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la lanterne de diogène
14 juin 2019

DNB

https://actualite.20minutes.fr/societe/2533907-20190606-pourquoi-jean-michel-blanquer-planche-enieme-reforme-brevet-colleges#xtor=EREC-182-[actualite]

Le DNB (pour Diplôme National du Brevet) est le symbole de l’échec des politiques successives menées depuis un peu plus de 40 ans, disons depuis la réforme Haby qui a commencé à attaquer les humanités en supprimant une heure de français au lycée.

D’abord, le nom même de ce qui a remplacé le BEPC (Brevet d’Étude du Premier Cycle du second degré) est une ânerie. Diplôme et brevet sont des synonyme. On aurait pu tout aussi bien l’appeler brevet du certificat ou diplôme de l’attestation etc. On a opté pour Diplôme du Brevet et pas l’inverse. C’est dire le niveau des décideurs de la rue de Grenelle.

Ensuite, alors que le même Haby avait supprimé le BEPC (sorte de mini bac pour le 1er cycle) pour le remplacer par un ersatz sans beaucoup de valeur, les ministres de Mitterrand ont décidé de lui redonner du lustre en imposant l’Histoire – et la géographie par voie de conséquence – en épreuve finale écrite. On sait que l’illustre Président, féru d’humanités, méprisait ouvertement les mathématiques mais il ne pouvait pas les supprimer… Seulement, avec l’arrivée de M. Chevènement (décidément, c’est sa fête en ce moment) au Ministère et son souci de « mettre l’élève au centre du système » et de fixer comme but l’obtention du baccalauréat pour 80 % d’une classe d’age, on a quelque peu changé la donne. Le but est évidemment louable mais les moyens pour y parvenir n’ont pas suivi. Alors, on a opté pour baisser la barre pour la sauter. On l’a fait et l’on s’apprête à le faire pour la licence puisqu’il n’y a pas de raison de s’arrêter en si bon chemin.

Concrètement, au Brevet (et même au Bac) voici comment on procède. D’abord, les questions portent surtout sur la dernière partie du programme de l’année de 3e. Donc, on n’évalue pas les compétences acquises au collège mais seulement la dernière année et même les derniers mois. Ensuite (notamment en Histoire-G et en maths), on pose des questions simples suivies aussitôt d’une autre rédigée à peu près comme suit : Puisque vous venez de trouver tel résultat, quelle conclusion en tirez-vous ?

Même en procédant de la sorte, il se trouve un contingent non négligeable d’élèves qui se trompent.

Ensuite, l’astuce principale réside dans le barème. Les questions de paraphrase (presque du genre : quel grade militaire avait le Général De Gaulle ou bien où a été construit le Mur de Berlin?) sont bien rémunérées : 1,5 pt ou même 2 pts. En revanche, les questions qui demandent un esprit de synthèse, un développement, une rédaction, sont tarifées de 0,5 pt. Comme il y a quand même un semblant de justice, tant que le contrôle continue comptait pour beaucoup, certains élèves obtenaient le Brevet sans même disputer les épreuves finales. Ils allaient à la piscine pendant que planchaient les autres, juste récompense de la constance de leurs efforts. Autre effet pervers de ce système, des élèves se sachant médiocres mais réussissant à décrocher le Brevet (puis le Bac) finissent par être convaincus qu’ils sont bons et sont très étonnés le jour où ils sont confrontés à un patron ou même un simple prof de fac qui jugera sur pièce et pas en fonction de la réputation de son établissement qu’il ne connaît même pas.

 

Ce n’est pas le pire. En fait, c’est risible mais montre bien les errements, la démagogie des décideurs et le pouvoir de certains pour imposer leurs fantaisies. Le pire, c’est que le Brevet, quelle que soit ses modalités, ne sert absolument à rien. « Le diplôme national du brevet (DNB) est un diplôme français qui atteste de l'acquisition de connaissances générales au terme de la scolarité en collège ». Déjà, il n’assure pas le passage en 2nde. Nombre de titulaires se voient refuser l’entrée au lycée pour leurs résultats insuffisants. En revanche, les notes obtenues lors des « brevets blancs » comptent dans l’appréciation et déterminent le passage au deuxième cycle. Bien sûr, le Brevet n’a aucune valeur professionnelle. Aucun patron n’embauchera ou pas un ado titulaire ou non du Brevet. Donc, il ne sert à rien d’autre qu’à stresser les élèves qui jouent le jeu mais manquent de confiance tandis que les autres ne s’en soucient pas plus que des contrôles tout au long de l’année. Au contraire, ils voient dans les épreuves du Brevet la possibilité de sortir plus tôt et d’aller faire un tour en ville avant de rentrer pour la cantine ou en attendant le car du soir.

 

Pour ceux qui sont angoissés (car il y en a encore) rien n’est fait pour les rassurer. Ainsi, la dictée… Du temps du BEPC, l’épreuve était éliminatoire avec 5 fautes valant 0. Ainsi, on épargnait la correction des autres épreuves. De nos jours, la dictée n’est plus éliminatoire et c’est heureux. Cependant, on est passé en une quarantaine d’années de 5 fautes 0 à 10 fautes 0. D’accord. Puis de 10 fautes 0 à 10 fautes mais sans compter les accents puis sans compter toutes les fautes, seulement celles sur lesquelles porte la partie du programme à l’étude. Malgré tout, le jour du Brevet, la dictée peut comporter un piège car il ne faudrait pas tronquer l’œuvre sacro-sainte de l’écrivain. Ah ben non ! Donc, on laisse la phrase compliquée avec un accord tordu pour qui n’est pas à l’aise avec les subtilités de la langue. On ne l’est pas à 15 ans. L’élève bon en orthographe va se poser des tas de questions avant de choisir, en général, la mauvaise option à force de se triturer les méninges et de stresser. Il risque une contre-performance à cause d’un piège d’autant plus inutile que consigne sera donnée au correcteur de ne pas tenir compte de la faute à cet endroit. Les correcteurs reçoivent en plus une liste de consignes destinées à ne pas tenir compte de certaines fautes ou approximations et c’est encore un moyen de gonfler artificiellement le nombre de reçus. Au baccalauréat, ces consignes ajoutées à « l’harmonisation des notes » atteignent des sommets. « L’harmonisation des notes » n’est rien d’autre qu’une pratique consistant à remonter systématiquement toutes les notes afin de coller aux meilleures des établissements les plus performants. On a tellement critiqué le système éducatif français, fondé sur la sélection et l’échec qu’on prend désormais le contre-pied et que c’est l’égalitarisme qui prime. Tout le monde au même niveau !

 

DNB

Parlant d’établissements, il convient aussi de souligner que leurs résultats sont trompeurs car paradoxaux. Ainsi dans une même ville, supposons qu’il y ait deux collèges. L’un d’eux, en centre-ville, souvent dans un bâtiment ancien, encadrés d’enseignants établis depuis longtemps en général, bénéficiera d’une bonne réputation et sera demandé par les nouveaux titulaires. Sans qu’il y ait besoin de s’entendre, les professeurs aguerris ont vite compris que les parents d’élèves de la bourgeoisie de centre-ville veulent surtout que leurs enfants aient des bonnes notes. Qu’à cela ne tienne ! Rien de plus facile que de gonfler un peu ou de ne pas être trop exigeant. Donc, les résultats au brevet seront mirobolants, ce qui améliorera d’autant la réputation de ce collège. L’autre, un peu à l’écart, dans un bâtiment des années 1970 et suivantes, accueillera plutôt les élèves des environs. Les effectifs de professeurs ne seront pas stables. Chaque rentrée verra les enseignants changer. Certains seront même affectés la veille de la rentrée, sans savoir encore où loger. Comme l’établissement n’est pas demandé (au contraire de son homologue), nombre d’enseignants non titulaires renforcent les effectifs. Par conséquent, il n’existe pas d’esprit de corps comme dans l’autre établissement. Donc, les profs font leur travail, exigent des compétences et des résultats. Les notes sont moindres et, par conséquent, les résultats au Brevet sont plus faibles. Résultats trompeurs, donc. Idem avec les établissement privés, plus exigeants, où l’on évalue que chaque note serait majorée de deux points dans un collège public. Or, la réforme du bac en cours accorde une importance majeure au contrôle continu. Par conséquent, des établissements médiocres pourront rattraper les meilleurs à ce jeu-là. En fait, ce qui se dessine, c’est l’obtention d’un bac labellisé du lycée du candidat. En d’autres termes, on saura rapidement ce que vaut le bac de tel ou tel établissement et l’on pourra écrémer. Ce n’est pas forcément ce que le Ministre Blanquer souhaite mais c’est bien ce qui se passera. Au passage, rappelons que ce bac-maison était prévu par le Haby, ce qui réjouissait certains établissements privés qui voyaient là un moyen de faire connaître leur excellence.

 

Cette histoire de Brevet montre aussi toutes les tromperies qui entourent le système éducatif français, avec un syndicat hégémonique qui a couvert toutes les dérives, tous les délires pédagogiques mais qui maintien sa position en agissant sur les mouvements de personnel. Tromperies parce que, sous couvert d’innovations, on baisse la barre à chaque fois, on nivelle par le bas. Aujourd’hui (nous y reviendrons prochainement), on ne peut plus dissimuler qu’une part importante de la population ne maîtrise pas la simple lecture. Il suffit d’écouter les publicités ou les lectures courtes (traductions par exemple) pour s’en rendre compte. L’orthographe, il y a longtemps que tout le monde le sait. Malgré tout, les pédagogistes sont aguerris dans l’art de justifier leurs choix quand bien même les résultats les invalident. Par conséquent, les classement genre PISA montrent un recul à chaque fois mais ça n’est qu’une moyenne car, exception française oblige, le système français est très inégalitaire. Ne parlons pas de l’inégalité sociale avec toujours moins d’enfants d’ouvriers entrant dans les grandes écoles. En d’autres termes, les bons sont toujours meilleurs et les autres régressent toujours plus. Le problème, c’est que les bons sont minoritaires et que le système n’arrive pas à intéresser les autres et encore moins à les hisser. À cela, les différents gouvernements proposent des artifices comme l’exemption de concours d’entrée dans les grandes écoles pour certaines catégories sociales. Ça coûte moins cher (et pas seulement en termes d’argent) de privilégier quelques uns pour faire croire que c’est possible plutôt que de permettre au plus grand nombre d’atteindre l’élite. Également, il serait intelligent de former de bon manuels, de futurs bâtisseurs de cathédrales plutôt que d’envoyer en apprentissage et en filière pro les élèves recalés de la filière générale. Cette orientation par défaut concentre tous les problèmes dans ces filières et empêche ceux qui ont une vocation de s’y épanouir.

Pour cela, il faudrait faire sauter deux tabous. Le premier est celui du « collège unique », justement institué par Haby. Prétendre que tous les élèves peuvent faire la même chose en même temps est une aberration. Si ça n’était que ça, on pourrait passer outre mais il s’agit de la vie de jeunes adolescents. Au collège, il y a des élèves qui ont du mal à s’exprimer en français. Faut-il leur imposer une deuxième langue étrangère dès la 5? Il devrait y avoir des matières obligatoires et des options. De nos jours quand la fainéantise est à ce point encouragée, beaucoup préféreraient le programme minimum mais rien n’est sûr. Le succès des classes européennes l’a prouvé. Il existe nombre d’ados qui sont prêts à faire quelques heures en plus pour faire quelque chose d’un peu plus intéressant que le minimum. Ces matières pourraient être : français, maths, anglais, informatique. Il faudrait un minimum d’options auxquelles s’ajouteraient les matières d’éveil comme le sport, les arts et des particularités locales.

L’autre tabou est bien sûr la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans. Bien entendu, il ne s’agit pas de remettre les enfants au travail ; encore que ça existe avec la bénédiction des intéressés, de leurs parents qui économisent l’argent de poche et des petits patrons. Il s’agit, sous conditions qu’il faudrait définir strictement, de permettre à des élèves récalcitrants de pouvoir s’épanouir ailleurs que dans un système où ils sont tenus en échec et de leur permettre de réintégrer le système une fois la maturité acquise. La plupart des professeurs de collèges y sont plus que favorables afin de voir partir ceux de leurs élèves qu’ils n’arrivent plus à gérer et qui, parfois, leur pourrissent une classe. Le problème, c’est qu’en public, aucun professeur ne l’avouera et défendra vigoureusement la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans ainsi que l’abaissement de la majorité à 17 ans voire 16. Au besoin, il critiquera le Gouvernement (quel qu’il soit) qui voudrait livrer des mineurs aux griffes du patronat. C’est peut-être aussi l’un des problèmes du système français, les contradictions et le dédoublement de personnalité des enseignants pris entre le bon sens induit par la réalité de la pratique et les bonnes intentions que se doivent de porter tout intellectuel.

Le mouvement des « Stylos-rouges » a au moins le mérite de voir s’exprimer ce que pensent vraiment les enseignants, hors consignes syndicales, hors devoir de réserve et retenue de rigueur. Il exprime un malaise profond que la réforme du Brevet n’apaisera pas. Pas plus que ce blog, les expressions des Stylos-rouges ne seront pris en compte parce que tout se décide rue de Grenelle et que la majorité de ceux qui y sont ont obtenu cette promotion après avoir été écartés de le présence face aux élèves et qu’il fallait bien en faire quelque chose et qu’ils étaient à jour de leur cotisation syndicale. La crise de l’éducation publique est générale. Elle est apparue en même temps que la crise qui a vu se développer le chômage de masse et, par voie de conséquence, l’incertitude sur les chances de trouver du travail qui correspond à ses compétences. Elle touche sans doute plus durement la France dans la mesure où elle était en pointe dans la pédagogie. Concrètement, elle s’exprime quand on voit les élèves de terminale davantage soucieux de l’obtention du permis de conduire, véritable épreuve initiatique pour le passage au statut d’adulte, que de la réussite au baccalauréat qui stresse surtout les parents. De plus, l’institution a transformé le bac en simple diplôme de fin d’études alors qu’il est normalement le sésame pour entrer à l’université et donc le premier diplôme universitaire et pas le dernier diplôme scolaire. Encore une tromperie…

on relira

Profs d'allemand -mand -mand

 

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