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la lanterne de diogène
25 mai 2019

Chant du coq

Rien n’est plus insupportable que le chant du coq car, contrairement aux idées reçues, le coq ne chante pas aux premiers rayons du soleil mais bien avant et souvent il continue après que le jour s’est imposé. Par conséquent, il est impossible de se rendormir pour qui n’y est pas habitué depuis sont enfance. Faut-il, pour autant, gripper tous les coqs, traîner les fermiers devant les tribunaux ? Sûrement pas mais ces histoires qui reviennent périodiquement nous alertent sur l’évolution du monde rural et de la société en général puisque la France est un pays de culture rurale d’où, probablement les conflits récurrents qui pourrissent la vie dans les zones urbaines et périurbaines. 15 % de la population activé appartenait au secteur primaire au cours des Trente Glorieuses. Moins de 4 % seulement aujourd’hui de la population active est paysanne et encore, les disparités sont grandes entre le propriétaire qui passe plus de temps dans son bureau que dans les centaines d’hectares de champs qu’il possède et le petit écolo qui survit surtout grâce au salaire d’institutrice de son épouse. Au milieu se trouve toute une gamme de situations. Les champs sont toujours là mais disparaissent à leur tour. Voici dix ans, on estimait que l’équivalent d’un département français disparaissait sous le béton ou le goudron tous les dix ans. Maintenant, il a fallu raccourcir le délai à six ans pour tenir compte de la réalité. N’empêche, même sur 10 ans, ça fait tout de même environ 6 départements qui ont été rayés de la carte et livrés entièrement aux lotissements, zones d’activités, fermes industrielles, autoroutes, rocades, LGV etc. Voilà pour le contexte.

coq

Dans les villages, les anciennes fermes ont été achetées par des citadins. Plusieurs cas de figure également : des retraités qui aspirent à la tranquillité après une vie active (époque de plein emploi et de carrière longue), jeunes couples qui cherchent de la place pour les jeux des enfants et, depuis plus de vingt ans, des jeunes couples débutant dans la vie sans trop de moyens, attirés par un prix du foncier plus bas ainsi que, de plus en plus de ménages qui quittent la ville et sa banlieue pour fuir la promiscuité avec certaines populations qui reconstituent des communautés. Le résultat des élections est tout à fait significatif. De sorte que, cette nouvelle population qui habite la campagne n’a aucune attirance pour la nature, la vie au grand air, les activités du village. Ils y habitent un point c’est tout et ne veulent surtout pas être dérangés ni connaître les nuisance de voisinage qu’ils ont quittées. Par conséquent, il ne tolèrent ni les cris des enfants, ni les aboiements des chiens, ni le passage des chats, ni la fumée des BBQ. Ils exigent (« je paie des impôts chez vous à présent ! ») que les rues soient aménagées comme en ville avec passages pour piétons, sens interdits, pas de bagnole garée devant chez moi, panneaux de signalisation en tout genre, mats d’affichage électronique, l’éclairage toute la nuit, caméras de surveillance,

Le bon sens populaire dit que lorsqu’on est raisonnable, on n’a pas d’animaux en ville. Nombre d’amis des bêtes se sont justement repliés sur la campagne pour accorder de l’espace à leurs compagnons. Seulement maintenant, ils ont été rejoints par tous ces citadins qui entendent reconstituer l’habitat urbain à la campagne – le seul qu’ils connaissent – et leur intolérance. Donc, pas question que le chien du voisin aboie quand passe un piéton à proximité. Les chiens ont adopté beaucoup de comportements humains et s’accommodent volontiers des nuisances des automobiles mais pas du passage paisible des cyclistes et des piétons : « Qui c’est çuilà et qu’est-ce qu’il vient faire par chez moi ? ». Pas question non plus que des chats, toujours curieux de voir si l’herbe est plus verte que chez eux, s’introduisent dans leur propriété privée. Pièges à chats, répulsifs, abattages se sont répandus ainsi que les plaintes. Malgré le bétonnage, la campagne est toujours le milieu privilégié de petits animaux. Ne parlons même pas des taupes dont les excavations sont intolérables pour ceux qui veulent un gazon ras. D’ailleurs, eux si prompts à dénoncer les nuisances des voisins trouvent tout à fait normal de passer la bruyante tondeuse pendant des heures les samedis ou dimanche quand le voisinage aspire au repos hebdomadaire. Il y a d’autres petits animaux, rongeurs le plus souvent, qui suscitent des réactions démesurées eu égard aux inconvénients qu’ils produisent.

Ce n’est pas tout. De petits batraciens, quand il en reste, font beaucoup de bruit également. Ils essaient de survivre autour de flaques d’eau, de fossés, de mares dans les meilleurs des cas. La nuit, ils font un tintamarre qui dérange ses messieurs-dames quand les bruits de la ville comme les sirènes d’alarme, les avertisseurs des véhicules prioritaires, ceux d’automobilistes impatients, les pots d’échappements mal réglés (à dessein) ne provoquent aucun rejet chez eux pas plus que la télévision à fond avec les fenêtres ouvertes. Ce sont des citadins. Ils ont vécu là-dedans et sont plus incommodés par l’odeur des animaux d’élevage que par la pollution atmosphérique. Comprenne qui pourra. Les feux en plein air sont également interdits depuis quelques années. Pas question de brûler l’herbe qu’on vient de tondre ni les branches d’élagages. Dans ces cas-là, la gendarmerie se déplace rapidement quand elle préfère ne pas intervenir en cas de nuisances sonores : « voyez avec votre propriétaire, voyez avec le maire et puis raccrochez à présent parce que vous êtes sur police-secours ! ».

À cela, s’ajoutent la cloche de l’église du village. Souvent, l’église n’est plus fréquentée mais son clocher est un repère majeur dans la commune et dans l’imaginaire collectif. Faut-il rappeler l’affiche du candidat victorieux de 1981 qui représentait un village du Morvan avec son clocher (raccourci) ? À l’heure où l’on consulte son smartphone en permanence, on n’a évidemment plus besoin de pendules publiques ni encore moins de campaniles pour savoir l’heure qu’il est. Donc, si la cloche ne rythme plus la vie du village ou du quartier, elle devient une nuisance supplémentaire. Et en plus, on paie des impôts pour ça ! Au passage, aucune intolérance signalée aux ondes des smartphones et de leurs relais. Comment un appareil si merveilleux, qui rend autant de services, pourrait-il être nocif ? Ça rappelle le comportement des paysans dans les années 1960 et 1970 qui manipulaient des produits chimiques (dont le désormais fameux glyphosate) à mains nues, sans autre précaution, qui s’en mettaient plein les vêtements et les cheveux mais qui prenaient bien soin de retirer leurs bottes en rentrant pour ne pas salir. Comment des produits qui allégeaient autant leur peine, leur évitaient la perspective de finir le corps cassé, comme leurs parents et grand-parents, et améliorait leurs productions pouvaient-ils être nocifs ? Malheureusement, beaucoup d’entre eux sont morts prématurément.

Le comble de ces intolérances de la part de populations qui vivent hors-sol a sans doute été atteint (provisoirement) l’été dernier quand des vacanciers ont porté plainte contre le chant des cigales. D’autre ne supportent pas le tintement des cloches des vaches de troupeaux (que devraient dire les vaches alors?) de montagne ou le passage des cavaliers.

C’est sûr que ce genre de population citadine installée à la campagne ne fait pas le lien entre la production agricole et l’alimentation. Ce ne sont pas ceux-là qui cherchent les produits du terroir, ni les circuits courts. Le marché hebdomadaire, quand il y en a un, est vu comme une cause d’encombrement et de ralentissement dans le centre. Eux font leurs courses en ville, en rentrant du boulot, là où ils avaient leurs habitudes. Les problèmes des paysans, des commerces de village (épicerie, café), des services publics ne les concernent pas ; encore moins la sauvegarde du patrimoine (église, lavoir, four banal). On paie des impôts, c’est pour qu’il y ait une cantine scolaire et une garderie, voire un centre de loisirs pour le mercredi. Surtout, ils veulent que le trottoir soit en bon état vers chez eux (déjà qu’il y en ait un) et, si possible, un bac à fleurs pas loin. D’ailleurs, en poser un trois semaines avant les élections municipales amène des voix ; pas autant, il est vrai, que le changement d’éclairage public.

Il n’est pas étonnant que ces histoires qui amusent les journalistes parisiens se passent dans les départements les plus touristiques qui sont souvent les plus pittoresques parce que, justement, ils ont gardé des traditions et des modes de vies propres à leurs terroirs. C’est la carte postale, le cliché en deux dimensions qui a attiré ces citadins incapables de vivre ailleurs qu’en ville. Comme ils ne voient pas plus loin que le bout de leurs nez, ils n’ont pas pensé qu’il y a du bruit et des odeurs à la campagne comme ailleurs mais ce sont bruits et odeurs qu’ils ne connaissent pas et qui provoquent rejet, intolérance et agressivité. Ce maire girondin a, au moins, le mérite de poser le problème et de proposer une solution. Il souhaite que les marques du terroir soient inscrite au patrimoine immatériel. Ça aurait le mérite de faire connaître aux citadins l’existence d’une vie autre que la leur et de désengorger les tribunaux. Ça permettraient peut-être d’apaiser les tensions en faisant savoir que ça existe.

https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/chant-du-coq-coassement-des-grenouilles-un-maire-demande-l-inscription-des-bruits-de-la-campagne-au-patrimoine-national_3458825.html?fbclid=IwAR0yhK-ZmHU8-ysPOJ6NeCsE5tpRdSjMBKrAAlaXmUWYWOaki-60bFO4J4o#xtor=CS2-765

La campagne n’est plus la campagne. Dès la fin des années 1970, avec la croissance, l’augmentation de la population, il a fallu aménager des lotissements. On y a construit de vilains pavillons blancs avec un petit terrain autour (ça m’suffit) qui faisaient l’admiration des anciennes familles rurales qui lorgnaient avec envie sur ces petites (vraiment petites souvent) réalisations où il y avait le confort, pas comme leurs vieilles fermes solides où des pièces avaient été aménagées comme on pouvait au fil du temps et où seule une pièce était chauffée par l’unique cheminée ou la cuisinière. Par la suite, ceux qui se sont installés ont voulu de l’authentique et s’ils faisaient construire, voulaient du tradi. Ils se sont engagés dans leurs nouvelles communes, ont participé à la vie du village, fait revivre des lieux abandonnés. Leurs successeurs, depuis une bonne vingtaine d’années n’en ont cure. On voit repousser de vilains pavillons, certes plus blancs mais à peine plus jolis, avec deux entrées de garages car les deux conjoints ne travaillent pas au même endroit, donc deux véhicules obligatoires. Eux ne font qu’habiter. Ils ne vivent pas et, en plus, ne supportent la vie autour d’eux.

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Commentaires
J
Ces villages implantés longtemps jadis où, jusqu'à une période pas si lointaine, on vivait en autarcie, ils n'ont pas été posés par hasard dans la sauvagine. S'ils sont perchés, c'est qu'avant les surplombait quelque place forte commandant la vallée, et qu'encore avant était un oppidum, qui avait la même fonction. Il fallait aussi une source, de la bonne terre et des arpents propices à l'élevage. S'ils sont en plaine, blottis dans la courbe d'une rivière, étagés sur un coteau, coincés dans une combe, perdus au profond d'une forêt, c'est toujours en fonction d'une logique vernaculaire. <br /> <br /> <br /> <br /> On a beau affirmer que l'atmosphère se réchauffe, les premiers frimas sont là pour calmer les ardeurs du citadin arrivé au joli mois de mai, euphorique et avec armes et bagages, ravi de faire les honneurs à sa famille et à ses amis de la fermette rustique ou du pavillon en parpaings véritables payable sur des années, parfois des décennies de traites. <br /> <br /> <br /> <br /> Bien sûr il y a certains petits inconvénients à vivre à la campagne. Mais c'est un choix. Ici, on en est encore à l'ADSL. Il y a des taons, à cause des chevaux et des ânes qui paissent dans le champ voisin. On est parfois réveillé à pas d'heure par les toussotements du tracteur du paysan qui part aux champs. Il y a des mulots, des campagnols. Il y a le poulailler voisin avec son coq, certes, mais on peut avoir des oeufs vraiment bio, pondus par des vraies poules nourries au grain, libres comme l'air, même si le paysan n'en fait pas cadeau. Il faudra faire gaffe en promenant le toutou aux abord de la forêt, à cause des chenilles processionnaires. Le dimanche, il n'y a rien d'ouvert, à part le bistrot qui fait PMU. La supérette du village vous tarife la mignonette d'eau minérale au prix de deux packs à l'hypermarché de la ville dont on est trop content de s'être éloignés. Mais on ira y faire ses courses de retour du boulot, à la nuit tombée. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais dès octobre, c'est pas la même sauce que quand on habitait le plan courant à trois blocs de l'hyper, vu qu'il y a du verglas. Prévoir les pneux neige pour l'hiver, dont les autochtones ont prévenu qu'il peut être long et froid, malgré qu'ici, en été, le thermomètre peut monter jusqu'à 35°, et qu'il n'y a que le lavoir devenu décoratif pour se rafraîchir. M'enfin on est tranquilles. Faudra juste rentrer du bois, pour l'insert, et le bûcheron, il benne les stères devant la porte du garage, faut ensuite les rentrer et les empiler. A un mètre c'est moins cher qu'à cinquante, même si l'insert prend du cinquante. On se procurera une tronçonneuse. Ou on préfèrera le chauffage à granules. Ou on remplira la cuve à mazout. Ou on se contentera des convecteurs, jusqu'à ce qu'on se pèle au plus fort de l'hiver, quand la route est à peine praticable, qu'on a déjà raté deux jours de taf à cause du déneigement problématique. Sans compter les sangliers et les chevreuils qui surgissent sans prévenir au détour d'un virage. Et les battues qui transforment les alentours en camp retranché, ça canarde comme au Liban dès l'aube le samedi, le ballet des 4X4 alimentés au mazout qui sillonnent les pistes où, au printemps, on allait se balader en quête d'un coin de pique-nique. Ensuite, les Rambos de village s'en vont dépiauter le gibier comme on l'a toujours fait ici, le cadavre du sanglier, du chevreuil suspendu à un crochet de boucher, tripaille et boyeaux vont rejoindre les peaux sanguinolentes et les boîtes de bière dans les containers placés aux endroits stratégiques du bled. <br /> <br /> <br /> <br /> La vie rude des bleds ruraux. Leurs réalités. Quand bien même les municipalités, appâtées par la venue d'une population rentable fiscalement, cadres, classes moyennes, revoient leur PLU pour viabiliser des terres jadis dédiées à la culture et à l'élevage ; quand bien même l'autochtone à deux pas de la retraite se verra proposer telle somme astronomique pour la bicoque héritée de ses vieux, par l'agent immobilier venu de la ville, qui la proposera le double après de menus travaux. Un peu de placo, un enduit aux normes, des fenêtres à double vitrage, des volets en PVC, on refait le filaire et les tuyauteries et roulez jeunesse ! <br /> <br /> <br /> <br /> J'en ai vu dans toutes les campagnes où j'ai vécu, des "F" puis des "€" clignoter dans les yeux des héritiers de bicoques et les petits proprios de village las de douiller du foncier et pressés de passer à autre chose, de préférence plus près de la ville, là où il y a des commodités, des docteurs, des commerces ouverts le dimanche, des garagistes franchisés qui prennent moins cher que le fils du Marcel, qui du haut de ses soixante balais connaît mieux les camions que les japonaises hybrides, Marcel dont le fiston est parti il y a vingt ans où il y avait du travail et dont les enfants sont à la fac. <br /> <br /> <br /> <br /> Bref résumé de ce que peut être la brillante épopée néo-rurale, qui de certains villages jadis riants, tranquilles et vivants, a fait, par promoteurs et politicaillons aux dents longues interposés, de ces infectes petites villes à la campagne où tout ou presque est interdit, où tout ou presque est factice, où le petit proprio à tempérament dont le couple a survécu à trente ans de crédit, peine à trouver à revendre au prix voulu le joli mas en agglos pour qui il aurait tué père et mère au début des années 2000... tellement ça a changé autour. Tellement ce n'est plus la campagne. Tellement c'est devenu ce qu'on avait eu à coeur de quitter, quand les gamins étaient encore des gamins, avant qu'on ait à se faire du mouron de les voir partir en stop le week-end pour aller trouver quelque distraction en ville...
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