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la lanterne de diogène
18 décembre 2018

Rugby - commotion

Un garçon de 19 ans est mort des suites d’une commotion cérébrale survenue quelques jours auparavant au cours d’un match ordinaire. Il est le troisième, ou le quatrième (le décompte des morts est toujours indécent pour les proches des défunts) en sept mois, dans les stades français, incluant la trêve estivale. Justement, il jouait au Stade Français, club de la capitale au palmarès prestigieux. Ces jeunes étaient des bons jeunes, comme on dit, puisque adhérents aux valeurs du rugby. Bien sûr, les familles de rugby savent que ces valeurs ne sont pas toujours de mises dans les rencontres où les gnons sont courants ainsi que les coups en dessous dont on ressort en se disant que, la prochaine fois, on ne se laissera pas faire. Il n’empêche que les troisièmes mi-temps du rugby sont proverbiales et, après les coups, on fraternise avec l’adversaire parce que, après tout, ce n’est qu’un jeu. On rejoue « La Grande illusion » de Renoir où les officiers se retrouvent à la fois comme militaires mais aussi en fonction de leurs métiers et de leurs origines sociales. Du reste, les humains cherchent et trouvent toujours les points communs avec l’autre et, après, plus rien n’a d’importance. Au rugby, ça se passe comme quand des militaires, justement, se rencontrent ou des paysans, des artisans, des commerçants, des marins, des religieux, même. Le rugby occupe une place à part dans les sports parce qu’il réunit les adversaires sans autre considération.

 

placage dangereux 2

placage dangereux 1

Le rugby amateur a régné longtemps sur l’ovalie, du moins pour le XV qui est le jeu qui se pratique le plus en France. Là encore, c’est l’exception car le rugby se joue à XIII dans la plupart des pays et remplit le même rôle que le football autrefois, en aidant à la promotion sociale de jeunes de milieux défavorisés. L’évolution, les contraintes du travail, l’aspect commercial (les sponsors) de plus en plus prégnant en raison des coûts en hausse, de tout (équipement, transports, soins, assurances, ) ont conduit à la professionnalisation inévitable dans une société où tout s’achète et se vend. L’incidence sur la pratique est indéniable. Autrefois, avec le rugby amateur, il y avait un accord tacite, une valeur non écrite qui faisait qu’on ne forçait pas. On savait que le copain d’en-face devait se lever le lundi matin pour aller au taf et faire sa semaine avec les entraînements le soir après le boulot. On peut pas se permettre de sacrifier son gagne-pain et, valeurs du rugby obligent, on faisait attention à l’adversaire aussi. C’est ça qui attirait les garçons et qui faisait que leurs mères les laissaient partir se castagner, rentrer le maillot plein de boue, qu’il allait falloir laver pour la semaine d’après et l’entraînement de la semaine. C’est le seul sport typiquement anglais qui a été adopté par des Français et même au-delà. Tous les autres sports anglais nécessitent une culture, une éducation anglaises. Le magnifique cricket n’a pas pris ailleurs que dans les anciennes colonies. Les Français l’ont adopté et, après avoir quelque peu réfréné leur tendance naturelle à tricher, ont fini par rentrer dans le rang et devenir une des plus grandes nations de rugby au monde. On a parlé de rugby des terroirs et même de « rugby-cassoulet ».

Avec le professionnalisme, depuis 1995, on s’entraîne toute la semaine. Le taf, c’est le rugby. On ne fait que ça. On améliore sa masse musculaire, sa pointe de vitesse, son coup de pied (pour les butteurs) et ça, c’est plutôt bien pour la qualité du jeu. Grâce à la mondialisation, on peut recruter des joueurs pas chers dans l’hémisphère sud, attirés par le cadre de vie français, au point de constituer une part de plus en plus importante des effectifs titulaires, au détriment des joueurs formés par les clubs. Ce sont des joueurs au gabarit inhabituel en Europe. Il pèsent facilement 130 kg et courent comme les athlètes d’autrefois. Lancés à pleine vitesse, ils deviennent des bolides que les arrières, à la fois défenseurs et marqueurs d’essais, sveltes, ne peuvent plus arrêter. Après près d’un quart de siècle de professionnalisation, les chocs sont devenus courants. On a imposé, depuis deux ou trois ans, « le protocole commotion » afin que le joueur qui reste un temps au sol, soit examiné par un médecin avant de reprendre le jeu. Autrefois, un Jean-François Gourdon, étourdi au cours d’un match du Tournoi avait repris sa place en club, la saison d’après, et une sélection encore plus tard. Aujourd’hui, il serait examiné. Cela dit, ça ne résout rien. Ça guérit mais ça n’empêche pas les collisions. Ce qu’il faut, c’est les empêcher. Le « protocole commotion » arrive après les cartons jaunes et rouge (comme au foot), l’exclusion temporaire (comme au hockey sur glace), et les sorties pour saignement. Ça fait beaucoup en quelques années, sans compter les règles visant à sanctionner davantage le jeu dangereux. Seulement, où finit le simple contact, parfois violent, et où commence le jeu dangereux ? Et puis, même si l’auteur d’un geste au cou ou à la tête est sanctionné, le mal est fait et le joueur victime est affaibli. Seul le résultat compte.

 

placage dangereux 4

placage dangereux 5

On ne regarde pas le rugby pour voir des jeunots se retrouver au tapis et emmenés sur une civière. Ce ne sont pas les jeux du cirque et au cirque contemporain, on n’y va pas non plus pour voir dévorer le dompteur ou tomber l’acrobate. Par conséquent, il faut imposer des règles draconiennes. Il n’y a pas de raison. Au niveau amateur, au niveau des vétérans notamment, on lâche le ballon dès que l’adversaire vous touche. Idem pour les petits, les règles sont adaptés afin que ne demeure que le plaisir du jeu. Ce qui attire les spectateurs au rugby, au-delà de ceux qui baignent dans le milieu, c’est justement tout ce jeu d’esquives, d’évitements, de passes en arrière, de courses à l’essai. Qu’il y ait contact, d’accord, mais pugilat, non !

Le rugby à XIII n’est pas un modèle puisque c’est un des sports où il y a le plus d’accidents malgré des règles qui devraient les éviter, comme le « tenu » qui arrête le jeu avant le placage puis relance le jeu. La mêlée est peu jouée. S’il y a des accidents, on peut en déduire que c’est le professionnalisme qui l’induit. En d’autres termes, l’argent pourrit tout. On tape dure, on cogne, on fonce puisqu’on sait qu’on ne perdra pas son boulot à cause d’une blessure. Néanmoins, on pourrait s’en inspirer. Nous avions également suggéré, la saison dernière, de limiter le poids des joueurs. Bien sûr, les instances du rugby ne vont pas lire cet article et, comme tous les dirigeants, ils sont sûrs d’eux et dominateurs et ne voudront, de toute façon, rien changer. Pourtant, un peu de recherche montre des articles parus dernièrement pour réclamer la même chose. Alors que le rugby cherche, depuis toujours, à se hisser au sommet des sports à succès, à attirer le public, à attirer les sponsors, aujourd’hui, il faudrait se demander pourquoi, depuis le temps, malgré la promotion inespérée de la télévision débutante, le rugby est toujours à la traîne, frappe toujours à la porte de l’Olympie où il vient de rentrer sous une forme édulcorée. En d’autres termes, le public a fait son choix et ce n’est pas celui des collisions et des pugilats que sont les mêlées ouvertes où la seule préoccupation de l’arbitre est de surveiller le ballon : est-il au sol, le joueur plaqué a-t-il gardé le ballon ? On peut s’étriper à côté du ballon, ça n’a pas d’importance. Le public féminin n’est pas friand de ces contacts et encore moins de joueurs de 130 kg et plus. Pourtant, il y a un intérêt du public féminin pour le rugby en raison des valeurs qu’on devine au comportement des joueurs. Par exemple, on ne discute pas les décisions de l’arbitre. Pourtant, s’il est un sport où les règles sont compliquées, c’est bien le rugby où l’interprétation règne. C’est d’ailleurs l’origine de ce qu’on appelle, à tort, les « consultants » de la télévision, pour expliquer l’arbitrage au grand public. Le rugby féminin remporte un succès grandissant un peu partout, justement parce qu’on n’y voit pas ces vilains gestes devenus la règles chez les garçons.

 

placage dangereux 7

placage dangereux 9

Notre société est hyper violente. C’est banal de le dire. Les événements actuels nous rappellent que la violence physique exercée par le petit peuple n’est que la réponse à la violence sournoise qu’il subit depuis des lustres, depuis qu’on parle de « la crise », c’est à dire plus de 40 ans. On peut parler de banalité de la violence quand on s’habitue à voir des gens vivre et mourir dans la rue, quand on s’habitue aux bas salaires, à la précarité, à l’exploitation, à être mal soigné. On s’habitue à la violence dans les jeux électroniques, les feuilletons. Donc, on peut s’habituer aussi à la violence dans les stades et pas seulement dans les tribunes. Instaurer un protocole commotion peut sembler un mieux puisqu’on veut soigner tout de suite. En fait, ce n’est que la prise en compte de la violence qui s’est imposée dans le rugby. On guérit (pas toujours en l’occurrence) mais on ne prévient pas. Les spectateurs ne paient pas leur place au stade pour voir mourir en différé des petits jeunes. Cette banalité de la violence au rugby va tuer le rugby après avoir tué ses espoirs. Déjà, on enregistre une baisse du nombre de licenciés. Après le rugby-cassoulet, va-t-on avoir le rugby-commotion ?

 

 

 

https://www.parismatch.com/Actu/Sport/La-mort-de-Nicolas-Chauvin-relance-la-question-de-la-violence-dans-le-rugby-1594181

 

https://www.ouest-france.fr/sport/rugby/stade-francais-paris/rugby-le-bel-hommage-du-stade-francais-nicolas-chauvin-6130683

 

http://sport24.lefigaro.fr/rugby/actualites/actualites/un-espoir-du-stade-francais-victime-d-un-arret-cardiaque-936739

 

https://rugbyamateur.fr/reglement-la-fin-des-plaquages-hauts/

 

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/03/rubgy-la-sante-des-joueurs-en-danger_5293726_3232.html

 

http://www.lerugbynistere.fr/videos/video-rudi-paige-confond-rugby-catch-plaquage-dangereux-1208130012.php

 

https://www.independent.co.uk/sport/rugby/rugby-union/international/courtney-lawes-tackle-video-england-lock-smashes-jules-plisson-during-55-35-win-over-france-10125322.html

 

https://ledix.skyrock.com/photo.html?id_article=1252292712&id_article_media=-1

 

https://readwrite.com/2016/04/16/scottish-collision-wearable-rugby-nfl-vw4/

 

https://www.dailymail.co.uk/sport/rugbyunion/article-3013732/Monster-collisions-like-Courtney-Lawes-sledgehammer-hit-Jules-Plisson-box-office-appeal.html

 

https://readwrite.com/2016/04/16/scottish-collision-wearable-rugby-nfl-vw4/

 

https://oneappsgroup.com/welsh-rugby-international-elli-norkett-dies-in-crash/

 

https://www.stuff.co.nz/sport/rugby/international/81231957/maa-nonu-knocked-out-as-toulon-set-up-top-14-final-with-dan-carters-racing-92

 

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Commentaires
J
Ils allumaient leurs briquets quand le grouillot de service leur faisait signe de l'allumer, idem la standing ovation naguère exception devenue une habitude, pour acclamer tout et n'importe qui. <br /> <br /> <br /> <br /> Le briquet, personne ou presque ne sait plus en souvenir de quoi on l'allume pendant un concert, un show, devant l'estrade d'une cave à bières. On fait comme le voisin, ça fait cool, c'est un peu Woodstock... <br /> <br /> <br /> <br /> L'indéboulonnable Elkabbach avait en effet anticipé l'interactivité et les illusions de liberté d'expression qui découlent de la transmission d'un ressenti, et non d'une pensée construite. >. <br /> <br /> <br /> <br /> Dans les télé-(dé)réalités qui foisonnent sur les chaînes actuelles, les intervenants sont régulièrement priés de passer à confesse pour dire leur ressenti de ce qui se passe dans l'épisode en cours. >, ou encore >. <br /> <br /> <br /> <br /> La suite dans la même veine, sur n'importe quel sujet, dans les commentaires ouverts des articles de presse sur le site de n'importe quel journal et dans les groupes des réseaux sociaux qui traitent de sujets prêtant à polémiques. De la même veine que ce qui se dit dans les confessionnaux de la télé-(dé)réalité. Des échanges de ressentis suite à un article qu'on a lu, à peine parcouru ou même pas lu, qui très vite partent en vrille. Une remarque plus réfléchie de loin en loin, vite ensevelie sous des joutes verbales passionnées (et truffées de fautes) en partance pour le point Godwin. Edouard Philippe partira, partira pas ? Macron ne peut plus sortir que maquillé. Les Gilets Jaunes sont-ils infiltrés par les jeunes des cités ? Les flics attaqués, intox, fake, piège de la propag' à déjouer? <br /> <br /> <br /> <br /> Pendant ce temps, on découvre la dixième planète du système solaire et la photo d'un cratère empli de glace apporte la preuve manifeste de la présence d'eau sur Mars. On fête les cinquante ans du fameux "Clair de Terre" qui nous émerveilla tant quand on était mômes. Nouvelles qui passent inaperçues. <br /> <br /> <br /> <br /> Le web 2.0 c'est le triomphe du premier degré. Expression ouverte et sans filtre, ou presque, à quiconque a son idée sur tout et attend de pied ferme le contradicteur, qui ne tarde jamais à se pointer. Edouard Philippe, les fards du futur-ex président, les wesh déguisés en Gilets Jaunes, la propag', cinq minutes après on est déjà passé à autre chose, cinq minutes plus loin ce sera encore autre chose. Le ressenti est vecteur d'immédiateté. Il est pulsionnel. Se passe t-il quelque chose, est-il rapporté que quelque chose se passe qui l'amène à réagir ? Le commentateur d'occasion va y aller de son petit comm', c'est devenu un besoin physique depuis que la liberté lui en est offerte en échange d'une boîte mail et d'un pseudo. On tue ainsi le temps, on vit les évènements par procuration, ça fait du ranking, ça ne laisse guère de traces et c'est tout sauf de la communication. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est à cette notion de ressenti que font appel les instituts de sondage, avec leurs questions fermées appelant non pas à l'opinion que l'on peut avoir d'un politicien, d'une politique menée, mais au ressenti que celui-ci comme celle-là nous inspire. C'est ainsi qu'un Chirac qui a autant magouillé que n'importe quel politicien en place, et qui a usé des stratagèmes les plus douteux pour capter les électorats qui l'intéressaient, dispose d'un "capital-sympathie" encore accru par sa maladie. Exit les emplois fictifs de la mairie de Paris, la libération de Papon, le "discours des odeurs", la magouille du Traité de Lisbonne. Chirac était ressenti comme jovial, bon vivant, amateur de femmes, croqueurs de pommes et il avait l'humour corrézien. <br /> <br /> <br /> <br /> Avec le phénomène des Gilets Jaunes surgit un phénomène que cette idée de ressenti avait astucieusement gommé. Voilà qu'on entend des gens parler de leur expérience au quotidien des dérives d'un système économique conjointes aux affres d'une bureaucratie étatique absurde et écrasante, parler de taxations aberrantes, d'effets de seuil, de retraites minables, de salaires faméliques, de radars racketteurs vendus au privé, de parcmètres grossissant le chiffre d'affaires de multinationales, de factures EDF déjà éreintante alourdies de taxes et de taxes sur les taxes, de la façon dont ils se sentent les victimes collatérales d'une machine infernale qui s'est emballée au nom d'un vieux projet qui entendait au départ substituer les échanges commerciaux aux conflits territoriaux et idéologiques, et dont un mille-feuille technocratique assujéti aux dogmes du capitalisme sauvage a fait, à la longue, un vecteur d'inégalités sociales et par là, de conflits. <br /> <br /> Cette parole n'est pas réfléchie. Elle est lâchée, brute, violente souvent. C'est un ressenti aussi, mais exprimé dans l'a posteriori. C'est un furoncle qui a trop tardé à être tracé. On nous parle, comme il était inimaginable d'en entendre parler il y a seulement six mois, des politiciens, des élites, d'un rapport à l'autorité devenu profondément antagoniste, du rejet presque inconditionnel d'un système politique au service d'un modèle économique exerçant une violence symbolique sur les plus faibles, et de ses satellites, pour ne pas dire de sa cour, système politique conçu comme n'étant plus représentatif que de ses élus et ses élites. <br /> <br /> La différence avec le mouvement des Nuit Debout, qui déjà avait voulu libérer la parole, est qu'il s'en est ensuivi une succession de passages à l'acte. Les Nuit Debout ont échoué à convaincre précisément parce qu'ils s'en sont tenus à la parole, là où ceux qui ne l'ont pas, même s'ils l'ont prise le temps d'une soirée, attendaient des actes. C'était un frémissement du furoncle, et tant pis si l'image n'est pas très élégante.
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L
Je répondrai juste sur le dernier point en citant de mémoire Pascal Sevran qui s’insurgeait qu’on reproche à je ne sais plus quel chanteur des propos scandaleux. Il répondait simplement qu’un chanteur n’est pas fait pour commenter l’actualité et qu’on ne demande pas à un maçon de savoir faire du pain. <br /> <br /> <br /> <br /> J’ai dénoncé, quelques fois, la télévision qui nivelle tout et notamment la prise de parole. Sur le même écran, passe, à égalité, dans les mêmes conditions techniques, l’expert, une personnalité en vue et le badaud impliqué par hasard dans un événement. Lorsqu’il a pris la présidence de France 2, M. Elkabach avait annoncé qu’on donnerait la parole aux gens pour leur demander non pas ce qu’ils pensent mais ce qu’ils ressentent pour un événement. Ainsi, s’instaurait la confusion entre l’émotion et la réflexion. Le ressenti, irrationnel, accède au niveau de la raison par le truchement de la télévision. Le phénomène a été amplifié par l’Internet où la réalité, le canular, le montage, le bobard sont au même niveau et cités à égalité. Comme on a dit, la vérité est devenue une opinion parmi d’autres. L’important, c’est le ressenti et l’émotion. <br /> <br /> <br /> <br /> On voit bien comment un type comme Finkielkraut, agrégé de philosophie (excusez du peu) est mis au même niveau qu’un Zemmour au seul motif que leurs conclusions sont rejetées par les mêmes personnes. Je rappelle souvent parce que ça s’est passé au plus haut niveau mais l’ancienne ministre de l’Éducation, Mme Valaud-Belkacem, traitait de « pseudo-intellectuels » l’aréopage d’agrégés de philosophie qui avaient osé critiquer sa politique. Qu’une ministre de l’Éducation rabaisse à ce point l’élite de sa propre administration – dont elle est censée défendre les intérêts – en dit long sur l’absence totale de repère que la télévision a induite sur les générations qui ont été élevées par ce moyen. <br /> <br /> <br /> <br /> Au cours des années 1960 et 1970, les émissions de variétés proposaient, justement, une grande variété, passant de chanteurs de divertissement, à la mode, au chanteur à texte invité et parfois au chanteur lyrique ou au musicien classique. Cependant, la présentation qui en était faite ne laissait aucun doute sur la différence de niveaux entre eux. Dès les années 1980 (sans doute le Top 50 y a-t-il contribué) le nivellement avait opéré. La meilleure preuve se trouvait dans les performances en direct ou en public quand les spectateurs allumaient leurs briquets, non plus en rappel de combats historiques au cours desquels une chanson avait donné du courage aux militants mais en souvenir de bons moments. L’émotion prime sur tout.
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J
Sans citer de noms, car il y en aurait pour des plombes et ça lasserait tes lecteurs, les chanteurs(euses) auxquel(les) ont pense (sans forcément tomber d'accord, d'où le peu d'intérêt à en dresser un listing) n'ont même pas eu à trouver un producteur. Ce qu'ils, elles faisaient et représentaient collait à une demande de masse, Sans doute disposaient-ils aussi des réseaux ad-hoc. <br /> <br /> <br /> <br /> Depuis on va dire les années 80 et les fameux produits de grande distribution du Top 50 évoqués par ailleurs, les carrières se résument souvent à une ou deux chansons. Trente ans après, ces gens-là continuent à se produire en cabarets et dans des shows génériques sur la base d'une et d'une seule chanson qui a marché ("Voyage voyage" est un exemple parmi tant d'autres). Depuis, ça s'est encore accéléré et sans être un connaisseur en la matière, je ne pense pas que beaucoup de produits de l'ex-Starac aient réussi à faire mieux. <br /> <br /> <br /> <br /> Ceci pour le registre de la "variété à la française" telle qu'on a l'habitude d'en fabriquer depuis les années 60 : de la chansonnette vite écrite, vite produite, vite enregistrée sans se poser la question du ridicule, voire du grotesque, collant à une demande de masse et faite pour être vendue sur notre seul territoire sur le principe du matraquage médiatique par des "artistes" au fond interchangeables, qui souvent ne connaissent rien à la musique, ne jouent d'aucun instrument et sont incapables de se produire sur scène. <br /> <br /> <br /> <br /> Comme il y a prescription, même si certains de ces "artistes", fussent-ils escamotés de la mémoire collective, sont encore de ce monde, je citerais à titre d'exemple des gens comme Sheila, Alain Chamfort, François Delagrange, François Valery, David Charvet, Pierre Charbit, Geignard Lenorman, Courgette Mémère, Mike Brant, Dave, C. Jérôme, Plastic Bertrand, (Mer)Dick Rivers qui était au rockabilly ce que François Feldman fut au jazz-fusion, Richard Claydermann à la musique atonale et Didier Barbelivien à la poésie fin de siècle. <br /> <br /> <br /> <br /> Finalement, on l'a amorcé le listing... <br /> <br /> <br /> <br /> Après tu as les chanteurs proclamés "sérieux", talentueux, tout ça, parce qu'ils grattent la guitare, s'habillent en noir, se produisent dans les profondeurs de cabarets connus des seuls initiés quand ce n'est pas dans les MJC des ex-banlieues-rouges. Qui cultivent un air tourmenté, cabossé, déprimé, et que leurs textes, qu'ils écrivent, expriment une lucidité vachement existentielle supposée nous interpeller quelque part. Genre Allain-Leprest, François Béranger, Anne Sylvestre, Francesca Solleville. <br /> <br /> <br /> <br /> OK c'est bien, mais c'est pas Brassens ni Ferré ni le Grand Jacques. Faut du génie pour aborder les grands thèmes existentiels, les amours foirées, les faux-semblants de la nature humaine, les rêveries d'idylles romantiques au fond d'une chambrette humide basse de plafond, le désir et ses tourments, les années qui passent, la crasse des bourgeois, la crasse populeuse si souvent gommée par les chanteurs dits à messages qui préfèrent mettre en avant la crasse des bourgeois pour des questions idéologiques, et la bêtise humaine dans son ensemble, et la mort. La mort. Faut du génie pour savoir chanter ces choses-là sans lasser son public, pour dire aux gens ce qu'on est, nous humains, qui n'est pas toujours des plus reluisants, pour le faire comme on entend le faire sans se faire de son public des ennemis jurés, Faut du génie et une voix qui tranche et de la personnalité et de la présence et des mélodies et des orchestrations et tout autre chose que la seule envie, comme tu dis, d'enfoncer des portes ouvertes. <br /> <br /> <br /> <br /> Tu évoquais Bigard qui, sur certains sujets, démontre une certaine sensibilité, et tu te demandais pourquoi il persiste dans la grossièreté. Apportant toi-même la réponse, un peu plus loin. OK. En parallèle, ne perdons pas de vue, Diogène, que les gens comme lui, où qu'ils passent, quels que soient les propos qu'ils tiennent, sont là parce qu'ils ont quelque chose à nous fourguer. On n'invite plus au jour d'aujourd'hui un(e) artiste pour qui il(elle) est, il est loin derrière nous le temps béni de Denise Glaser. On l'invite pour faire la promo du spectacle du moment, du film où il se produit, du bouquin qu'il a publié (ce qui ne veut pas dire qu'ils l'a écrit, hé hé hé !), de la compil à paraître pour les fêtes. Quoi que fassent ces gens, quoi qu'ils puissent dire, ils sont dans la représentation, ils font leur numéro même si c'est sur des registres différents, quoique scupuleusement calculés. Le hors-sujet, le hors-contexte ne sont pas de mise lorsqu'on est en présence de personnalités publiques au regard desquelles il est toujours question de marketing dès qu'il y a des caméras, des micros. <br /> <br /> Aurait-on l'idée saugrenue d'inviter Shy'm, Didier Barbelivien, Maître Gims, Christophe Maé ou Jenifer à "C dans l'air" pour leur demander ce qu'ils pensent du retour des populismes propre à anéantir le grand et merveilleux projet européen ? Finkie(lkraut) irait-il inviter Louane dans son émission de France-Culture pour évoquer les retombées du mouvement des Gilets Jaunes sur le devoir de mémoire à l'endroit de Hannah Arendt ? Bernard Guetta irait-il demander à Renaud, émergé de sa soûlographie, de lui communiquer son opinion sur l'évolution de la situation dans les territoires occupés ? <br /> <br /> <br /> <br /> La face cachée de toute personnalité publique, tu ne peux la pressentir que si tu fais partie de son entourage immédiat, et de longue date. Autrement on reste dans le calcul, la stratégie, faut coller à l'image. Je suis sûr qu'on aurait de sacrées surprises si on planquait des caméras miniatures chez n'importe lequel des individus que je viens de citer. Pas certain que si on l'avait fait chez Brassens et l'abbé Pierre, ils nous paraîtraient aussi sympas.
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L
Bien d’accord sur le père Gilbert.<br /> <br /> <br /> <br /> C’est vrai qu’il y a des chanteurs dont on se demande comment ils ont pu trouver un producteur, voire plusieurs quand ils en ont changé. <br /> <br /> <br /> <br /> D’autres ont été applaudi dans des fêtes associatives locales et le bouche à oreille a fait qu’on les a vus systématiquement chez les uns et les autres jusqu’à ce qu’ils soient invités dans un festival plus important voire national où il est de bon ton d’applaudir tous ceux qui sont invités car représentant la culture alternative pour le public. Certains ont pu constituer un dossier de presse et font carrière sans voix, sans talent, mais il serait mal séant d’oser émettre la moindre critique même s’ils chantent des chansons qui seraient qualifiées de soupe pour d’autres ou s’ils enfoncent des portes ouvertes avec des textes qu’ils prétendent engagés.
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J
Le problème est qu'on conditionne tellement les gens à apprécier la médiocrité qu'elle est devenue un fonds de commerce juteux. On pourrait en citer des chanteurs de variétés dotés d'un vrai talent de compositeurs, de créateurs, que leurs managers et leurs maisons de disques ont choisi pour d'évidentes raisons commerciales de cantonner dans la chansonnette pour fond sonore de grande surface. <br /> <br /> <br /> <br /> A contrario, on a trop souvent présentés comme des "artistes talentueux et sérieux" des gens parfaitement chiants aux productions délibérément minimalistes, qui se croyaient investis de la mission de changer le monde (sans refiler une thune de leurs droits aux malheureux dont ils se piquaient de dénoncer le taedium vitae). <br /> <br /> <br /> <br /> Guy Gilbert doit être un type passionnant dans le privé. Mais je trouve qu'en tant que cureton, il pourrait quand même prendre des distances avec ce personnage qu'il s'est créé, qui avec le temps est devenu ridicule d'anachronisme. Il n'a plus rien à prouver, on sait qu'il il est et ce qu'il fait et malheureusement, quelles sont ses accointances politiques... ce qui minimise la dimension critique de son discours (peut-on prétendre rouler pour les pauvres et être proche d'un libéral tel que Sarko?) . <br /> <br /> <br /> <br /> Les Martin Circus, je les voyais quand j'étais gosse et je les confondais avec les Rubettes. <br /> <br /> Bigard, à vrai dire je n'ai pas approfondi le personnage, qui me déplaît foncièrement. Peut-être que je devrais. <br /> <br /> <br /> <br /> Mouna Aguigui : très lointaines réminiscences de lectures sur Paris-Match ou assimilé. une sorte d'anarchiste ? <br /> <br /> <br /> <br /> Je reviendrai sur les d'une faces d'une même personne, phénomène intéressant.
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