Serge Utgé-Royo la voix de la conscience
Jamais je n’aurais pensé voir un jour Serge Utgé-Royo.
Serge Utgé-Royo, c’est un chanteur engagé, contestataire donc confidentiel, surtout à une époque de pensée unique. L’entendre sur les radios associatives, d’accord mais sinon, il faut presque être initié pour le connaître. Je le connais ! Je le connais depuis que je l’ai entendu chanter dans un film sur les usines du nord, film de Richard Prost
https://www.youtube.com/watch?v=ZFxt1qun2GI
http://www.cnt-f.org/video/videos/46-histoire/151-un-autre-futur-lespagne-en-rouge-et-noir-
Et puis, comme par hasard, il se trouve que son répertoire rencontre mes sujets de prédilection et une façon de voir. En entendant sa belle voix, je pense à tous ceux qui sont autour de moi et j’ai l’impression que ce sont des amis. J’ai dit « des amis », pas des camarades ni des frères même si j’en ai envie. Bien que je n’aie pas de lien de sang avec l’Espagne ni avec la Catalogne, je me sens espagnol et me viennent ces vers de Brel
Viens il me reste ma guitare
Je l'allumerai pour toi
Et on sera espagnols
Ils ont de belles voix pour chanter l’amour et la beauté, la révolte aussi parfois mais parce qu’ils y sont forcés comme, parfois, ils prennent les armes pour défendre les leurs et ceux qu’ils considèrent comme leurs semblables. Les anarchistes sont des pacifistes et des non-violents mais ne sont pas des lâches.
Un autre, Léo Ferré l’a chanté :
Ils ont gueulé si fort
Qu'ils peuvent gueuler encore
Ils ont le cœur devant
Et leurs rêves au mitan
Et puis l'âme toute rongée
Par des foutues idées
Des idées qui viennent de loin comme quand Serge Utgé-Royo dit ce très beau poème où il se rappelle les paroles de sa mère : « il n’y a personne au-dessus de toi et personne en-dessous non plus ». Il se rappelle aussi son enfance à Paris quand il regardait les haleurs le long du canal et que se forgeait sa conscience et encore ce marchand d’oranges qui lui en donnait une chaque fois qu’avec sa mère, il passait devant. Il lui adressait un clin d’œil et lui recommandait d’étudier à l’école car, sans doute, lui, regrettait de n’y avoir pas été et voyait dans ce petit enfant de réfugiés, comme lui, ce qu’il rêvait d’être. Époque incroyable où une orange charnue était un cadeau précieux et l’école un espoir pour tous ceux d’en-bas. « Estudiar es una arma ». Les études sont une arme, la seule que les anarchistes revendiquent.
L’orange du marchand espagnol est aussi précieuse et humble que les cinq minutes où cette ouvrière de la très belle chanson de Victor Jarra va retrouver son petit copain Manuel pendant sa pause à l’usine. « Cinq minutes volées
A la fumée, au feu, au bruit, au désespoir » chantera comme en écho, Bernard Lavilliers plus tard.
Cinq minutes où elle se retrouve avec lui, avec lui, avec lui et où plus rien n’a d’importance
La sonrisa ancha, la lluvia en el pelo,
no importaba nada
ibas a encontrarte con él,
con él, con él, con él, con él
Son cinco minutos
la vida es eterna,
en cinco minutos
Ce sont des chansons comme ça que nous apprenaient nos professeurs d’espagnol dans les années 1970 car on ne pouvait pas ignorer ce qui se passait au Chili et dans le reste de l’Amérique en espagnol. Ce soir, en entendant Serge Utgé-Royo, je m’en suis rappelé et j’ai compris d’où vient la révolte et j’ai compris pourquoi j’aime l’espagnol. C’est la langue de la révolte et de la dignité. Il n’y a pas de plus belle langue pour ceux qui luttent. On peut traduire mais on ne peut pas exprimer autrement qu’en espagnol :
El pueblo unido jamás será vencido.