De la presse et de l'engagement (et autres sujets) - réponse aux habitués
Je m’attendais à ces réponses et ça fait longtemps que je me dis qu’il y aurait à écrire sur l’adaptation des journalistes à la rédaction à laquelle ils travaillent. Philippe Tesson, venu de Combat, dernier journal parisien issu de la Résistance, passé au très anti giscardien Quotidien de Paris, devenu le chantre de la droite agressive et réactionnaire dans la deuxième version de son journal. Il y embauche Dominique Jamet, éditorialiste anticommuniste dans L’Aurore (presque tous ses éditoriaux étaient consacrés au PCF et à Marchais) qu’il quitte officiellement parce qu’Hersant ne le laisse pas travailler comme il l’entend. Il rejoint donc le QdP qui est sur la même ligne à ce moment-là. Néanmoins, comme ce sont tous deux de grands professionnels et de belles plumes, on leur passe tout maintenant qu’on a oublié leurs écrits. Jamet finit par quitter le QdP en difficulté financière mais pas que. Il avait annoncé la mort de Marcel Dassault qui avait renoncé à l’attaquer en justice connaissant ses problèmes. Marcel Dassault, dont j’entends, ce matin même, que c’est lui qui est à l’origine de l’expression « café du commerce » du nom d’une rubrique qu’il tenait dans son Jour de France, « le magazine de l’actualité heureuse ». Dassault tenait bien cette rubrique mais avait repris le nom le plus courant des bistrots français. Il faut vraiment être déconnecté de la réalité comme le sont nombre d’intellectuels (parisiens ou montés à Paris) pour ne pas le savoir.
Dominique Jamet venait tous les mois défendre ce qu’on n’appelait pas encore l’ultralibéralisme dans la revue de presse de Michel Polac dans son « Droit de réponse – l’esprit de contradiction ». En effet, Tesson le pousse vers la sortie, suite à un appel à Mitterrand pour qu’il se représente. Il rejoint alors L’Événement du Jeudi qui accueille toutes les grandes plumes sans encrier, puis Marianne, où il tient la rubrique dramatique plus quelques participations en fonctions de ses compétences multiples. Passe pour Dominique Jamet mais quand on se souvient de la facilité avec laquelle Franz-Olivier Giesberg est passé du Nouvel Obs (qui était vraiment de gauche à l’époque) au Figaro dont la ligne éditoriale était très à droite de la droite au pouvoir (ou en alternance donc), on peut se poser des questions. Louis Pauwels était encore le coordinateur des rédactions du groupe et dirigeait le très réactionnaire, Figaro Magazine de l’époque, celui-là même où a été engagée la fille de Wolinski, qq années plus tard. Certes, Hersant avait compris qu’il était anti commercial d’exprimer de façon aussi caricaturale ses opinions et qu’il fallait un peu modérer tout ça mais quand même. Depuis, il n’a jamais réintégré un titre un tant soit peu teinté de gauche. Yves de Chaisemartin, bras droit financier du groupe Hersant, passe au très anti conformiste Marianne pour, précisément, lui assurer son indépendance jusqu’à sa reprise par le magnat tchèque Kretinsky qui vient de reprendre les activités de Lagardère-active en Europe centrale. Et puis, il y a toutes les autres plumes qui se conforment avec une rapidité et une facilité à la ligne de la rédaction qu’ils intègrent.
J’ai indiqué, précédemment, comment, avec le recul, j’aurais dû remarquer ce moment charnière de la fin des années 1970 où les classes d’âges politisées (Vietnam, Chili, décolonisation, Tiersmondisme, Mai 68) ont peu à peu cédé la place à ceux qui pensaient d’abord au divertissement. La vague disco a tout emporté. Je ne citerai personne mais j’ai connu quelqu’un qui présidait une association d’étudiants, fan de Chirac et même plus, qui diffusait dans le local du Brel (qui venait de mourir qq jours avant), du Ferré qu’il adorait mais laissait les autres passer « Grease » hou-hou-hou ! Toute la journée. Ça illustre parfaitement cette transition. Donc, je comprends qu’il y ait eu à la fois des fréquentations de groupes politisés et de groupes qui ne voulaient surtout pas entendre parler de ça.
En revanche, j’ai eu l’occasion de remarquer que la loi était de moins en moins appliquée au fur et à mesure qu’on s’éloigne de Paris. Le pays niçois et la Corse en sont de parfaites représentations mais les Alpes du sud, en général, ne sont pas mal non plus. Il suffit de voir les véhicules qui circulent et leur comportement.
La PQR (presse quotidienne régionale) est un vrai grand problème en France. Elle est d’une qualité médiocre et traite surtout les faits-divers, soit disant parce que c’est ce que veut le public. Bizarrement, je n’ai jamais pu obtenir de courrier de lecteurs demandant ce type d’information mais j’observe la baisse du lectorat depuis une trentaine d’années. La seule réponse apportée c’est davantage de faits-divers, de sport et moins d’espace rédactionnel présenté sous la pompeuse ambition de privilégier l’image et l’image en couleurs. On lit de + en + vite la presse régionale dans ces conditions. Qui va s’attarder sur l’élagage des arbres sur la place d’un village même si on le connaît ? Le sport, évidemment, attire les lecteurs car il n’y a aucun autre moyen de connaître les événements et les résultats locaux mais avec les applications sur smartphone, il est possible d’avoir accès aux télévision locales sur Internet. Donc, encore des soucis à se faire.
Les autres médias sont tous à Paris, y compris RMC, y compris Sud-Radio, et la facilité avec laquelle les journalistes adoptent la ligne de leur rédaction n’a d’égale que celle avec laquelle ils oublient leur province d’origine pour devenir de bons petits parisiens, qui ne précisent pas que la ligne 76 correspond à un bus parisien, que la ligne 2 au métro (dont on n’a même pas besoin de dire qu’il est parisien) et qu’il y a un problème sur ces lignes. Idem pour la place de la République ou l’avenue Jean-Jaurès. Si l’on ne précise pas, c’est que c’est à Paris. C’est aussi pour ça que je ne dis plus « France »-Inter mais simplement « Inter »
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/09/29/22187176.html
dans la mesure où l’on n’y traite que de l’actualité culturelle (foisonnante il est vrai) de Paris : films qui sortent, pièces de théâtre, expos.
Les Parisiens n’ont certes pas le monopole du nombrilisme. Ils sont juste plus arrogants quand ils se déplacent, se demandant (sincèrement) s’il y a une cabine téléphonique (autrefois) voire même s’il y a le téléphone là où ils sont, s’il y a du réseau aujourd’hui, si le cinéma local propose autre chose que « Le corniaud » ou « Le grand blond avec une chaussure noire ». En zone rurale, on sort peu et faire 10 km pour une démarche administrative ou une IRM est une expédition dont on se passerait bien. Je précise qu’aujourd’hui, on fait plus volontiers 30 km pour les même choses mais c’est un autre débat. Pire, ce qui se passe à qq kilomètres seulement ne présente aucun intérêt voire juste des récriminations : toujours pour eux !
Quel contraste avec nos voisins latin ! Je ne parle que de ce que je connais. En Espagne et en Italie, chaque grande ville a son quotidien qui propose, sur une quarantaine de pages, toute l’actualité et sur un mode plus ou moins sérieux selon la qualité de la rédaction mais en général, c’est du sérieux. La une est occupée soit par l’actualité locale, soit par l’actualité nationale ou internationale. À l’intérieur, des analyses politiques, des reportages sur les pays qui font parler d’eux, l’économie, le sport, la culture. Les pages locales traitent des problèmes locaux, de l’aménagement du territoire, de la politique locale. Bref, tout ce qu’on a besoin de savoir se trouve dans ces quotidiens. Il faut imaginer un journal parisien auquel on ajouterait autant de pages pour traiter de la région (mais sans les pages consacrées à Mme Hidalgo, au chanteur à l’affiche de l’Olympia, à l’expo au musée Cognacq-Jay, aux transports en IdF). D’où l’épaisseur des journaux chez nos voisins. La PQR n’a pas compris et ne comprendra jamais que ce qui les maintien, malgré la médiocrité de leur offre, ce sont les sports du lundi et les avis mortuaires. Cela dit sans rire car, en milieu rural, on est souvent éloigné d’amis d’enfance voire de membres de la famille et c’est comme ça qu’on est informé de leur décès. Et que dire d’un pays comme Israël, équivalent de 2 départements français, où il y a plus de titres de quotidiens qu’à Paris pour une population équivalente, et sans parler de la presse en arabe ! Vraiment, la honte pour les Français !
Avec tout ça, il y a deux articles en attente depuis plus d’une semaine et ça va pas s’améliorer.