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la lanterne de diogène
23 avril 2019

Radios : audiences d'avril 2019

Tout d’abord, il faut signaler la mort de Jean-Pierre Farkas, nommé directeur de France-Inter en 1981. Comme d’habitude, la station dite de service public qu’il a dirigée l’a juste signalée au cours du journal de 13 h mais rien après, aucun rappel, aucun développement pour celui qui proposait de bons programmes et qui avait instauré des relations apaisées avec ses collaborateurs. N’empêche, même si les auditeurs d’aujourd’hui ne s’en rappellent plus ou s’en fichent, il convient de rappeler le souvenir et le travail de quelqu’un qui a marqué l’entreprise. C’est ce qu’on appelle le devoir de mémoire. Quel contraste avec Europe 1 qui a évoqué, quelques jours plus tard, la mort de son animateur vedette Hubert, dit « super Hubert » qui a commencé en reprenant l’emblématique « Salut les copains » quand Daniel Filipacchi a préféré développer un groupe de presse !

https://www.europe1.fr/medias-tele/hubert-wayaffe-animateur-emblematique-de-salut-les-copains-est-mort-3891065

Sur Europe 1, on a entendu des animateurs rappeler qu’ils avaient débuté avec Hubert ou grâce à lui ou qu’ils ne seraient pas là sans lui. Encore une fois, sur Inter, ceux d’aujourd’hui sont persuadés que tout leur est dû, que leurs émissions, leurs interventions ne sont que la juste reconnaissance de leurs immenses talents, qu’avant eux, rien de bon n’existait et que, heureusement ils sont là à présent et ceux d’avant ne méritent que l’oubli ou les quolibets.

 

Maintenant, je ne résiste pas à commenter les audiences des radios publiées ce mois d’avril 2019. Pourtant, je m’étais juré d’attendre la fin de la saison pour tout balancer. Après tout, ça sera moins long et plus facile à lire en juin.

Donc, la grande affaire, c’est qu’Inter dépasse RTL pour la première fois depuis longtemps. Rappelons que nous émettons depuis toujours les plus extrêmes réserves sur ces résultats d’audience. Nous nous fondons sur notre expérience propre et sur les témoignages diffusés sur Inter à l’occasion d’un reportage quelconque ou de l’opération « Inter-classes ». Les jeunes et les un peu moins jeunes (sans euphémisme) ne connaissent même pas les noms d’Inter et des autres radios généralistes. Savent-ils seulement ce qu’est une radio ? Ce n’est pas une critique mais un constat : le monde change et ce sont les générations d’avant qui écoutent encore la radio sur un transistor ou un auto-radio.Nous avons été parmi les tout premiers à constater de nouvelles pratiques d’écoute avec, notamment, des auditeurs qui règlent leurs smartphones pour avoir une alerte lors de leur émission ou même leur chronique favorite.

Il serait plus intéressant de comparer avec les audiences des radios dites musicales (en fait purement commerciales avec qq plages musicales entre les pubs). On constaterait sans doute qu’elles caracolent en tête. Après, c’est affaire de goût. Les jeunes évoluent et préfèrent l’une puis l’autre. Une fois casés, une des premières choses qu’ils achètent, c’est un écran de TV, le plus grand possible. On ne sache pas qu’ils investissent dans une chaîne stéréo comme autrefois ni encore moins dans un poste de radio performant.

 

Ensuite, quand on effectue une revue des articles traitant le sujet, on s’aperçoit que les variations sur trois mois sont infimes. C’est toujours de l’ordre de 0,x %. Y a-t-il matière à s’emballer pour moins de 1 % ? On lit que le patron d’RTL met en doute le sondage dès lors qu’il ne lui est plus favorable. On lit aussi que tous ceux qui baissent sont prêts à lui emboîter le pas et à demander un changement de critères. Comme ce sont de puissants groupes médiatiques (et industriels ou financiers derrière), nul doute qu’ils obtiendront gain de cause. Ainsi, M. Baldelli, patron de l’ex station luxembourgeoise s’étonne (ou fait semblant de s’étonner, on ne sait pas ce qui serait le plus grave) : « Comment une grille qui n'a pas changé et qui enregistre entre septembre et décembre un record absolu peut-elle accuser une baisse aussi importante la vague suivante ? »

 

Historiquement, RTL a toujours su doser habilement de vieilles émissions qui ont fait leur preuve, l’arrivée de la vedette TV du moment (Michel Drucker, Jean-Pierre Foucault, Nagui, Laurent Ruquier) et des émissions qui naviguent sur la mode. Il semblerait que le dosage ne soit plus harmonieux ou que la recette soit éculée. Maintenant, sachons garder raison, il ne s’agit que de variation de 0,4 et 0,9 %, autrement dit, rien du tout. Ça se stabilise. Il est amusant de lire les réactions des lecteurs de Valeurs Actuelles. Pour eux, la baisse d’RTL serait due à une dérive gauchisante (puisque selon eux, LREM est à gauche) et qu’il vaut encore mieux écouter l’original (Inter = radio bolcho) que la copie qu’essaie de produire l’ex première radio de France. En lisant leurs commentaires détaillés, on comprend que, malgré tout, ils continuent d’écouter RTL (parce qu’ailleurs, c’est encore plus à gauche) mais critiquent les nouvelles voix. Les radios généralistes, malgré l’apparente progression, ont des soucis à se faire. La progression légère (+ 0, 3%) de France-Info est à souligner malgré la baisse d’RMC (– 0,2%). À noter aussi la progression de France-Culture. Pas de quoi fouetter un chat, + 0,6 %, mais ça ne baisse pas non plus. On a recruté des animateurs venus d’ailleurs. D’habitude, dans le groupe Radio-France, on dépêchait les talents de France-Culture ou de France-Musique (comme Philippe Caloni autrefois) pour renforcer Inter. Maintenant, ce serait plutôt le contraire.

 

Enfin, tous les articles mentionnent au moins dans leurs chapeaux et parfois en titre, la plongée continue d’Europe 1. Nous avons déjà dit que l’ex station de la rue François 1er occupe une place à part dans l’imaginaire collectif. Europe 1, c’est la station qui a révolutionné la radio à sa création. C’était un ton nouveau, dérangeant le pouvoir et les conservatismes et adapté à l’apogée des Trente Glorieuses. C’est la radio qui a révélé les chanteurs qui ont occupé le devant pendant près d’un demi-siècle. Europe 1, c’était le jazz puis les yéyés. C’était l’invention des flashes horaires pendant la guerre d’Algérie. C’était radio-barricades en Mai 68. C’était surtout « Salut les copains ». Pendant plus de dix ans, c’était la meilleure rédaction audiovisuelle de France. Europe 1 qui a tout inventé (ou presque) n’a jamais pu s’adapter aux changements dans les médias survenus depuis près de 40 ans : radios libres, télévisions privées, câble, satellite, CD, numérisation, et finalement smartphone. Sur chacun de ces segments, on trouve une autre tête d’affiche ou un autre média. Aujourd'hui (depuis 40 ans en fait), il existe des radios rien que pour les jeunes et pas seulement une émission à la sortie des cours. Il existe des radios rien que pour l’info et avec des rédactions solides, sérieuses et parfois des vedettes (comme M. Bourdin). Il existe des radios associatives. Europe 1 est larguée depuis longtemps dans tous ses domaines de prédilection. Nous avons déjà analysé plusieurs fois les raisons de la désaffection des auditeurs pour Europe 1. Bien sûr, nous ne sommes pas payés pour aider cette station autrefois prestigieuse et surtout la direction ne consulte sûrement pas la Lanterne de Diogène. Malgré tout, le fait du petit prince (fils de Jean-Luc Lagardère) consiste à changer les directeurs, à appeler ceux qui, malgré leurs compétences, ne seront jamais directeurs généraux dans leur entreprise d’origine et qui voient là le couronnement de leur carrière. À leur tour, ils changent les vedettes en espérant que, comme autrefois, les auditeurs suivront et se retrouveront autour d’un animateur de talent ou, du moins, hyper connu. Il n’en est rien. L’an passé, dans TV-magazine, M. Cohen analysait fort bien son échec. Les auditeurs des radios généralistes sont fidèles à une station. Ils constatent les changements de programmes, les approuvent ou pas mais, dans leur très grande majorité, restent. C’est ce que font les lecteurs de VA, déjà mentionnés : ils critiquent l’incompétence de certains journalistes mais continuent d’écouter RTL malgré tout. Aujourd'hui, on lit que M. Cohen faisait davantage d’audience que son successeur M. Aliagas qui n’est pas crédible pour une matinale d’information. En France, particulièrement, on vous colle une étiquette dont on ne peut plus se défaire. Quand on se fait connaître à la télévision, dans un certain genre, il est impossible, après, de s’en échapper. En revanche, la confidentialité de la radio permet aux professionnels d’observer les talents et de dénicher les futures vedettes de la télévision. Faut-il rappeler M. Jean-Pierre Foucault d’RMC, M. Laurent Ruquier d’Inter, M. Jean-Jacques Bourdin du service des sports d’RTL ? L’inverse n’est possible que si l’intéressé demeure dans son domaine, comme M. Cavada en son temps, venu du petit écran pour renforcer les rédaction d’Inter puis d’RTL ? Après avoir inventé la radio moderne, Europe1 est devenue la radio en trop, la radio qui n’apporte rien à personne. Il doit quand même bien y avoir, en France ou ailleurs, quelqu’un qui a des idées pour inventer une nouvelle radio, non ?

 

 

sidney-hip-hop

En marge de ce sujet sur les audiences, Mme Devilers a fait une nouvelle erreur, le lundi 22 avril en attribuant la création de Radio 7 à la présidence de Mme Cotta, après les élections de 1981 qui ont permis l’éclosion des radios libres et la nécessité pour Radio-France de riposter. Sauf que Radio 7 a été fondée sous la présidence de Jacqueline Baudrier pour répondre à la demande de la jeunesse qui ne se reconnaissait pas dans le ronron (déjà) de France-Inter et ne se reconnaissait plus dans le Hit-Parade d’RTL et autres Mozik d’Europe 1. Depuis des années, Radio-France réfléchissait à la façon de toucher un public qui délaissait les radios généralistes. C’est ainsi que sont nées Radio-Melun, Fréquence-Nord, Radio-Mayenne, confiées à des pointures telles que Jean-Pierre Pinault ou Daniel Hamelin. Pour Paris, il y avait déjà FIP et donc, il fallait trouver autre chose et, en 1980, M. Patrick Meyer a pris la direction de la petite station pour les jeunes. Las, le ton était tellement jeune que l’on n’a pas apprécié en haut-lieu qu’on invite Coluche, alors candidat à la Présidence de la République « pour foutre le merdier ». M. Meyer a fondé, après son licenciement, RFM avec un nouveau concept et un slogan innovant : « la radio couleur ». Coluche s’est proposé d’animer gracieusement une tranche horaire quotidienne pour lancer la radio couleur, avec un « flash couleur » toutes les heures, en partenariat avec l’AFP (de mémoire).

Ça arrive souvent dans les évocations d’émission d’autrefois. On greffe des faits sur d’autres, compatibles mais en réalité sans aucun lien. Ça fait bien de croire qu’une femme de gauche a pris la présidence de Radio-France après 1981 et a offert une radio pour les jeunes, pour l’avenir, sur laquelle Sidney a débuté mais avec Mme Brière comme directrice… L’inoubliable Sidney était l’invité ce jour-là. Rappelons que, malgré des erreurs et des partis-pris, Mme Devilers effectue un travail remarquable sur les médias, tant à 9 heures moins dix qu’à 10 heures moins vingt.

 

 

 

http://www.leradioclub.com/devinez-qui-vient-dimanche-10-juin-reponse-sydney/

 

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Commentaires
J
Oui, je me souviens que Dick Rivers présentait (avec succès) son Agend'Or sur RMC, dans le courant des années 80. Il avait son pendant sur Inter en la personne de François Jouffa qui, pour l'occasion, s'exprimait au micro sous un pseudonyme que j'ai oublié, avec un accent américain ma foi assez réussi ! <br /> <br /> <br /> <br /> Redisons à propos des animateurs de RMC que tu citais - ça en dit long sur l'état d'esprit de l'époque qu'on a connue, qui n'a vraiment rien de comparable avec l'actuelle, qu'on traverse comme une jungle - qu'ils étaient des gens que l'on pouvait croiser dans la rue, des animateurs "de proximité" que l'on voyait cachetonner dans les quinzaines commerciales sous chapiteau, à l'inauguration de supermarchés, animer des soldes sans que cela atteigne leur image, bien au contraire ! Frédéric Gérard, fils du comédien Arius qui faisait partie de la troupe de Pagnol, connu pour ses fou-rires inextinguibles et très apprécié de ces dames, était un habitué des semaines commerciales dans les Prisunic niçois et des fameux soldes de novembre qui se tenaient sous les arcades de la place Masséna. Jean Sas courait les plages avec sa casquette de base-ball, ses grosses moustaches et son micro, il jouait les interviewers inintelligibles au Festival de Cannes, ce qui a donné lieu à des gags mémorables. On n'imagine pas Nikos Aliagas, Jean-Jacques Bourdin ou Nagui -qui a débuté sur TMC encore dans sa période monégasque (fin des années 70) - allant animer soldes et quinzaines commerciales de grande banlieue. <br /> <br /> <br /> <br /> L'univers de la radio a changé. A la fois il est prolixe et formaté. Seule France-Culture, à ma connaissance, a longtemps perpétué une dimension exploratoire, d'expérimentation sonore, avec ses "Ateliers de Création Radiophonique", ses dramatiques, ses "Nuits" tout entières consacrées à un artiste et à son œuvre, ses reportages de terrain dont Sonia Kronlund, productrice de "Les Pieds sur Terre" semble être l'unique héritière pour qui se souvient des très longues émissions de Françoise Estèbe et Jean Couturier où le Nagra, posé dans un recoin du pays, enchaînait les bobineaux, récoltant la moindre interjection du paysan anonyme, les hésitations du villageois intimidé, la logorrhée de quelque commère, le parler docte du curé de campagne, et les rendant à l'auditeur qui n'avait qu'à fermer les yeux pour voir se dérouler sous ses yeux le décor, les gens, le contexte, comme s'il y était. <br /> <br /> <br /> <br /> Le Nagra était alors un gros appareil de précision, fort coûteux et très lourd (25 kilos avec sa housse). L'autonomie des bobineaux n'excédait pas un quart d'heure (si je me souviens bien). Aujourd'hui, le Nagra tient dans une poche arrière de jean et sa mémoire peut autoriser 80 heure d'enregistrement. Mais si la créativité est là et sera toujours là, quel public pour la recevoir et l'apprécier ?
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L
La remarque du fidèle ami Alain me permet de faire une mise au point.<br /> <br /> Plutôt que de connaissances, je parlerai de mémoire. Il se trouve que je suis doué d’une très bonne mémoire qui a ses faiblesses aussi, comme tous ceux qui ont beaucoup de souvenirs. Il arrive qu’on fasse une histoire à partir de deux souvenirs qui présentent des similitudes.<br /> <br /> <br /> <br /> Il suffit, alors, de croiser les informations. Ainsi, dans le cas de Radio 7, il n’est que de se rappeler le fait le plus marquant de sa courte histoire : la mise à pied de son directeur après l’entrevue avec Coluche. Par conséquent, ça signifie que la station existait avant l’arrivée de la gauche au pouvoir et même avant le renoncement de Coluche. <br /> <br /> <br /> <br /> Pourquoi revenir sur cette précision ? Tout simplement pour rappeler que c’est au cours d’une discussion avec un étudiant (à l’époque) de science-po sur la vie politique dans les années 1970 que j’ai pris la décision de créer ce blog. Il me décrivait un paysage politique complètement différent de celui que j’avais connu. Simplement, ses professeurs utilisaient une grille de lecture anachronique. Ils n’avaient pas vécu cette période. Ils étaient trop jeunes à ce moment-là et devaient s’appuyaient sur quelques documents déjà sélectionnés. <br /> <br /> <br /> <br /> C’est bien ce qui s’est passé aussi avec Mme Devilers. Si mes calculs sont justes, elle avait 5 ans en 1980. En préparant l’émission, elle constate que Sidney a commencé sa carrière sur Radio 7 en 1981. Il n’en fallait pas plus pour effectuer un raccourci : Radio 7, du groupe Radio-France, était née dans la foulée de l’arrivée de la gauche et des radios libres. Sauf que Radio 7 a été créée avant.<br /> <br /> <br /> <br /> Au moins, Mme Devilers est-elle de bonne foi. Un Guy Carlier table sur le fait que personne n’ira vérifier, surtout pas son public, et qu’on peut mélanger des faits, les transformer un peu et arriver à la conclusion désirée. J’ai dénoncé son émission sur les chansons de Mai 68 où il fait intervenir une Danielle Gilbert qui ne travaillait pas encore à la télévision à cette époque et des chansons de Rika Zaraï bien postérieures. Le problème, c’est que ça marche. Bien sûr, ce n’est pas grave dans le cas de Sidney ou de Rika Zaraï mais on peut se poser la question pour le reste. Je renvoie au livre de George Orwell, « La ferme des animaux », qui montre comment on peut réécrire l’histoire sans inconvénient. <br /> <br /> <br /> <br /> Radio 7 a été une bizarrerie car, en effet, elle pâtissait de l’image de radio d’État qui a toujours été aussi mal vu en France qu’il était indispensable. L’État pique le pognon (les impôts), l’État réprime (on était après Mai 68 et la mort de Pierre Overney), l’État ou plutôt ce qu’on appelait à l’époque, « la majorité », imposait son point de vue à travers l’ORTF puis les sociétés qui ont été créées en 1975. Pompidou avait eu cette formule, qui a été critiquée à l’envi, sur l’ORTF comme « voix de la France ». Il rappelait alors aux journalistes qui travaillaient à l’Office qu’ils avaient une responsabilité supplémentaire qui les obligeait à une grande rigueur. Les antennes françaises étaient écoutées aussi à l’étranger et l’on ne pouvait pas se permettre d’approximation. Cela a été interprété comme devant être la parole officielle du Gouvernement. <br /> <br /> <br /> <br /> Quand j’étais étudiant en langues étrangères, nous étions amenés à travailler sur des articles de presse, des livres (ou des extraits) et, chaque fois, quelle qu’ait été la sensibilité du professeur (et à l’époque, il y avait de tout), il nous disait : voyez comment les Américains réagissaient à tel événement. Je m’en étais ému auprès d’une professeur en lui faisant remarquer qu’il ne viendrait à l’idée de personne de dire qu’un article du Nouvel Observateur (hebdomadaire le plus lu à l’époque) reflétait l’opinion publique française. On voit toujours l’étranger comme une masse homogène et on réserve la pluralité à chez soi. Pourtant, lors de mes séjours en Afrique, notamment, j’ai pu observer que Radio France Internationale était bien la voix de la France, Radio Suisse Internationale, la voix de la Suisse, le Service International de la BBC en français, la voix britannique etc. Autant de voix étrangères qui apportaient à l’opinion publique des informations jugées plus fiables que celles des radios locales, surtout gouvernementales. L’ORTF n’a jamais été Radio-Moscou ni Radio-Tirana, loin de là. Malgré tout, en France, la radio d’État est toujours suspecte. Tant que la droite (la majorité) était au pouvoir, elle s’accommodait bien d’un contrôle de l’État puisqu’elle le détenait. Après 1981, Michel d’Ornano n’a eu de cesse de critiquer l’audiovisuel public. Il avait compris qu’il pourrait canaliser et récupérer le rejet des nouveaux programmes, pourtant de meilleure qualité dans l’ensemble, pour la transformer en hostilité contre la gauche au pouvoir. C’est bien ce qui s’est passé. L’idée majeure consistait à suggérer que le contrôle supposé des médias par la gauche participait d’une soviétisation rampante. <br /> <br /> <br /> <br /> On a assisté, en ce début des années 1980, à une inversion des points de vue sur les médias. Sous Giscard d’Estaing, la gauche réclamait la libération des ondes et soutenait toutes les initiatives visant à créer des radios dites pirates à l’époque. Après 1982, la droite qui défendait mollement le monopole tant qu’elle le contrôlait, s’est mise à exiger la privatisation, sachant que pour cela, il fallait des moyens et que, bien sûr, les capitaux étaient de son côté. Pourtant, le malin Mitterrand les a coiffé au poteau en cédant les part de la Sofirad dans Europe 1 et en favorisant la création de Canal +, puis de La Cinq et de TV6. J’aime bien rappeler que, à l’époque, la droite soutenue par la presse Hersant dénonçait la gauche qui confiait les nouvelles chaînes à son ami Berlusconi… Lorsque TDF a installé l’émetteur des nouvelles chaînes de télévision sur la Tour Eiffel, Le Quotidien de Paris (passé à droite après 1981) titrait : « Ils nationalisent la Tour Eiffel ». Il faut se rappeler l’atmosphère de l’époque et ça ne s’apprend pas à science-po. <br /> <br /> Le plus grand succès de la stratégie de la droite dans sa démarche consistant à convaincre l’opinion que la gauche au pouvoir préparait la dictature, a été la grande manifestation de la jeunesse pour défendre NRJ. À l’époque la Haute-Autorité de l’Audiovisuel avait condamné NRJ qui enfreignait la loi en utilisant un émetteur surpuissant qui écrasait toutes les autres radios libres. <br /> <br /> <br /> <br /> Toujours est-il que la radio d’État a toujours eu du mal à attirer la jeunesse. Les exigences de qualités ou, plutôt, l’impossibilité de céder à la facilité consistant à diffuser des horoscopes, des nouvelles sur la vie des vedettes (déjà dénoncé par Orwell mais dans 1984 cette fois), éloignent une partie de la jeunesse des programmes des stations du groupe Radio-France. Radio 7 n’a pas duré et son lointain successeur, Le Mouv’ n’attire pas les foules non plus. À cela s’ajoute que l’humain garde ancré en lui une connaissance dans l’état où il l’a apprise et que rien ne peut la changer. On naît, en France, avec l’idée que l’État censure l’information et il est inutile de tenter d’expliquer à qui que ce soit que c’est la publicité, au contraire, qui impose la censure à l’information. Pourtant, si un journal publie un article prouvant qu’un modèle de voiture est dangereux, non seulement il n’aura plus la publicité pour la marque de cette voiture mais les autres en feront autant de crainte que leur tour ne vienne. Les marques d’essence et de lubrifiants en feront autant : pourquoi inciter à en acheter s’il n’y a plus les voitures qui les utilisent ? Les assurances feront le même raisonnement etc. Aujourd'hui, la presse appartient presque totalement à des industriels ou des financiers. Forcément, l’information est orientée. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Les radios libres étaient vraiment innovantes à leurs débuts, y compris celles qui subsistent aujourd'hui et qui n’ont qu’un lointain rapport avec elles. Déjà, au début des années 1980, Michel Jobert remarquait que c’était devenu « radio pognon ». Donc, ça fait près de 40 ans que ça dure, que sous couvert de « une demi-heure de musique non-stop », ces radios ne sont que des diffuseurs de publicité et tout le monde trouve ça formidable. Et il faut voir la musique que c’est : au choix des vieux tubes, de la techno ou du rap de groupes peu connus, des morceaux en anglais totalement inconnus. Autrement dit, rien que du pas cher à diffuser et, une fois de temps en temps : « nous vous offrons un extrait du dernier disque de Machin ». Et ça marche !<br /> <br /> <br /> <br /> J’écoute pas le Mouv’( parce que ça n’est plus de mon âge) mais connaissant Radio-France, j’imagine qu’il y beaucoup de plateaux avec des gens qui discutent de musique au lieu de l’écouter et ça plaît pas forcément aux jeunes qui préfèrent se taper de la pub pour des marques que des commentaires sur le pourquoi du comment de telle musique ou de telle tendance. C’est pour ça que je distingue toujours, parmi les anciennes radios libres, celles qui sont devenues des supports de publicités, comme l’étaient les hommes-sandwiches et autres panneaux d’affichage et les radios associatives qui vont de RCF à Radio-Zinzine en passant par Radio-Libertaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour mémoire, s’il n’y avait pas Radio-Caroline dans le sud, dans les années 1978-1980, il y a eu deux radios pirates installées dans le Piémont, l’une était Radio-K et l’autre Radio-Mont-Blanc. Je n’en sais pas plus car je ne pouvais pas les entendre. Simplement, Anne Gaillard officiait sur Radio-K après son éviction de France-Inter. Il manque, à ma connaissance, un équivalent de RMC de la grande époque avec cette bonne humeur permanente, qui méritait bien le slogan qu’elle a adopté plus tard : « la radio soleil ». À l’époque, il y avait des animateurs comme José Sacre, Jean-Pierre Foucault, Guy Vial, Carole Chabrier, Jean Sas. Sans doute par manque de moyens, ils revenaient plusieurs fois dans la journée. C’était l’époque où un animateur avait assez de talent pour occuper l’antenne sans « mon invité d’aujourd’hui est » ni sans faire parler les auditeurs au téléphone. Et, pour taquiner Jérémy, je rappelle aussi que Dick Rivers a animé des émissions, sur le rock n’roll bien sûr, sur RMC.
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J
Ainsi qu'Alain ci-dessus, et sans vouloir te flatter Diogène, ton approche encyclopédique des radios, leur histoire, leur évolution, leurs personnalités marquantes, me laisse pantois. <br /> <br /> <br /> <br /> Europe et RTL, je te l'ai déjà écrit par ailleurs, était peu écoutées là où j'ai grandi. RMC monégasque et italien, et Inter raflaient la mise. Surtout, RMC tournait en continu partout où traînait un transistor, sur les chantiers, à la plage, dans le car scolaire, chez le coiffeur, dans les magasins. C'était le fond sonore idéal. Inter réclamait une écoute plus active, c'était la station des intellos. On écoutait Inter comme on lisait un journal. <br /> <br /> <br /> <br /> Radio 7 c'est curieux, mais je n'en ai qu'un très vague souvenir et je ne savais pas que cette radio émanait de la nébuleuse Radio-France. Sidney ne me dit vraiment rien. Plus tard j'ai entendu parler du Mouv', radio ciblée jeunes dont il me semble qu'on en entendait plus parler qu'elle n'était vraiment écoutée - du moins dans mon entourage. Le côté radio d’État destinée aux jeunes, peut-être... à cette époque où les radios dites libres commençaient à faire un peu n'importe quoi, où on était passé de l'expérimentation farfelue des débuts héroïques à l'imitation au rabais de ce qui se faisait déjà ailleurs, rubriques interactives de voyance, tu appelles tel numéro et le mec au micro te dit ton avenir, infos récitées à partir du journal local, horoscope, programmation de hits en lieu et place des longues plages de naguère, fusion et hard rock, groupes alternatifs et régionalistes... On conçoit par là combien il est difficile de prétendre faire différent et de capter durablement un auditoire élargi autour de formats alternatifs. Comme s'il y avait une fatalité à devoir retomber dans le schéma mainstream variétés/divertissement/infos/marchands de vent/émissions interactives - lequel concept avait été inauguré par Gonzague Saint-Bris, vite repris par Macha Béranger à la même tranche horaire et imité depuis à toutes les sauces et à l'infini -, où tu appelles le gourou de service pour lui raconter ta vie, tes problèmes psychologiques, de couple, sexuels, ou attendre de lui un flash de voyance. <br /> <br /> <br /> <br /> On n'a pas eu à ma connaissance d'équivalent des fameuses radios-pirates exilées en mer du Nord, dont Radio-Caroline constitua le modèle. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour finir, rappelons qu'une journée comporte vingt-quatre heures dont huit, en principe, passées à dormir, le reste étant occupé, quand ça se passe bien, à travailler et à gérer des contingences domestiques, vivre, etc. On a à présent des centaines de stations de radio plus les millions disponibles sur le web, plus des centaines de milliasses de chaînes de télé accessibles par tous les moyens, au-delà de la TNT déjà dépassée, plus des chaînes à abonnement diffusant des séries et des films, plus le temps passé à surfer sur le web, sur les réseaux sociaux, sur son smartphone à pianoter et discuter, sans parler des chaînes d'infox en continu hyper-chronophages... <br /> <br /> ... et on croise encore des bipèdes dans la rue. <br /> <br /> Je ne sais pas si je vieillis, sans doute que oui, mais j'aimerais comprendre un truc... Où trouvent-ils le temps de vivre ?
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A
Je suis toujours effaré par ta connaissance des radios en général et d'Inter en particulier. Epaté aussi par ta capacité de synthèse qui découle à l'évidence de cette connaissance. J'apprends à ta lecture bien des choses sur Inter, mais plus encore sur Europe que je n'ai pratiquement jamais écouté (par parti pris politique familial) même du temps de Salut les Copains ! Radio Luxembourg représente pour moi le Tour de France de mes 10 ans, Zappy Max et Quitte ou Double, plus tard un peu Geneviève Tabouis...Radio Monte Carlo c'est le feuilleton "L'homme à la voiture rouge". Tu vois, mes connaissance en radios sont des fleurs bleues, parfaitement non-raisonnées et de l'ordre du premier degré. Continue à nous enseigner l'art radiophonique...!
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