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la lanterne de diogène
15 avril 2020

C'est Sophia Aram qui le dit qui l'est

Il fallait s’y attendre. Avec la délation à la petite semaine et autres joyeusetés, on entend un peu tout le monde balancer sa solution pour venir à bout de la pandémie de covid 19. Le reste du temps, on appelle « diagnostique fulgurant », la réponse apportée in petto par ton interlocuteur quand tu lui avoues souffrir de quelque chose. Sans même t’examiner, connaître tes antécédents, il sait, lui ou elle, ce dont tu souffres très exactement et ce qu’il faut pour guérir. Nous en avons déjà parlé mais ce préambule introduit bien notre sujet.

On croyait que, sur Inter,la suspension de la chronique des humoristes puis leur reprogrammation une heure plus tard – et l’on se demande bien pourquoi – avait permis à certains de retrouver le sens de l’humour, aidés par une situation qui rend dérisoires leurs habituelles ficelles consistant à parler des parties du corps qui font rire les Français à tout coup, à tirer sur des ambulances, à régler ses comptes avec des personnalités qui, elles, ont du succès, à dézinguer l’invité politique. On en revenait aux fondamentaux mais pas pour longtemps puisque, ce lundi 13 avril 2020, Sophia Aram retrouve ses vieux démons. Le plus fort, c’est qu’elle commence un peu comme nous venons de le faire, en dénonçant la propension de tout un chacun à s’ériger en spécialiste de la chloroquine. Prêtons l’oreille, ça va devenir intéressant. Las, un premier lapsus sur le sras au lieu du covid 19 (à moins que pour elle ce soit pareil) ouvre des propos incohérents mais, finalement, qui portent la marque connue de l’auteure. Voici qu’elle met Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Jean-Marie Bigard, Donald Trump comme des exemples types de personnes qui, selon elle, n’y connaissent rien mais ont un avis sur la chloroquine. Elle rajoute que « Valérie Boyer déblatère sur le bien fondé des essais cliniques, même Franz-Olivier « fucking » Giesbert invente pour l’occasion le concept « d’efficacité incontestable non prouvée scientifiquement ». Ces deux derniers devant, selon elle, achever de convaincre l’auditeur du bien fondé de sa dénonciation. Puis, elle avoue – et c’est tout à son honneur – qu’elle n’y connaît rien sur la chloroquine mais qu’elle la considère comme un « révélateur de crétinerie » ; ce qui n’est toujours pas faux. Alors pourquoi s’énerver ?

Raoult - moyens« Vous prononcez le mot « chloroquine » et ils rappliquent tous avec leurs pétitions nauséabondes, leur démocratie sanitaire, leur éthique pleine de miasmes et leurs sondages expérimentaux. Pire, leurs témoignages chevrotants ne sachant plus très bien s’il doivent la vie à la chance ou à leur croyance dans les statistiques hasardeuses d’un traitement qu’ils revisitent à l’aune de leur dévotion envers Didier Raoult dont seule l’Histoire nous démontrera s’il s’agissait d’un scientifique déguisé en druide ou l’inverse ».

 

Tout ça pour en arriver là ! On passe encore sur l’accumulation de locutions dont le but est de remplir afin que la chronique ne soit pas trop courte. À ce stade, on ne comprend pas tout ce qui précède puisque, après avoir dénoncé tous ceux qui donnent leur avis sur le traitement à la chloroquine sans rien y connaître, elle se permet, elle, de le faire, mais sans doute estime-t-elle qu’elle possède la légitimité pour le faire. Plus fort encore, la longue citation insinue clairement qu’elle le considère comme un mystificateur : témoignages chevrotants, statistiques hasardeuses, dévotion (donc manifestation d’adoration, donc émotion) pour quelqu’un présenté comme un charlatan. Pour elle, c’est un farfelu, un illuminé qui croit pouvoir guérir une pandémie en buvant une tisane de sa préparation.

Cependant, ce n’est pas ce qui motive ces lignes mais le raisonnement, finalement assez répandu, qui considère toute personne qui apparaît à la télévision sur le même pied d’égalité. Déjà, au début de sa chronique, Sophia Aram met à égalité des personnalités politiques nationales, un chef d’État étranger et un humoriste. Notons que pour faire contre-poids à Le Pen, elle met deux personnalités de gauche. Il faut bien ça : 2 gauches pour 1 extrême-droite. Passons sur la logique qui la fait citer Bigard et Trump à la suite des autres. Valérie Boyer (qui c’est celle-là?) citée pour qu’il y ait aussi quelques femmes. Franz-Olivier Giesbert sans doute en raison de la longueur de son nom pour remplir mais pourquoi « fucking » ? Cependant, ce qui est intéressant dans son raisonnement, c’est qu’elle ne reconnaît aucune autorité à quelqu’un qui est au minimum médecin (8 ans d’études supérieures minimum), spécialiste (encore 2 ou 3 ans de plus) et dont les travaux et les compétences lui ont valu la direction d’un Institut Hospitalier Universitaire dans la 2e ville de France. Comme n’importe quelle pipelette, Sophia Aram se permet de douter des compétences d’une sommité en raison de son faciès, et de se demander s’il est un druide (= un sorcier, un imposteur) ou un scientifique. Elle ne demande pas depuis combien de temps il est descendu de son arbre où il coupait le gui mais tout juste. Les vieux clichés. Or, dans le passé, nous avions déjà été époustouflé de l’entendre traiter Mme Audrey Pulvar (qui officiait sur Inter) de, je cite, « petite consœur », considérant que le fait de parler dans un micro les mettaient à égalité toutes les deux.

Sophia... elle rame

C’est un lieu commun de rappeler que la télévision est une redoutable machine à niveler et que, pour la plupart des téléspectateurs, ceux qui passent à la télévision, outre qu’ils sont soupçonnés de ne pas travailler vraiment et de jouer de leur physique, font tous plus ou moins la même chose, qu’ils soient présentateurs, animateurs, journalistes, experts, invités, acteurs, sportifs, personne politique, Président de la République, etc. Tout ça c’est pareil, c’est de la télévision et s’ils ont une bonne tête, ils sont bien mais sinon, ils n’ont évidemment aucune qualité.

Donc, pour Sophia Aram qui n’a besoin d’aucun diplôme (même si elle en a) pour déblatérer pendant 5 minutes toutes les semaines, un éminent spécialiste en maladies infectieuses et tropicales – critiquable certes – est au même niveau que Michel Cymes qui lui même est au même niveau que Patrick Cohen, Yves Calvi, Laurent Delahousse, Ali Rébeihi ou elle-même. L’Internet a sans doute amplifié cette tendance à tout mettre à égalité et à ne reconnaître aucune compétence, aucune autorité, aucune qualité. Si la télévision met tout le monde au même niveau, l’Internet permet l’exclusion et la disqualification. On mettra à l’écart les plus compétents en les accusant non seulement de ne pas l’être mais de défendre un groupe, des intérêts hostiles à la cause qu’on défend soi-même. Enfin, chacun se sent légitime à critiquer tout le monde et diffuser sa bonne parole. Le succès du complotisme vient de la suspicion systématique : votre conclusion me déplaît (car elle dessert mes intérêts ou ceux de mes amis) donc, je vous dénie toute compétence et j’en appelle à interdire votre expression publique au nom de la défense de mes amis.

Bien sûr, Sophia Aram ne défend aucun groupe en particulier. Sa démarche consiste plutôt à se croire plus intelligente puisqu’elle se prétend capable de maîtriser le sujet de l’infection au coronavirus et de discréditer les travaux d’un des plus éminents spécialistes de la question en ironisant sur les résultats positifs qu’il a obtenus. Le fait même d’en parler pose qu’on est plus intelligent que la moyenne et même un peu plus que le professeur Raoult. La preuve, c’est que la première radio de France lui confie une chronique hebdomadaire depuis des années. On peut même suggérer que c’est grâce à de telles intelligences qui s’exprime au micro que les auditeurs sont aussi nombreux à écouter. 4 millions écoutent la matinale, si l’on en croit les 30 000 personnes interrogées. N’empêche, ce nivellement, ce dénigrement perpétuel au fil des nombreuses chroniques qui ont envahi les antennes depuis des années, continue ce travail malfaisant qui réduit à néant des travaux scientifiques en les exposant à la vindicte de pitres qui n’ont que cette solution pour se maintenir. La liste serait longue de tous les chroniqueurs en vue désormais tombés dans l’oubli après avoir causé parfois des dégâts.

hôpital public

Cette chronique à charge contre le Pr Raoult traduit bien le travers typiquement français qui consiste à mépriser ceux qui gagnent et préférer les seconds, voire les perdants. Autre travers bien français, c’est le formatage universitaire qui dénie à tous ceux qui travaillent en dehors, le droit de faire des recherches utiles et à disqualifier systématiquement tous leurs résultats. En France, on aime ceux qui perdent et, surtout, ceux qui n’obtiennent pas de résultats.

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Commentaires
J
Je ne connais pas Sophie Aram (à te lire, je ne perds rien). La question qui me vient à l'esprit en te lisant, Diogène, est une de ces questions fractales qui n'appellent pas de réponse, en ce que la réponse en est par trop évidente : <br /> <br /> <br /> <br /> quelle est l'utilité de pareils amuseurs, qui les embauche, sur quels critères, quel est le montant de leur cachet ? <br /> <br /> <br /> <br /> Sur ce dernier point, je doute que les dames qui tiennent les caisses de mon petit supermarché en ces temps confinés, qui pour certaines sont des jeunes mères de famille, pour d'autres de jeunes grand mères, je doute que ces dames dûment masquées et gantées gagnent à elles toutes l'équivalent de ce qu'un.e seul.e de ces amuseurs.ses assermenté.es se fait en un mois de chroniquettes. <br /> <br /> <br /> <br /> Une Sophie Aram c'est un produit interchangeable. Tel jour sur une scène parisienne complaisante, le lendemain rôle-titre d'une téléréalité, le surlendemain présentatrice d'un talk-show, chroniqueuse à Télé-Matin, chez Hanouna, Ruquier, Drucker, tireuse à la ligne dans Libé, Femme Actuelle, Gala, fliquette, infirmière ou assistante sociale dans une série télé franco-française, second rôle dans un film de série B, auteuse de best-seller... elle peut n'être qu'une ou deux de ces spécialités à la fois où en commettre trois ou quatre dans le même temps, et ce, tant que son nom fait vendre. Une Sophie Aram, c'est un produit de conso. <br /> <br /> <br /> <br /> Je te cite, Diogène : "C’est un lieu commun de rappeler que la télévision est une redoutable machine à niveler et que, pour la plupart des téléspectateurs, ceux qui passent à la télévision, outre qu’ils sont soupçonnés de ne pas travailler vraiment et de jouer de leur physique, font tous plus ou moins la même chose, qu’ils soient présentateurs, animateurs, journalistes, experts, invités, acteurs, sportifs, personne politique, Président de la République, etc. "<br /> <br /> <br /> <br /> La réflexion qu'on se fait, et elle porte sur les médias en général, c'est que ces "voix autorisées" gagnent plus de fric en une heure de temps que le téléspectateur moyen en six mois de labeur. La télé n'est pas qu'une machine à niveler, c'est la Pierre Philosophale des alchimistes contemporains : elle transmute la m... en or. D'où sa perte de crédibilité. Elle est affaire de happy fews d'un système structuré par le fric où à peu près n'importe qui, pourvu qu'il dispose des réseaux adéquats, sera tour à tour journaliste, présentateur, chanteur, expert, acteur, cinéaste, théâtreux, sportif, écrivain, politicien, Président de la République ou tout cela à la fois, et forcément invité partout où sa présence fera vendre de l'espace publicitaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Heureusement quelques voix émergent et se placent au-dessus de cette fange bigarrée, tel un André Bercoff que j'ai redécouvert ces jours-ci à la faveur du confinement. Elles se distinguent par leur approche critique, non pas surjouée comme c'est le cas de ce Jean-Jacques Bourdin, que je situerais en tant que porte-parole des beaufs au sein de la propagandstaffel courtisane, mais dans le souci de faire son boulot d'informer sans faire trop de concessions. Élise Lucet, André Bercoff ont un certain âge et pas grand chose à perdre. Leur route est tracée et ils ont avec eux le public qu'ils veulent toucher. En marge, il y a ces enquêteurs free-lance issus du mouvement des Gilets-Jaunes, dont je ne citerais qu'un certain Gabin, qui est très suivi sur les réseaux sociaux. Restent les lanceurs d'alertes, dont je ne sais pas grand chose, passant peu de temps sur les réseaux précités, mais dont me parle abondamment mon entourage plus "connecté". <br /> <br /> <br /> <br /> Nietzsche, comme avant lui Sherlock Holmes, distinguait les faits de leur interprétation. L'actualité, l'info, ce sont des faits interprétés le plus souvent au diapason de l'idéologie dominante. Il se passe ceci, on en parle comme cela, selon l'angle imposé, déterminé, choisi. l'information que l'on reçoit d'un fait sera donc étrangère au fait dont il est question. Elle est passée par une multitude de filtres. Il n'est qu'à se souvenir du "Tramway" de Raymond Queneau, où chaque passager d'un tram apporte un témoignage différent d'un accident de la circulation auquel il a assisté depuis la rame. Au bout du compte, on a l'impression qu'aucun d'entre eux n'a vu se dérouler le même évènement. <br /> <br /> <br /> <br /> Raoult, c'est un archétype parmi les archétypes familiers des situations de péril collectif. Ce schéma tu le retrouves dans la plupart des films-catastrophes réussi. Il y a le financier véreux entouré d'une cour aussi corrompue (le promoteur du building, dans "La tour infernale", joué par Robert Vaughn), il y a les courageux rôles secondaires, petites mains qui se portent au secours des plus vulnérables (les hôtesses de l'air et les stewards dans les scénarios de crash aérien et d'avions détournés), et il y a l'anti-héros excentrique et hors-système qui va tirer son épingle du jeu, qu'on va aller chercher à contre-coeur parce qu'on a compris qu'il est à la hauteur de la situation (le mafieux Russe qui embarque les survivants dans son avion géant dans "2012", le pompier froid et antipathique joué par Steve McQueen dans "La tour infernale", l'ancien évadé d'Alcatraz interprété par Sean Connery dans "Rock". ). <br /> <br /> <br /> <br /> On est dans ce schéma. Raoult obtient des résultats qu'il sait critiqués, il a pour lui d'être une sommité internationale et d'avoir gagné l'aval du grand public non parce qu'il se situe hors du système et qu'il cultive un look de viking, mais parce que les résultats qu'il produit sur le traitement du Covid-19 sont sans cesse démentis, voire détournés par une bureaucratie (ARS) qui est une émanation du système en place, et les médecins qui conseillent un gouvernement désavoué, lesquels sont connus pour leurs accointances avec les multinationales pharmaceutiques. <br /> <br /> <br /> <br /> La suite du scénario, on la vivra sans trop se soucier de ce qu'en feront les parleurs attitrés et les "fous du roy" assermentés désireux de s'allier des faveurs vouées à perte, puisqu'on nous dit que "le jour d'après" (autre film-catastrophe), ne sera pas le jour d'avant (lapalissade qu'on ne doit pas à un amuseur, loin s'en faut !).
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