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la lanterne de diogène
1 juillet 2019

le Gitan Garcia

Une parenthèse entre deux sujets graves, ou dans l’actualité des médias, pour évoquer un personnage hors du commun. En cherchant le générique de l’émission culte « Marche ou Rêve » de Claude Villers (tu me connais), je tombe sur un sujet de l’INA sur le métier de catcheur exercé par le célèbre producteur de France Inter avant qu’il ne prenne sa carte de journaliste dont il est si fier ; au point d’en rajouter sur le nombre d’années qu’il la détient. À l’occasion d’une tournée d’été, il avait d’ailleurs évoqué ses débuts en remontant sur le podium d’une célèbre baraque de catch qui a remporté, pendant des années et des années, un énorme succès dans les fêtes foraines. À cette occasion, Claude Villers avait retrouvé quelques uns de ses anciens camarades de lutte.

 

gitan Garcia

Cet homme, je l’ai connu, de loin, comme petit badaud, appelé par son patron, « le Gitan Garcia ». Était-il gitan, s’appelait-il comme ça ? Gitan, peut-être car nombre d’entre eux travaillaient comme forains et nombre de baraques sont encore détenues par des familles gitanes. Garcia, nom espagnol répandu, pouvait bien être le sien à moins que son patron, plein de préjugés, ne l’ait choisi que pour coller aux clichés sur les Gitans et par référence au célèbre sergent de la série télévisée à la mode quand il s’est lancé sur les routes après avoir raccroché les gants ; si tant est qu’on en porte dans ce sport spectaculaire qu’est le catch. La baraque de Jackson faisait un tabac et avait eu les honneurs d’un feuilleton télévisé d’avant le journal, comme c’était la mode à l’époque. Le feuilleton s’appelait « Le Vagabond » et le rôle titre s’était retrouvé, au hasard de son errance à faire du catch en tenant le rôle de « l’homme à la cagoule » ce qui lui permettait de n’être pas reconnu par tous ceux qui le recherchaient. http://php88.free.fr/bdff/image_film.php?ID=4542

Enfant, donc, à Paris, nous avions deux fêtes foraines principales. L’une existe encore, la Foire du Trône, l’autre sans nom précis, se déroulait au moment des fêtes de fin d’années sur les boulevards en contrebas de Montmartre et les baraques de catch attiraient le plus. Je connaissais par cœur le boniment de Jackson, le patron, car c’était toujours le même. Il le répétait avant chaque spectacle, quasiment sans changer un seul mot et il l’a répété, identique, pendant des années et des années, mais je me répète aussi. Malgré les soi-disant vedettes internationales qu’il se vantait d’exhiber, malgré l’homme à la cagoule, malgré des figures haut en couleurs, la vedette était toujours le Gitan Garcia. Pauvre Garcia, il gagnait sa vie en se bagarrant toute la journée – comme ses congénères bien sûr – mais en plus, lui, s’en prenait plein la figure au moment de la parade. Il se trouvait toujours un comparse, dans la foule, qui exigeait de le combattre, lui, le Gitan. Il avait droit aux sobriquets les plus ridicules, cherchant l’humiliation de façade, promesse d’une vengeance sur le ring, propre à attirer les badauds. Garcia se tenait plus ou moins au milieu, debout, le regard terrible, bras croisés et pieds écartés. Il portait invariablement un collant surmonté d’un slip à la façon de Superman dont il avait adopté aussi la cape. Il demeurait impassible, faisant semblant de ne pas comprendre que les sobriquets qui volaient pendant la parade le désignaient, lui. Dès que Jackson disait : « Allez, Garcia, c’est pour toi ! », il bondissait sur son adversaire à venir comme s’il voulait lui régler son compte sur le podium. Sa colère maintenue par son patron, il tapait du poing dans l’autre main avant de le brandir menaçant. « Mesdames et messieurs, il va y avoir de la bagarre ! J’offre le demi-tarif à tout le monde ! ». Le plus fort, c’est que ça marchait et que ça marchait bien. La foule se prenait au jeu, huait quand les lutteurs de la baraque venaient prêter main forte à leur camarade mis en difficulté par le soi-disant amateur venu tenter sa chance ou qu’il le piétinait alors qu’il était déjà à terre. Et ça recommençait après environ une demi-heure, une fois que tous les combats étaient terminés et que les premiers lutteurs, les judokas, ouvraient les rideaux sur la baraque en train de se vider. « Approchez messieurs-dames, ça va recommencer » et ça recommençait, invariablement.

Une fois, pourtant, Garcia est remonté sur scène avec une énorme bosse sur son front, accentuée par une quelconque pommade qui brillait. Malgré tout, il a fallu qu’il fasse le pitre, encore et toujours, qu’il finisse la parade en brandissant son poing, comme toujours. Dans quel état a-t-il fini la journée ? C’est sans doute cette image douloureuse qui m’a fait détourné des fêtes foraines pendant longtemps ; le temps d’oublier. Je ne vais pas au cirque pour voir dévorer le dompteur ni les acrobates s’écraser. Pourtant, des années après, chaque fois que je me suis trouvé sur le passage de l’une d’elle, j’ai espéré secrètement revoir la baraque de Jackson et le Gitan Garcia. Qu’est-il devenu depuis le temps et après tous les coups reçus ? Qui se souvient de lui ? Si toi aussi, tu l’as connu, j’aimerais que tu apportes ton témoignage.

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Commentaires
K
Pour ce qui me concerne, j'ai eu le plaisir de cotoyer un catcheur dénommé "Garcia Le Gitan " à l' Association Sportive de SIMCA à Poissy (Seine-et-Oise), dans les années 1965. Il fréquentait périodiquement les séances hebdomadaires de culture physique de l'époque, organisées dans les anciens baraquements préfabriqués de la cité des Italiens, sous la houlette d'un professeur, ancien lutteur, un dénommé Huard. Ce personnage, hors du commun, avec des bacchantes imperessionnantes, faisait à l'époque pétiller mes yeux d'adolescent. J'allais régulièrement en période estivale le voir livrer combat dans le stand du catch Jackson,animé par Jacques Cherrer à la fête des Loges en forêt de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). De mémoire ce sympathique personnage était d'origine portugaise et travaillait dans l'entreprise de construction automobiles SIMCA. Je possède d'ailleurs une cate postale le réprésentant avec un tee-shirt du magasin pisciacais Poissy Camping.
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L
Et non la photo ce n'est pas Garcia le gitan. D'ailleurs ce n'était pas un gitan, il était portugais. <br /> <br /> C'était un ami de mes parents. Nous nous rendions tout les ans le voir à la Foire du Trône chez jakson. <br /> <br /> Je me rappelle de vacances avec lui et sa famille en Espagne et au Portugal. <br /> <br /> De très bon souvenir. <br /> <br /> Un homme très gentil.
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J
Plus réaliste que pessimiste, Diogène. Car ce genre de scénar ne prend pas en compte, et pour cause ! les impondérables de l'Histoire. La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Tantôt il y a des crues, tantôt les eaux sont à l'étiage. C'est vrai pour toute forme de vie, qu'il s'agisse de l'individu comme des sociétés humaines. Qui aurait prédit, en 1980, la fin de l'URSS et la chute de l'emprise communiste sur l'Europe de l'Est ? Qu'est-ce qui présageait de la révolte des Gilets Jaunes au moment où Jupiter faisait son guignol devant la pyramide du Louvre ? Même si cette révolte est désordonnée, elle est une révolte contre une forme d'autoritarisme devenue intolérable, celle de la technocratie travestie des oripeaux de la République, et mieux encore, elle a débordé de nos frontières jusqu'en Allemagne, en Belgique, dans certaines provinces du Canada et jusqu'en Australie, sans apparemment qu'il y ait eu concertation (voilà bien de quoi alimenter les théories du complot) ni convergence des revendications. <br /> <br /> Je continue à penser, l'avenir me démentira peut-être, que ce phénomène, de même que celui que les parleurs décrivent comme une "montée des populismes", ne sont que le prologue à un mouvement plus profond et durable, qui avec le temps saura, pourquoi pas ? donner lieu à un projet de société qui sera une alternative exploitable à cette économie libérale qui est en train de miner l'Europe entière et finira, si on n'y prend garde, par la dissoudre dans la guerre civile. <br /> <br /> <br /> <br /> Sur le Gitan catcheur : j'ai fréquenté tout gamin les fêtes foraines, chez nous itinérantes et saisonnières, sans y voir de ces attractions dont nous parlaient les anciens, tels que "la grosse femme", "les monstres" (de malheureux hydrocéphales et gens mal-formés de naissance, comme ils apparaissent dans le fameux film d'épouvante "Freaks" de Tod Browning, 1932 https://www.cinematheque.fr/article/1179.html ) et autres mastards capables soi-disant de soulever une voiture. Sans doute l'attrait de ce genre de fantaisies s'était-il tari dans les années soixante, et c'était tant mieux ! <br /> <br /> <br /> <br /> Les Gitans que j'ai connus, et j'en ai fréquenté pas mal (dans la limite de leur méfiance épidermique des "gajés"), ils sévissaient dans la ferraille, la vannerie, le bûcheronnage (j'ai éclairci quelques arpents de yeuses en compagnie d'un manouche et d'un autre complice), la récupe, le farniente, des trafics divers et variés ou encore la vente d'ustensiles de bric et de broc sur les marchés. Ce n'étaient pas de ces nomades que l'on voit à présent s'installer en bordure des villes à bord de caravanes de vingt mètres de long tractées par de somptueuses Allemandes, chapeautés qu'ils sont par des maquereaux de la secte évangéliste qui sont pasteurs comme je suis le Chancelier de l'Echiquier. On a là une illustration de l'exploitation, par des pros de l'économie parallèle et du blanchiment d'argent, de populations marginalisées depuis des siècles qui, soucieuses de conserver leur identité de nomades face à une bureaucratie verrouillée à double tour, sont allées se fourvoyer dans des marigots dont ils retireront à terme plus d'ennuis que de bénéfices. C'est un peuple pourchassé depuis l'éternité, voué au bûcher au Moyen Age, envoyé dans les camps par le IIIème Reich, bouté hors des villes par la bien-pensance politicienne. Beaucoup se sont sédentarisés, occupant des logements en HLM, des cités pavillonnaires construites à leur intention (sorte de réserves sur le modèle amérindien ? mais pas ouvertes aux touristes !), vivotant d'aides sociales et d'expédients, demeurant définitivement hors-système et malheureusement, il faut bien le reconnaître, collectionnant pour certains des casiers judiciaires épais comme le Littré. Mais à par quelques tenanciers de manèges prospères (il faut bien l'avouer, un brin mafieux), et autres patrons de cirques survivant à la disparition programmée de cet univers, tu ne risques pas de rencontrer beaucoup de Gitans dans la Fonction publique, chez les flics, ou cadres dans une entreprise du Cac40.
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L
Je vais essayer d’en savoir plus sur lui. Hier soir, j’ai écrit sous l’émotion en voyant le sujet sur Claude Villers mais, à cause de ça, je n’avais pas regardé la vidéo jusqu’au bout. J’aurais alors compris que je me suis probablement trompé de moustaches et que l’homme sur la photo devait plutôt être Popoff dont le vrai nom apparaît à la fin. S’il était évident pour le public que Garcia était un faux méchant, en revanche, Popoff jouait vraiment ce rôle et n’inspirait aucune sympathie. <br /> <br /> <br /> <br /> Sans doute as-tu raison sur la carrière de ce genre de personnage à notre époque formidable. Nombre de Gitans et de Manouches travaillent dans la ferraille mais aussi dans l’élagage. Autant de boulots où l’on survit plus qu’autre chose mais, au moins, on n’a pas de patron sur le dos. Sinon, en écrivant ces qq lignes, je m’interrogeais aussi sur ce que pourraient faire des gens comme ça aujourd'hui et j’en étais arrivé à penser qu’ils seraient probablement vigiles, un métier en plein expansion et qui a beaucoup évolué. Dans les années 1980, c’étaient des gros costauds qui ne s’embarrassaient pas de politesses. Depuis, il y a des diplômes et je suppose – compte-tenu de ce qu’on peut observer – qu’on leur apprend d’abord l’art de la conciliation. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour en revenir au Gitan Garcia, il apparaît sur le lien mentionné plus haut parmi les images du feuilleton « Le Vagabond » que je suivais par intermittence vu que nous n’avions pas encore la TV. Néanmoins, le hasard a voulu que j’aie pu voir l’épisode où il apparaît ainsi que son patron, le fameux Jackson, lui-même ancien catcheur. <br /> <br /> <br /> <br /> Sinon, j’avais écrit une suite (mais pas encore une fin) aux Diplômes Nettement en Baisse, avant de connaître l’analyse de Jérémy qui se montre encore plus réaliste et pessimiste que moi.
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J
Je ne suis pas un esprit sensible Diogène, mais en lisant, là, au premier café, l'histoire de ce pauvre type devant qui le populo s'excitait sous les harangues de son mac, je me dis qu'on a quand même un tout petit peu progressé, au XXIème siècle, même s'il demeure des courses de taureaux, des corridas et des combats de coqs, on n'a plus ce genre d'"attractions" dans les fêtes foraines. Le Gitan Garcia aujourd'hui, se cantonnerait à monter-démonter le chapiteau contre une obole sordide et un sandwich quotidien. Ce n'est pas mieux mais il n'y a rien de plus dégueulasse qu'humilier quelqu'un et pire, d'exalter les bas instincts des pauvres gens sur un malheureux.
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