriété privée. Tu veux t'installer en tant que cultivateur bio, coco ? Créer une communauté auto-suffisante ? Sois propriétaire terrien d'abord. Ensuite tu pourras faire ce que tu veux, dans la limite de ce que t'autorisent les normalisateurs de Bruxelles (qui n'ont jamais vu un poirier autrement qu'en photo) et l'Etat à leur solde. <br /> <br /> <br /> <br /> Bref, on n'est pas, mais alors pas du tout dans un pays libre. Toute velléité d'initiative individuelle et novatrice est corsetée par un faisceau de lois, de décrets, de dispositifs, une bureaucratie omniprésente et les sanctions prévues par ce qui est rien moins qu'un Etat policier. On l'a vu récemment avec ce type qui a inventé le skate-board volant qui nous émerveillait dans "Retour vers le futur", dont les essais sur les bords de la Méditerranée ont été mis en échec par notre bonne vieille Maréchaussée. On ne veut pas de ça chez nous ! Un visa pour les USA et l'avenir de cette merveilleuse invention est assuré. On se contentera d'acheter au prix fort les droits dérivés, le moment venu. <br /> <br /> On l'a vu aussi avec les projets exprimés ici et là d'implanter sur des terrains inutilisés des petits pavillons destinés à loger des SDF. Initiative récupérée par le FN qui arguait des facilités accordées aux migrants, nourris, logés, nantis de vélos et de smartphones, alors que nos sans-toit crèvent dans la rue. Ce qui soulève, en effet, de ces questions qui tuent propres à alimenter quelque débat sans fin utile à noyer le poisson - la mauvaise foi partisane étant bien au-delà du foot notre sport national. <br /> <br /> De fait, l'idée, intéressante, a tourné court. Ce qui a évité à ses auteurs de devoir se confronter à l'hostilité des communes et des propriétaires voisins, en clair de poser les vraies questions de fond, vouées comme il se doit à des débats sans issue concrète. <br /> <br /> Outre les barrières précitées, il y a celles que pose le réseautage, passage obligé pour tout esprit créatif, novateur, imaginatif soucieux de rencontrer une demande, un public. Cela va des assos' agréées (les assos' sont au Système ce que ses prélatures sont au Vatican...!) aux milieux dits autorisés, implique à la base la nécessité d'appartenir à la bonne caste socio-professionnelle ou d'en avoir reçu l'onction, et suppose la capacité à savoir se vendre et les moyens de s'arracher de sa province pour aller courtiser les gens qu'il faut. Sous peine de se retrouver dans son coin à faire du sur-place avec ses idées. <br /> <br /> <br /> <br /> On revient au rapport au travail, dont tu pointes le côté délirant chez les syndicalistes et la politicaille hors-sol, de droite comme de gauche. <br /> <br /> On peut dire que les syndicats paient d'un lourd tribut leur non-prise en compte du statut de chômeur et leur totale absence auprès des précaires. Qui représentent-ils désormais dans le monde du travail, hors les corporations bureaucratiques où ils comptent encore quelques affiliés ? Beaucoup de précaires étaient employés dans nos administrations du temps des emplois dits aidés - auquels les syndicats et la gauche semblent être très attachés, et là on est quand même dans un sacré paradoxe ! On veut bien défendre les intérêts du camarade fonctionnaire, mais le lumpenproletariat, on connaît pas ! Livré à lui-même, le lumpenproletariat. <br /> <br /> <br /> <br /> Quant à la gauche, enfin, à ce qu'il en reste... Je peux te dire que le lyrisme de l'insoumis de service, le précaire qui a du mal à finir le mois, ça le fait doucement ricaner, et que les ponctuelles manifs de fonctionnaires, qui dans nos rues font penser à des processions conventuelles, il passe à côté sans se retourner. J'habite un de ces bleds paumés dont parle Olivier Razemon, devenus des foyers de paupérisation où à chaque élection l'extrême-droite gagne du terrain. Dans ces bleds aussi on est dans le champ d'expérimentation, mais en sens inverse de ce que j'écrivais au début ce mon propos. Des bleds où les pauvres vont se ravitailler aux Restos et dans des épiceries associatives, où le CCAS ne désemplit pas au moment des factures de chauffage. Où la gauche tient les manettes et surtout, les pieds au chaud des retraités des banlieues pavillonnaires excentrées, subventionne à mort leurs assos' de gym et de rando, d'anciens combattants, de pétanque, leurs chorales patoisanes et leurs repas des anciens où coule à flots le rosé. Mais où croupissent RSAstes et chômeurs parce que l'économie y est inexistante, les transports en commun sous-développés et qu'une dette persistante fait que ceux qui sont imposables, particuliers, proprios et commerçants, sont pilonnés fiscalement et qu'on n'investit plus qu'à la petite semaine pour privilégier un certain électorat plutôt que celui dont on sait n'avoir pas de voix à attendre. <br /> <br /> Et pourtant, il y aurait à faire pour redonner du peps à cette ville. Elle compte des artistes, des gens qui ont des tonnes d'idées, des envies d'initiatives mais qui n'ont aucune envie de les brader dans des bénévolats hasardeux pour rester dans les clous de la liberté conditionnelle. Qui ont juste envie de vivre décemment là où ils sont. Qui en ont ras-le-bol de "faire les bénévoles" tandis que les factures s'accumulent dans les boîtes aux lettres et que la télé leur raconte la dernière de Macron dûment analysée par les commentateurs agréés, dont la parole va à l'opposé de celle de cette entité bafouée qu'est la femme, l'homme de la rue. <br /> <br /> <br /> <br /> Oui, avant de conclure, Diogène, une petite réserve à propos des Esat : dans le contexte du handicap, le travail peut représenter une utilité, à défaut de salut, dans la mesure où ce genre d'institution permet à des personnes que leur handicap promet à l'isolement de conserver un semblant de vie sociale. Même si on est loin d'une véritable intégration, chose dont la société française, dans sa rigidité (et là je parle du système français comme de nos "compatriotes"), est tout à fait incapable. On ne sait pas en France, et ON NE VEUT PAS intégrer ce qui n'entre pas dans les cases précontraintes, l'handicapé, le Black, le pauvre, l'artiste hors-réseaux autorisés, le baba-cool, le Zadiste, le sans-toit, le Gitan... Mais c'est là un autre débat sans fin.
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L
C’est sûr que cette adulation du travail s’apparente à la religion et l’irrationnel.<br /> <br /> Les intégristes se montrent particulièrement violents et intolérants parce qu’ils constatent que ceux qui ne suivent pas les mêmes préceptes vivent aussi bien et, en général, mieux qu’eux qui vivent la tristesse, la grisaille, les privations et les frustrations. Donc, la première tâche des intégriste consiste à rendre les autres plus malheureux qu’eux. Pour le travail, la tâche est déjà effectuée puisque la privation de revenus restreint le chômeur. Par conséquent, il faut encore déployer de l’énergie pour lutter contre les alternatives au travail au sens où on l’entend habituellement. Donc, on s’oppose (« on » pouvant être des acteurs différents et antagonistes) aux coopératives, au revenu universel de base, à l’autarcie, aux communautés. La destruction des ateliers et des potagers de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes nous en a donné un exemple. Hors de question de tolérer que d’autres s’en sortent en dehors de la religion ; pardon, du travail.<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, en effet, le comportement des syndicalistes et de nombre de formations politiques – notamment celles de gauche – vis à vis du chômage s’apparente à la religion quand, autrefois, elle a été confrontée au développement de la science. En s’accrochant à des dogmes apparentés à la foi du charbonnier (« C’est écrit ») sans s’interroger, elle ne pouvait que se voir battue en brèche par les découvertes. En l’occurrence, les syndicats refusent de prendre en compte le chômage et les chômeurs. Pour eux, un chômeur est un travailleur comme un autre, momentanément privé d’emploi. Il suffit d’une bonne politique pour rétablir l’ordre. Après 40 ans de chômage de masse, la négation de l’évidence est tout à fait irrationnelle. <br /> <br /> <br /> <br /> Ça va plus loin qu’on ne le pense puisqu’il existe des centre d’aide par le travail afin d’occuper des handicapés. Le salut vient de la valeur travail. D’ailleurs, quand on parle d’insertion, il s’agit d’abord de mettre en place un dispositif qui va permettre au bénéficiaire de trouver un emploi malgré le chômage de masse et un profil qui exclut habituellement les candidats : handicapé, prisonnier, réfugié etc. <br /> <br /> <br /> <br /> Bien sûr, dès qu’on touche à l’irrationnel, on ouvre la porte aux paradoxes et contradictions en tout genre.
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J
Ouais, c'est très paradoxal, tout ça. Ce rapport moraliste au travail, dont tu dis qu'il est cultivé chez certains syndicalistes, il est bien le produit d'une culture, la résultante de vieux conditionnements et il témoigne par là d'un cruel défaut d'esprit critique.<br /> <br /> <br /> <br /> On est un peu dans la logique qui régissait jadis les comportements vis-à-vis de la religion. Il y avait les croyants habités d'une foi qui à moi, rationaliste génération zététique, paraît impensable (mais que je respecte, à chacun ses béquilles-à-supporter-l'existence), les bigots que chantait Brel, animés d'une foi du charbonnier aveugle et sourde (comparable à celle des Marcheurs... il y a seulement quelques mois !), et en face les mécréants, engeance honnie. <br /> <br /> Honnie pourquoi ? Parce que sur eux, le chantage organisé n'avait pas de prise. Le mécréant ne se privait pas de jouir, le péché n'existant pas à ses yeux. <br /> <br /> <br /> <br /> Le mécréant d'aujourd'hui c'est le marginal(isé) décrit dans mon post précédent : qui se rend aux convocs en se prévalant d'une attitude très visiblement réfractaire aux vessies et aux lanternes de l'insertion. C'est celle, celui qui à l'entretien d'embauche, montre qu'on ne la lui fait pas. Questionne sur le salaire, la durée du contrat, l'éventuelle obligation d'un stage au diable-vauvert, les conditions de ce stage, sa durée, la prise en compte des dépenses de transport. Les heures-sup. Genre, je veux bien bosser pour vous mais c'est moi qui pose les conditions. <br /> <br /> En face, le DRH saura tout de suite qu'il y aura un os. La, le postulant(e) a échappé aux conditionnements, elle, il se situe hors-codes. <br /> <br /> Mais elle, il n'est pas libre : car suspendu(e) aux minima de survie que le système consent à lui verser. Si on lui coupe les vivres, elle, il va faire quoi ? Cela peut aller de la dépression à la rébellion de qui n'a plus rien à perdre. C'est pour cela qu'on a mis en place les minima sociaux. Présentés comme la redistribution généreuse d'un système attaché à l'humanisme, ils sont en fait une nécessité qui s'est fait jour lorsque le plein-emploi est devenu un mythe. Le garant d'une paix sociale qui autrement serait sévèrement compromise. Un contre-chantage que Macron entend déjouer. La remise au goût du jour de la violence symbolique dont parlait Bourdieu, sauf l'autorité que Macron n'a plus, sauf l'amortisseur d'un contre-pouvoir qui n'a pas su se construire aux côtés de ceux dont il se prétend le porte-parole, sauf un syndicalisme qui a trop longtemps négligé les précaires pour que ceux-ci lui accordent quelque fiabilité. Sauf la capacité d'une bureaucratie en sous-effectif à gérer des millions de dossiers en flux continu. Sauf l'impossibilité mathématique de fournir du travail à une dizaine de millions de personnes. <br /> <br /> De la folie. <br /> <br /> <br /> <br /> On repart sur le travail en tant que "valeur". <br /> <br /> Une question que je me suis longtemps posé pour ne l'avoir entendue poser par personne, à propos des emplois précaires : Quid de la qualité du travail obtenu dans de pareilles conditions ? <br /> <br /> Laissons-là posée. <br /> <br /> Quelque esprit pragmatique y répondra peut-être. <br /> <br /> <br /> <br /> Le plaisir et le travail. On dirait qu'à l'instar de la nécessaire contrition du dévôt évoquée plus haut, la notion de plaisir doit être proscrite lorsqu'on parle du travail. Il faut nécessairement en ch... ! L'artiste qui arrive à vivre de ses créations sera vu(e) comme un(e) veinard(e), elle,il a des relations, du fric à la base, des amis bien placés. Simplement, elle, il peut avoir du talent et assez d'entregent pour savoir se vendre (les deux ne sont pas toujours compatibles...). Elle, il peut retirer de son art juste assez d'argent pour vivre, mais voilà ! elle, il ne subit pas le stress de l'employé de bureau, du cadre, la lassitude du fonctionnaire, la fatigue du prolétaire, les horaires coupés de la caissière d'hyper et de la femme de service, il n'endure pas les caprices du petit chef, les injonctions du manager, et les embouteillages et le métro... et la gueule de ses semblables à la semblance de la sienne. Non, l'artiste est tranquille dans son atelier, à façonner, à écrire, à peindre, à composer, à créer, et ça l'amène à côtoyer des gens qui ne sentent pas sous les aisselles, qui ont l'air sans souci... <br /> <br /> Forcément l'artiste est mal vu(e). Aussi mal que le tenancier de gîte rural, le propriétaire du camping, le propriétaire tout court, et le guide de haute-montagne, et toutes celles et tous ceux qui, des secteurs d'activités free-lance au show-biz, gagnent plus ou moins bien leur vie en exerçant un job qu'elles, ils ont choisi. Parce que travailler c'est en ch... ! Travailler ce sont des contraintes, c'est se laisser pourrir ses plus belles années dans l'attente du week-end où on va se précipiter en masse dans les hypers, bouffer des pâtes à tous les repas pour finir de payer sa baraque, sa bagnole, sa télé géante, ou payer son loyer et ce qu'on a obligatoirement à payer quand on ne gagne pas assez pour contracter des crédits. <br /> <br /> Bref, ce sont des vies à ch... mais comme c'est le lot de tout le monde et qu'on a été élevé et conditionné à ça, on ne se pose pas la question. Heureusement il y a la télé pour qu'on ne se pose pas les questions qui tuent. <br /> <br /> Et l'artiste, la cigale, qui va bien vivre, vivoter en l'attente du bon plan qui va le booster, pas très bien vivre en auto-entrepreneur-sous-liberté-d'entreprendre-conditionnelle, le regard que sur elle, sur lui pose le chaland, est-il si différent de celui que le bigot braquait jadis sur le mécréant ?
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L
Oui, le culte de la « valeur travail » est tout à fait stupéfiant. On peut supposer que, au moment de la révolution néolithique, quand l’espace est devenu choisi et non plus subi, les humains se sont répartis les tâches en fonctions de leurs aptitudes. La suite, nous la connaissons. <br /> <br /> Le travail est passé d’un moyen de subsistance et de se préserver du temps pour le plaisir à un but ultime, un moyen de reconnaissance à la fois de son passage sur Terre et de l’utilité de sa vie.<br /> <br /> <br /> <br /> L’écrivain voyageur ou « écrivain-corsaire » selon l’expression de Kessel, à savoir Henry de Monfreid, s’emportait quand on dénonçait l’esclavage à son époque. Pour lui, il fallait distinguer ce qu’il nommait « l’esclavage patriarcal » de la traite négrière qu’il condamnait aussi. Dans les familles arabes proches de la corne de l’Afrique, il n’était pas rare qu’un(e) ou plusieurs esclaves évoluaient dans la maisonnée, non pas affecté au travail de force mais, tout simplement au travail, jugé indigne du maître de maison. La reconnaissance envers l’esclave méritant était telle que, souvent, il héritait de tout ou partie du patrimoine sans que les héritiers légitimes ne trouvent à redire. Par conséquent, il était plus sévère à l’encontre des patrons qui exploitaient honteusement leurs salariés et, notamment, les femmes.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Sur la sévérité des pairs envers ceux qui se trouvent privés d’emploi, elle est sidérante. Je me rappelle un camarade de mon syndicat qui ne manquait pas une occasion de dénoncer : « il y a trop d’assistés en France ! ». Bien sûr, il était le premier d’entre eux. Après avoir été débouté lors de son procès aux prud’hommes, on a essayé de lui obtenir l’AAH mais comme il faisait du bénévolat chez nous, il croyait qu’il était devenu employé de bureau dûment rémunéré. <br /> <br /> On est également confronté à cette sévérité lors des demandes de tarif réduit pour les demandeurs d’emploi. Malgré l’installation durable du chômage de masse depuis 40 ans, la catégorie des privés d’emploi est encore souvent oubliée. L’ employé ou le bénévole qui tient la caisse répercute avec zèle cet oubli. Le ton de la réponse à la fois vous culpabilise et vise à vous montrer qu’on peut trouver du travail quand on s’en donne la peine et qu’on peut même se permettre de faire du bénévolat (qui se substitue à un emploi d’ailleurs). Comme si l’on devait s’estimer heureux de pouvoir encore vivre alors qu’on n’a pas de boulot.<br /> <br /> <br /> <br /> Lors de réunions politiques, j’ai pu constater que, en privé, les participants n’étaient pas loin de rejoindre la position du Gouvernement sur les chômeurs qui font pas beaucoup d’efforts pour s’en sortir. Comme si, la critique de la politique de l’emploi n’était qu’un moyen de plus pour s’opposer au Gouvernement mais que les cas concrets n’entraient pas dans leurs préoccupations. On est dans la posture : on s’oppose au Gouvernement par principe mais, au fond, on n’est pas complètement contre.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> À l’heure où le travail se raréfie, celui qui possède un travail se sent appartenir à une minorité, à ces « happy few » qui peuvent encore choisir beaucoup d’aspects de la vie au lieu de le subir. Alors que les régimes qui mettaient en avant la valeur travail au point d’en faire une religion d’État avec cérémonies et manifestations grandioses, qui faisaient semblant de promouvoir les travailleurs afin de mieux leur faire accepter leur exploitation, l’ultralibéralisme qui considère le travail comme un coût qu’il faut faire baisser a réussi à produire une masse qui vénère le travail et se comporte, vis à vis de ceux qui en sont privés comme des supplétifs du système qui les exclue.
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J
Bonjour Diogène,<br /> <br /> <br /> <br /> Ravi de voir que mes modestes contributions vous incitent à ne pas raccrocher les gants ! <br /> <br /> <br /> <br /> Parlons travail... autrement. <br /> <br /> <br /> <br /> Il y a longtemps que je me pose une question bizarre à propos du travail. <br /> <br /> <br /> <br /> D'où vient ce prestige dont jouit le travail auprès de la majeure partie de la population, sachant qu'il ne doit pas y avoir plus de 10 % de nos colocs, sur cette planète, qui gagnent correctement leur vie en faisant un boulot qu'ils ont vraiment choisi, qui pour eux a du sens, où ils s'épanouissent? <br /> <br /> <br /> <br /> Je pensais qu'avec les années et le retour de l'esclavage sous cette forme policée qu'on appelle le précariat, la malédiction paulinienne ("Celui qui ne travaille pas...", etc ) perdrait de son lustre, notamment auprès des classes dites populaires. Au contraire c'est chez celles-ci que le chômeur, l'allocataire, le déporté immobile du système libéral est le plus stigmatisé. <br /> <br /> <br /> <br /> Je pensais que les évolutions de la Société amèneraient au moins une partie de la population, celle idéaliste et au crâne plus rempli que la moyenne, celle soucieuse d'avancées, décrassée des vieilles lunes productivistes, débarrassée des dogmes moralistes hérités du judéo-christianisme, à se distancier de cette malédiction paulinienne, à revendiquer le droit d'exister sans avoir à y sacrifier les meilleures années de sa vie contre des salaires aux montants des plus discutables, séchés par les dépenses contraintes et écrémés par le fisc, ceci dans la perspective d'une chiche retraite - là où l'allongement statistique de la durée de vie condamne nombre d'entre nous à passer près de la moitié de leur existence affublés du statut de "senior" - forme novlinguistique désignant les vioques. <br /> <br /> <br /> <br /> Que nenni ! Le travail, mot dont l'étymologie renvoie à un engin de torture, rappelons-le, constitue encore et toujours un repère d'intégration sociale et vaut à qui s'y adonne, fût-ce pour un salaire misérable, la reconnaissance de ses semblables. De même que l'artiste qui n'a pas d'autre porte de sortie que le bénévolat forcé est encensé par ses pairs (et les tenanciers des assos' "non lucratives" qui retirent du profit et du bénef de son talent) là où l'esprit lucide serait plutôt tenté de le qualifier de couillon, l'esclave est mieux considéré par le populo que le résistant, qui pour échapper à des contrats (et des contraintes et des contrariétés) qu'il sait sans issue, se pointera aux convocs du Pôle Emploi pas lavé pas rasé et dûment bourré, avec une coupe de cheveux innommable, bardé de piercings, déguisé en rescapé de catastrophe aérienne, comme naguère le jeunot retors au service militaire simulait le délire au conseil de révision, ou s'y présentait affublé de bas résille. <br /> <br /> <br /> <br /> Notons que ceux qui encensent la "valeur" travail dans les médias, n'ont jamais vu une usine, un atelier, un chantier, un open-space où crépitent les claviers autrement qu'à la jumelle, ou bien calés à l'arrière d'une limousine climatisée. <br /> <br /> <br /> <br /> Ces jours-ci, Macron nous a fait du Sarko, lequel semble être l'inspirateur de sa conduite devant les caméras (on ne change pas une équipe qui perd, axiome très français). Au frais de ce jeune horticulteur au chômage, dont on nous dit que l'Elysée lui a permis de retrouver du boulot, Macron a ratissé large, ce jour-là, espérant sans doute que sa sortie occulterait quelque peu l'affaire Benalla et d'autres que ses alliés des médias de propagande s'efforcent d'étouffer tant bien que mal. <br /> <br /> <br /> <br /> Macron a joué les hommes de terrain, qui connaissent le monde du travail comme le fond du string de leur copine sans jamais avoir bossé - travers bien français, là encore, que l'on retrouve chez les intellectuels (Sartre déjà s'était bien illustré en la matière) et chez certains artistes. <br /> <br /> <br /> <br /> - Il a flatté l'électorat des beaux quartiers, où on le sait, foisonnent les stakhanovistes (les gros travailleurs exemplaires, pour les djeun's qui nous liraient) . <br /> <br /> <br /> <br /> - Celui des classes moyennes (qu'on ne dénomme plus les "petits bourgeois-grands prétentiards" depuis l'instauration de la novlangue), ces braves gens, embourgeoisés à crédit comme par le sortilège de l'héritage, qui se plaignent de trop payer d'impôts pour sponsoriser les pauvres, sans trop fustiger ces assistés de grand luxe qu'ils élisent, réélisent et dont ils financent un train de vie où la sueur prolétarienne est rare, du maire au conseiller départemental et de la députaille au sénat en passant par les sous-fifres placés à la tête des partis politiques et leur cour attentionnée de hauts-fonctionnaires, ce qui représente quand même, dans notre pays, 10% de la population - c'est peu-être de là que doit venir sa réputation de "démocratie", même si sur le terrain on n'en voit pas trop la couleur... <br /> <br /> <br /> <br /> - De même qu'il s'est allié les suffrages, de longtemps acquis pourtant, de ses bons amis du Medef, syndicat patronal minoritaire mais puissant lobby parmi les lobbies non moins influents à qui l'on doit la réussite du merveilleux projet européen... pour les multinationales, leurs actionnaires, les banquiers, leurs actionnaires, et les mafias et leurs actionnaires. <br /> <br /> <br /> <br /> - Les prolos l'ont applaudi, du moins ont-ils hoché la tête quand Macron a désigné le restau qui se trouvait de l'autre côté de la rue, où Monsieur a sa table, et où, cela va de soi, on est prêt à embaucher le premier venu, même s'il n'est passé par aucune école hôtelière. <br /> <br /> <br /> <br /> - Quant au beauf, traditionnellement accro au travail surtout si ça concerne son voisin, en contempteur militant qu'il est de l'"assistanat", il s'est dit que pour une fois qu'un président reprend mot pour mot ce qui se dit au Bar des Sports le samedi à l'heure de l'apéro, ça vaut bien de déboucher une bouteille de rosé. <br /> <br /> <br /> <br /> Depuis, on ne parle plus que de ça. La rue. L'horticulteur. Macron. Le restau. On s'en gargarise. Le temps de passer à autre chose. A la saynette suivante. Car si le ridicule en politique tuait, il y a longtemps que l'Assemblée nationale, cette espèce de fac-similé de l'Acropole d'Athènes sensé symboliser la démocratie, serait transformée en parc d'attraction, et l'Elysée en ferme bio d'où monterait le fumet des pétards. Malheureusement le ridicule en politique ne tue pas. Voyez la longévité de Giscard... <br /> <br /> <br /> <br /> De fait, tant qu'il restera des gens pour glisser un bulletin nominatif dans une urne, tant que nos congénères n'auront pas acquis la maturité suffisante pour comprendre, selon l'adage libertaire, que "si l'élection au suffrage universel pouvait changer les choses, elle serait interdite", et qu'une abstention massive, de l'ordre des 80%, est le seul moyen d'évincer des pouvoirs ces parasites qui nous causent tant de désagréments, eh bien nous continuerons à les subir, eux et leur cour, eux et leurs propagandistes attitrés, eux et leurs mensonges, leurs tricheries, leurs faux-semblants, leur malhonnêteté, leur impunité, l'arbitraire de leurs diktats et de leurs lois, leurs idéologies assommantes, leurs injections de moraline infantilisante et pis encore, nous continuerons à les enrichir au frais de tant d'autres, si presque unanimement méprisés, qui dans leur coin, sans rien dire, représentés par personne, ignorés même des syndicats ouvriers et des partis politiques fossiles se réclamant de la gauche et de ses extrêmes, vivotent en comptant leurs pièces jaunes : les pauvres. Les précarisés. Les marginalisés. Les déportés immobiles du libéralisme triomphant.Qui connaissent mieux la rue des deux côtés que l'individu qui tient actuellement le rôle de président dans le casting foireux de notre république bananière <br /> <br /> <br /> <br /> Je vous renvoie pour conclure à la série d'émissions que France-Culture consacre ce mois-ci à la pauvreté, notamment dans sa série "Entendez-vous l'éco" : <br /> <br /> <br /> <br /> https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/les-visages-de-la-pauvrete-la-pauvrete-au-dela-des-cliches<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-mardi-18-septembre-2018<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-mercredi-19-septembre-2018<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-jeudi-20-septembre-2018<br /> <br /> <br /> <br /> Dans la seconde émission, l'échange est particulièrement édifiant entre Olivier Noblecourt, émissaire de la politique macroniste chargé de vente du futur "plan pauvreté", et le sociologue Serge Paugam. L'un parle la langue de bois des technocrates, l'autre celle du pays réel. Et c'est là qu'on pressent que l'éradication de la misère de masse selon Macron, eh bien, c'est pas gagné d'avance...!
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la lanterne de diogène
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