Belgitude et service public
Avant de procéder au bilan de la saison radiophonique, il nous faut revenir sur cet incident qui a eu lieu le 25 juin dernier dans la matinale d’Inter. Ce devait être une partie de ce bilan mais pour faciliter la lecture (toujours) trop longue, il paraît plus présentable de l’extraire.
Mme Charline Vanhoenacker a fait quelques sorties ces derniers temps. Elle est devenue une institution et une référence. C’est l’arbitre des grâces.
« Je suis toujours hallucinée qu’on déroule le tapis rouge à l’extrême droite. En Wallonie, elle n’est jamais sur les plateaux et, aux européennes, elle a fait moins de 5 %. En France, Marine Le Pen est partout et a gagné le scrutin… Les médias sont responsables de la banalisation de ses idées. »
Ce n’est pas nous qui avons dénoncé à plusieurs reprises la responsabilité de Virieux dans l’ascension de Le Pen qui allons dire le contraire. Nous avons même constaté que lui et sa famille forment un programme de télévision complet (réf. dans la barre en haut de page).
Seulement, elle dit bien ce qu’elle veut. L’extrême-droite est à 5 % en Wallonie mais est majoritaire en Flandres (ou à peu près). La RTBF n’invite pas l’extrême-droite mais VRT et RTL, oui. Donc le public belge est aussi abreuvé par les propagandes de l’extrême-droite et il est commode de s’en tenir à la seule Wallonie pour s’auréoler. La Wallonie n’est pas la Belgique, tout comme Paris, où elle vit désormais, ne représente pas toute la diversité française ; sans parler de l’outre-mer.
Dans son domaine, elle attribue les bons points et surtout les mauvais notamment à son prédécesseur comme humoriste maison à Inter, M. Laurent Ruquier : « On se fiche de l’avis de Yann Moix sur l’album de Kendji Girac, non ? » À qui le dit-elle puisque son émission n’est qu’une suite de chroniqueurs qui donnent leur avis sur l’air du temps ! Nous avons suffisamment pointé l’invasion de l’antenne d’Inter depuis l’ère Bouteiller, par des chroniqueurs qui enfoncent des portes ouvertes, vitupèrent, moralisent et nous disent ce qu’ils ont compris d’un événement et ce qu’il est convenable d’en penser pour ne pas acquiescer. Seulement, elle n’est vraiment pas la mieux placée pour cela et elle ferait mieux de balayer devant sa porte.
Le gros morceau, parce qu’il reflète bien l’époque et l’état d’esprit d’une partie de « la radio de service public » , c’est son échange aigre-doux avec le producteur de télévision, M. Thierry Ardisson. On affiche, sans complexe et sans prendre aucune précaution son mépris envers tout ceux qui n'ont pas les même goûts qu'eux, qui n'ont pas l'intelligence de manger bio, d'utiliser des logiciels libres compliqués, d'aller voir des expos plutôt que de suivre des matches de foot, d'aller voir des films sous-titrés plutôt que la dernière comédie franchouillarde etc.
Il n’était pas prévu de passer autant de temps à critiquer Mme Vanhoenacker mais en regardant son expression face à M. Ardisson, on ne peut que constater que son masque souriant pour instiller de la bonne humeur et de l’humour véritable n’est qu’une façade comme la fausse conférence de rédaction qui introduit l’émission où l’on entend les différents intervenants énoncer des propositions absurdes pour mettre dans l’embarras la productrice qui met tout le monde d’accord avec une bonne vanne. Écoutez comme nous nous entendons tous bien parce que nous sommes ultra sympas !
Face à un professionnel qui se défend, elle perd toute tenue et tout sens de l’humour : « Allez, allez ! C’est le jeu. » quand M. Ardisson lui fait remarquer qu’elle n’a tenu que 15 jours à la télévision quand lui y travaille depuis 34 ans avec succès. Le jeu consiste à entendre sans réagir : « Je suis ravie que ça s'arrête car c'était très putassier. Il n'y a pas une semaine où on ne s'est pas moqué de lui » ; humour à sens unique, très en vogue dans les milieux parisien et bien branchés. Finalement, l’arrivée des Belges avait drôlement renouvelé l’humour sur Inter mais ils ont fini par prendre le pli de la maison : taper sur les mêmes cibles, tirer sur les ambulances, se moquer de ceux qui ont plus de succès, recourir à l’argument spécieux, manipuler les informations, flatter un public bien-pensant. Également, comme on pouvait s’y attendre, l’intervention de Mme Vanhoenacker dans la matinale est tombée dans le travers de ses prédécesseurs, malgré le rythme imposé par une courte chronique. Désormais, plutôt que de chercher à faire rire pendant 2 minutes, elle dézingue l’invité qui précède et qu’on prie, désormais de rester pour le plaisir de s’en prendre plein la figure sans pouvoir répliquer vu qu’on est presque toujours en retard. Pour le reste, son émission se répète et même M. Meurice n’est plus que son propre imitateur. On sent qu’il veut faire ce qui l’a rendu célèbre mais qu’à la spontanéité qui était le principal ressort comique, il préfère la mise en boite bien préparée.
En revanche, nous la rejoignons lorsqu’elle dénonce l’exigence d’économies à l’encontre de la désormais 1ère radio de France : « Je suis en colère car je ne comprends pas pourquoi, alors qu’on a d’excellents résultats, on coupe les budgets ? A quoi ça sert d’être premier, si on veut te saborder ? (...) On a élargi la publicité sur nos antennes. On a ouvert un restaurant et loué les locaux pour des défilés de mode. On va devoir faire quoi de plus ? Ouvrir un centre commercial ? »
Ça pose la seule question qui vaille et qui est valable pour toute la politique de ce Gouvernement : des économies, pour quoi faire ? Voilà une bien mauvaise récompense. Le « service public » vient de prouver qu’il sait utiliser les deniers publics (la redevance et le budget alloué par le Gouvernement) et le fait bien. Seulement, la nouvelle idéologie entend flatter l’aversion des Français pour l’impôt et en finir avec les services publics. Pour plus d’efficacité, on lui rogne les ailes pour pouvoir dire : voyez comme il vole mal ! À partir de là, on devine ce qui va se passer. Si les émissions phares perdent des moyens, elles perdront aussi des auditeurs. RTL va repasser en tête et ceux qui veulent la peau du service public auront beau jeu de dire que l’État n’est pas capable de faire de la bonne radio (et télévision) et qu’il faut laisser le privé reprendre l’affaire. C’est sûr que si l’on passe son temps à tirer les services publics par le maillot, lui faire des croche-pieds, le dévêtir, il ne pourra plus remplir son rôle et prêtera encore plus le flanc à la critique. C’est bien le but rechercher pour en finir. Quand les gens se rendront compte qu’il faut tout payer de sa poche, il sera trop tard. La carte-grise devrait faire réfléchir mais il n’est pas sûr que tout le monde fasse le rapprochement.
Ceci dit, si vraiment il faut faire des économies à Radio France, suggérons que ce soient les nombreux chroniqueurs qui en fassent les frais et qu’ils aillent chercher ailleurs un employeur sur une autre antenne, un magazine écrit ou dans une grande salle parisienne.
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