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la lanterne de diogène
3 février 2020

Hors de ma vue !

J’ai remarqué, depuis longtemps (privilège de l’âge), que l’humain refoule nombre de bas instincts pour tenir son rang parmi ses semblables mais qu’il suffit d’un rien, du moindre prétexte pour libérer ses pensées et ses sentiments les plus vils. Parmi ceux-ci, le racisme fait figure de proue. Il est banni par tout ce qui se réclame de la civilisation et du progrès. Il est une insulte permanente à la raison. Pourtant, il sourd insidieusement en ces temps où l’émotion l’emporte sur la raison. Plus personne ne peut exprimer publiquement et même dans la sphère privée des propos aussi ineptes que le nègre cannibale ou l’Arabe agressif. Et puis, quand une célébrité déchue fait parler d’elle, on peut se défouler et tout comme le bouc biblique chargé des péchés de la communauté qu’on abandonnait dans le désert, tout comme les effigies carnavalesques à qui l’on faisait endosser la cause des désordres et des injustices humaines avant d’y mettre le feu, tout comme le taureau, au Pérou, à qui l’on impose les serres d’un condor sur le dos avant qu’il ne succombe après des heures sous les coups de becs du rapace, on n’a de cesse de trouver un monstre et si possible proche. Dans le passé, on a accusé les juifs de propager la peste. Aujourd’hui, les Chinois, que tout le monde ou presque déteste, sont la cible de leurs camarades de classe. On leur reprochait de ne pas contester le pouvoir des Blancs mais il était difficile de le dire. Avec le coronavirus, on peut enfin déverser le fiel sur cette communauté discrète mais un peut trop fermée. Qu’est-ce qu’ils mijotent ? On ne les comprend pas ? Ça doit pas être beau. Enfin, on peut leur dire. Dans le passé, Bokassa a endossé la panoplie du sale nègre tout comme Saddam Hussein a représenté le sale Arabe. Ainsi, non seulement on a pu se défouler mais avec une très bonne conscience puisque leurs méfaits méritaient la réprobation. On feignait de cibler ces deux abominables personnages alors qu’on reprenait les clichés racistes les plus éculés. Ça n’a pas empêchéLe Canard Enchaîné et d’autres d’aller interroger Bokassa en exil pour qu’il fasse des révélations sur ses relations avec le Président Giscard. La fin justifie les moyens. Il en est ainsi des personnalités de premier plan qui, au moindre faux pas, vont être ramenés à leurs origines et aux préjugés négatifs qui y sont liés. Tant qu’ils ont le vent en poupe, il vaut mieux ne rien dire, voire tenter de s’allier mais on garde le préjugé, prêt à le sortir à la première occasion, comme une carte que le tricheur garde dans sa manche.

J’allais publier ce texte quand l’humoriste belge Charline Vanhoenacker m’a coupé l’herbe sous les pieds. Il ne me restait qu’à envoyer ces lignes à la corbeille quand, heureusement pour moi, elle a insinué un propos destiné à établir une comparaison avec d’autres commentaires, non racistes mais dirigés vers une communauté à un certain moment. Depuis qu’elle vit en France, elle a pris le pli français consistant à tout niveler, à relativiser tout. Finalement, la mise à l’écart des Chinois en France n’est pas plus remarquable d’après elle.

Screenshot_2020-02-03 Le repaire des Super Vilains Hooper fr

Pourtant, si dans le cas des personnalités citées, le racisme quoique évident, était sous-jacent, dans celui qui nous intéresse aujourd’hui, il est d’autant plus pernicieux qu’il se pare d’arguments et même d’arguments scientifiques. C’est pas qu’on les aimes pas mais… ils sont contagieux par définition. Vous comprenez, c’est pour nos enfants. Le racisme bête, vulgaire, s’il est efficace, il n’en est pas moins facile à discréditer et à moquer. La fameuse exposition nazi sur « les juifs et la France » consistait surtout à dire que les juifs sont laids et qu’ils complotent pour dominer le monde. Ça a marché mais finalement pas tant que ça. Lorsqu’il est argumenté, il cloue le bec à tous ceux qui seraient tentés de le dénoncer. C’est pas parce qu’ils sont jaunes, qu’ils ont toujours ce petit sourire hypocrite, qu’ils restent entre eux, qu’ils complotent sûrement qu’on s’en éloigne mais parce qu’ils sont porteurs de germes et ça, madame, monsieur, c’est prouvé ! On peut d’autant plus se déchaîner contre les Chinois, qu’ils ne sont pas défendus par des associations médiatisées, qu’ils n’ont pas de représentants auto-proclamés, habiles dans la manipulation des plateaux télévisés, capables de faire reconnaître les pires abominations comme des expressions légitimes d’une communauté opprimée. Pas de Chinois pour réclamer une visibilité dans la paysage audiovisuel, pas de Chinois pour revendiquer un droit particulier. La communauté est d’autant plus discrète qu’elle est diverse. On appelle « chinois » tout individu à la peau jaune sans considération pour l’origine. Déjà, la Chine elle-même est vaste comme un continent. Et puis, les Jaunes ne forment pas non plus une communauté. Parfois, on les appelle « Asiatiques », terme politiquement correct mais vague. L’Asie est immense et sa population hétérogène. Quoi de commun entre les Turcs, les Japonais, les Coréens, les Indiens, les Pakistanais, les Arabes, les Iraniens, les ethnies turques du centre, les ethnie composites de la péninsule indochinoise ? On ne sait pas quelle religion ils pratiquent. On ne leur connaît pas de tabou alimentaires. Ils mangent beaucoup de porc et on murmure qu’ils mangent du chien. Horreur ! On remarquera que c’est souvent l’alimentation qui débecte et c’est universel. Ici même, nous avons pointé que beaucoup, en France, s’offusquent qu’on mange du cheval alors que c’est un animal noble. En revanche, les animaux roturiers ne bénéficient pas de la mansuétude : les grosses vaches et les vilains cochons peuvent bien se faire engraisser dans des conditions inhumaines et se faire tuer pour obtenir leurs protéines. Les moutons, le dos courbé, donnent toujours l’impression qu’ils marchent résignés vers l’abattoir. Mais le chien, ce fidèle ami de l’homme ne saurait finir dans l’assiette. Il faut vraiment que les Chinois soient des barbares. Sur un marché africain, on peut s’amuser à regarder les comportements des uns et des autres. Tel membre d’une ethnie dénoncera une autre qui se nourrit de chenilles tandis qu’eux dévorent des larves d’un autre insecte. Il n’y a pas de bagarre pour ça sur les marchés mais, le cas échéant, les rivalités ethniques peuvent être nourries aussi par les tabous alimentaires. Nous pouvons aussi observer que certains avancent comme preuve scientifique de l’origine africaine du VIH l’alimentation. En effet, ce serait la consommation de viande de singe mal cuite qui aurait provoqué le sida. Tout le monde sait que les Africains bouffent du singe, n’est-ce pas ? Et en plus, vers la fin du 20e siècle, ils ont oublié de le faire cuire. Sont-ils bêtes ! Ne cherchez pas plus loin l’origine de cette nouvelle maladie : c’est l’Afrique. Et peu importe que les premiers cas de sida aient été relevés non pas en Afrique mais dans la très propre Amérique, celle du nord, évidemment. Il ne serait pas étonnant qu’on nous explique, bientôt, que le coronavirus provienne de l’alimentation des Chinois. Adieu nems, omelette foo-yong, canard laqué, rouleaux de printemps, riz cantonais et peu importe que ce ne soit pas chinois mais vietnamien et peu importe que les ingrédients viennent de France et pas du lointain empire du milieu. Tout ceci pourrait porter à rire s’il ne s’agissait de parer d’arguments et d’arguments scientifiques les plus bas instincts qui renforcent des a priori et fournissent des excuses à l’exclusion de ses semblables.

 

 

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J
Si on voulait résumer tout ça de façon un peu lapidaire, on dirait qu'à la base, les gens ne s'aiment pas. En temps de crise, on monte d'un cran, ils ne se supportent plus. <br /> <br /> Au fait, qui a décrété que notre espèce prédatrice se devait de cultiver l'amour du prochain ? Les religions du Livre. <br /> <br /> Avant, et depuis, on n'a jamais cessé de se taper allègrement sur la gueule, de s'entre-exterminer, de vouloir prendre au voisin ce qu'il possède (ou qu'il a accaparé), de lui dénier le droit de penser autrement, d'intégrer le territoire que l'on estime sien parce qu'on y est né, bref ! de vouer aux gémonies tout ce qui n'est pas soi et celles et ceux parmi les bipèdes dont on a décidé qu'ils étaient fréquentables. <br /> <br /> <br /> <br /> Quoique, on est vite passé à l'ennemi. Encensé un jour, décrié le lendemain, haï le surlendemain. Selon que l'on dévie du rôle décidé pour soi par l'autre, indépendamment de ce que l'on représente en tant qu'altérité. <br /> <br /> <br /> <br /> Les rapports humains s'établissent selon les règles d'un casting. Plus pudiquement, on invoquera des communautés d'intérêts, des atomes crochus, ce qui fera qu'en l'autre, on se reconnaîtra. Interviendra de même une notion utilitariste. A quoi l'autre va t-il me servir ? <br /> <br /> <br /> <br /> Du temps des cavernes, la tribu avait besoin de compétences. Il fallait savoir tailler les silex, courir l'auroch et le mammouth, en tanner les peaux, sans quoi on ne mangeait pas et on restait nu. Il fallait savoir manier les pigments et représenter sur les parois de la caverne les bêtes que l'on voulait chasser pour en accaparer la force en en mangeant la viande et se revêtir de leur fourrure. Et il fallait être apte à reproduire l'espèce. <br /> <br /> <br /> <br /> A présent, c'est la même chose, quoiqu'elle ne s'avoue pas. Qui en a vraiment conscience, d'ailleurs ? On est très content d'avoir le pote qui sera capable de déplanter l'ordi, de changer un alternateur, de poser un lambris. On sera plus enclin à chercher à se débarrasser de l'importun qu'on croise le matin déjà accroché à sa bière, et qui passe ses journées à glander en regardant passer les culs. A la femme entre deux âges, plus proche du second que du premier, le regard d'icelui, fusse t-il embrumé par sa soûlographie, préfèrera nettement la plastique de la jouvencelle et le ballet hardi de ses jambes dûment gainées. Ainsi que le nôtre. Tandis que ces dames se sentiront nettement plus portées à convoiter le gentleman portant beau, que le gradube à casquette grillant sa clope entre potes de même venue devant l'entrée du PMU. Lequel se verrait certes mal fréquenter le bourgeois, même si dans ses rêves fous il ne dédaignerait pas la fréquentation de sa bourgeoise. Dame ! Il est d'un autre monde. Il ne vit pas comme nous ! Ce que se dit le bourgeois à la vue du gradube à casquette grillant sa clope entre potes de même venue devant l'entrée du PMU. <br /> <br /> <br /> <br /> L'autre ne vit pas comme soi. L'autre c'est l'étranger. L'étranger c'est l'inconnu. L'inconnu c'est une menace. On sait à présent que l'homme de Cro-Magnon a cohabité un temps avec l'homme du Néandertal, qu'il a fini par exterminer. <br /> <br /> <br /> <br /> On n'aime pas l'inconnu. C'est pour ça qu'on choisit soigneusement ses relations, qu'on opère un tri à la base, selon ses besoins. Et l'autre en face, il fait pareil. Je veux bien qu'on soit potes, mais dis-moi tes goûts et tes couleurs que je voie en quoi tu pourrais m'être utile. C'est comme un casting où, au gré de la fantaisie du scénariste, on va avoir besoin de tels types d'individus et pas de tels autres. <br /> <br /> <br /> <br /> Pas surprenant que la logique de marché ait fini par régir les sociétés humaines.
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