Coronavirus puisqu'il le faut
Il faut bien parler du coronavirus mais, comme d’habitude, abordons-le sous un angle différent. Il se trouve que, le dimanche 15 mars 2020, correspond également au premier tour des élections municipales, ce qui rend la chose encore plus cocasse. Pour rire un peu, voyons d’abord quelques mesures préconisées depuis plusieurs jours.
On conseilles aux personnes âgées de recourir à une procuration pour aller voter : comme ça, c’est un autre qui prend le risque !
Au jour le jour, on recommande de se saluer en se donnant du coude : pourquoi faire simple (un signe de tête) quand on peut faire compliqué ?
Un peu avant, on nous avait dit qu’il fallait tousser et éternuer dans son coude. Par conséquent, on ne va pas se serrer la main (pouah!) mais se toucher les coudes où l’on a concentré ses postillons et autres miasmes.
Et le télétravail, solution à tous nos maux pour éviter que l’économie ne s’arrête totalement ? On cherche des locaux mis à disposition pour favoriser le télétravail car tout le monde n’est pas équipé chez soi. Ainsi, au lieu d’aller au bureau, on va tous dans un endroit où l’on pourra télétravailler ensemble et profiter de la bureautique.
Continuons l’exposé des andouilleries inspirées par le coronavirus. D’abord, le nom : selon que vous écoutez les médias nationaux ou les médias privés, on emploie « coronavirus » pour les premiers et « covid 19 » pour les autres. Est-ce que ça veut dire que les premiers sont plutôt conservateurs pour employer un terme qui a servi pour d’autres maladies passées ou bien est-ce que dans les autres, il y a beaucoup de journalistes qui se contentent de répéter ce qu’ils lisent sur les dépêches ? La réponse mériterait d’être cherchée car elle nous instruirait sur le niveau des rédactions. Coronavirus est le nom du virus tandis que covid 19 est le nom de la pathologie.
La crise du coronavirus va nous proposer un festival de mesures et de consignes à peu près intelligentes mais appliquées sans aucun discernement. Notre pays est magnifique ! Il excelle dans la paperasserie, les règlements et autres circulaires appliquées à la lettre par des fonctionnaires zélés. Ils sont d’autant plus zélés que le doute ne les habite jamais et qu’ils ne se posent aucune question sur la finalité des mesures ni, encore moins, sur leur efficacité. En cela, ils illustrent parfaitement l’expérience de Milgram. Chacun exécute sa tâche sans s’interroger quitte à ce que ça aboutisse à une monstruosité. Fort heureusement, ça arrive rarement mais, au quotidien, on obtient des situations parfois qualifiées de kafkaïennes et, en tout cas, ou l’absurde le dispute à la persécution. Je défends suffisamment, sur ce blog, le style de vie français et la beauté de la France pour pouvoir dénoncer, chaque fois que nécessaire, les absurdités nées de la mentalité française.
Il y a quand même des voix, peu audibles il est vrai, pour rappeler que se laver les mains devrait être la base, le minimum exigible même en temps ordinaire. Il revient à ma mémoire une émission de Stéphane Bern, sur Inter, il y a quelques années maintenant, qui s’appelait « Le fou du roi ». Pour équilibrer un peu, il invitait toujours, au milieu d’un aréopage d’humoristes (ainsi présentés), l’auteur d’un ouvrage un peu sérieux. Ça permet au public de se dire : oh, mais on apprend des choses ! Une fois, donc, était sur le plateau un médecin qui avait écrit un bouquin de recommandations pour une meilleure hygiène au quotidien. Tout le temps qu’il était interrogé, il n’a pas arrêté de se faire ridiculiser. Pensez, il répétait qu’il fallait se laver les mains ! Pourtant, il n’est pas difficile de comprendre que les poignées de portes sont les centres de transmission de toutes les maladies et infections possibles. Or, le personnel de nettoyage ne s’occupe jamais des poignées de portes. On se concentre sur le sol car la boue offusque le regard. Personne n’ira jamais regarder les poignées de portes. C’est bien ce qui s’est passé dans mon bureau de vote tantôt, avec l’incompréhension qui se lisait sur les regards du président et autres assesseurs. De quoi parle-t-il ? Il y a un flacon de gel hydroalcoolique, ainsi qu’il en fait obligation. Il fait partie de ceux qui râlent tout le temps et il n’y a pas obligation de nettoyer les poignées de portes.
Jusqu’à présent, personne, PERSONNE, n’a cru bon rappeler que, si l’on avait appliqué ces mesures auparavant, on n’aurait probablement pas eu de propagation de ce virus. Se laver les mains, éviter de tousser sans retenue n’est pas évident pour tout le monde. Ainsi, ai-je vu, très récemment, une adolescente tousser sans mettre sa main devant la bouche dans une bibliothèque. On peut raisonnablement supposer que jamais personne ne lui a appris à mettre sa main devant la bouche quand on tousse ou qu’on éternue. Le problème, c’est que ce cas est très loin d’être isolé. Entre l’éducation succincte de beaucoup d’enfants, l’éducation qui s’interdit d’interdire quoi que ce soit, le mépris pour tout ce qui s’assimile à un règlement, une morale ou toute forme de contrainte, il n’est pas du tout étonnant qu’un virus nouveau se propage aussi facilement.
Aujourd’hui, la crise fait peur et suscite des réactions de zèle irréfléchies. Chacun y va de sa dénonciation d’une incohérence. Comment se fait-il que certains commerces soient encore ouverts et pas d’autres ? Pourquoi le marché du dimanche n’a jamais été aussi bondé alors que les gens craignent d’aller voter ? Les gens sont-ils irresponsables d’aller prendre le soleil sur les bords de la Seine à Paris quand plane le virus fatal ? Lorsque tout sera terminé, quelle que soit la durée, on aura vite fait de tout oublier, comme d’habitude. Quand on tentera de faire laver les mains ou désinfecter un peu, la réponse sera invariablement : oh, eh, ça va à présent, y a plus de coronavirus, y a plus besoin de tout ça ! Exactement comme un jeune conducteur déjà cité qui ne comprend pas pourquoi il faudrait encore respecter le code de la route puisque l’examen est passé.
Maintenant, les précédentes crises sanitaires, pourtant de moindre importance, nous ont enseigné que, en la matière, quoi que fasse le Gouvernement, il a tort. Qu’il prenne des précautions démesurées et l’opposition s’insurgera contre une nouvelle mesure gouvernementale, à contester par principe. Qu’il n’en prenne pas assez (tout est relatif), et il sera accusé de ne pas prendre la mesure de la crise. Après coup, il est encore plus facile de critiquer les mesures inutiles ou celles qui n’ont pas marché. Surtout, on aura tendance à minimiser. Rappelons-nous la tempête Xinthia qui avait vu les victimes de l’inondation se plaindre, à juste titre, pendant des jours puis, quand le Gouvernement a décidé de les reloger plus loin, protester et faire remarquer que c’était exceptionnel et qu’il n’était pas question de déménager pour un peu d’eau, d’ailleurs vite séchée.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/03/01/17087192.html
Observons aussi l’audience record pour une allocution d’un PR, qui plus est, impopulaire. Comme si, en période de crise, on se réfugiait auprès du papa, même s’il sent un peu la chèvre. Observons aussi que tout le monde attendait des aides de l’État car, bien que personne ne veuille payer d’impôts et applaudisse à chaque baisse ou suppression, on attend toujours que l’État vienne au secours de tout le monde.
La radio, Inter en l’occurrence, découvre que nombre d’intervenants peuvent bien rester chez eux pour faire leur boulot. Tous ces chroniqueurs peuvent parfaitement utiliser leur téléphone pour lire leur petit papier. Il est particulièrement absurde de faire venir quelqu’un, payé au cachet, pour débiter son petit laïus pendant moins de 5 mn et repartir aussitôt après. C’est à se demander si la vidéo conférence a été inventée. Il faut cette crise sanitaire majeure pour découvrir que le monde a changé et qu’on peut vivre, travailler, étudier autrement qu’en se déplaçant, qu’en faisant acte de présence alors que, parfois, on ne fiche rien. On ne fiche rien parce qu’on est fatigué ou parce que, à telle période de l’année, pour différentes raisons, la tâche est moindre. Seulement, il faut être présent et respecter les horaires à la lettre, quitte à passer une demi-heure devant la machine à café. Oui, mais, « on est là ! ». Déjà la réduction du temps de travail avait induit des aménagements d’horaires qui ont permis de travailler à son rythme et d’en faire plus, par exemple, quand les circonstances l’exigeaient quitte à compenser un autre jour en partant plus tôt. Nombre de femmes savent que, lorsqu’elles quittent le boulot pour aller chercher leurs enfants, les hommes qui restent les regardent d’un air entendu alors même qu’elles ont fini leur travail tandis que les hommes papotent ; oui, mais, partent plus tard et se font bien voir de la direction et obtiennent plus facilement des promotions. À notre époque, la plupart des emplois de bureau peuvent s’effectuer de chez soi. Peut-être que, là aussi, si l’on y avait pensé plus tôt, on aurait diminué l’affluence dans les transports qui favorise la propagation de toutes les maladies.
Cette crise illustre parfaitement la stratégie du choc de Naomi Klein à laquelle nous nous référons souvent. La crise du coronavirus apparaît comme un choc utile à changer les façons de voir. Nous venons d’y faire allusion pour l’organisation du travail. Il faut ajouter un autre gros morceau déjà un peu abordé dans le passé, à savoir la formation et l’instruction publique. En clair, c’est l’occasion de tester, grandeur nature, à l’échelle d’un pays tout entier, de nouvelles manières d’étudier. Un seul prof pourrait dispenser ses cours à distance, interagir avec ses élèves qui resteraient à la maison. On n’y est pas encore mais se profile une école sans profs qui sont toujours absents, en grève, en formation ou en vacances et, surtout, sans ces bâtiments qui ruinent les collectivités locales. Déjà, la pléthore d’officines plus ou moins sérieuses (plutôt moins que plus) qui proposent des cours particuliers en faisant miroiter une réduction d’impôts (ça marche toujours en France) sont dans les starting-blocks. Elles n’attendaient que ça. Que la crise se prolonge quelques mois et l’on pourra dire qu’il y aura un avant et un après et que la crise accélérera nombre de processus en attente ou déjà engagés.