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la lanterne de diogène
1 décembre 2019

Fin programmée des trains en France

Bon, cet article retarde encore, après ceux sur la grève en cours à Radio France, inévitable, l’article sur les territoires et l’entreprise ainsi que sur l’actualité à la radio en cette fin d’année.

Seulement, aujourd’hui, 1er décembre, il y a du changement à Sncf (et plus LA Sncf et ce n’est pas qu’un détail).

 

 

Nous avons montré, à plusieurs reprises, comment, dans un pays comme la France, l’état du train accompagne les mutations de la société, de la politique, de manière significative et pas seulement hautement symbolique. Cette fois, c’est l’arrêt des TAC, autrement dit des Trains-Auto-Couchettes qui devrait attirer l’attention. Ce n’est pas anecdotique mais, au contraire, très significatif d’une façon de penser, de gouverner et de soumettre les citoyens à un choix aussi absurde qu’indésiré.

TAC + voitures DEV - 1968 (Pierre Vu Ngoc)

Comme son nom l’indique, le Train-Auto-Couchette consiste à rajouter un ou plusieurs wagons de transports d’automobiles à un train composé de voitures équipées de couchettes pour la nuit. On se présente en avance à la gare de départ, on confie les clés pour l’embarquement pendant qu’on va faire valider son billet et s’installer dans le compartiment. À l’arrivée, on récupère sa bagnole et l’on peut effectuer des courts trajets pendant son séjour sur place. Ça paraît bête comme chou.

Il y a quelques années, la Sncf avait supprimé ce service sur la ligne courte de Paris à Saint-Gervais-Mont-Blanc. Un camion roulait à côté du train de nuit, emportant les voitures des voyageurs. Devant une telle imbécillité, il y a eu levée de boucliers des syndicats, des associations d’usagers et même des journalistes, pour une fois. La direction a cherché à temporiser mais a finalement rétabli le service habituel. Las, une mauvaise idée n’est jamais totalement abandonnée. Donc, en ce 1er décembre 2019, il n’y a plus du tout de trains-auto-couchettes. Sncf propose ceci :

AUTO/TRAIN Faites transporter votre véhicule en toute sérénité

et développer un laïus sur les différentes formules :

- Votre voiture est transportée par la route entre la ville de départ et la ville d'arrivée. Un particulier qui a besoin de faire le trajet conduit votre voiture à votre place. Le conducteur et vous-même bénéficiez ainsi d'un service à prix réduit (à partir de 98€).

et d’ajouter que la voiture est assurée. Encore heureux puisque c’est obligatoire !

-Votre voiture ou votre moto est transportée sur un camion, elle ne roule pas. Le dépôt et la livraison de votre voiture ou de votre moto se font en point-relais. Selon la destination, un voiturier pourra, en option, conduire votre voiture entre votre domicile et le point relais pour vous

Et d’ajouter que la voiture est assurée (encore heureux) et déplacée par un spécialiste du transport camion et stocké sur un parc ou dans un entrepôt sécurisé. Extraordinaire, n’est-ce pas ? Sncf nous rassure : c’est un transporteur routier qui s’occupe de ta bagnole et elle garée dans un entrepôt sécurisé. En clair, un espace clos (ou peut-être pas) muni de caméras de surveillance.

- Le nec plus ultra : Votre voiture est conduite par un chauffeur dont c'est le métier.

On croyait que c’était la masse salariale qui grévait le budget des entreprises mais il faut croire qu’il y a des exceptions. On supprime des postes de cheminots à Sncf mais on crée des postes de chauffeurs routiers.

Et d’ajouter, outre que ta bagnole est bien assurée (encore heureux) mais qu’en plus, « nos chauffeurs sont certifiés par le sous-traitant et régulièrement formés pour assurer une prestation de qualité. » Là, on a le droit de rigoler un peu : quelle formation (l’auto-école?), combien d’heures pour apprendre à conduire la voiture d’un autre sans égratignure ?

Imaginons qu’il y ait un accident. Quelle sera la position de l’assureur habituel du véhicule qui devra tenir compte de l’accident pour le calcul des primes à venir ?

Tout ceci est ridicule mais le ridicule ne tue pas, comme chacun sait et c’est bien là-dessus que table Sncf. https://autotrain.oui.sncf/dynamic/autotrain-webapp/homeControl.action

En clair, alors que les infrastructures existent (installations dans les gares pour embarquer et débarquer les voitures rapidement), que les rails existent et que ça coûte pas plus cher de rajouter des wagons qui existent aussi, Sncf choisit de fermer tout ça et de s’adresser à un sous-traitant (peut-être une des ses centaines de filiales). Est-ce que la formule habituelle dysfonctionnait ? Est-ce que les clients se plaignaient beaucoup (il y peut toujours y avoir un pépin) ? Y a-t-il une demande pour qu’il n’y ait plus d’automobile sur les trains et davantage sur les routes et autoroutes ?

Inutile d’écrire les réponses. Simplement, remarquons qu’un tel raisonnement, à savoir l’arrêt d’un service qui donne satisfaction et son remplacement par un autre, plus cher et moins fiable est répandu et que ça n’est pas près de s’arrêter. Rappelons que, au moment de l’injonction de l’UE d’en finir avec les renseignements téléphoniques GRATUITS (le 12) pour cause de monopole d’État, incompatible avec le dogme de la « concurrence libre et non faussée », nous avons vu dans un premier temps des gougnafiers proposer des renseignements obsolètes, à partir de vieux annuaires téléphonique édités par l’affreux monopole d’État, mais proposant aussi les prévisions météo, piquées sur le site de Météo France, autre monopole d’État mais pas concurrencé celui-là car trop cher, ou les pronostics du tiercé. Rappelons juste qu’on appelait pour connaître un numéro de téléphone et pas autre chose. la symbolique du 12

Cette fois-ci, il est proposé d’user sa voiture personnelle aux mains d’un inconnu plutôt que de l’amener intacte à destination.

 

le Creusot (mairie) bogie TGV (Serge Martin)

Parfois, sur un réseau social bien connu, des ferroviphiles échangent des photos des premiers temps du TGV. On y voit ces belles rames orange, symboles d’un progrès réalisé par le savoir-faire d’une entreprise d’État, à l’époque enviée par le monde entier. Tout le monde était plus ou moins concerné par ce train à très grande vitesse. Du moindre cheminot, jusqu’à l’ingénieur, aux chefs de gares, au personnel des voies, on préparait l’arrivée de ce nouveau train. Les plus grandes entreprises privées de l’époque fournissaient les différents composants. Creusot-Loire fabriquait les roulements, Alsthom (avec un h) construisait les moteurs avec toutes les technologies de la CGE (Cie Générale d’Électricité fondée en 1898 pour concurrencer Siemens, AEG et General Electric), l’acier des rails venait de (Sacilor) Lorraine, les ingénieurs sortaient des meilleures grandes écoles et universités françaises. C’était tout un pays qui se trouvait mobilisé et qui portait ce grand projet. L’inauguration a donné lieu à une liesse générale à l’époque. C’est la gauche au pouvoir qui a raflé la mise après avoir toujours soutenu les transports publics mais la droite, au pouvoir les décennies précédentes avait soutenu ce projet car c’était l’intérêt de la France et de ses entreprises. Tous les cheminots étaient fiers de cette réussite attendue depuis longtemps car les projets ferroviaires sont toujours longs à être finalisés. En fait, tous les Français étaient fiers du TGV, payé en grande partie par leurs impôts. Nous avons rappelé qu’aucune entreprise (sauf au Japon mais avec une mentalité tout autre) n’aurait financé l’investissement en Recherche & Développement, surtout à une époque (fin des années 1960) où l’on pensait qu’entre la voiture individuelle pour les petits parcours et l’avion, il n’y avait plus de place pour le train.

Regards sur la France en 30 ans de TGV

TGV et démocratie

Des nouvelles du TGV

TGV - Lieusaint - Octobre 1983 (c) Marc Carémant

Tous les Français étaient fiers, donc, et rêvaient de « le prendre au moins une fois ». On interrogeait avec envie : « T’as déjà pris le TGV ? Comment c’est ? ». Les touristes demandaient dans quelle gare parisienne on pouvait voir le TGV. À l’époque, le billet de train était calculé selon la distance. Pour le TGV, il suffisait de s’acquitter du prix d’une réservation obligatoire pour voyager. Autrement dit, ce qui était rare avec les prestigieux TEE, dans leurs voitures « grand confort » en France, devenait accessible. Le slogan de la Sncf était ensuite : « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ». Et c’était vrai !

Et puis, devant le succès espéré mais inattendu car quelque peu risqué, on a persisté en créant le TGV Atlantique. Cette fois, on savait faire, on en a profité pour rallonger les rames. On a abandonné la livrée orange industrielle pour un vilain gris rehaussé de bleu. Et comme en France, il faut que tout le monde soit logé à la même enseigne, on a repeint les premières rames.

La couleur est anecdotique mais marque aussi le changement de tarification. Désormais, plus question de payer au kilomètre mais, comme dans les avions, en fonction des réservations et du remplissage. Et c’est là que tout a changé. Finie l’équité entre les voyageurs, fini le progrès partagé par tous et le billet de TGV à peine majoré de la résa. Fini l’enthousiasme dans le style de l’été 36 !

On peut dire que l’abandon de la livrée orange a marqué le début de la fin de la grande SNCF.

Toujours sur ce réseau social, un cheminot approuve : « oui, j'ai observé moi avec l'arrivée du TGVA, un carnage incroyable sur tout l'ouest, toutes activités confondues. Des dizaines de MA et ME supprimés du jour au lendemain au changement de service et le début de la fermeture des triages. ». Un autre ajoute : « J’ai toujours entendu ça depuis toujours.... tu verras les triages vont fermer. Il n’y aura plus de wagons isolés. Plus de fret.... etc... eh bien, tout ça s'est réalisé. ».

 

Barre, Premier Ministre, avait eu le temps d’imposer à la Sncf et à la Ratp « la vérité des prix » : plus question que les contribuables qui ne prennent pas le train paient pour ceux qui le prennent ». Foin de la péréquation et de la solidarité ! L’euphorie des début du TGV et de la victoire de la gauche l’avait fait un peu oublier mais, dès 1989, année du bicentenaire de la Révolution française, on met fin à l’égalité entre les voyageurs et ne compte plus que la rentabilité et l’activité commerciale de la Sncf. D’ailleurs, s’il faut faire du commerce, il n’y a aucune raison pour n’en faire qu’avec des trains ; au contraire ! Si tout le monde se rappelle la présidence, plutôt courte de Louis Armand à la tête de la Sncf, parce qu’il en a fait la grande entreprise qu’on a connue, tout le monde se souviendra que Pépy l’a achevée. C’est lui qui a mis fin au fret (les trains de marchandise) et fait en sorte que tous les opérateurs privés tentés par l’aventure jettent l’éponge. Non seulement, il a fait fermer des gares puis des lignes et s’est ingénié à réduire l’activité ferroviaire de la Sncf tout en multipliant les filiales avec des participations croisées (près de 1000 en tout) afin de mettre la plupart des activités dans le droit privé et plus dans le service public mais, en plus, il a fait en sorte qu’aucun opérateur ne puisse prendre le relais et peut-être gagner de l’argent. Il faut dire qu’à ce jeu-là, en cas de renoncement d’un opérateur, certains pourraient être tentés de demander à la Sncf de reprendre l’activité et, visiblement, il n’en est pas question ; sous aucun prétexte. La fin des Train-Auto-Couchettes n’est que la nouvelle étape de ce qui est engagé car, après les avoir dissuadé de mettre leur automobile sur les trains, la prochaine consistera à dissuader les voyageurs de prendre le train et, notamment, le train de nuit.

 

Actuellement, il ne reste plus que deux trains de nuit. Le Paris-Rodez met 11 heures pour faire 500 km avec un départ dès 19 h de Paris au lieu de 21 h 30 autrefois. Il met plus d’une heure de plus qu’en 1956 avec une locomotive à vapeur. Le Paris-Briançon est en sursis permanent depuis des dizaines d’années et ne doit sa survie qu’à un élu local qui se bat depuis bien avant son élection à l’Assemblée Nationale qu’il rejoint en train, naturellement. Comment dissuader de prendre le train et, notamment, la nuit ? Il suffit de programmer des travaux longs. Comme dans les deux cas et sur presque toutes les destination de montagne, il y a une voie unique, la circulation est arrêtée. D’ailleurs, même quand il y a une double voie, désormais les travaux impactent les deux, ce qui oblige à fermer tout trafic. Les travaux peuvent durer. Il suffit d’un peu de neige pour les suspendre. C’est autant de prolongations. Pendant ce temps, Sncf met en place un service d’autocars. Maintenant, même en Europe, il existe des autocars très confortables, où l’on peut allonger ses jambes et se reposer sur longues distances.

https://www.kelbillet.com/blog/bus-2/test-bus-nuit-flixbus/

Pour convaincre les clients potentiels, on ajoute nombre de services qui n’existent pas en train : sièges ajustables, espace bagages sécurisé, wifi, 4G, prises USB pour recharger, snacks et boissons bon marché etc. Même le personnel à bord est vanté alors que, justement, Sncf essaie de supprimer tout personnel à bord, laissant le conducteur, seul professionnel dans un train. On a vu ce qui peut se passer en cas d’accident, surtout si le conducteur est blessé ; mais encore assez consciencieux pour assurer la sécurité de ses passagers et des autres trains…

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/greve-a-la-sncf/a-l-origine-du-mouvement-social-a-la-sncf-un-accident-sur-un-passage-a-niveau-dans-les-ardennes_3664625.html

Une fois les voyageurs habitués ou résignés aux autocars, il n’y aura plus aucune raison de rétablir le trafic, ni d’entretenir des autocars de grand confort. C’est ce qui se joue entre Grenoble et Gap et Grenoble et Marseille et c’est ce qui va se jouer d’ici peu entre Paris et Briançon. Bien sûr, il peut arriver que des cols soient fermés en hiver et les liaisons impraticables. Le col du Lautaret a été fermé quelques jours en novembre dernier. Il arrive aussi qu’il y ait des accidents sur les routes sinueuses de montagne, surtout en hiver mais il ne faut pas penser à ça. Il faut voir, au contraire, tous les avantages de la route et du « nouveau monde » qui se construit en ce sens. Tous les élus, quelle que soit leur couleur politique, se battent pour défendre le train dans leur ressort. Quand ils rencontrent Sncf, elle leur présente des devis astronomiques pour rénover les voies. Les devis sont invérifiables et, dans le cas où une nouvelle réunion est organisée, ils sont majorés voire doublés et ainsi de suite. Personne n’a accès aux calculs et autres critères. Ne parlons même pas de l’état des voies abandonnées, des fois que des assemblées territoriales veuillent y remettre des trains.

 

Réforme ferroviaire (Michel Vuillermoz)

On peut se demander pourquoi une telle volonté d’en finir avec le train ? Plusieurs réponses sans compter celles avancées par Sncf. Le train, plus qu’aucun autre, symbolise le service public à la française : des investissements d’État, une activité commerciale de qualité à un prix modéré et proposant des tarifs sociaux pour ceux qui en ont besoin. À l’heure de l’ultralibéralisme, il est hors de question de laisser perdurer un modèle alternatif qui fonctionnait à la perfection jusqu’à ce qu’on y porte des coups fatals. Ensuite, Sncf est un bastion de salariés syndiqués qui, malgré leurs divergences, s’unissent pour les grandes causes. Éventuellement s’ajoute un système de retraite avantageux dont on parle beaucoup en ce moment. Rappelons juste que ce système était parmi les premiers systèmes de retraites mis en place et devait être élargi à tout le monde. Il ne l’a pas été pour des raisons de coût. Donc, porter une estocade au dernier endroit où l’on peut encore faire grève (parfois encore efficacement) sans risquer la mise à la porte.

L’idéal, pour Sncf, ce sont des TGV pleins comme des boudins, avec le moins d’arrêts possible car, s’il descend des voyageurs, il n’est pas assuré qu’un nombre équivalent va monter. Au départ de Paris, on peut vouloir descendre à Valence ou en Avignon mais il y a peu de chance que des voyageurs montent pour aller plus vite à Marseille ou Nice et pour quoi faire ? Il y fait aussi beau que sur la côte.

 

Donc, la fin des Train-Auto-Couchettes n’est pas une nouvelle folklorique au milieu des malheurs du monde. C’est une étape dans l’organisation de notre pays décidée de manière autoritaire et sans aucune considération de la volonté des citoyens ou des clients. Il faut, au contraire, prendre la chose très au sérieux. Ensuite, l’abandon du sigle SNCF devenu une simple marque qui ne fait plus référence à la prestigieuse Société, qui plus est « Nationale » (horreur!), des Chemins de fer Français (mieux vaudrait qu’ils soient Européens) n’est pas un détail. Il annonce la prochaine étape, le mois prochain, qui consistera en l’adoption du statut de société anonyme pour Sncf. Par dogme, la gauche au pouvoir avait repris la totalité du capital de la Sncf, détenu encore en 1982 par les actionnaires des anciennes société ferroviaires dont la Sncf était issue. Ça ne s’imposait pas vraiment puisque ça marchait bien comme ça et que les actionnaires ne se plaignaient pas non plus. Par dogme, le très libéraliste gouvernement actuel va transformer un des derniers fleurons en SA où il aura une participation de moins en moins importante, gage de nouvelles suppressions de lignes et d’emplois. D’ici la fin de l’année prochaine, le nom devrait changer. « les trains français » ou une déclinaison de « Oui » qui semble l’idée géniale de ces dernières années (oui-go et même inOui). À moins qu’on ne préfère « France Trains », en anglais naturellement.

Ce qui est aberrant, c’est que, à l’heure où l’on parle de réduire le nombre de voitures, à l’heure où les projets de voitures et surtout de camions autonomes se multiplient (quels risques en cas de bug ?), on ne comprends l’abandon du potentiel d’un transport guidé et donc hautement sécurisé. Or, vue la politique actuelle d'Sncf, on peut craindre qu'il n'y ait plus d'infrastructure du tout pour le jour où il faudra en passer par le tout-train. On dirait que tout est fait pour rendre irréversible la remise en activité des lignes encore existantes.

Pendant ce temps, les chemins de fer autrichien ÖBB reprennent les activités des trains de nuit dans plusieurs pays européens et notamment en Allemagne où les DB connaissent des difficultés énormes après avoir été présentés comme le modèle à suivre. Ils ont déjà fait des propositions pour relancer les trains de nuit en France mais nous avons vu ce qu’il en est.

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/04/20002-20190304ARTFIG00114-pourquoi-l-autriche-reste-attachee-aux-trains-de-nuit.php

Supprimer les Train-Auto-Couchettes n’est pas anodin. Ça s’inscrit dans une logique libéraliste qui consiste à détruire ce qui marche bien et donne satisfaction pour le remplacer par quelque chose qui n’est pas demandé et qui est plus cher et, surtout, plus loin. Ce schéma est transposable pour tous les services publics et, après les retraites, sans doute la Sécurité Sociale est-elle déjà dans le viseur.

 

 

nouvelles rames ÖBB (Luke Willow) 2

OBB - trains de nuit 2019

 

Photos : le Creusot (mairie) bogie TGV (Serge Martin)

passage à niveau (Michel Vuillermoz)

TGV - Lieusaint - Octobre 1983 © Marc Carémant

archives et ÖBB (trains autrichiens)

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Commentaires
J
La parenthèse enchantée aura duré un bon siècle et demi. Le temps que le monde change et avec lui, les habitudes et les modes de vie. Le train c'est le véhicule du collectif, et l'idée de collectif relève d'un monde oublié. La notion de collectif, à ce jour, ne resurgit que par temps de crise, elle s'exprime en recourant au symbole (port d'un gilet jaune, cagnottes et pétitions en ligne, dons défiscalisés aux assos', bénévolat...), en ordre dispersé et dans le projet et dans la temporalité. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est un collectif sporadique incapable de s'entendre sur un projet politique alternatif communément établi sur la base de ce qui est déploré/dénoncé dans un consensus délimité dans le temps (le samedi, la fin de l'automne) et dans l'espace (les Zad. les grandes artères). <br /> <br /> <br /> <br /> Le train a dessiné les tournants de l'Histoire contemporaine. Il a conduit les soldats aux champs de batailles, les ouvriers du Front Pop' aux plages, les déportés vers les camps d'extermination, les vedettes de cinéma de la capitale vers les festivals, ses voies s'étendaient jusqu'au cœur des usines et des hauts-fourneaux, en train on pouvait aller des bords de l'océan Atlantique aux mystérieuses contrées s'étirant vers la Chine, elles serpentaient au fond des gorges et dans les montagnes où elles approchaient les glaciers. Ce sont aujourd'hui des attractions. Funiculaires alpins, tortillards touristiques, survivance d'un train de luxe aux atours victoriens où Agatha Christie entraîna son personnage de détective casanier. Des attractions et la corvée ordinaire de trajets rendus aléatoires par les pièges à déjouer d'un système où quelques-uns entendraient, pour leur seul profit, s'emparer du bien public que constituent voies ferrées, convois, gares. Livrer ce marché captif à la dictature européiste des marchés. Là encore on est dans le symbole. Et là encore, dans la dilution. Car au fond, cheminots et usagers défendent la même cause. Mais chacun roule pour soi, et le non-dit perdure. <br /> <br /> <br /> <br /> Qu'est-ce qui fait que des gens sont obligés de parcourir chaque jour des centaines de kilomètres entre TER et RER, bus parfois, pour se rendre de leur province à la capitale où ils ont leur travail ? Ce que d'aucuns appellent "le" système. Ce même système qui voudrait livrer les services publics aux marchés, qui, pour y aller d'une métaphore un brin pédante, a rendu au travail son attribut de malédiction paulinienne (*), ce même système qui fait qu'on habite où l'on peut et non plus où l'on choisit d'habiter. Ce même système auxquelles se soumettent "les nécessaires réformes" que l’État défend dans la rue par des pratiques miliciennes inspirées des potentats fascistes. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais le non-dit perdure. Le terme de fascisme n'est employé que sur les réseaux sociaux où défilent les portraits de manifestants et militants éborgnés, massacrés, jetés au sol par les forces d'un ordre décrété qui n'est plus l'ordre public. De même, ne remet-on pas en cause, hors des réseaux sociaux et de quelques commentaires de lecteurs dans la presse en ligne - y compris cantonnée à droite - l'idéologie à l'origine des soubresauts que nous connaissons, et qui ne sont pas en voie de connaître une trêve : l'économie néo-libérale. Ce système qui nous a acculés à une régression inimaginable il y a seulement vingt ans. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour emprunter encore au symbole, il n'est qu'à parcourir à pied certaines voies ferrées secondaires dont les rails et les traverses se fondent peu à peu dans leur ballast envahi par la végétation. La nature reprend ses droits, la voie ferrée se fait chemin, demain il n'en demeurera que le souvenir. <br /> <br /> <br /> <br /> (*) https://www.atd-quartmonde.fr/bibliographie/celui-qui-ne-travaille-pas-ne-mange-pas/
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L
Malheureusement, le passionné de trains, depuis l’âge de 9 ans, que je suis partage cette analyse. D’une manière générale, contrairement à ce qu’on croit, les Français détestent le train. Ce n’est plus le progrès qui arrive dans une région mais le transport des masses, de ses semblables. La fierté cocardière en considérant les records de vitesse du TGV me fait penser à ces ados que j’encadrais en Angleterre et qui, en visite dans un théâtre, balançaient avec un bel aplomb que les meilleurs théâtres se trouvent à Paris. Sans doute n’y avaient-ils jamais mis les pieds en dehors des séances obligatoires où des enseignants passionnés tentent d’allumer la flamme dramatique chez des ados qui voient surtout la possibilité d’un chahut masqué par l’obscurité de la salle. D’ailleurs, le TGV ne fait plus rêver. Il est devenu une évidence, une sorte de métro pour l’hexagone, presque aussi bondé que le trom parisien puisque tout est fait pour que toutes les places soient occupées. D’ailleurs, deux heures pour faire Paris-Lyon et encore un peu plus à vitesse normale pour gagner les stations de ski de Savoie, c’est le temps que mettent nombre de Franciliens dans le RER chaque jour. Idem pour ceux qui habitent Orléans, Auxerre, Troyes ou Reims et qui vont bosser dans la capitale ou un peu plus loin encore. Bien heureux puisqu’ils ont un boulot et ne paient pas trop de loyer et d’impôts locaux. <br /> <br /> <br /> <br /> Les Français n’aiment pas le train. Dès qu’on parle de construire une nouvelle ligne, ce sont tollés, pétitions, manifestations. Dès l’annonce du projet, des associations apparaissent. Si le projet est d’intérêt prioritaire, il se fera mais au prix de tunnels, de murs antibruit, de compensations pour les communes traversées. Pour les autoroutes, rien. Ça passe même si ça gueule un peu. En tout cas, pas question d’enterrer une autoroute même si elle devient une plaie ouverte au milieu de la ville. Il aura fallu plus de 20 ans pour recouvrir l’autoroute du Nord dans la traversée de la Plaine-Saint-Denis et encore, ça ne s’est fait que pour pouvoir embellir les abords délabrés et prolétaires du tout nouveau Stade de France pour le Mondial de 1998. Il suffit de voir Lyon… Le dernier film de Guédiguian montre comment des voies rapides passent sous les fenêtres dans des quartiers où l’on n’habite que parce qu’on n’a pas les moyens de faire autrement. En revanche, à Aix, la cité rivale, on a construit une colline artificielle pour recouvrir la voie ferrée où il ne passe pourtant pas beaucoup de trains dans la journée. À Paris, les riverains de la Petite Ceinture, fermée à tout trafic depuis 1993, ont perdu l’habitude de voir et d’entendre des trains. Ils sont vent debout contre tout projet d’aménagement quel qu’il soit, y compris piétonnier. À quelques kilomètres passe la Grande Ceinture qui supporte selon les sections un lourd trafic de marchandises ; et par où passaient les TGV qui ne s’arrêtaient pas à Paris. Le long de cette double voie, les terrains n’étaient pas chers. Avec la pression démographique, on en a profité pour construire des HLM. Les locataires ont profité de l’aubaine de loyers très bas mais ceux d’aujourd’hui ne font pas le rapprochement et se plaignent. Dans telle autre ville moyenne, les terrains situés à l’est de la gare étaient aussi très bon marché et ont attiré des ménages qui pour une bouchée de pain pouvaient faire construire et se sentir chez eux. C’est que, à l’époque de la vapeur, le vent dominant poussait les fumées des locomotives qui manœuvraient. Avec la fin programmée de la vapeur, c’était une bonne affaire mais le diesel est presque pire que le charbon. À part Pascale Breugnot, bien peu ont réalisé des reportages sur les méfaits du périphérique parisien et ne parlons pas des contournements des grandes villes de province, quand il y en a. On attend toujours celui de Marseille, ville qui se targue d’être la deuxième de France. Le long de la toute première LGV qui traverse le département de Saône-et-Loire, dans un paysage magnifique, cher à François Mitterrand et à sa femme légitime, Danielle, on en a profité pour tracer une voie rapide qui a remplacé l’antique RN 79. Les riverains ont exigé la construction de murs antibruit le long de la voie ferrée mais pas le long de la chaussée autoroutière où ça circule pourtant jour et nuit, au contraire du TGV. Des habitants de départements soutiennent la construction d’une autoroute qui, pourtant, ne fera que traverser car il n’y aura, au plus, qu’un seul échangeur, sans compter que les commerçants, qui relaient le mouvement populaire, se trouvent bien embêtés quand il se rendent compte que les voitures qui font de la distance sur autoroute ne s’arrêtent plus chez eux faire une pause ou se ravitailler vite fait. La bagnole demeure le symbole de la réussite individuelle. Le transport en commun, le pis-aller. La fête passée, adieu le saint. On a oublié l’enthousiasme des premiers congés payés favorisé par un réseau ferroviaire magnifique et qui allait encore s’améliorer avec la création de la SNCF. On a oublié qu’on voulait prendre le TGV, pour voir comment c’est… Comme certains voulaient prendre l’avion une fois dans leur vie. Aujourd’hui, on veut plutôt faire une croisière pour faire comme à la télé. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Le train, en France, n’aura été qu’une parenthèse enchantée. Même la Sncf n’aime pas le train ; surtout la Sncf ! Quand l’opérateur ferroviaire lui-même incite les clients potentiels à délaisser le train, ce ne sont pas les consommateurs qui, comme le dit Jérémy veulent arriver le plus vite possible, le plus confortablement possible et le moins cher possible qui vont défendre le train. Si, en plus, les médias libéralistes ne parlent du train que pour parler, non des trains qui n’arrivent pas à l’heure (on n’en est plus là) mais des grèves et traitent leurs employés de privilégiés, c’est sûr qu’on ne va pas préférer le train ; pour reprendre un autre slogan de la SNCF.
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J
Micheline est entrée dans le langage courant comme naguère on qualifiait les BD de "Mickeys" ! D'ailleurs j'entends souvent désigner un autorail sous cette appellation, devenue générique. Comment s'est-elle propagée à partir d'un prototype ? Mystère et littérature. <br /> <br /> <br /> <br /> En fait, du point de vue de l'usager - qui n'est pas forcément un passionné des trains et pour qui le train est un moyen de transport comme un autre - peu importe où le matériel a été fabriqué et la marque qu'il porte. Ce qui compte c'est d'arriver sans encombres là où on a prévu d'aller, de préférence confortablement installé et dans des conditions de promiscuité acceptables. Le trajet est un intervalle neutre entre des épisodes de vie qui se situent dans des environnements distants, c'est une évidence qu'il convient de rappeler. Une fois descendu du train, on passe à autre chose - à ce pour quoi on s'est rendu là. En cela les trains, les cars, les avions n'interviendront dans les conversations que lorsque se pose un problème, grève, crash, accident. Il faut l’œil du connaisseur pour distinguer un Boeing 737 d'un Airbus A320. L'important pour le passager est de décoller de tel aéroport et d'atterrir un laps de temps plus loin à tel autre. Ce n'est que lorsqu'il y a un crash que le type d'appareil est abondamment cité et que par la suite, il reste dans les mémoires. Cela, parce que l'avion est spectaculaire par essence : c'est une masse imposante qui défie les lois de la gravitation, qui est chargée à la fois de technologie et de symboles et, aussi, qui impose au passager de devoir accorder sa confiance au commandant de bord et à son copilote. <br /> <br /> Un train ou un car, c'est une forme oblongue qui va de là à là. La marque et le type n'ont véritablement d'importance que pour le machiniste / le chauffeur. La plupart des passagers d'un car se fichent éperdument de savoir qu'ils voyagent à bord d'un VanHool belge, d'un Setra allemand ou d'un Temsa turc. De même qu'on se soucie peu, sauf à faire partie des connaisseurs, que le train soit fabriqué par Alstom ou Bombardier. Lorsqu'il y a malheureusement accident, on ne citera pas plus la marque et le type de car que ceux du train qui aura déraillé. <br /> <br /> <br /> <br /> Le rapport au transport en commun terrestre est autre que le rapport à l'avion, dans notre culture où il est bien souvent vécu comme un pis-aller. On prend le métro, le tram parce qu'on n'arrive plus à circuler ni à stationner en ville. On prend le train de banlieue pour éviter les embouteillages en se rendant à son travail et en en revenant, sa journée dans les reins - d'où l'exaspération des usagers à l'égard des grèves qui bloquent les RER et plus largement les transports urbains dans les grandes villes, exaspération sur quoi s'appuie l'info de propagande néolibérale, brandissant l'argument de "prise d'otages" désormais bien connu. On prend le train pour franchir une distance qu'il serait trop fatiguant de parcourir en voiture ou faute de ligne aérienne intérieure adaptée, et parce qu'aussi, malgré la prolixité des offres de vols low-cost, le recours à l'avion n'est pas encore bien établi dans notre culture. <br /> <br /> <br /> <br /> Le car, c'est un peu le joker. S'il fait partie du mode de vie des régions - du moins celles où est mise en place une vraie politique de dessertes interurbaines régulières - il est moins fréquent d'y recourir en ville où l'amalgame est fait avec le bus, et parce qu'on sait que d'une ville à l'autre, entre arrêts fréquents et bouchons, le trajet va prendre du temps. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour en revenir au train, si je veux aller de là à là et qu'en face on me dit le train est un LGV, un Teoz, un Oui, un inOui, un Ouija, un TER ou je ne sais quoi, et que, pour ne prendre le train que de loin en loin, ou pour être étranger, je ne saisis rien à ce dialecte, eh bien mon critère sera, je le crains, celui du passager courant : combien ça coûte et j'arrive à quelle heure ? Si je trouve que c'est trop compliqué, si je ne suis pas un as de la réservation par internet et/ou que je ne dispose pas d'une imprimante, si je n'ai pas de smartphone et par conséquent pas l'appli SNCF, et que j'habite une grande ville, et que je ne suis pas trop pressé et que je regarde au centime près, je vais évaluer ce que propose la concurrence, à savoir le car. Le voyageur, sa motivation c'est de se déplacer d'un point à un autre et pas de se compliquer la vie avec des flopées d'abréviations, d'acronymes et des nébuleuses de tarifs. Et c'est ce qu'ils n'ont pas compris à la SNCF. Quand je prends mon tortillard pour descendre à Nice, tortillard qui appartient à la région, je vais au guichet acheter mon billet aller-retour ou, à défaut, si je le prends à partir d'une gare rurale encore ouverte, je paie mon billet à la dame ou au monsieur qui arpente le convoi tout au long du trajet. C'est peut-être rustique comme solution, mais c'est aussi logique que régler son trajet de car au guichet de la gare routière ou au chauffeur.
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L
Juste qq précisions rapide pour le profane que tu es Jérémy car tu n’es pas le seul. Il suffit de voir que dans les rédactions, il n’existe aucun spécialiste des transports et que celui ou celle qui s’y colle finit tout juste par acquérir qq connaissances sur le sujet mais, il ne fait que ré-écrire et résumer, parfois en faisant des raccourcis insensés, les dossiers de presse. Je citerai 2 exemples. Vers 1999/2000, Chirac a inauguré la LGV entre Valence et Vitrolles qui mettait Marseille à moins de 4 h de train de Paris. Tous les journalistes ont tonitrué sur « les prouesses du TGV » et « du fleuron de la technologie française qu’est le TGV-Med ». Or, il ne s’agissait que d’une ligne nouvelle et non d’un nouveau type de train. On a simplement transféré sur la LGV les TGV qui faisaient Paris-Marseille depuis près de 20 ans. Toujours en TGV, lors de la liaison Paris-Barcelone, on a joué du tambour et des trompettes pour louer ce progrès mais en regrettant que, côté espagnol, il faille encore changer de train à Figueires puisque la ligne n’est pas finalisée. Or, c’est tout le contraire. Il y avait effectivement rupture de charge mais c’est en France que la LGV n’est (toujours) pas terminée dans le Languedoc entre Avignon et la frontière catalane. L’Espagne est le pays d’Europe qui possède le plus de kilomètres de LGV, dont une ligne Madrid-Barcelone-frontière avec la France. Tout ceci pour dire que les journalistes n’y connaissent rien et ne manifestent aucune envie de parfaire leurs connaissances. Il faut dire que le public ne s’y intéresse pas non plus.<br /> <br /> <br /> <br /> Oui, il y a des péages que doivent acquitter les convois sur les chemins de fer. Jusqu’à la création de RFF, ça ne posait pas trop de problème et ça impactait surtout les trains étrangers. Un train Milan-Paris détourné par la Suisse doit douiller pour son transit chez les Helvètes qui sont très rigoureux sur ces questions d’argent. C’est à cause de ces péages que le billet d’autocar est forcément moins cher que le billet de train. On l’acceptait quand on était jeune et fauché et on se débrouillait pour pisser là où l’on pouvait. Les chauffeurs ont leurs habitudes dans certains établissements où il faut consommer pour profiter des toilettes. <br /> <br /> <br /> <br /> La preuve que le grand public n’y connaît rien, c’est l’emploi du terme « micheline » pour désigner n’importe quel autorail rouge et crème. « Micheline » était le nom d’un prototype qui était en fait un autocar qui circulait sur rails mais équipé de grandes roues avec des pneus Michelin. Il en a circulé très peu mais le terme est resté. Les vieux autorails diesel, construits par les meilleures usines française d’autrefois (Renault, Decauville, De Dietrich, Soulé etc.) ont roulé longtemps et leur consommation me fait penser à celles des chars Patton qui équipaient encore des régiments. Il fallait 25 litres d’essence (et pas de gazole) rien que pour faire chauffer le moteur. Les constructeurs d’autrefois fabriquaient du matériel robuste et fiable et la Sncf en a largement profité. Tout autre est le matériel acheté à Alstom à la fin des années 1990 qui sont des catastrophes, revendu à la Roumanie ces dernières années. Il faut dire que ça ne dérange pas beaucoup les voyageurs qui apprécient, au contraire, qu’on renouvelle plus souvent. <br /> <br /> <br /> <br /> Sur la ligne de la vallée de la Durance, il y a de nombreux handicaps. Cette ligne illustre parfaitement l’incompétence des décideurs marseillais depuis au moins 50 ans que je suis ces questions. Lorsqu’on a construit l’autoroute Marseille-Aix, on n’en a même pas profité pour réserver de la place à côté et tracer une ligne directe et moderne pendant qu’on y était. Résultat, il faut attendre à Aix ou à Gardanne que le train en sens inverse ait franchi le viaduc. S’il est en retard, ce sont tous les trains dans les 2 sens qui le seront avec parfois un impact sur les autres lignes quand il faut attendre les clients qui prennent la correspondance. Ça peut avoir des conséquences jusqu’à Strasbourg… Tout le long de la ligne, le problème se pose d’autant que ces dernières années, on a supprimé nombre de voies d’évitement pour les croisements qui ne peuvent s’effectuer que dans un nombre limité de gares. Ensuite, il faut 1 heure (sans compter les retards éventuels) pour faire Gap-Sisteron en train quand il faut moins d’une demi-heure par la route. Le détour par le Buëch dissuade nombre de Hauts-Alpins de prendre le train. Enfin, la ligne souffre d’une gestion incohérente. Il faudrait 2 types de relations pour les différents profils de clients et leurs besoins. En clair, il faudrait des trains directs Marseille-Gap (avec arrêt à Aix, Manosque et à Sisteron) et omnibus jusqu’à Briançon et des trains omnibus jusqu’à Gap. Or, tous les trains sont omnibus tout le long, d’où des temps dissuasifs. Les cars subventionnés aussi par la Région Sud proposent ces 2 types de relations et font une concurrence avantageuse pour le car. On a changé les vieilles locos au début des années 2000 et les nouvelles diesel consomment moins, polluent peu et font aussi moins de bruit. Cela dit, c’est comme le Paris-Rodez en loco à vapeur qui mettait une heure de moins qu’aujourd’hui. Si la voie est en mauvais état ou qu’on ne peut pas se croiser, les délais sont augmentés. J’y reviendrai peut-être.
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J
Oui, là, dans ce que tu ajoutes à propos des Trains-autos-couchettes new-look, on hésite entre pataphysique et l'imaginaire de feu Raymond Devos. <br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs, je ne soupçonnais pas qu'il fallait aux convois, quels qu'ils soient, régler un péage aux voies ferrées... On a là une survivance des octrois séculaires, où chacun devait s'acquitter d'une taxe à l'entrée des villes. Au point que l'on transporte, comme tu l'écris, des locomotives et des trains de travaux par convois exceptionnels ! Autrement dit un ou des tracteurs semi-remorque spécialement équipés, précédés d'un véhicule de signalement doté de gyrophares. Le profane que je suis est porté à s'interroger quant au coût de pareilles manœuvres, au regard de celui des droits de péage requis ! <br /> <br /> <br /> <br /> Autre chose, la perduration sur les voies secondaires des michelines diésel. Il y a des années de ça, habitant l'arrière-pays niçois, j'empruntais régulièrement la ligne Nice-Breil-sur-Roya, qui opère la jonction du Vintimille-Coni, avec correspondance pour Turin. Il y avait encore de ces michelines historiques peintes en rouge et blanc, dont un machiniste m'avait confié qu'elles consommaient sept cents litres de gas oil aux cent kilomètres ! Nous étions au début des années 90. Depuis, cette ligne n'est toujours pas électrifiée sur sa longueur, à l'exception d'un court segment à la sortie de Nice. <br /> <br /> On va prendre aussi l'exemple de la ligne Aix-Briançon, qui dessert la vallée de la Durance et qui "se traîne" encore de nos jours derrière une loco qui carbure au gas oil. Aujourd'hui déficitaires (encore que la ligne Nice-Breil ait fait l'objet de nombreux travaux de modernisation depuis sa réouverture en 1979, et qu'elle fait office de TER dans la desserte de la vallée du Paillon pour devenir ensuite, à la jonction italienne, le "Train des Merveilles", du nom du site archéologique éponyme voisin de la ville-frontière de Tende), ces lignes ont connu de meilleures fortunes par un passé encore récent, et on peut s'étonner de ce qu'elles n'aient pas été alors électrifiées, ce qui leur aurait garanti la pérennité d'un axe régional ouvrant sur d'autres axes, nationaux et internationaux - Turin pour la ligne Nice-Breil, où la correspondance est cependant effective, la vallée du Rhône pour la ligne Aix-Briançon où existe (encore) la correspondance que tu cites pour l'un des derniers trains de nuit vers Paris. <br /> <br /> <br /> <br /> Le vieux conflit rail-route a déjà largement profité à la route concernant le fret, mais qu'en est-il dans les pays voisins ? Je me souviens avoir vu d'interminables convois de marchandises serpenter le long du Rhin entre Bonn et Cologne, gare d'où par ailleurs, partaient et où passaient des litanies de convois de dessertes locales, régionales, internationales en un trafic incessant et concerté. Question de culture, là encore, les Allemands semblant nettement plus enclins que nous à emprunter les transports en commun. Ils nous ont d'ailleurs précédés de longtemps dans la mise en service de bus urbains articulés : le premier prototype français, en la matière, date de 1958 et avait été expérimenté à Lyon et à Nice en 1960. C'était un Berliet PH100 surnommé "le bus serpent". Ce n'est qu'en 1965 que ce véhicule, passablement modernisé et d'une maniabilité discutable, équipa les transports lyonnais jusqu'à l'ouverture en 1978 du métro. Parallèlement, des bus articulés plus performants, de fabrication allemande, commençaient à équiper des lignes dijonnaises et grenobloises jusqu'à l'apparition du PR180, produit par Renault Véhicules Industriels au début des années 80. Ce n'est que bien plus tard que de nombreuses grandes villes sont revenues au tramway, mode de transport hâtivement enterré à la fin des années 50 au profit du trolleybus. Comme quoi, en matière de transports collectifs, rien n'est jamais vraiment arrêté. Nos lignes secondaires condamnées à s'étirer en de longs terrains vagues seront peut-être ressuscitées dans dix ans, qui sait ? à la faveur de la mise en place de nouveaux modes de transport à la propulsion électrique ne nécessitant pas la pose de caténaires. Lorsque se fera viable ce qui est pour l'heure une utopie bon enfant, à savoir "le sauvetage de la planète", que cherche à s'approprier une gauche en panne d'alternatives consensuelles à la Pensée unique. Lorsque l'état de crise politique et idéologique en cours, qui ne connaît pas de précédent, aura su intelligemment mettre hors d'état de nuire la technocratie imbécile que seule motive la "bonne tenue des marchés". <br /> <br /> <br /> <br /> Pour l'heure, comme dans de nombreux domaines où nos décideurs franco-français excellent dans l'art de compliquer jusqu'à l'outrance ce qui pourrait au final s'avérer plus simple - art de la complication que structurent inévitablement et une idéologie et de méprisables stratégies politiciennes - le rail se voit condamné non dans une volonté d'envisager le futur du territoire et de le concevoir, mais au contraire de restreindre toujours plus ce qui dans un souci logique d'expansion, devrait être étendu. On le voit dans la disparition progressive des services publics en régions, on le constate dans la concentration des services hospitaliers qui résulte de la fermeture programmée des structures locales, on l'observe dans les fermetures de classes dans les villages. Et comme il demeure toujours des habitants dans ce que les sociologues dénomment la France périphérique, on se voit confrontés à d'étranges paradoxes... Celui de devoir passer des heures, parfois, derrière un volant pour accéder à un service public délocalisé ; celui de devoir transporter par hélico des malades ou des blessés lourds jusqu'à l'hôpital situé à cinquante kilomètres de là, alors que l'hôpital voisin, accessible en ambulance, a été amputé de son service d'urgences ; celui de devoir affréter des cars scolaires pour couvrir le kilométrage séparant le village où les classes ont été fermées, de la petite ville voisine où elles sont encore ouvertes, jusqu'à ce qu'une décision administrative décide de les fermer à leur tour. Et le train, eh bien il passe au loin, si loin qu'on a aussi bien fait de prendre sa voiture. Et pour le fret, c'est le camion qui l'assure, polluant et au carburant surtaxé. Au final, c'est dans "le panier de la ménagère" que ça se joue. Loin de tout, la vie revient plus cher qu'en ville. <br /> <br /> <br /> <br /> Nous brillerons par nos prestigieuses Lignes à Grande Vitesse, certes. Cela correspond bien à une vision politico-économique très européiste, qui se joue de l'intérêt public et, comme suggéré plus haut, de l'expansion des régions qui, de par cette vision politico-économique, s'en trouve sacrifiée dès qu'elles sont éloignées des grands axes et des villes importantes. <br /> <br /> La France périphérique est en marche... vers la désertification. On comprend mieux alors ce qui motivait, l'an passé, le blocage des carrefours, et on se prend à espérer que ce ne soit que le prologue d'un tournant de société décisif.
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