Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
6 février 2020

Kirk DOUGLAS est un écrivain

Pas la peine de s’étendre sur la carrière de Kirk Douglas. On la trouve partout et on en oublierait.

En revanche, il me paraît intéressant de revenir sur sa prestation sur le plateau d’Apostrophes, émission culte de la télévision française à une époque où l’on ne prenait pas encore tous les téléspectateurs pour des imbéciles et où l’on pouvait se cultiver à peu de frais dès 21 h 30 puis 22 h puis un peu plus tard. Dès l’origine, Antenne 2 se positionnait sur ce créneau-là : des émissions de qualité dans tous les genres. Il y avait Guy Lux qui, quoi qu’on en dise, proposait des émissions bien ficelées même si l’on avait l’impression de voir toujours la même. Il y avait tout le reste, dont « Apostrophes ». Une fois Marcel Julian évincé à la fin de son mandat et Jacques Chancel avec lui, ses successeurs n’ont pas pu – et peut-être pas voulu non plus – se lancer dans une course à l’audience en abaissant le niveau d’exigences. « Apostrophes » a duré des années jusqu’à ce que son producteur emblématique se lasse et décide d’ouvrir son émission à d’autres genres que la littérature.

Littérature ? Le mot est lancé, il était le pivot de l’émission mais, au fil des ans, peut-être aussi parce que la production laissait moins de choix, on a surtout présenté des livres dans lesquels la littérature n’était qu’un lointain souvenir. M. Bernard Pivot, le producteur et animateur se mettait en vedette et les autres lui servaient la soupe pour espérer, en retour, des ventes pharamineuses. Tout a commencé lorsque, feignant d’assumer son age, il a posé des lunettes de lectures bien au bout de son nez, assumant le ridicule et la défiguration pour montrer qu’avec lui, on pouvait passer outre et que l’important n’était pas sa tenue. On sait que tous les jours, les directeurs de chaînes recevaient (reçoivent encore?) des lettres pour protester contre la couleur de la cravate d’un animateur. Lui, posait ses petites lunettes bien au bout pour n’avoir pas à les retirer à chaque fois qu’il lisait un extrait. « Apostrophes » est devenu une institution par où il fallait passer et a été caricaturée par Pétillon et tant d’autres. Il suffisait de montrer des gens assis autour d’une table de salon, avec un personnage qui semblait diriger tous les autres au fond, les chaussettes bien apparentes en bas des pantalons relevés. On assumait la tenue négligée pour se focaliser sur le fond, sur la littérature.

Or, il a suffi d’une émission où Borniche était l’invité principal pour que d’autres dénient à l’ancien commissaire le titre d’écrivain pour lui préférer le terme péjoratif « d’écrivant ». Pourtant, la distinction n’a pas fait recette. Personne n’a suivi cet auteur dont tout le monde a oublié le nom quand les autres ont perduré. Dès lors, puisque les barrières étaient tombées, il fallait en profiter. M. Pivot a invité n’importe qui pourvu que son nom ou le sujet assure l’audience de l’émission et, éventuellement, les ventes de livre. Alors que l’émission a réuni les meilleurs, on ne retient, 30 ans après la dernière, que l’éthylisme de Bukowski et quelques accrochages comme celui entre Gainsbourg et Guy Béart. En fait, l’alcool était devenu l’ingrédient indispensable du succès de l’émission bien plus que la littérature dont il était pourtant fait beaucoup mention. C’est dommage parce que, pendant au moins premières années, M. Pivot a reçu les plus grands du monde entier.

 

kirk

Aujourd’hui, à propos d’une affaire scabreuse dont l’émission a été le tremplin ou la caisse de résonance, M. Bernard Pivot se réfugie derrière la très commode « littérature » pour justifier sa complaisance. Il regrette qu’on ne parle plus de littérature mais de morale. Mais lui, comment peut-il qualifier de littérature, des récits, des témoignages de gens qui nous racontent comment ils se sont amusés avec des jeunes à peine pubères, comment d’autres attendaient dans les pissotières pour se faire mettre, d’autres encore ont avorté à 20 semaines, comment d’autres décrivent la couleur de leurs urines, comment certains ont commencé à sniffer à 7 ans ou se sont vendues à 12 et toutes les histoires possibles et imaginables qui ont été publiées ? Au bout de 10 pages de cet acabit, le lecteur aurait dû balancer ça à la corbeille et, en réunion, avec les autres, dire qu’on s’en fiche de leurs vilaines histoires. Or, non seulement ça n’a pas dû arriver souvent (la preuve) mais, en plus, ce genre de récit est devenu banal. Il suffit d’écouter les échanges au « Masque & la Plume » pour comprendre qu’il y a au moins deux bouquins de ce genre en discussion chaque mois. Ça veut dire que les éditeurs savent qu’il y a un public pour ça. Ce genre de bouquins se vend bien et même très bien et la plupart des publications ne nous épargnent pas au moins un chapitre qui nous révèle l’intimité d’un personnage réel ou fictif dans ce qu’il y a de plus impudique ou glauque. Voir aujourd’hui que les éditeurs retirent ces titres de leurs catalogues est le summum de l’hypocrisie. Ils auraient dû commencer par ne pas les y mettre mais ils ont pensé que ça se vendrait et, dans le meilleur des cas, que ça compenserait les faibles ventes d’écrivains dignes de ce nom ; c’est à dire qui font des efforts de style, d’originalité, qui innovent. Je crois que ça s’appelle la littérature.

Précisément, face à un acteur mondialement connu, M. Pivot a cru bon en appeler aux fondamentaux de la littérature et rabaisser son invité à son statut de vedette de Hollywood venu faire une tournée pour vendre son bouquin. De plus, rien de glauque dans ce qu’il raconte sinon le parcours d’un garnement né dans une famille de chiffonniers avant de connaître la gloire. Pas d’alcool, pas de drogue, pas de liaison scandaleuse, même pas de clope. S’il ne pouvait décemment pas le louper, M. Pivot n’a pas caché qu’il se serait bien passé de l’inviter. Les récits d’une vie qui commence au plus bas pour finir au sommet sont moins intéressants que les descentes aux enfers et les transgressions. C’est là que, dans un français remarquable pour quelqu’un qui n’a pas étudié, l’acteur Kirk Douglas répond, tel le Forgeron de Rimbaud :

« Je suis un écrivain, monsieur Pivot ».

 

 

https://diccionarioasterix.blogspot.com/2010/02/caricaturas.html

 

Qu’il me soit permis de mentionner la performance de Kirk Douglas dans le film sur « La Vie passionnée de Vincent van Gogh »

Publicité
Publicité
Commentaires
J
La littérature c'est quoi au fond ? Si on me posait la question, je dirais la conjonction d'un vécu singulier, d'un talent d'écriture et d'une capacité à amener le lecteur à se projeter dans ses personnages. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais je crois que chaque lecteur aurait sa définition de la chose. Et chaque lecteur pourrait produire une recension de qui à ses yeux est un écrivain et qui ne l'est pas, en fonction de sa façon de concevoir la littérature. <br /> <br /> La remarque me paraît valable aussi pour un peintre, un cinéaste dont le vécu, par son climat et ses couleurs particuliers, subjectifs, impactera l’œuvre, lui confèreront une "patte". L’œuvre d'un Tavernier est tout entière imprégnée de l'atmosphère en demi-teintes du vieux Lyon et de ses traboules. Cézanne se fondait dans la rocaille et le senteurs de sa garrigue. Bukowski, c'est la Los Angeles du quotidien, celle que ne montre pas (ou rarement) le cinéma et que ne montrent jamais les séries qui y sont tournées. C'est la Los Angeles de l'immersion, où l'on parle espagnol et où les ouvriers prenaient des amphètes pour supporter les cadences qui leur étaient imposées. C'est la Los Angeles des clochards, des pervers, des losers et des nymphos hallucinées. Bukowski nous entraînait dans ces rues écrasées de soleil et les taudis où il avait séjourné, il était capable de nous intéresser à l'univers des courses de chevaux même si on y était parfaitement étranger, de même que Jim Harrison savait intéresser à la chasse à l'ours les plus réfractaires à la chasse, tout en étant capable de tenir son lecteur malgré des redites à perte de vue sur les charmes glacés du lac Supérieur, les bourdes d'un Peau Rouge vétéran du Vietnam, les éclats hystériques d'une ex accrochée à son téléphone, que le personnage de la narration est incapable d'interrompre parce que la communication lui parvient par le truchement d'un système dont il ne sait pas se servir, relié au tableau de bord d'un 4x4 que lui a prêté son fiston en remplacement de sa vieille Taurus qui vient de rendre l'âme. <br /> <br /> <br /> <br /> Il faut être une sacrée plume pour accrocher le lecteur avec des histoires aussi abracadabrantes qu'elles restent inoubliables des années après avoir été lues. <br /> <br /> C'est peut-être ça la littérature. <br /> <br /> <br /> <br /> Pivot, alias Sa Suffisance pour celles et ceux qui voyaient en son rendez-vous hebdomadaire un pensum parisiano-parisianiste de la même veine que "Le masque et la plume" que tu cites, Diogène, Pivot était d'abord et avant tout l'attaché de presse privilégié de la nébuleuse Galligrasseuil. Comme d'ailleurs PPDA, Paula Jacques, Hervé Claude et consorts, qui n'abordaient jamais qu'un même versant de ce qu'ils désignaient par le terme générique de littérature : celui qui s'affichait à la devanture des librairies, dûment barré du bandeau qui valait pour une accréditation de l'intelligentsia. Il faut lire ce livre si on veut passer pour intelligent, cultivé, dans le coup, briller en société, compter parmi l'élite intellectualo-bourgeoise des fidèles de la grand-messe célébrée par Sa Suffisance chaque vendredi soir. Sa Suffisance dont j'ai vaguement lu qu'elle réunissait ponctuellement quelques-uns de ses disciples, dont l'ineffable Laclavetine (figure de la non-littérature parisienne), autour de tables choisies et de grands vins à Beyrouth au Liban (où il y aurait d'autres urgences). Pivot et les grands crus, de chez Galligrasseuil et du bordelais. Pivot en bout de course, où Gainsbourg période décadente et le doux Béart s'écharpaient autour de la chanson que le premier considérait comme un art inférieur à l'architecture, comme si l'écriture d'une chanson et la façon de la chanter avaient à voir avec la répartition des masses et le rapport à la portance d'une tour. Gainsbourg que l'on montrait alors comme une bête de foire, sûr que l'on était de l'éclat, de la provocation, des monologues incohérents ponctués de silences et de grimaces, conséquences d'une soûlographie chronique que l'on verrait aujourd'hui, signe des temps, comme une pathologie invitant à la compassion. <br /> <br /> A l'époque, Gainsbourg déchaînait les fou-rires et l'on criait au génie de celui qui n'a jamais fait que pomper les mélodies des classiques, bien après avoir pris le relais de Vian et excellé dans ses concept-albums de la fin des années soixante, orchestrés par le talentueux Jean-Claude Vannier. <br /> <br /> <br /> <br /> Sur Kirk Douglas, rien à dire ni à redire. Je suis plus de la génération du fiston que du papa. Le fiston que, depuis la guérite du concierge des studios de la Victorine où j'avais mes entrées dans une vie antérieure, je voyais passer et repasser à bord de sa Silver Shadow bleue, flanqué de sa compagne du moment. Michael Douglas avait repris ces studios niçois fondés par Rex Ingram et la rumeur disait qu'il comptait acheter un appartement dans le Vieux-Nice. Son séjour fut bref et les studios reprirent leur lente agonie, qui se poursuit encore à ce jour.
Répondre
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 659
Newsletter
Publicité