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la lanterne de diogène
26 mars 2020

Uderzo et après

Al Uderzo s’en est allé quelques heures après Manu Dibango vite éclipsé. Il n’y a rien de pire pour une célébrité que de mourir le même jour qu’une autre, plus célèbre.

Coïncidence, sur les conseil d’un ami, je venais de relire les Oumpah Pah, première série du duo Gossiny et Uderzo. Pourtant, alors qu’elle n’a pas rencontré son public, on y trouve à peu près tout ce qui fera le succès d’Astérix, comme la caricature des langages (de la noblesse et de la paysannerie), l’imitation des accents, les jeux de mots, les clichés grossiers. Plus intéressant encore, on trouve ce qui est probablement le principal moteur du succès mondial d’Astérix, à savoir le génie de Gossinny qui, en plus des ingrédients bien connus, consiste à truffer les planches de petits apartés rédigés de telle manière qu’on croit qu’il s’agit d’une véritable référence historique alors que ça n’est qu’une plaisanterie. Exemple : « La danse « j’ai vu » faisait partie des coutumes des peaux-rouges (...) » avant d’introduire une parodie de la capture du prisonnier. On le verra souvent dans Astérix où les repères historiques sont légion (romaine) comme le nez fracturé du sphinx.

Dérib - hommage à Uderzo (Branko Djukic‎)

Nous avons attiré l’attention, à plusieurs reprises sur le décalage entre l’intention de Gossinny qui était de se moquer des Français dans la France de l’après-guerre, encore sous le coup de l’armée d’occupation et la réception par le public qui a trouvé dans Astérix, le prototype du Français bourré de qualités et d’ingéniosité avec quelques défauts mais, somme toute, sympathiques ( Simpatix ? ). Si les Romains voulaient caricaturer l’ordre et l’administration allemands, ils ont vite été vus comme les représentants de l’État centralisateur et policier quand Astérix et ses compatriotes mettent en œuvre force astuces pour échapper à l’autorité et à la loi, ainsi que chaque Français tente de le faire plus ou moins : le Français débrouillard !

L’ambition de Gossinny était d’imposer une nouvelle forme d’humour dans la BD qui, jusque là, se limitait, à l’instar des « comics » des États-Unis, à des gags au premier degré. D’où le recours aux références historiques et littéraires, aux citations, aux expressions latines et étrangères. Pas sûr que ce soit, d’ailleurs, ce qui plaît le plus, surtout chez les jeunes lecteurs, mais c’est néanmoins cela qui a fait respecter la série. De nos jours, on retrouve cette veine dans les derniers Lucky Luke, dessinés par Achdé et scénarisés par Jul qui oblige, lui aussi, à lire et relire les albums pour déceler les allusions subtiles, à la manière du meilleur Gossinny.

 

De même, quand on relit Le petit Nicolas, on retrouve d’autres thèmes de prédilection de Gossinny, le gros (ou le maigre Averelle) qui bouffe tout le temps et les bagarres comme passe-temps. Arrêtons-nous un instant sur les bagarres. Dans le Le petit Nicolas, les bagarres ne portent jamais à conséquence. Elles finissent comme elles ont commencé. Les personnages se relèvent et toujours bons copains. Dans Astérix, les bagarres sont autrement plus violentes mais, malgré la potion magique qui rend invincible, on ne compte aucun mort. Il faudra le dernier tome, « La fille de Vercingétorix » pour qu’un personnage négatif meure pour de vrai mais, hors champ. Néanmoins, bien avant les jeux vidéos qui habituent le jeune public à des morts virtuels, Gossinny montre des bagarres d’une grande violence mais sans aucune blessure grave. Ainsi, plusieurs générations ont pris l’habitude de considérer les bagarres et les guerres comme des passe-temps et des amusements. Elles permettent aussi au dessinateur Uderzo de déployer son talent dans l’affluence de personnages. C’est tout le contraire d’Hergé qui détestait la violence et se débrouillait pour la faire sortir du champ comme l’attaque des pirates sur la Licorne dont on devine que c’était un massacre horrible mais habilement dissimulé derrière un écran de fumée. Un peu plus tard, le dynamitage du vaisseau avec les pirates est observé de loin. On suggère que la grande violence faisait partie du quotidien quand, dans Astérix, elle est transformée en amusement.

bagarre

 

IMGÀ y regarder de près, on trouve aussi dans Oumpah Pah, les principaux personnages repris dans les autres séries dessinées par Uderzo. Il est évident que le chevalier de La Pâte Feuilletée a servi de modèle pour Ernest Laverdure et pour Assurancetourix, trois blonds aux nez pointus comme leur dessinateur, qui prétendent posséder des talents de chanteurs qui ne sont pas reconnus par leurs proches. Quant à Oumpah Pah, son visage et même la plupart de ses expressions serviront de matrice pour Tanguy. On entend, en écoutant les hommages au dessinateur génial, qu’Uderzo était mal à l’aise – de son aveu – avec la série réaliste Tanguy et Laverdure. Il est intéressant de noter que les séries réalistes qui ont été reprises montrent un changement de style qui déconcerte les lecteurs ou, plus rarement, les ravissent. Les deux personnages éponymes s’éloignent de plus en plus des modèles de base et Jijé a fait du Jijé et du meilleur Jijé. Quant à Astérix et Obélix, ils sont les décalques exacts de Crapaud Haineux et de Petit Front, jusque dans leurs mimiques.

En revanche, il n’y a jamais eu de ratage - sur le plan du dessin - dans la reprise des séries comiques. Le meilleur exemple est Spirou et Fantasio, commencée avant guerre et qui n’a connu aucun raté sur le plan du dessin. Tout le monde s’accorde pour célébrer Franquin comme le meilleur de tous mais les autres ne déméritent pas et il faut signaler l’album, à ce jour unique, signé Tome et Janry avec un style qui hésite entre comique et réalisme mais avec un véritable scénario qui pose des questions : « Machine qui rêve ». On peut penser que le public des histoires de Champignac n’a pas adhéré à ce thrillerquelque peu effrayant.

Tintin est dessiné par d’autres dessinateurs depuis « Le trésor de Rackam le Rouge », Lucky Luke a connu des ratés, mais tous les dessinateurs ont bien adopté l’univers et les codes graphiques de Morris. Astérix a été repris, il y a peu, par un duo de talent et, avec des hauts et des bas sur le plan scénaristique, mais les dessins sont de la même veine. D’ailleurs, Frédéric Mébarki se chargeait déjà d’illustrer les produits dérivés d’Astérix.

https://www.franceinter.fr/emissions/le-grand-entretien/le-grand-entretien-24-mars-2020

Dans les séries réalistes, on voit bien la patte du repreneur avec plus ou moins de bonheur. En d’autres termes, les séries comiques sont plus faciles à refaire, à condition qu’il y ait un bon scénario. On sera d’autant plus exigeant. C’est pour ça qu’on a du mal à comprendre le raté de Michel Vaillant où, pourtant, les personnages principaux ont tous le même visage rectangulaire avec juste la chevelure qui change, un peu comme dans les jeux qu’on trouvait autrefois dans les illustrés quand il fallait habiller ou coiffer des personnages à découper.

 

oumpah tanguy

Uderzo est un monument. La moindre critique n’a donc aucune incidence. Par conséquent, nous pouvons rappeler quelques faiblesses comme l’introduction de personnages réalistes au milieu des « gros-nez » et, notamment, son incapacité à dessiner des personnages féminins comiques. L’épouse sulfureuse d’Agecanonix domine d’une bonne tête la plupart des hommes du village et ne parlons pas de Falbala. Tragicomix se distingue aussi et que dire du personnage masculin du « Grand fossé » entouré des villageois qui lui arrivent au genou, idem pour Maestria. Ensuite, il a fallu l’échec du « Ciel lui tombe sur la tête » pour qu’on ose, enfin, dire que ses reprises étaient navrantes. Déjà, les derniers scénarios de Gossinny étaient des resucées : il manque un ingrédient dans la potion magique et nos deux héros partent à sa recherche ou bien le village doit protéger une personnalité. Il n’est pas facile de trouver des histoires nouvelles et de les insérer dans univers archi connu. En fait, le public a toujours marché parce qu’il est tout simplement content de retrouver ses personnages préférés.

 

Uderzo est mort

 

On relira

Notre ancêtre Astérix

Astérix a trouvé Alésia

...à l'image d'Astérix

Astérix le gaulliste ou l'Histoire officielle

L'administration contre Uderzo

 

 

https://www.writeups.org/tanguy-laverdure/

https://www.bedetheque.com/BD-Oumpah-Pah-Tome-1-Oumpah-Pah-le-Peau-rouge-1285.html

 

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