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la lanterne de diogène
12 avril 2019

Petit débat (2) : grandes conséquences

Comme je n’arrive toujours pas à trouver le temps de mettre en forme l’analyse sur le macronisme, je propose des bribes inspirées par l’actualité

Ainsi peut-on imaginer ce qui a prévalu à l’organisation du Grand-Débat.

Le Président a dû demander à ses têtes pensantes de l’organiser de telle façon que les revendications, propositions et autres doléances des Français aillent dans le sens de sa politique.

Exercice en apparence impossible ou, du moins, difficile dans la mesure où l’on se doute, en entendant les conversations, en participant à des réunions, en écoutant les reportages sur les gilets-jaunes, que les deux sont diamétralement opposées.

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Impossible n’est pas français, disait-on autrefois. Rien d’impossible pour un technocrate, rompu à la manipulation des concepts, au détournement du sens habituel des mots, à l’invention de néologismes, à l’emballage attrayant d’une marchandise réchauffée voire avariée.

Qu’à cela ne tienne !

On peut résumer l’ensemble dans questions du questionnaire par ce qui suit.

- N’en avez-vous pas assez de payer autant d’impôts et de taxes ?

On se doute de la réponse : on paie toujours trop cher ce qu’on n’a pas choisi de payer. Un smartphone n’est jamais trop cher un grand écran plat non plus, quitte à ne pas payer son loyer.

 

- Comme vous êtes bien d’accord avec le fait que vous payez trop d’impôts et taxes et que l’État et les collectivités locales dépensent trop, quel service voulez-vous voir supprimé ou réduit ?

Là, il faut pas se rater. Renoncer à se soigner pas trop loin de chez soi ? Renoncer à la protection ? Transformer un peu plus l’école en vaste garderie proposant des activités pour occuper les enfants pendant que les parents travaillent (ou pas) ? Renoncer à la sécurité extérieure ?

 

Il y a deux solutions en fait. Soit on est éduqué et conscientisé et l’on comprend que le choix est fermé et qu’en d’autres termes on nous somme de choisir entre risquer d’attraper la peste ou le choléra. Soit on ne l’est pas et alors on ne retient qu’une chose : JE paie trop d’impôt et j’en ai marre ! Enfin quelqu’un qui ME comprend !

Certes, je dis souvent sur ce blog que les mots ont un sens et qu’il y en a assez de ce vocabulaire approximatif légitimé par des «  » et même le geste consistant à replier deux doigts à l’oral. Je déplore qu’à la définition d’un mot on préfère le ressenti : « oui mais pour moi, ça veut plutôt dire que... » . On en arrive à un nivellement consensuel mou où tout le monde finit par s’accorder sur le moins disant.

grand débat

Seulement, que je le déplore ou pas, c’est comme ça et le ressenti de ce questionnaire conduit bien à la poursuite de la baisse des impôts sans voir que ça signifie la fin des services publics qui restent encore.

Le Président Macron fait partie de ceux qui sont persuadés que l’État doit jouer un rôle le plus effacé possible, ne conservant (et encore) que ce qui coûte cher et ne rapporte à personne : Armée, Justice, Police. Et encore puisque les traités commerciaux imposent une justice privée dont les juges sont des avocats d’affaires chargés de juger leurs propres clients qui attaquent les lois nationales quand elles leur sont défavorables. Et encore puisque sur les terrains de guerre, des groupes armés privés ou agissant hors des États s’affrontent. Et encore puisque à la police nationale et à la gendarmerie s’ajoutent des sociétés de gardiennage, des corps de vigiles, des gardes du corps et, bien sûr, les polices municipales, très inégales. Pour le reste, la santé est déjà aux mains des assurances, l’école peut se voir confier à des groupes privés et pas seulement confessionnels, la poste est en concurrence depuis longtemps pour les messageries et la banque.

 

milliardaires

La privatisation des autoroutes passe mal, dit-on ? Faux ! Malgré l’augmentation des péages dès la première année, les clients appréciaient la distribution de petites bouteilles d’eau (50 cl voire 25 cl) pour patienter sous la chaleur aux péages : « Ah, c’est quand même mieux qu’avant, hein ? Il suffit qu’un expert vienne sur un plateau de TV expliquer avec des mots simples et de raccourcis que l’État n’est pas là pour prélever des péages et que quand il était en charge des autoroutes, elles étaient mal entretenues (ah bon?) pour que le péage des axes principaux soit approuvé. J’ai pris cet exemple parce que je l’ai déjà entendu mais dans le cadre restreint de la radio.

La privatisation d’ADP passe mal ? Qui prend l’avion ? Ceux qui le prennent jamais s’en fichent. Ceux qui le prennent ailleurs qu’à Orly ou à Roissy s’en fichent déjà. Les barrages sont privatisés ?Comme on savait pas qui les gérait avant, on verra pas la différence, sauf le jour où, faute d’entretien, il y aura des fissures mais si l’on n’est pas impacté, y a pas de souci ; comme on dit aujourd'hui. Et puis, ce jour-là, l’État interviendra pour limiter les dégâts.

 

En fait, M. Macron a très habilement joué. Il a fait castagner des gilets-jaunes pour dissuader la populace de les rejoindre. Il a discrédité durablement les revendications écologistes en renonçant à la hausse des taxes sur les carburants. Le résultat des écolos aux européennes le confirmera ainsi que nous l’annoncions il y a quelque mois. Il a encouragé l’opinion publique à se focaliser sur l’impôt et les taxes afin qu’elle approuve la baisse et la suppression. Ainsi, il peut s’aligner sur les exigences de l’UE sur la fin des services publics.

Juste un mot sur la taxe d’habitation. En la supprimant, on supprime une source de revenus pour les communes et donc des services publics communaux, notamment l’aide sociale et la régie des eaux. C’est que, les dieux de l’ultralibéralisme ont toujours soif et n’en ont jamais assez. Regardons l’Italie qui présente un budget conforme aux critères de convergence avec un déficit prévu inférieur à 3 % du PIB (2,4 % en l’occurrence). Eh bien non, ça ne suffit pas ! Recalé ! Et c’était la première fois que ça arrivait.

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L’État a baissé sa voilure depuis plusieurs années déjà mais, forcément, ce qu’il a abandonné a dû être repris par les collectivités locales. Donc, il faut exiger qu’elles fassent aussi des économies et on les poussera s’il le faut. D’abord, on réduisant la dotation versée aux communes : beaucoup se sont regroupées pour maintenir un niveau supportable mais ce n’est encore pas suffisant. En supprimant la taxe d’habitation, on leur coupe leurs possibilités.

 

Surtout, on se demande pour quoi faire. Ce n’est que pure idéologie.

Je répète souvent que les Français ont des dépenses de l’État l’image du Roi-Soleil donnant des fêtes à Versailles pour son plaisir. Tant que cette vision demeurera ancrée dans l’imaginaire collectif, l’ultralibéralisme aura de beaux jours en France.

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Commentaires
J
J'ai connu la pantalonnade olympique dans laquelle a sombré la bonne ville de Briançon, et la gabegie qui s'est en suivie. Dont l'extension de l’hôpital des Escartons, financée en partie par des emprunts toxiques. Depuis, fermeture de la réa, baisses d'effectifs programmées, fermeture de services faute de professionnels désireux de s'installer au bout de nulle part. <br /> <br /> <br /> <br /> Briançon repart en ce moment sur un nouveau délire clinquant, la transformation d'un fort militaire en palace 5 étoiles, résidences de luxe et centre commercial sélect (https://alpternatives.org/2018/06/27/briancon-la-plus-haute-niche-fiscale-de-france/), via un montage financier "audacieux". Sans trop se soucier de la concurrence de Mondovicino Outlet, dans le Piémont italien, qui a ouvert avec succès, il y a quelques années, le même type de complexe commercial proposant le même type de marchandise destiné aux comptes en banque bien remplis - qui comme chacun sait foisonnent dans les Hautes-Alpes. Ni de la concurrence de Coni, qui de bourgade industrieuse après-guerre jusqu'à longtemps après, est devenue la Nice du Piémont (dont tant de Niçois étaient originaires !), dûment équipée de palaces à deux pas des sports d'hiver et même d'un aéroport international. <br /> <br /> Tandis qu'on n'a pas plus réussi à convaincre médecins, dentistes, ophtalmos et autres kinés à former une équipe itinérante de soins de proximité dans la vallée du Queyras voisine, forcée de se contenter de ce qu'elle a déjà (un hôpital de campagne - Ehpad à Aiguilles et quelques ostéos, rares toubibs et personnels para-médicaux répartis entre les montagnes [ https://www.queyras-montagne.com/services-medicaux.html ]). Les soins "pointus" se font à Gap, à 90 kilomètres de là par la route et par beau temps, hôpital qui couvre aussi les besoins du désert médical de Sisteron, dans le département voisin, et des vallées alentour, dont celle de l'Ubaye, très fréquentée en été. Un appel au mécénat est lancé pour financer les travaux de rénovation des Urgences briançonnaises. François Pinault a-t-il été contacté ?<br /> <br /> <br /> <br /> Tu évoques le train vers Marseille. Un modeste tortillard à motrices diesel, dont l'existence est menacée (https://reporterre.net/La-mort-lente-des-trains-du-quotidien-dans-les-Alpes-du-Sud) malgré sa correspondance avec le dernier des trains de nuit, le Briançon-Paris, dont on peut gager que les jours sont comptés. S'il y avait eu une réelle volonté au niveau de la Région PACA de sortir ses départements bas-alpins de leur isolement, de les ouvrir à la modernité, de favoriser l'implantation d'entreprises et d'habitants au lieu de faire en sorte de décourager les unes et de contraindre les autres à l'exil, on aurait aujourd'hui à se réjouir, dans ces départements-là, d'une politique de décentralisation aboutie. Or, qu'est-ce qu'on voit ? Des potentats locaux qui passent outre les besoins évidents de leur population en infrastructures de désenclavement, en créations et en maintien d'emplois pérennes, en accès aux soins, en transports publics, en logements accessibles et aux normes, pour s'embarquer dans des réalisations de prestige qui n'apporteront pas grand chose aux populations précitées. <br /> <br /> <br /> <br /> La vallée de la Durance entre Manosque et Peyrolles-en-Provence se résume à une vaste mangrove où çà et là poussent centres commerciaux et opérations immobilières prétentieuses, là où les pauvres s'entassent dans les gourbis des "centres anciens" et des cités HLM rendues invivables par le laxisme des autorités, et où les plus aisés préfèrent investir dans les vieilles pierres des villages alentour et les zones pavillonnaires voisinant les petites villes mieux fréquentées que Manosque, devenue un véritable cloaque. <br /> <br /> Au passage, précisons que le même maire préside aux destinées de Manosque depuis dix-huit ans. Plus au nord, c'est le désert. Sisteron, le même maire polycumulard depuis 1983, et au-delà Tallard, fin de l'autoroute A51. Ensuite ce sont d'interminables trajet vers Gap, Briançon, Grenoble via Luz-la-Croix-Haute. <br /> <br /> <br /> <br /> On a là matière à réflexion, quant à la nécessité d'un changement en profondeur de système politique qui malheureusement relèvera encore longtemps de l'utopie. Le mandat unique, non-cumulable, non-renouvelable serait la seule alternative aux politiques de fiefs, aux petits diktats des notabliaux indigènes, des vieilles lignées de terroir, du népotisme et des cousinages, à cette politique des "imbéciles heureux qui sont nés quelque part", exercée au mépris des attentes du vulgum pecus et de ses réels besoins. <br /> <br /> <br /> <br /> Il faudra des générations de Gilets Jaunes pour en venir à bout, je le crains.
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L
Qu’il me soit permis de rappeler quelques bons mots d’un type que j’appréciais moyennement mais qui m’avait touché, un jour, au micro de la grande, de l’immense Kriss, quand il racontait comment, pupille de la nation, il avait appris à lire. En écrivant ces quelques lignes, je m’aperçois que me viennent d’autres souvenirs de lui que je me dois de rappeler. Au cours de la même émission, Jean-Pierre Coffe (puisqu’il s’agit de lui) avait dit (je cite de mémoire) : « Avec le chômage, on dégoûte les gens de travailler. Autrefois, quand un boulot ne plaisait pas, on en changeait. Aujourd'hui, on a tellement peur de ne pas en retrouver, tellement peur de perdre son travail, qu’on accepte tout et qu’on fait mal un travail qu’on n’a pas choisi. »<br /> <br /> <br /> <br /> Cette parenthèse refermée, j’en viens à notre sujet. JPC avait remarqué, après quelques heures passées à la Réunion pour y animer son émission sur Inter, que chaque fois qu’il y avait un problème, c’était la faute de Madagascar. En métropole, c’est pareil. Chaque fois qu’il y a un problème, c’est la faute de l’autre, d’un double. Il disait aussi : « chaque champignon a son double ». Effectivement, quand on s’y connaît un peu, on remarque que chaque champignon a un sosie qui, bizarrement, est dangereux. En France, chaque ville a son double et rival, chaque village, chaque université, chaque institution, chaque hôpital. Si quelque chose ne fonctionne pas, si l’on n’a pas les moyens, c’est la faute du jumeau qui accapare tout. Dans un même administration, les services se tirent la bourre. Le plus célèbre est la guerre des polices. Il faut ajouter la rivalité ancestrale entre police et gendarmerie. Les années 1970 ont vu ces rivalités territoriales exacerbées. Nice pouvait bien reprocher à Marseille (et à juste titre) de tirer la couverture. On se demande ce Marseille en a fait, d’ailleurs, quand on voit l’état de la deuxième ville de France qui ne peut même pas tenter de rivaliser avec Barcelone : pas de monument mis en valeur, pas de quartier typique, pas de quartier à touristes où l’on peut, au moins, prendre un verre en terrasse. Les nombreux croisiéristes se ruent par cars entiers à Notre-Dame-de-la-Garde dont le site et les accès ne sont absolument pas adaptés pour de telles masses. Qu’on songe qu’il n’y a même pas une gare de dimension internationale pour prolonger le premier port de France qui n’arrive pas à garder sa place de premier port de la Méditerranée, battu par les ports de petites villes italiennes… <br /> <br /> <br /> <br /> L’Italie, parlons-en. En effet, mon cher Jérémy, les Haut-Alpins regardent vers l’Italie, du moins les Briançonnais. En revanche, ils n’ont jamais regardé vers le Dauphiné auquel l’ancien régime les rattachait. Les Hautes-Alpes ont toujours lorgné vers Marseille et l’arrivée du chemin de fer a renforcé cette attirance. Depuis quelques dizaines d’années (celles de la décentralisation d’ailleurs), le pays briançonnais se tourne vers l’Italie. Cependant, le Briançonnais moyen est comme tout le monde, il ne voit pas plus loin que le bout de son nez et l’entourage de hautes montagnes, qui jouent le rôle de murailles protectrices, renforce cette tendance. En d’autres termes, pour le Briançonnais, l’Italie, c’est Turin. Les commerçants locaux font tout pour attirer les riches piémontais. Ils ont été encouragés par un maire, entrepreneur lui-même. Rabais pour les Italiens, bilinguisme de façade, paiement en lires accepté, tout était bon. De sorte qu’ils répétaient à l’envi : « on voudrait bien être rattaché à l’Italie ». Bien sûr, ils ne pensaient même pas que l’Italie, c’est Rome et une politique qui tente difficilement de satisfaire le nord et le sud de la péninsule sans parler des grandes îles. Un boutiquier ne voit pas autre chose que l’intérêt de sa boutique. Son système de pensée ne lui permet pas d’envisager que l’appartenance à un pays c’est aussi décider de construire un aéroport à 1000 km de là ou un bout d’autoroute ou d’envoyer des troupes aéroportées à l’autre bout du monde. On touche là les limites de la décentralisation. On imagine quelle importance les élus italiens accorderaient à un territoire transalpin. Malgré tout, je vais te raconter une histoire. En 2006, Turin a organisé les Jeux Olympiques d’hiver. Aussitôt la nouvelle confirmée, le pays briançonnais s’est mobilisé comme un seul homme. Les politiciens locaux, pour une fois, se sont réconciliés dans une belle unanimité : « une chance pour le Briançonnais ». Ils ont fait savoir au comité d’organisation que l’hôpital (qui menaçait et menace toujours de fermer) se tenait prêt à accueillir les blessés, que la capacité hôtelière était prête à faire face. Comme si le CIO avait accordé l’organisation à Turin avec de telles failles ! Ainsi, à l’approche (et bien avant) du début des JO, les commerçants avaient majoré leurs tarifs en prévision de l’afflux du public pour les JO de Turin. Les commerçants, c’étaient les hôteliers et les restaurateurs, bien sûr, ainsi que les marchands de souvenirs (marmottes sifflantes, boules de neige, cartes postales), mais aussi les propriétaires de gîtes, y compris les plus bohèmes, les petits producteurs de fromages de chèvres et autres tomme des Alpes, les apiculteurs chevelus ou pas. Tous ont attendu la manne céleste apportée par la lombarde, vent local venu d’Italie. Les touristes habitués l’ont trouvé salé. Plutôt sympas, ils ont simplement décidé : on verra l’année prochaine. À ce stade, tu devines ce qui s’est passé. Bien sûr, les Jeux Olympiques de Turin se sont déroulé dans la province (= département) de Turin et pas dans le Briançonnais. Il y a suffisamment d’hôpitaux à Turin, première ville d’Italie, capitale du riche Piémont, chef-lieu de la province, pour recevoir les blessés éventuels. Les capacités hôtelières des stations cisalpines, construites par les Agnelli peuvent accueillir un surplus de public sans inconvénient et il y a assez de stations pour palier un éventuel caprice de la météo qui obligerait à délocaliser une épreuve. Les Italiens, et depuis longtemps, pratiquent les sports et activités de montagne à une échelle sans comparaison avec les Français. Leurs résultats en ski parlent pour eux. Rien à voir avec les stations savoyardes qui sont des usines où le touriste est exploité à chaque pas qu’il effectue. Simplement, elles répondent aux besoins des Parisiens qui retrouvent leurs HLM et organisent leur temps entre un peu de ski, un peu de bronzage et beaucoup de bar et discothèque avec les à-côté que sont les restaurants et quelques conséquences nocturnes de ce qui précède. Bien sûr, Briançon qui était prêt à « saisir cette chance » a perdu sur tous les tableaux : les habitués ne sont pas venus et les inhabitués non plus. Bien sûr, un an et demi plus tard, tout le monde avait oublié et les prix avaient à peine baissé.<br /> <br /> <br /> <br /> Je raconte tout ça pour montrer à quoi mène une attitude inconséquente. Comme tu le dis, regrouper deux départements pauvres (ou presque) ne produit pas un département riche, même accolé à un département très riche. Néanmoins, la fusion pourrait intervenir, du moins sur le plan administratif puisque le Conseil Général du Rhône a fusionné avec la Métropole de Lyon. Comme il n’y a plus de numéro départemental sur les plaques d’immatriculation, ça ne poserait pas trop de problème. Il suffit de voir avec quelle célérité on a mis 2A et 2B plutôt que de conserver le 20 pour la Corse. <br /> <br /> Et puis, les Français ont le génie pour faire le contraire de ce qu’ils veulent. Les Corses, justement, après avoir réclamé (du moins ceux du nord-est) une préfecture à Bastia et une sous-préfecture à Corte veulent en finir avec ces deux départements pour réunifier la Corse mais quand on organise un référendum, ils votent pour le maintien. Pour rien au monde, je ne voudrais être Ministre de l’Intérieur. Par chance, personne n’a jamais songé à me le proposer. Dans le soi-disant « mille-feuilles administratif », on a réussi à convaincre que la Commune est de trop et que le Département n’a plus de raison d’être. Bizarrement, le Canton est épargné par les critiques. Pourtant, il ne joue plus aucun rôle. La génie de la gauche socialiste a imposé le regroupement avec quelques entorses pour satisfaire des élus locaux. Déjà, avant, il n’y avait pas un collège par canton malgré la loi. Les parents qui sont éventuellement électeurs préfèrent savoir leurs enfants dans des cars plutôt que dans un établissement proche. Les gendarmeries se répartissent les permanences en attendant qu’une sur deux soit supprimée. Ce qui n’empêche pas la construction de superbes bâtiments gendarmesques ces dernières années. En général, on me répond : « oui mais c’est là qu’on élit les Conseillers Départementaux ». Comme si l’on ne pouvait pas les élire au niveau des intercommunalités par exemple. Au moins, ça aurait un sens et elles seraient dirigées par un élu direct. On ne parle pas non plus des sous-préfectures et des arrondissements dont tout le monde ignore jusqu’à l’existence. En fait, on supprime ce qui est connu parce qu’utile mais on maintient ce qui est inconnu et tout à fait inutile aujourd'hui. <br /> <br /> <br /> <br /> Je cite souvent cette référence rugbystique. L’ancien international Bertranne racontait un jour, au « Téléphone sonne » que, chaque fois qu’il y a une nouvelle règle en rugby à XV, la première chose que font les Français c’est de voir comment on pourrait la contourner ou l’enfreindre tout en feignant de la respecter. Et il en est ainsi de toutes les nations latines qui pratiquent le rugby. Les autres ne cherchent même pas à feindre, le plus souvent. Ça explique aussi pourquoi les Français sont tellement sanctionnés et pourquoi le public ne comprend pas. S’il en est ainsi en rugby, sport populaire et bon enfant en France, c’est que la société est ainsi faite. Le Français cherche toujours à pervertir les meilleures intentions et les plus beaux projets. J’ai écrit comment à la faveur des premières lois de décentralisation, on avait fait taire toutes les voix régionalistes quand des politicards ont pu satisfaire leurs ambitions en briguant la seigneurie locale retrouvée. Depuis, chacun essaie de profiter du magot et, ultralibéralisme oblige, l’État en profite pour se désengager et livrer les élus locaux aux lobbies qui cherchent partout des avantages fiscaux et les obtiennent. Faut-il rappeler quelles aides une compagnie aérienne à bas-coûts a exigées pour implanter sa base dans un département pas trop éloigné (mais quand même) de Paris et comment, en cas de coup dur, ce sont les collectivités locales qui supporteront tous les frais ? Presque tous les élus font voter des crédits pour refaire qui leur bureau, qui leur hôtel territorial, qui leur voiture de fonction sitôt élus. Presque tous les très hauts fonctionnaires en font autant mais ont l’avantage de décider eux-mêmes sans avoir à attendre un vote. Jusqu’à des syndicalistes qui en ont marre de vivre chichement et de tout compter. À ce stade, se mêlent aussi les nécessités de refaire, de mettre au normes, et les goûts de luxe. Quand on voit le bureau d’un président de banque (d’une banque pas très connue et pas très importante), la taille du meuble, le peu de choses qui traînent dessus, la taille de la pièce pour juste un fauteuil, une table, deux chaises et pour ainsi dire pas de meuble mais rien que du très cher, on imagine la mentalité de ces gens-là. Ils me font penser à l’empereur Constantin qui, en son palais de Trèves, accueillait les visiteurs récriminant dans son immense basilique ; à l’époque le plus grand monument du monde connu. Ils étaient tellement impressionnés qu’ils en restaient bouche bée et s’en retournaient dans leurs provinces sans demander leur reste. <br /> <br /> <br /> <br /> À travers tous les exemples cités par Jérémy et par moi-même, nous pouvons affirmer que personne ne comprend rien à la décentralisation à la française et, sans doute, les acteurs eux-mêmes. Le vulgaire voit surtout qu’il paie des impôts, qu’il reçoit de plus en plus d’enveloppes à en-tête des Finances Publiques (puisque l’administration récolte les redevances pour les entreprises privées) et qu’il n’a pas forcément plus de services ou alors plus éloignés sous prétexte de transfert à la Région. Paradoxalement (mais nous l’avions prédit à ce moment-là), le transfert aux Régions s’est traduit par un éloignement des services publics. Quant aux rivalités, elles sont exacerbées. Citons pour finir un certain Jésus, surnommé « christ » par certains, « un fameux bavard » comme disait Léo Ferré : « Tout royaume divisé contre lui-même retournera au désert. Et Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir. »
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J
Je reviens sur le thème de la décentralisation, qui, à la relecture de ce qui précède, me semble bien témoigner de l'absurde complexité du fonctionnement de la société française. <br /> <br /> <br /> <br /> Tu évoques un triptyque Commune/Département/État. C'est le modèle antérieur à la mainmise technocratique européenne, qui nous vaut cet autre triptyque que tu dénonces à raison, Intercommunalité/Région/Europe. Où, comme je l'écrivais plus haut, le vulgum pecus ne se retrouve pas. Tout ce qu'il en retient, le vulgum pecus, c'est qu'en vertu de quelque dette ancestrale et d'une politique de restriction du coût des services publics décidée au sommet de l’État, loin, très lioin de là, on va supprimer ici une classe, là une rotation de cars, que son hôpital, au vulgum pecus, est éclaté entre plusieurs structures distantes, maternité ici, cancérologie ailleurs, traumatologie là-bas, réa à 50 kilomètres de là - avec ce que ça suppose de coûts lorsqu'il y a urgence vitale et nécessité de transport en hélico. On baigne dans l'absurdité. <br /> <br /> <br /> <br /> Cela se complique encore quand au sein d'un même département sévissent des dissensions politiciennes qui font qu'ici où on est orienté à droite, le marché de l'eau est assigné à une multinationale qui va faire grimper les prix et faire payer, outre l'abonnement forcé, l'eau consommée et l'estimation de ce qui sera consommé à partir de ce qui a été consommé (vu dans les Alpes-Maritimes)... quand un peu plus loin, soucieux de conduire une politique dite de gauche (ou plutôt, pour éviter de sauter aux élections suivantes), on va distribuer l'eau en régie municipale, quitte à concéder, "parce qu'on est écolo", la gestion des eaux usées à une multinationale "qui dispose des moyens adéquats". On va payer l'eau moins cher que dans la commune de droite, au prix d'une fiscalité locale que chacun va juger exorbitante. Idem pour le ramassage des ordures ménagères où d'une intercommunalité à l'autre, au sein d'un même département, la taxe sera associée au logement ou nominative, et varier du simple au double. <br /> <br /> <br /> <br /> Associer le vulgum pecus aux décisions qui le concernent directement fait partie des revendications exprimées par les GJ et lors du soi-disant débat qui est l'objet de ton article. On conçoit le frémissement d'inquiétude des pouvoirs centraux et des fiefs provinciaux à cette seule idée. De quoi ? La populace réclame une réa plutôt que le casino prévu pour sécher le touriste dans sa commune ? De quoi ? La plèbe souhaiterait voir les ministres se déplacer en métro (comme cela se passe en Allemagne), et ne conserver qu'un maximum de deux secrétaires dans non plus un palais mais un simple bureau ? De quoi ? Les foules jugent superflu et coûteux le rôle d'un préfet et a fortiori d'un sous-préfet, et les avantages qui leur sont concédés ? <br /> <br /> <br /> <br /> Dans ma petite ville, taux de chômage de 20%, économie niveau zéro, de vieilles rues où certaines bâtisses sont entourées de grilles parce que les façades perdent des moellons - tandis qu'elles sont toujours habitées-, une ville où les commerces qui ouvrent glissent la clé sous la porte après une saison, où la moitié des artisans et des auto-entrepreneurs ont déposé le bilan, une ville où il faut une tenue d'homme-grenouille pour aller chercher sa bagnole dans le parking souterrain par temps de pluie, une ville où le logo du RSA pourrait tenir lieu de fanion municipal, une ville qui est celle qui a perdu le plus d'habitants de toute la région dont elle dépend, eh bien dans cette ville charmante, qui est une préfecture, où le préfet séjourne en moyenne six mois avant de gagner un autre placard (ce qui ne l'empêche pas de faire refaire la déco de son "palais" au frais du vulgum pecus), ledit préfet vient de toucher une superbe Peugeot 508 nickel-chrome, en remplacement de la non moins clinquante Renault Talisman qui lui permettait, deux fois par an, de franchir la distance considérable de trois cents mètres qui sépare la Préf' du monument aux Morts. Sachant que quand il a à se déplacer dans l'arrière-pays lorsque survient quelque avalanche, éboulement, incendie de forêt ou effondrement, ce monsieur emprunte un hélico. <br /> <br /> <br /> <br /> L'avantage de l'histoire c'est que ça m'a permis d'approcher cette bagnole que je n'avais vue jusque-là qu'en photo... <br /> <br /> <br /> <br /> Pour le reste, je laisse le lecteur tirer ses propres conclusions...
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J
Mille-feuilles administratif = opacité, dilution des responsabilités, arrangements entre bons amis, etc. C'est ce qu'on en retient sur le terrain où on ne sait plus de qui dépend quoi ni qui gère quoi ni qui décide de quoi. Dans le climat de malveillance à l'endroit de la chose politique, qui prévaut depuis un certain nombre d'années dans ce pays (les politiciens l'ont bien cherché !) cela pèse de tout son poids dans l'attitude de défiance qu'on peut avoir à l'endroit des institutions en général, quand ce n'est pas leur rejet. <br /> <br /> <br /> <br /> Quand l'élu niçois dont tu parles a voulu inclure les département alpins à la région Provence-Côte d'Azur, parce qu'il était en rivalité avec son homologue marseillais et aussi, parce qu'il existe une vieil antagonisme culturel entre Nice et Marseille, cela n'a rien changé au sort des départements alpins, Alpes dites de Haute-Provence (anciennement Basses-Alpes), et Hautes-Alpes, lesquels départements cultivent là encore une vieille inimitié liée à des questions d'idéologie (le 05 est à droite, le 04 à gauche) et de projets d'infrastructures restés en suspens (une autoroute sensée relier Aix à Gap et qui s'arrête en rase campagne). Il a été question et il semble qu'il soit encore question à ce jour de fusionner ces deux départements, à quoi l'actuel Président du Conseil départemental haut-alpin objecte qu'on ne fait pas un département riche de deux départements pauvres. Plus concrètement, on sait que les politicaillons haut-alpins, jaloux de l'image de leur département, associée aux sports d'hiver et au tourisme vert, avec la proximité (et la concurrence aussi) du prestigieux Piémont italien, guignent la voisine région Rhône-Alpes, plus riche, plus développée, et n'ont que faire d'un département sud-alpin qui n'est véritablement provençal (au plan de la culture et des rentables clichés pagnolesques) que sur une toute petite partie de son territoire, le reste étant constitué de déserts rocailleux, de petites villes austères à-moitié en ruines et de villages en partie désertés où croupissent de ces populations qui pour l'idéologie dominante, sont vues comme surnuméraires. <br /> <br /> <br /> <br /> L'exemple de l'Aude est intéressant aussi. Au bord de la mer fleurissent les marinas, Narbonne et Carcassonne, en leurs centre-villes respectifs, concentrent la population rentable des bobos, des bourgeois, des commerçants, bref, la classe moyenne utile à faire vivre une économie, les populations moins rentables étant comme il se doit rejetées dans les périphéries et les bleds limitrophes. On voit ça partout. C'est désormais la règle. <br /> <br /> La haute-vallée de l'Aude, lorsqu'elle a perdu son seul gros employeur dans les années 2000, l'usine Formica à Quillan, a vu partir ses ménages actifs et s'installer l'insécurité et les trafics afférents, dans des petites villes où de telles choses tenaient de la fiction. Ceux qui sont restés, parce qu'attachés à leur recoin de planète, par ailleurs fort joli, ou parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix, et ceux, essentiellement des babas-cool, qui s'y sont installés par choix, pour y créer des activités autour du bio, surfer sur les conneries ésotériques locales (trésor présumé d'un curé enterré depuis un siècle, mythe du tombeau du Christ au mont Bugarach) qui drainent encore quelques illuminés friqués du courant new age, tout ce beau monde survit du RSA, au point que la haute-vallée est surnommée RSA-Valley par les esprits sarcastiques. Le tourisme, les vieilles citadelles cathares, le présumé trésor du cureton, le supposé tombeau du Christ, la bonne Blanquette et les eaux d'Alet ne suffisent pas à fournir aux populations autochtones les emplois pérennes propres à faire vivre une économie. On se débrouille comme on peut. Au bord de la mer, on se débrouille les deux mois d'été. L'Espagne n'est pas très loin, Andorre est à quelques encâblures, on organise des covoiturages pour aller y faire ses courses, y chercher ses clopes. Mais il y a une vie là-bas, avec les bandas, ces orchestres de villages plus ou moins improvisés, les vieux sont solidaires des plus jeunes, les loyers restent abordables, ce qui n'existe plus au plan économique demeure relativement solide au plan humain. <br /> <br /> <br /> <br /> Partant de ces exemples, qu'est-ce que les politiques de décentralisation nous ont apportées à ce jour à nous, communs des mortels ? Plus de proximité avec les élus locaux ? Plus d'horizontalité dans les prises de décisions portant sur la vie quotidienne ? Moins de politique, moins d'idéologie, une ouverture vers la société civile ? Moins de bureaucratie ? <br /> <br /> <br /> <br /> Sur le papier, exactement.... <br /> <br /> <br /> <br /> Dans les faits, on a souvent l'impression que les élus locaux et les petits copains qu'ils placent où bon les semble, et la cour de pistonnés dûment fonctionnarisés qui semblent hanter leurs bureaux uniquement pour faire tampon, font exactement ce qu'ils veulent sans se soucier des attentes réelles du terrain. Le terrain, on y va serrer des louches, sur les marchés, nanti de tracts, lorsqu'il s'agit de renouveler le bail. On guigne le votard, le bon vieux qui va voter avant l'apéro, la petite vieille qui vote à la sortie de la messe, le beauf englué dans ses crédits, les familles proprettes, les couples sur le retour qui "présentent bien", les dégaines de propriétaires. Ceux qui ont quelque chose à défendre, quoi ! Il faut s'être amusé à observer cette stratégie courtisane sur les marchés de Cahors, Guillestre, Arles, Saint-Vallier-de-Thiey, Nyons, pour saisir l'essence perfide de la macro-politicaillerie, l'état d'esprit qui en participe, le ciblage à la gueule du client des populations accostées, courtisées, selon le type de dope idéologique qu'on cherche à fourguer. <br /> <br /> <br /> <br /> Actuellement, les partis et autres factions délèguent leur valetaille sur les marchés pour convaincre le chaland de voter aux Européennes. Là encore j'observe. Certains sont sympas. Mais l'accueil qui leur est réservé est à l'image de l'accueil qu'on réserve aux Témoins de Jéhovah qui viennent tapiner à l'heure du café. Les tracts jonchent le sol parmi les feuilles de laitue, pas lu pas pris. Bruxelles c'est loin, même dans les Ardennes...
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L
La décentralisation, cher Jérémy, ne date pas d’il y a 30 ans mais bien 37 ans ; presque 40 ans…<br /> <br /> J’ai souvent abordé ce sujet (utiliser la barre de recherches) car le sujet me passionne depuis les années lycée. Il ne faut pas oublier que, à l’époque, la mode était au régionalisme, aux langues régionales et à leurs chanteurs. Donc, je m’y suis intéressé, j’ai commencé à regarder les contours de ces régions qui produisaient de si grands artistes (selon moi à l’époque). À partir de là, à partir aussi d’un travail sur les langues régionales demandé par notre professeur de lettres – Jean-Marie Floch dont je ne dirais jamais assez combien il était exceptionnel – j’ ai commencé à comparer les limites linguistiques, l’Histoire, les réalités économiques du moment. Sans prétention, je pense donc que je suis raisonnablement bien placé pour aborder cette question.<br /> <br /> <br /> <br /> Notre pays est, de toute évidence (on a le recul pour l’observer à présent), incapable de comprendre la décentralisation. Ça a commencé par les villes nouvelles des années 1960 où l’on a recentralisé ce qui existait dans la ville historique la plus proche, puis l’exil du service de la redevance de la télévision à Rennes et la gestion de la paie ou des retraites ou des mutuelles envoyées en province. J’ai souvent dénoncé qu’en 1982, il n’y avait rien de plus urgent pour les nouveaux Conseils Régionaux élus que de débloquer des crédits pour construire des Hôtels de Régions somptueux où rien n’était trop cher. Soit-disant que c’était la vitrine de la Région. Non, la vitrine de la Région, ce sont les routes et, éventuellement, les chemins de fer. Quand on arrive dans une Région, on doit voir la différence tout de suite. Le siège de l’exécutif régional, tout le monde s’en fiche, surtout si l’on ne sait pas à quoi ça sert. Pour les Départements, il y a eu deux cas de figure, ceux qui n’ont pas compris ce qui leur arrivait et ceux qui étaient chapeautés par un homme fort qui a vu là le moyen de devenir le Premier quelque part, faute de pouvoir investir l’Élysée. En d’autre termes, on a reconstitué les fiefs médiévaux et, alors que les limites des régions administratives étaient contestées de toute part au cours de ces années 1970 par les régionalistes et les conservateurs, il a suffi que les grandes gueules obtiennent un fief pour qu’on ne songe plus à redessiner les Régions. <br /> <br /> <br /> <br /> À ce stade, je vais ouvrir une parenthèse pour prendre un exemple concret et sans doute le plus significatif de la situation antérieure à 1982. Puisque nous sommes entre nous, ça tombe bien car s’agit de la Région appelée autrefois « Provence-Côte-d’Azur ». Un certain Conseiller Régional, élu à Nice, n’a eu de cesse de dénoncer son rattachement à Marseille où régnait son rival en politique. Dans un premier temps, il a obtenu – et à juste titre – qu’on ajoute « Alpes » à l’intitulé. En fait, il voulait que ce soit le premier pas pour retirer les départements alpins de la Région et d’en constituer une autre, séparée, dont le chef-lieur aurait été Nice. À partir du moment où il a pu être le premier dans son Département, on n’a plus entendu parler d’une sécession. Et tous ceux qui ont pu prendre la tête d’un Département ou, mieux, de leur Région, en ont fait autant. Ils ont construit leur château, leur appartement seigneurial, fait dessiner un écu à leurs armes (en général un cœur sans plus d’imagination), se sont entouré d’une cour, de vassaux, ont voulu régir leurs manants. Dans le même temps, ils prenaient de haut l’envoyé du roi, nouaient des alliances avec les seigneuries voisines, tâchaient d’entretenir de bonnes relations avec la Généralité. <br /> <br /> <br /> <br /> Quoi qu’il en soit, on n’a plus jamais entendu parler de redessiner les régions. Le regroupement régional auquel j’avais pensé dès 1979 relève d’une autre logique. À cette époque, je n’étais plus au lycée mais dans l’armée où j’ai pu constater qu’il existait une véritable conscience départementale alors que le nom même de la région d’appartenance était à peine connu dans la plupart des cas. Par conséquent, les Départements conservent, même après 40 ans, une forte identité et les grandes Régions (que j’approuve) leur donne une nouvelle chance. <br /> <br /> <br /> <br /> Mon ami Gygès qui, avant toi, échangeait à partir de ce blog, opposait le triptyque « Commune, Département, État » au triptyque technocrate « Intercommunalité, Région, Europe ». J’approuve et admire cet effort pour synthétiser. Le premier triptyque, outre qu’il a pour lui le poids de l’Histoire et qu’il exprime la démocratie de proximité jusqu’au sommet de l’État, possède une légitimité dont au moins deux élément de l’autre s’exonèrent. <br /> <br /> <br /> <br /> Je te trouve sévère à l’endroit de nos Conseils Municipaux et de l’administration de nos Conseils Généraux. La plupart des CM font bien leur boulot et pour rien. Ce sont des emmerdements permanents et aucune reconnaissance de la part des administrés qui trouvent toujours qu’on fait trop pour les autres et pas assez pour eux. Les fonctionnaires territoriaux et autres contractuels ont aussi le droit de faire des pauses et leur boulot est sans comparaison avec celui de leurs homologues dans n’importe quel autre pays comparable de l’UE (ne prenons que les membres fondateurs pour simplifier). Que des services fassent mal leur boulot ou pas du tout, c’est incontestable mais dans l’ensemble, ça fonctionne et avec toujours plus de dépenses et moins de recettes. La solidarité et la dépendance coûtent parfois les deux tiers du budget total. Ce sont autant de dossiers à traiter et tout indique que ça ne va pas s’améliorer. <br /> <br /> <br /> <br /> J’ai dénoncé plusieurs fois, ici, la formidable campagne de désinformation, étalée sur des années, renforcée par les humoristes sur le soi-disant « mille-feuilles administratif ». Surtout ne pas enlever la feuille qui me concerne… Ailleurs, ça ne s’appelle pas « commune », ça ne s’appelle pas « département » mais on trouve l’équivalent. Et si le modèle révolutionnaire ou consulaire a été adopté un peu partout, c’est qu’il présentait des avantages en termes de prises de décision, de représentation démocratique et d’efficacité. Dans le monde anglophone, il y a des « comtés » et, souvent, une région voire un État fédéré. Question de mentalité et de culture. <br /> <br /> <br /> <br /> Alors, la décentralisation, on n’y comprend plus rien. On n’y a jamais rien compris. Un simple regard sur un permis de construire un bâtiment public nous montre que tout le monde s’y met. À quoi bon décentraliser et définir les compétences ? Prenons un collège. Ça relève normalement du Département mais il serait indécent que l’État ne paie pas quelque chose. La Région doit s’y mettre aussi, d’autant que le collège débouche sur le lycée qui est du ressort régional. La commune où est construit le collège veut aussi dire son mot et ne pas laisser faire sur son territoire. Va comprendre, Charles ! Pour les routes, on a la même chose. Des Départements ont réclamé à cor et à cris la gestion des routes, arguant que les décisions d’entretien devaient se prendre au plus près et pas à Paris. On aime bien caricaturer quand on veut obtenir ce qu’on veut. Comme s’il n’existait pas, autrefois, de DDE qui savaient où œuvrer (passons sur le fait que c’étaient/ce sont toujours les mêmes tronçons qui sont goudronnés tous les deux ans quand d’autres ne le sont jamais). En revanche, d’autres Départements se sont retrouvés avec un surplus de dépenses dont ils se seraient bien passés. Admettons que ça marche. Comment expliquer que lorsqu’on se trouve, dans un même Département, sur une ex route nationale, des tronçons arborent un cartouche jaune départemental puis, un rouge national, puis à nouveau un jaune puis encore un rouge etc. ? Ça veut dire que ces tronçons ne sont pas entretenus par la même administration ; bien sûr. Peut-on dire que les routes sont gérées sérieusement ? D’ailleurs, tout le monde se plaint de l’état des routes depuis la disparition des prestigieuses routes nationales. <br /> <br /> <br /> <br /> Aujourd’hui, s’ajoutent les « Métropoles ». Quels en sont les contours ? À quoi ça sert ? Quelle différence avec les « Pays » ? Et les Gouvernements successifs qui poussent les communes à se regrouper et encore regrouper les communes déjà regroupées… Quelle différence, alors entre l’intercommunalité, le groupement de communes (= création de communes nouvelles), le Pays et, dans certains cas, la Métropole ? Que dire quand une Métropole comme Lyon (quelle différence avec la Courly?) fusionne avec le Département du Rhône qui ne disparaît pas pour autant ? Peut-on en faire autant avec Marseille et les Bouches-du-Rhône ? Comment expliquer que la Communauté du Pays d’Aix franchisse la limite départementale et englobe une commune du Vaucluse ? Existe-t-elle encore d’ailleurs et si oui, qu’en est-il de cette commune vauclusienne ? Il y a là des sujets de dissertations que je laisse à d’autres.<br /> <br /> <br /> <br /> En revanche, je rappelle que mon attachement au premier triptyque tient à l’exercice démocratique. L’autre triptyque semble surtout conçu pour éloigner le citoyen de la prise de décision. Au bas niveau de la verticalité dont tu parles, Jérémy, les maires ont aujourd’hui la réponse facile à leurs administrés en cas de récrimination : C’est pas moi, c’est l’intercommunalité. On comprend que les poubelles, les transports urbains, ne peuvent plus être circonscrits dans le ressort communal mais ça arrange bien les Ponce Pilate d’aujourd’hui. Idem pour la Région dont le chef-lieu (surtout avec les grandes Régions) est trop éloigné des administrés. Quant à l’UE, n’en parlons pas. Pour être honnête, il faut rappeler que le triptyque « Intercommunalité, Région, Europe » n’est que l’émanation du premier pour faire avaler les pilules les plus imbuvables mais qu’il prend le dessus sur ceux qu’il est censé représenter et servir. <br /> <br /> <br /> <br /> J’en profite, une fois de plus, pour réclamer la disparition des sous-préfectures et des arrondissements qui ne correspondent plus à rien. De toute façon, quand il arrive un événement grave dans un Département, c’est le préfet qui prend les choses en main. Les services administratifs qui dépendaient des sous-préfectures ont été transférés à d’autres (les Communes en général) ou supprimés. À l’heure où ce qui tient lieu de politique se résume à « il faut faire des économies », à l’heure où le Président Macron nous met en demeure de choisir quel service public doit être supprimé pour payer moins d’impôts, à l’heure où l’on vend les bâtiments de la Banque de France en province, il y aurait du foncier à vendre : au moins 1 par Département… En revanche, il faudrait qu’il y ait un véritable Préfet de Région et pas demander à celui qui s’occupe du Département où se trouve le chef-lieu de cumuler les fonctions, comme s’il n’en avait déjà pas assez.<br /> <br /> <br /> <br /> De toute façon, le petit débat ne pose aucune grande question. Il sert seulement – et tout le monde l’a bien compris – à faire approuver par le peuple la politique impopulaire menée par le Président. Ni une véritable réforme fiscale, ni une adaptation de la démocratie au monde d’aujourd’hui ni rien de bien nouveau, juste une démagogique suppression d’impôts qui va affaiblir un peu plus l’État et les services qu’il met à disposition des citoyens, sans lesquels la France ne serait qu’un pays parmi d’autres.
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