Radios : audiences d'avril 2019
Tout d’abord, il faut signaler la mort de Jean-Pierre Farkas, nommé directeur de France-Inter en 1981. Comme d’habitude, la station dite de service public qu’il a dirigée l’a juste signalée au cours du journal de 13 h mais rien après, aucun rappel, aucun développement pour celui qui proposait de bons programmes et qui avait instauré des relations apaisées avec ses collaborateurs. N’empêche, même si les auditeurs d’aujourd’hui ne s’en rappellent plus ou s’en fichent, il convient de rappeler le souvenir et le travail de quelqu’un qui a marqué l’entreprise. C’est ce qu’on appelle le devoir de mémoire. Quel contraste avec Europe 1 qui a évoqué, quelques jours plus tard, la mort de son animateur vedette Hubert, dit « super Hubert » qui a commencé en reprenant l’emblématique « Salut les copains » quand Daniel Filipacchi a préféré développer un groupe de presse !
Sur Europe 1, on a entendu des animateurs rappeler qu’ils avaient débuté avec Hubert ou grâce à lui ou qu’ils ne seraient pas là sans lui. Encore une fois, sur Inter, ceux d’aujourd’hui sont persuadés que tout leur est dû, que leurs émissions, leurs interventions ne sont que la juste reconnaissance de leurs immenses talents, qu’avant eux, rien de bon n’existait et que, heureusement ils sont là à présent et ceux d’avant ne méritent que l’oubli ou les quolibets.
Maintenant, je ne résiste pas à commenter les audiences des radios publiées ce mois d’avril 2019. Pourtant, je m’étais juré d’attendre la fin de la saison pour tout balancer. Après tout, ça sera moins long et plus facile à lire en juin.
Donc, la grande affaire, c’est qu’Inter dépasse RTL pour la première fois depuis longtemps. Rappelons que nous émettons depuis toujours les plus extrêmes réserves sur ces résultats d’audience. Nous nous fondons sur notre expérience propre et sur les témoignages diffusés sur Inter à l’occasion d’un reportage quelconque ou de l’opération « Inter-classes ». Les jeunes et les un peu moins jeunes (sans euphémisme) ne connaissent même pas les noms d’Inter et des autres radios généralistes. Savent-ils seulement ce qu’est une radio ? Ce n’est pas une critique mais un constat : le monde change et ce sont les générations d’avant qui écoutent encore la radio sur un transistor ou un auto-radio.Nous avons été parmi les tout premiers à constater de nouvelles pratiques d’écoute avec, notamment, des auditeurs qui règlent leurs smartphones pour avoir une alerte lors de leur émission ou même leur chronique favorite.
Il serait plus intéressant de comparer avec les audiences des radios dites musicales (en fait purement commerciales avec qq plages musicales entre les pubs). On constaterait sans doute qu’elles caracolent en tête. Après, c’est affaire de goût. Les jeunes évoluent et préfèrent l’une puis l’autre. Une fois casés, une des premières choses qu’ils achètent, c’est un écran de TV, le plus grand possible. On ne sache pas qu’ils investissent dans une chaîne stéréo comme autrefois ni encore moins dans un poste de radio performant.
Ensuite, quand on effectue une revue des articles traitant le sujet, on s’aperçoit que les variations sur trois mois sont infimes. C’est toujours de l’ordre de 0,x %. Y a-t-il matière à s’emballer pour moins de 1 % ? On lit que le patron d’RTL met en doute le sondage dès lors qu’il ne lui est plus favorable. On lit aussi que tous ceux qui baissent sont prêts à lui emboîter le pas et à demander un changement de critères. Comme ce sont de puissants groupes médiatiques (et industriels ou financiers derrière), nul doute qu’ils obtiendront gain de cause. Ainsi, M. Baldelli, patron de l’ex station luxembourgeoise s’étonne (ou fait semblant de s’étonner, on ne sait pas ce qui serait le plus grave) : « Comment une grille qui n'a pas changé et qui enregistre entre septembre et décembre un record absolu peut-elle accuser une baisse aussi importante la vague suivante ? »
Historiquement, RTL a toujours su doser habilement de vieilles émissions qui ont fait leur preuve, l’arrivée de la vedette TV du moment (Michel Drucker, Jean-Pierre Foucault, Nagui, Laurent Ruquier) et des émissions qui naviguent sur la mode. Il semblerait que le dosage ne soit plus harmonieux ou que la recette soit éculée. Maintenant, sachons garder raison, il ne s’agit que de variation de 0,4 et 0,9 %, autrement dit, rien du tout. Ça se stabilise. Il est amusant de lire les réactions des lecteurs de Valeurs Actuelles. Pour eux, la baisse d’RTL serait due à une dérive gauchisante (puisque selon eux, LREM est à gauche) et qu’il vaut encore mieux écouter l’original (Inter = radio bolcho) que la copie qu’essaie de produire l’ex première radio de France. En lisant leurs commentaires détaillés, on comprend que, malgré tout, ils continuent d’écouter RTL (parce qu’ailleurs, c’est encore plus à gauche) mais critiquent les nouvelles voix. Les radios généralistes, malgré l’apparente progression, ont des soucis à se faire. La progression légère (+ 0, 3%) de France-Info est à souligner malgré la baisse d’RMC (– 0,2%). À noter aussi la progression de France-Culture. Pas de quoi fouetter un chat, + 0,6 %, mais ça ne baisse pas non plus. On a recruté des animateurs venus d’ailleurs. D’habitude, dans le groupe Radio-France, on dépêchait les talents de France-Culture ou de France-Musique (comme Philippe Caloni autrefois) pour renforcer Inter. Maintenant, ce serait plutôt le contraire.
Enfin, tous les articles mentionnent au moins dans leurs chapeaux et parfois en titre, la plongée continue d’Europe 1. Nous avons déjà dit que l’ex station de la rue François 1er occupe une place à part dans l’imaginaire collectif. Europe 1, c’est la station qui a révolutionné la radio à sa création. C’était un ton nouveau, dérangeant le pouvoir et les conservatismes et adapté à l’apogée des Trente Glorieuses. C’est la radio qui a révélé les chanteurs qui ont occupé le devant pendant près d’un demi-siècle. Europe 1, c’était le jazz puis les yéyés. C’était l’invention des flashes horaires pendant la guerre d’Algérie. C’était radio-barricades en Mai 68. C’était surtout « Salut les copains ». Pendant plus de dix ans, c’était la meilleure rédaction audiovisuelle de France. Europe 1 qui a tout inventé (ou presque) n’a jamais pu s’adapter aux changements dans les médias survenus depuis près de 40 ans : radios libres, télévisions privées, câble, satellite, CD, numérisation, et finalement smartphone. Sur chacun de ces segments, on trouve une autre tête d’affiche ou un autre média. Aujourd'hui (depuis 40 ans en fait), il existe des radios rien que pour les jeunes et pas seulement une émission à la sortie des cours. Il existe des radios rien que pour l’info et avec des rédactions solides, sérieuses et parfois des vedettes (comme M. Bourdin). Il existe des radios associatives. Europe 1 est larguée depuis longtemps dans tous ses domaines de prédilection. Nous avons déjà analysé plusieurs fois les raisons de la désaffection des auditeurs pour Europe 1. Bien sûr, nous ne sommes pas payés pour aider cette station autrefois prestigieuse et surtout la direction ne consulte sûrement pas la Lanterne de Diogène. Malgré tout, le fait du petit prince (fils de Jean-Luc Lagardère) consiste à changer les directeurs, à appeler ceux qui, malgré leurs compétences, ne seront jamais directeurs généraux dans leur entreprise d’origine et qui voient là le couronnement de leur carrière. À leur tour, ils changent les vedettes en espérant que, comme autrefois, les auditeurs suivront et se retrouveront autour d’un animateur de talent ou, du moins, hyper connu. Il n’en est rien. L’an passé, dans TV-magazine, M. Cohen analysait fort bien son échec. Les auditeurs des radios généralistes sont fidèles à une station. Ils constatent les changements de programmes, les approuvent ou pas mais, dans leur très grande majorité, restent. C’est ce que font les lecteurs de VA, déjà mentionnés : ils critiquent l’incompétence de certains journalistes mais continuent d’écouter RTL malgré tout. Aujourd'hui, on lit que M. Cohen faisait davantage d’audience que son successeur M. Aliagas qui n’est pas crédible pour une matinale d’information. En France, particulièrement, on vous colle une étiquette dont on ne peut plus se défaire. Quand on se fait connaître à la télévision, dans un certain genre, il est impossible, après, de s’en échapper. En revanche, la confidentialité de la radio permet aux professionnels d’observer les talents et de dénicher les futures vedettes de la télévision. Faut-il rappeler M. Jean-Pierre Foucault d’RMC, M. Laurent Ruquier d’Inter, M. Jean-Jacques Bourdin du service des sports d’RTL ? L’inverse n’est possible que si l’intéressé demeure dans son domaine, comme M. Cavada en son temps, venu du petit écran pour renforcer les rédaction d’Inter puis d’RTL ? Après avoir inventé la radio moderne, Europe1 est devenue la radio en trop, la radio qui n’apporte rien à personne. Il doit quand même bien y avoir, en France ou ailleurs, quelqu’un qui a des idées pour inventer une nouvelle radio, non ?
En marge de ce sujet sur les audiences, Mme Devilers a fait une nouvelle erreur, le lundi 22 avril en attribuant la création de Radio 7 à la présidence de Mme Cotta, après les élections de 1981 qui ont permis l’éclosion des radios libres et la nécessité pour Radio-France de riposter. Sauf que Radio 7 a été fondée sous la présidence de Jacqueline Baudrier pour répondre à la demande de la jeunesse qui ne se reconnaissait pas dans le ronron (déjà) de France-Inter et ne se reconnaissait plus dans le Hit-Parade d’RTL et autres Mozik d’Europe 1. Depuis des années, Radio-France réfléchissait à la façon de toucher un public qui délaissait les radios généralistes. C’est ainsi que sont nées Radio-Melun, Fréquence-Nord, Radio-Mayenne, confiées à des pointures telles que Jean-Pierre Pinault ou Daniel Hamelin. Pour Paris, il y avait déjà FIP et donc, il fallait trouver autre chose et, en 1980, M. Patrick Meyer a pris la direction de la petite station pour les jeunes. Las, le ton était tellement jeune que l’on n’a pas apprécié en haut-lieu qu’on invite Coluche, alors candidat à la Présidence de la République « pour foutre le merdier ». M. Meyer a fondé, après son licenciement, RFM avec un nouveau concept et un slogan innovant : « la radio couleur ». Coluche s’est proposé d’animer gracieusement une tranche horaire quotidienne pour lancer la radio couleur, avec un « flash couleur » toutes les heures, en partenariat avec l’AFP (de mémoire).
Ça arrive souvent dans les évocations d’émission d’autrefois. On greffe des faits sur d’autres, compatibles mais en réalité sans aucun lien. Ça fait bien de croire qu’une femme de gauche a pris la présidence de Radio-France après 1981 et a offert une radio pour les jeunes, pour l’avenir, sur laquelle Sidney a débuté mais avec Mme Brière comme directrice… L’inoubliable Sidney était l’invité ce jour-là. Rappelons que, malgré des erreurs et des partis-pris, Mme Devilers effectue un travail remarquable sur les médias, tant à 9 heures moins dix qu’à 10 heures moins vingt.
http://www.leradioclub.com/devinez-qui-vient-dimanche-10-juin-reponse-sydney/