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la lanterne de diogène
8 mars 2020

Municipales à Paris : les rats de laboratoire

C’est la parution de bonnes feuilles d’un livre du journaliste Benoît Duteurtre qui m’a donné envie de revenir sur la situation de Paris, telle qu’on peut l’observer quand on connaît très bien cette ville et qu’on a le recul d’un provincial qui s’y rend plusieurs fois par an. À l’occasion des prochaines élections municipales qui ne passionnent nulle part, on entend une surenchère de projets plus ou moins sérieux. La maire actuelle, Mme Hidalgo, veut faire de la capitale la première capitale du monde sans voiture. De sorte que Paris est devenue un laboratoire dont les rats sont les Parisiens qui doivent s’adapter à l’imagination des élus et de leurs opposants.

 

Screenshot_2020-03-08 Paris, championne d'Europe des embouteillages - PaperblogLe paradoxe de la lutte contre l’automobile menée par Mme Hidalgo, c’est que Paris devient un gigantesque embouteillage, à l’instar de Marseille (pour d’autres raisons) dès 16h 30 et ça dure jusqu’à près de 19h. C’est comme ça que des pics de pollution, de plus en plus fréquents, sont enregistrés alors même que les carburants sont infiniment moins polluants qu’ils ne l’étaient dans les années du tout-automobile pompidolien. On devine que l’objectif, en créant des embouteillages, en augmentant la pollution, en favorisant l’agressivité des automobilistes excédés, est de les dégoûter de la bagnole. Sauf que, ceux qui prennent la bagnole dans Paris ne peuvent faire autrement et qu’il y a toujours eu des voitures dans Paris. D’abord tirées par des animaux de trait ou des bras, puis par des chevaux, puis par des moteurs pétaradants de sort qu’on n’imagine pas une ville sans transports. Dans un premier temps, on souhaite que les véhicules encore en circulation soient électriques. Au fait, l’électricité est produite comment en France ? Où partent les batteries usées des « vélibs » et « autolibs » ? Où est « l’écoresponsabilité » ? Et ne parlons pas du gâchis que représente la flotte de ces toute petites voitures à présent à la casse. Inutile de rappeler qu’en France, l’électricité est nucléaire et que les terres rares qui entrent dans la composition des batteries, par définition sont rares, donc vont être rapidement épuisées sans compter qu’elles viennent de zones tropicales. On parle de planter des arbres sur les terrasses, d’y cultiver des légumes mais jamais de poser des panneaux solaires qui ne défigureraient pas beaucoup les toitures en zinc typiques de Paris. Et puis, comme les embouteillages sont désormais inévitables, on imagine les batteries se décharger, notamment en hiver où elles sont davantage sollicitées.

https://www.geo.fr/environnement/paris-une-ferme-urbaine-geante-va-ouvrir-ses-portes-en-avril-199999#nlref=3c9d74680918cdaf304d17f65777de9a&srAuthUserId=3c9d74680918cdaf304d17f65777de9a&srWebsiteId=58&utm_campaign=20200228&utm_medium=email&utm_source=nl-geo-environnement

 

Pour beaucoup, la circulation dans Paris se résume au boulevard périphérique. Ainsi, le titre de La Tribune laisse songeur : https://www.latribune.fr/regions/ile-de-france/municipales-ce-que-proposent-les-candidats-pour-en-finir-avec-le-periph-840708.html

En finir avec le périphérique alors que, partout en France, on a construit, on construit encore des rocades, des contournements, pour éviter aux communes la circulation automobile en transit ? Marseille qui n’en a pas et qui ne peut plus en construire est un gigantesque embouteillage dès 16 h 30 tous les jours, y compris les dimanches dès l’arrivée des beaux jours (nombreux dans le sud) à cause du retour des plages. À Paris, il faudrait le supprimer ? En attendant, il est envisagé de réduire sa vitesse à 50 km/h ? Ainsi, les usagers resteront encore plus longtemps au lieu d’en sortir. Mme Hidalgo veut aussi le « végétaliser » ; comme si les abords ne l’étaient pas déjà. Ça montre qu’elle ne le prend pas souvent. Elle veut y mettre des feux tricolores et des passages piétons. Le périf parisien est soit en tranchée, soit en viaduc. Quel piéton va descendre ou monter pour passer de l’autre côté ? Cela supposerait des escaliers et des rampes pour les handicapés. Et puis et surtout, il y a des constructions tout le long du périphérique, presque toutes sont des équipements collectifs et notamment des stades et, maintenant, des résidences pour étudiants. Ce n’est pas comme si les piétons progressant dans des rues perpendiculaires se heurtaient au périf qui imposerait des culs-de-sacs. On n’est pas à Berlin où l’on photographiait, autrefois, les rails de tramways butant contre le mur. Tout ceci est stupide et relève du fanatisme. Aucune voie existante n’a été gênée par le périf. On passe dessus ou dessous sans inconvénient. Seulement, là où il y a, aujourd'hui, des ralentissement et des circulations en accordéon, il y aura carrément des bouchons. En France, on ironise sur les ronds-points en oubliant que, partout, ils ont supprimé les bouchons urbains et, accessoirement, réduit les accidents et réduit leur gravité. Il faudrait donc en rajouter dans Paris, y compris sur une chaussée autoroutière ? L’autoroute A 86 ne peut prendre en charge le trafic du périphérique parisien. Elle est déjà saturée et depuis toujours. Son trafic s’effectue sur 2x2 voies seulement, qui s’insinuent dans l’urbanisation de la banlieue. Il n’y a pour ainsi dire pas de ligne droite ; ce qui signifie pas de visibilité. Ceux qui ne connaissent pas voient les panneaux au dernier moment, à la sortie d’un virage. La francilienne est aussi saturée. Là où c’est possible, on rajoute une 3e voie mais est-ce une solution pérenne ? Avec des gouvernements successifs qui n’ont eu de cesse de favoriser le transport routier, tant des marchandises que des voyageurs (les « cars-macron »), d’obliger Sncf à fermer des lignes et à freiner tous les projets de relance de la navigation fluviale, on ne peut que rajouter des véhicules dans Paris et les environs immédiats. Et puis, mondialisation oblige, tout le monde veut se faire livrer des produits venus du bout du monde à domicile. Bien sûr, lutter contre ce phénomène est moins spectaculaire que se faire photographier devant des maquettes montrant le périphérique avec plus d’arbres le long et des espaces agrandis par la magie des présentations à la presse.

 

Screenshot_2020-03-08 Circulation à Paris alors qu’un livre confirme la prise d’otage scandaleuse de la banlieue par Anne H[Curieusement, Mme Hidalgo (beaucoup citée ici car elle est aux affaires présentement) se focalise sur l’automobile mais ne parle jamais des livraisons. Mon dernier séjour à Paris, début décembre, a été pour moi un enfer. Je m’y suis senti étranger pour la première fois alors que j’y suis né et y retourne plusieurs fois par an. Maintenant, circulent (dans le meilleur des cas), s’arrêtent inopinément des véhicules de livraison en tout genre : du tricycle au camion en passant par les VTC. Tout le monde se fait livrer tout et n’importe quoi à n’importe quelle heure. Ça va de la bouffe à des petits colis qu’un mec dépose en laissant son véhicule au milieu du trafic, tout en continuant de jacter dans son smartphone coincé sous l’oreille et sans souci de la circulation. J’ai appris qu’en plus, ils sont géolocalisés et ne peuvent se permettre aucune pause ni détour.

Il me semble que Mme Hidalgo devrait plutôt faire la guerre à cette économie de la livraison à domicile plutôt que de vouloir planter des arbres en milieu urbain (attention j’adore les arbres et en ai plantés plusieurs dans ma vie et pas seulement chez moi) ou transformer les places de stationnement en pistes cyclables. On avait déjà l’écologie punitive. Si maintenant l’écologie est vue comme un moyen d’emmerder le monde, ça ne va pas faire avancer les choses dans le bon sens car il suffira à un candidat de proposer le contraire pour être élu. Déjà que nous voyons des régressions dans tous les domaines, si d’aventure il y avait une réaction sur l’air (hum?) de « l’écologie ça suffit », on aurait encore plus de soucis à se faire mais ça risque bien d’arriver. Tiens, ça me fait penser à quelque chose. À la fin des années 1970, les ruelles du Quartier Latin (rue de la Harpe, Saint-Séverin, de la Huchette etc.) ont été transformées en voies piétonnes avant d’être remises en circulation des années plus tard. Ça pourrait arriver pour n’importe quoi. Rien n’est plus réversible que la transition écologique.

 

On a beaucoup parlé des rats lors d’inondations qui les ont rendu visibles à une population jusque là épargnée par les réalités de la vie urbaine pour laquelle Paris se résume à leur appartement, leur lieu de travail et leurs lieux de divertissements (restaurants, cinémas etc.) qu’ils ne rejoignent pas en transports en commun (quelle horreur le commun!). Les habitués du métro voient, depuis toujours, les petits rongeurs se glisser entre les voies entre deux passages. Les autres ne connaissent les rats que par les dessins animés et les livres scolaires dont ils sont persuadés qu’ils ne reflètent pas la réalité mais se bornent à occuper plus ou moins intelligemment les élèves. Pour eux, en dehors de ça, les rats n’existent pas ou, du moins, pas à côté de chez eux. Pourtant, ils devraient se poser des questions. La prolifération récente des rongeurs est due essentiellement aux amas d’ordures sur les trottoirs, sur leurs trottoirs. Leur volume a augmenté du fait des livraisons qui sont pourvoyeuses d’emballages et de sur emballages. De plus, concernant les repas, on apprend par des enquêtes que les quantités non consommées sont énormes. Entre les magasins sommés de jeter des produits proches de la date limite et les consommateurs qui mettent un point d’honneur à ne pas finir leurs assiettes, on arrive à ces entassements qui font le bonheur des rats car, ce ne sont plus seulement les rebuts qu’ils trouvent mais les surplus et les invendus. Les invendus et les surplus s’expliquent aussi par des aspects extérieurs rebutants. Nombre de consommateurs n’acceptent pas des fruits et des légumes informes, sales, ou, d’une façon générale, ne correspondant pas à l’idée qu’ils s’en font. Dans cette démarche, on retrouve aussi bien les aisés qui rechignent à consommer des produits indignes d’eux, que les plus modestes qui ont l’impression qu’on ne les respecte pas. En attendant, les ordures s’entassent.

 

La nouvelle andouillerie écologiste consiste à exiger qu’on plante un arbre pour chaque naissance d’enfant. C’est poétique mais tout à fait absurde. D’abord, où les planter ? La plupart des rues ne sont pas assez larges pour ça, sinon ça aurait été fait depuis longtemps. Ensuite, les espaces verts ne manquent pas dans Paris, même s’ils sont inégalement répartis. On ne manque pas d’arbres en France. On a fait ça dans certains pays (dont Israël) parce qu’il y avait des étendues désertes et que la perspective d’avoir un bois laissait présager d’un retour des pluies. En plein bassin parisien, on ne manque ni d’arbres ni d’eau et c’est pour cela que la région est prospère depuis des millénaires. À côté de cela, les fontaines qui apportent de la fraîcheur, un débit apaisant sont en voie de fermeture au nom de la lutte contre le gaspillage. Fini le remplissage des petites bouteilles aux fontaines Wallace, du nom de ce mécène anglais qui a payé de ses deniers l’installation de fontaines publiques dans Paris afin que chacun ait accès à l’eau potable. Il est vrai qu’on veut faire la guerre aux bouteilles en plastique même si on les remplit aux fontaines ou au robinet. Les espaces verts, eux, sont en train d’être décloisonnés pour les intégrer à la ville. Ainsi, dé-clôturés, ils deviennent de simples voies piétonnes, des voies de passage avec juste davantage d’arbres et de fleurs et, par conséquent, ne sont plus protégés des « mobilités douces » qui envahissent l’espace.

De quoi parlons-nous ? De tous ces petits engins : trottinettes, mono-roues, planches et patins à roulettes (qu’on est prié d’appeler « skate » et « rollers »), vélos etc. avec lesquels on risque à tout moment d’entrer en collision. Sans compter ceux qui font leur jogging avec un casque sur les oreilles pour bien marquer leur non appartenance aux autres gens de la rue qui ne sont que des obstacles. De sorte que, désormais, les trottoirs sont encombrés par ce que la Maire appelle les déplacements doux mais qu’on se rassure, c’est électrique ! Ce refus de voir la réalité présente et quotidienne pour n’envisager qu’un très hypothétique futur sans voiture thermique caractérise la communication de l’actuelle municipalité qui est devenue une fin en soi. Tout n’est que « communication », c’est à dire esbroufe, terminologie peu courante ou détournée de son sens habituel : « mobilités » pour transports ou « déplacements doux » pour signifier qu’il faudra se servir de ses jambes.

 

Mme Hidalgo et son Conseil Municipal semblent très préoccupés par la pollution qu’ils contribuent à entretenir faute de prendre en considération les conséquences de leurs décisions apparemment bonnes pour la planète. Comme disait La Fontaine, « En toute chose, il faut considérer la fin ».

Prendre des photos des rues de moindre importance, interdites à la circulation, avec les piétons qui occupent tout l’espace, c’est très joli sur le papier. C’est oublier que la circulation est reportée sur les autres rues et que la pollution s’y concentre, provoquant les pics à répétition. En revanche, quid du métro parisien où la pollution est 30 fois supérieure à ce qu’elle est en surface ? À l’heure de l’épidémie de coronavirus, ce devrait être la priorité écologique et économique.

https://www.ouest-france.fr/environnement/pollution/paris-le-taux-de-pollution-jusqu-30-fois-plus-eleve-dans-le-metro-qu-l-air-libre-6261032

https://www.airparif.asso.fr/pollution/air-interieur-metro

https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/01/14/l-air-du-metro-pollue-lui-aussi_4347287_3244.html

embouteillages - parisLorsque la Mairie de Paris évoque le trom, c’est surtout pour se répandre sur le futur métro du grand Paris et sur les prolongements, sur l’air des relations améliorées avec la banlieue. En revanche, il n’est jamais question d’appuyer les demandes des Parisiens usagers de la ligne 13 qui n’en peuvent plus depuis une trentaine d’années d’être entassés. Le métro est encore un peu la vitrine de Paris ou, plutôt, le symbole de l’évolution administrative. En effet, sa nouvelle livrée comporte, à côté de l’opérateur, la RATP, le nom du donneur d’ordres, à savoir la Région sous la déclinaison « Île-de-France Mobilités ». Chose unique au monde : les transports en commun portent la marque et les couleurs de l’opérateur et pas de ses actionnaires. Peu importe. Ça veut surtout dire que les compétences en matière d’aménagement du territoire et donc du territoire parisien ont évolué. Avant de passer à la deuxième partie, rappelons brièvement quelques étapes :

 

 

https://www.apur.org/sites/default/files/documents/publication/documents-associes/134.pdf

 

plan de 1930 prévoyant des tours,

1954 : plan directeur de Raymond Lopez. Paul Delouvrier, super-préfet de Région sera chargé de l’appliquer quelques années plus tard. Il prévoyait des gratte-ciels et des voies urbaines au prix de la démolition de pâtés de maisons entiers pour faciliter la grande circulation. Les voies autoroutières sur berges faisaient partie des propositions qui ont été réalisées.

1967 : Paris-Match propose un numéro spécial pour présenter le visage de Paris en l’an 2000 avec plein de tours un peu partout

http://50ans.apur.org/fr/home/1967-1977/le-projet-daxe-nord-sud-1304.html

2002 : certaines compétences en matière de circulation sont transférées du préfet de Police au maire de Paris.

2016 : création de la Métropole du Grand Paris

 

 

On retrouvera la plupart des points évoqués ici en tapant dans la barre de recherches qui indiquera les articles déjà consacrés.

 

 

https://www.paperblog.fr/3817278/paris-championne-d-europe-des-embouteillages/

 

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