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la lanterne de diogène
5 mai 2020

coronavirus et médias

La publication des résultats d’audience au premier trimestre 2020 conforte nos analyses précédentes.

https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-audiences-radio-france-inter-leader-les-chiffres-affectes-par-le-confinement-6804061

M. Ali Badou qui officie exceptionnellement ce jeudi 9 avril aux commandes de la matinale annonce avec fierté que son employeur, Inter, est toujours la première radio de France avec 7 millions d’auditeurs dont 4 millions et demi rien que pour la matinale. Cocorico !

M. Badou avait sans doute d’autres motifs de fierté ce matin-là puisqu’il recevait Mme Christine Lagarde, présidente de la BCE, des gens qui ne sont pas accessibles facilement.

À chaque fois, nous mettons en doute les résultats d’audience vu que la population de moins de 50 ans ne connaît même pas le nom des radios généralistes. La dernière fois, nous sommes tombés de la chaise en apprenant qu’on interroge 30 000 personnes et qu’on en déduit qu’il y en 7 millions qui écoutent ces radios qui n’ont plus la cote auprès du public mais qui conservent, il est vrai, une grande influence, notamment grâce aux entrevues politiques. Audience des radios : comment croire ?

 

Screenshot_2020-05-05 Culture, l'état d'urgence comment sauver la culture face à la crise Le cas du théâtreDonc, le gros morceau est le fameux coronavirus qui bouleverse les antennes des généralistes. D’abord, Inter a réagi immédiatement en proposant 2 heures de « Téléphone sonne » en lieu et place de la session de 18 h à 20 h. Ensuite, le lendemain, M. Ali Rébeihi a doublé son temps d’antenne pour faire une grande émission de services. Assez rapidement, cependant, son « Grand bien vous fasse » est devenue un fourre-tout puisqu’on lui impose d’accueillir les humoristes de la matinale et de parler un peu de la télévision au temps du confinement. Pourquoi les humoristes passent-ils une heure après leur horaire habituel ? C’est que, à leur place, M. Augustin Trappenard lit une lettre d’un écrivain contemporain à propos… du coronavirus. On aurait pu penser que les humoristes pourraient intervenir comme d’habitude et que M. Trappenard pourrait lire sa lettre un peu avant 10 heures, presque à son horaire habituel. Tout est fait pour qu’on n’oublie jamais qu’il y a pandémie et qu’on ne doit plus vivre de la même façon. Donc, depuis l’imposition du confinement, quasiment toutes les émissions sont déplacées. Certes, on comprend qu’il faille faire place à l’information, mais pourquoi remplacer une émission par une autre de même durée et envoyer la première à un horaire improbable ? On comprend que Radio France tourne avec environ 60 % de personnel en moins dont seulement 10 % de présents sur place mais il y a pléthore d’émissions rediffusables. À ce propos, pourquoi avoir supprimé « France Inter + » pour repasser « Grand bien vous fasse » ? Pourquoi plus aucune émission ne se trouve à son horaire habituel ?

En plus, les bouleversements des antennes donnent lieu à un festival de sottises, de bafouillements, d’approximations. Visiblement, les jeunes journalistes découvrent un monde complexe, des pays qu’ils ne connaissent pas, des faits historiques qu’on n’a pas dû leur enseigner à Science-po, des termes scientifiques. Ainsi aux infos du soir : «  visite l’hôpital à Vincennes de Bobigny » rectifié en hôpital Avicenne presque aussitôt mais quand même. Tout comme la jeune journaliste qui n’avait pas lu Camus parce que ce n’était pas au programme l’année où elle a passé le bac, on peut penser que le médecin iranien n’a jamais été au programme nulle part ; par conséquent, pourquoi le connaître ? S’il fallait connaître les noms de tous ceux qui figurent sur les frontons des bâtiments publics, où irions-nous !

Autre enseignement du confinement, on peut très bien réaliser les émissions sur le modèle cher à Inter (« Aujourd’hui, mon invité est... ») avec les moyens de communication actuels, sans plateau, avec « mon invité » en duplex, au téléphone ou par tout autre moyen. Bien sûr, l’animateur a plus de facilités quand il voit ses invités et qu’il peut leur faire signe mais c’est possible. Autre possibilité, les chroniqueurs peuvent très bien rester chez eux pour lire leur petit papier. Quel besoin y a-t-il à les faire déplacer pour lire un billet pendant 5 minutes, tête baissée, face à une caméra fixe ? Pareil pour les ministres et tous ceux qui travaillent dans des locaux où l’on peut aménager une connexion.

Ainsi, le sempiternel « Masque & la Plume » passe le dimanche matin à l’heure de la messe avant d’être rediffusé à son heure habituelle. Pourquoi une pré-diffusion à 11 heures ? Pourquoi ne rediffuse-t-on pas des reportages le dimanche matin ? C’est à croire qu’il n’y a pas d’archive. Il est vrai qu’il n’y a peut-être personne ou pas assez pour les traiter et les présenter convenablement. Dont acte. Mais, « Le Masque & la Plume » deux fois le dimanche… En plus, contrairement à toutes les autres émissions, dont celle quotidienne de M. Rébeihi, la qualité technique est des plus mauvaises. Pourtant, c’est la même chose que les autres : un animateur et des intervenants, chez eux. On a l’impression de capter une émission d’un poste clandestin. Et puis, franchement, pour nous dire de regarder les classiques du cinéma ou de la littérature… A-t-on besoin de l’avis éclairé de ces messieurs-dames ? De toute façon, on ne peut pas sortir acheter de bouquin ou de DVD, on ne peut pas aller à la médiathèque. Il faut faire avec ce qu’on a chez soi et avec les possibilités en ligne.

 

Mme Rebecca Manzoni propose désormais des soirées pyjama. C’est Stéphane Eicher qui a ouvert le bal avec une soirée surréaliste vendredi 27 mars, en direct depuis chez lui mais aussi sur Facebook. Pour avoir le son correct, en modulation de fréquence et avec des haut-parleurs corrects, il faut la radio mais pour l’image, il fallait FB. Or, il y avait un décalage de plusieurs minutes entre les deux diffusions. Bon, c’est habituel mais quand il s’agit de musique et d’un tel décalage, ça craint… et ça n’a duré qu’1/2 heure. Pourquoi n’avoir pas continué le concert à l’antenne puisque ça se poursuivait sur FB ? Il semblait qu’Inter était une station de radio. Il faut croire que non. Mme Manzoni innove aussi puisqu’elle produit désormais une émission de dédicaces… Personne avant elle n’y avait jamais pensé ! Étonnant, non ? Comme une bonne idée ne vient jamais seule, la matinale du samedi-dimanche termine désormais avec une sélection de dédicaces enregistrées sur le répondeur. L’avantage, c’est que, à de très exceptions, si l’on rediffuse celles de la semaine dernière, personne ne s’en apercevra :

- Je m’appelle Élisabeth et je voudrais saluer la naissance de ma petite-fille à Lyon. Voilà.

- Bon-jour. Je m’appelle Nathan, j’ai 4 ans et demi et je voudrais … saluer ma mamie et mon papy qui sont loin.

- Bonjour la France Inter. Je voudrais profiter de ces temps de confinement pour vous faire part d’une petite réflexion sur le devenir du monde.

- Bonjour à tous, je suis infirmière libérale et je suis sur le terrain depuis le début et je voulais vous dire que ça fait un bien fou d’entendre tous vos applaudissements tous les soirs. Voilà !

 

En parlant de répondeur, il est tout de même aberrant que la « radio de service public », « première radio de France » ne possède pas un numéro de téléphone à 4 chiffres. C’est d’autant plus surprenant que, pour une vieille institution, elle n’ait pas conservé la trace de son indicatif téléphonique d’antan BAG(atelle) 33 33 ou même, plus tard 525 50 50 devenu 42 42. Au lieu de ça, on a un numéro compliqué qui caractérise bien l’état d’esprit de la Maison ronde : mélange d’austérité qui rappelle le service public (on est au service du public mais il faut que le public fasse un effort pour bénéficier du service) et d’ouverture au monde. Encore aujourd’hui, tout le monde connaît le numéro de téléphone de Médiavision, anciennement Cinéma et Publicité - Jean Mineur : BALzac 0001 devenu 01 42 25 00 01. Il faut croire que l’ORTF puis Radio France n’a pas pu le faire de même qu’Inter n’a pas gardé son indicatif historique composé par Claude Bolling.

 

Toujours est-il que, depuis le début de la crise du covid 19, c’est l’habitude sur Inter. On dirait qu’ils veulent nous rappeler en permanence ce qui se passe dehors plutôt que d’essayer de nous changer les idées.

Et les autres ? Eh bien, elles se débrouillent plutôt mieux. En fait, Inter a choisi des formats longs. Les émissions interactives ont été doublées et le journal de 13 h rallongé voire complété les fins de semaine par un très incongru « Téléphone sonne » à la mi-journée. RTL fait dans le court. Tous les quarts d’heures, on change de sujet, d’invité, de formule. C’est très dynamique. Ça retient l’attention. Ça donne envie d’écouter la suite plutôt que d’entendre toujours la même chose. Ça rappelle un peu les rendez-vous courts de Jean Garetto, autrefois, en vigueur dans « L’Oreille en coin » avant d’être généralisés lorsqu’il est devenu directeur de France-Inter. De sorte qu’on ne se lasse pas et qu’on n’est pas non plus dans l’angoisse que peuvent provoquer certaines interventions sur Inter. Quant à Europe 1, comme d’habitude, elle se situe entre les deux, ne parvenant toujours pas à trouver sa place et son identité. Ça fait des mois que les articles de La Lanterne de Diogène consacrés au déclin d’Europe 1sont lus toutes les semaines, quasiment sans interruption. Qu’est-ce à dire ? En tout cas, on ne voit toujours rien venir.

À part la radio, plutôt considérée comme un fond sonore, la toile occupe une large part de l’information en général. On apprend avec plaisir que nombre de sites proposent des films, des expositions, des collections des plus grands musées, des concerts. Faut-il en arriver là pour (re-)découvrir l’accès à la connaissance ? Rappelons-nous, dans les années 1990, ce qu’on nous prédisait avec ce qu’on appelait alors « les autoroutes de l’information » : toute la connaissance universelle disponible chez soi, à volonté et gratuitement. Comme l’espérait, Jean-Jacques Servan-Schreiber dans son livre « Le défi mondial », les universités africaines, pauvres en moyens, en matériel, en corpus, allaient permettre à leurs étudiants de sauter les étapes et de se mettre au même niveau que ceux des meilleures universités. Après quelques espoirs concrétisés, on a vu que le commercial prenait le dessus ; un peu comme en France avec les « radios libres » vers 1980. Tous les services proposés gratuitement en ces temps de confinement existent depuis longtemps mais jusque là sous forme de CD-Rom et d’abonnements, sans parler des DVD et autres CD ordinaires ou écoute à la demande, gratuite au début avant de devenir une des plus juteuses affaires du moment.

 

Au moment de publier ces lignes, Inter consacre une journée entière au thème : Culture, l’état d’urgence. L’invité du grand entretien de 8 h 20 est le directeur de l’Opéra de Paris. Où l’on voit que l’opéra, qui intéresse une infime minorité et agit souvent comme repoussoir pour les autres, est le parangon de la culture pour l’élite médiatique et parisienne. La chronique musicale d’Anna Sigalévitch, intitulée Classic & C°,consacre autant de temps à l’opéra qu’à la musique classique.

Toujours est-il que, à la même heure, Mme Sonia Mabrouk recevait le Ministre de la Culture, M. Riester, sur Europe 1. C’est assez souvent qu’Europe 1 propose les mêmes thèmes que ses concurrents, notamment pour ses émissions interactives. Annoncée depuis longtemps, la journée spéciale d’Inter a donné des idées à Europe 1 qui, décidément, en manque cruellement. Ce n’est sûrement pas en essayant de capter les auditeurs de ses devancières en proposant in extremis les mêmes thèmes qu’ils pourront remonter la pente.

 

 

https://www.telerama.fr/radio/coronavirus-confinee-et-regroupee,-france-bleu-moins-proche-de-ses-auditeurs,n6623904.php

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-radio-france-active-son-plan-de-continuite-d-activite-pour-la-premiere-fois-de-son-histoire_3867925.html?fbclid=IwAR0Wg6pTmq1OreaoK1FiUFUlq_qp8cNuMrv9UeBFgyzvtm9Xj-k2CfKqpGQ#xtor=CS2-765

 

 

 

 

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