Les larmes de la fin
Nous parlons de la fin de la saison courante sur Inter, sujet qui ne met pas en péril l’équilibre du monde ni la vie d’une personne.
Larmes parce qu’on a senti l’émotion lors de l’annonce du départ de M. Hervé Pauchon. À la radio, on n’est pas distrait par l’image par conséquent, on perçoit les inflexions des voix, les silences, la gravité, la légèreté. Il n’est que de se rappeler l’éloge funèbre prononcé par le Président Mitterrand lors des obsèques de son ancien Premier Ministre, Bérégovoy, pour affirmer que la douleur n’était pas feinte. Toute proportion gardée, lorsque M. Pauchon a terminé son dernier reportage en remerciant les personnes qui lui ont mis le pied à l’étrier et lui ont fait confiance par la suite, on sentait qu’il déroulait un pan fondamental de l’histoire de la station. Ainsi, M. Hervé Pauchon a débuté comme comédien dans « Les Tréteaux de la Nuit » de Patrice Galbeau et Jean-Jacques Viernes, en 1980. Heureuse époque où, le samedi soir, on pouvait écouter une dramatique d’une demi-heure avec des anonymes comme Pauchon et des pointures comme Michel Serraut, Jean-Luc Bideau, Maria Pacome et d’autres. Est-ce que ça coûte si cher de monter une pièce pour la radio ? Les comédiens peuvent lire leurs répliques et les bruitages reconstituent les ambiances et les décors. Pourtant, ça c’est la différence ! Aucune autre radio, interrompue en permanence par la pub, ne peut se permettre ça.
Il a cité Roland Dhordain, présenté comme le père de France-Inter. C’est vrai ; puis une pléthore de cadres plus ou moins connus du grand public. Salut à M. Daniel Mermet, également. Notre mémoire d’auditeur nous permet les comparaisons. Ce n’est pas le premier départ salué à l’antenne par le personnel présent dans le studio. Parfois même, d’autres qui ne devraient pas être là viennent pour entourer de leur affection celui ou celle qui va partir. Cependant, c’est la première fois qu’on applaudit deux fois et Mme Bernadette Chamonaz qui présente le flash de 9 h en a remis une couche. Là encore, c’est du jamais vu (ou entendu). On peut y voir l’hommage des professionnels à l’un des meilleurs d’entre eux.
Nous sommes d’autant plus à l’aise pour saluer M. Pauchon que ces véritables débuts à l’antenne, à côté de M. Philippe Bertrand, il y 22 ans étaient insupportables. Prétentieux (il répétait à l’envi : moi, un journaliste à la manière d’un Philippe Djian qui ne manque jamais d’écrire dans ses romans : « Je suis le meilleur écrivain de ma génération »), coupant systématiquement la parole à l’invité dès qu’il disait quelque chose de sérieux et que, visiblement, il ne comprenait pas, proposant des petits reportages sans le moindre intérêt. Cependant, depuis plusieurs années, baladé au gré des réformes de la grille des programmes, il allait rencontrer des gens dont on ne parle jamais et il les mettait en valeur. La sensibilité dont il faisait preuve était sa signature et honorait l’antenne qu’il servait. Chapeau, M. Pauchon !
Pourtant, ses reportages n’étaient jamais repris sur les réseaux sociaux où l’on partage volontiers les chroniques d’Inter, surtout celles où l’on enfonce des portes ouvertes ou l’on tire sur une ambulance. Ça donne lieu à des clics « j’aime » et des commentaires sans nuance. Non, il n’avait pas la faveur de la bonne gauche bien pensante malgré ses reportages sur le terrain, auprès de ceux qui étaient vraiment concernés et de toute sorte d’exclus. En fait, à la manière de l’émission culte de la télévision belge « Strip-tease », il faisait parler les gens, les exclus, les originaux, sans commenter, sans dézinguer quiconque, et laissait à chacun la latitude de se forger sa propre réflexion. À quoi sert le journalisme, à quoi sert le reportage si ce n’est pour faire toucher du doigt la réalité par ceux qui en sont éloignés ? À notre tour de tirer le chapeau bas une deuxième fois. C’est une fin à la Cyrano de Bergerac. M. Pauchon, il restera votre panache !
Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seul, on apprenait la vieille la fin de l’émission « CO2 mon amour » à l’horaire qui est la sien depuis plus de 20 ans, le samedi en début d’après-midi. C’est d’autant plus incompréhensible qu’on nous rebat les oreilles tous les jours, depuis quelques mois, avec l’écologie. M. Denis Cheissoux, son producteur possède l’art des formules pour accompagner sa présentation. « L’émission qui empêche de polluer en rond ; du moins, qui essaie » et autres inventions amusantes car, le génie de M. Cheissoux est de ne pas donner l’image d’une écologie ennuyeuse, contraignante et punitive. Nous répétons depuis le début notre aversion pour ces billets d’humeur et autres chroniques où l’on répand sans retenue ses opinions les moins nuancées, ses lieux communs, où l’on nous dit ce qu’on croit avoir compris et surtout ce qu’il est convenable d’en penser. Avec M. Cheissoux, ce qu’il appelle « une petite humeur » est plutôt une introduction. Il évoque une information souvent passée inaperçue et dénonce les conséquences dangereuses. Ensuite, il enchaîne avec l’invité qui vient développer un sujet avant de diffuser un reportage et de terminer par quelques brèves. Avec 20 minutes de moins, le dimanche après-midi, coincé entre la météo du dimanche et le début des programmes de la deuxième partie de la journée, il devra réduire la voilure. Certes, son nouvel horaire, le dimanche après le journal parlé de la mi-journée est plus porteur. Certes, son confrère, M. Matthieur Vidard transforme son heure de vulgarisation scientifique en heure d’écologie mais cela prive celui qui l’a portée à l’antenne, contre vents et marées depuis si longtemps de cette latitude qu’il avait dans le choix et la durée des sujets et la longueur de l’entretien avec une personnalité emblématique.
Il est bien évident que nul n’est propriétaire de sa case radiophonique, de son créneau, de ses auditeurs. Il est tout aussi évident qu’on doive renouveler une grille à chaque rentrée et que, forcément, il y a des déceptions que l’arrivée en fanfare des nouveaux ne peut consoler.