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la lanterne de diogène
18 mai 2020

Si qu'on reparlait de la ligne 13

La ligne du 13 du métro parisien a fait reparler ces derniers temps. Rappel : cette ligne est la + chargée du réseau parisien et depuis longtemps. Personnellement, je peux dire qu’au début des années 1980, soit 4 ans après la réunion de 2 petites lignes pour la constituer. C’est dire si ça dure. Pour simplifier, disons que cette ligne transporte le soir, les employés des boutiques et des bureaux du centre de Paris et notamment de ce qu’on appelle le triangle d’or vers la banlieue nord, qu’on appelle aussi le 9-3. Le matin, c’est le contraire évidemment mais dans la journée, la ligne transporte des étudiants vers l’université de Saint-Denis, vers les gares Montparnasse et Saint-Lazare, les touristes vers les expos du Grand-Palais sur les Champs-Élysées, plus le trafic banal du trom parisien.

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/deconfinement-rassemblements-sur-les-quais-foule-devant-les-magasins-les-comportements-observes-a-paris-etaient-ils-inevitables_3960895.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20200513-[lestitres-colgauche/titre2]vv

https://www.cnews.fr/france/2020-05-11/la-liste-des-60-stations-de-metro-qui-resteront-fermees-paris-partir-de-ce-11-mai

https://www.midilibre.fr/2020/05/11/deconfinement-des-lignes-du-metro-parisien-deja-bondees-ce-lundi-matin,8882340.php

https://www.youtube.com/watch?v=So6V8o5lx4k

déconfinement - métro - lun

J’avais déjà décrit la situation, non pas seulement quotidienne mais permanente et dire que c’est la ligne la plus chargée ne permet pas de donner ne serait-ce qu’une idée approchante de la réalité. Sur les quais, on s’entasse. Dans les rames, on est collé, serré les uns contre les autres. Les voyageurs ont appris à composer avec la physionomie des autres de quoi caser les leurs avec armes et bagages. Les rames sont parfois tellement lourdes qu’elles ont du mal à démarrer, à avancer et les incidents techniques sont nombreux. Bien sûr, chacun impacte toute la ligne et interrompt le trafic. Ça dure depuis près de 40 ans et l’on n’en parle quasiment jamais, vu que ce qui serait un scoop, serait un trafic normal. Le calvaire de la ligne 13

On peut s’étonner qu’aucun des différents maires de Paris, en place grosso modo depuis la création de la ligne (sans qu’il y ait le moindre rapport) n’ait jamais véritablement agi pour la ligne 13. Des associations ont vu le jour pour réclamer, protester, sans aucun véritable appui. Pourtant, la majorité municipale a changé et rappelons que, depuis 6 ans, elle est socialiste, écologiste et communiste ; et même un peu plus longtemps vu que M. Delanoé a effectué deux mandats auparavant. Autrement dit, les Parisiens ont été administrés par des gens qui, par définition, devraient défendre les transports publics et écologiques. Ils les défendent, certes mais pas leurs utilisateurs. Ces dernières années, la Ratp a enfin accepté un projet de ligne nouvelle destinée à alléger la saturation de la ligne 13 mais uniquement parce qu’il s’inscrit dans le Grand Paris Express. Et encore, le projet a-t-il été à deux doigts de capoter quand on a trouvé une difficulté imprévue dans le creusement. Il a fallu l’acharnement d’une élue du 17e arrondissement pour que les travaux reprennent. Visiblement, la Ratp est hostile à toute amélioration de la ligne 13.

déconfinement - 4

Auparavant, tous les autres projets étaient jugés trop chers. Pourtant, l’un d’eux paraissait tenir la route et nécessitait peu de travaux puisqu’il s’agissait de prolonger la fameuse ligne 14, dite méteor, qui est automatique, sur environ 3 km. Après Saint-Lazare, on aurait rejoint la branche ouest de la ligne 13 et supprimé ainsi la fourche qui divise le trafic et explique, en partie, la saturation. Trop cher ! On accusait déjà l’État de dépenser trop et les services publics d’accumuler les déficits. On a laissé tomber et, de toute façon, les gens qui prennent la ligne sont tellement fatigués le soir, mal réveillés le matin, qu’ils sont résignés et n’ont pas la force de se révolter. Donc, pourquoi chercher à améliorer ? Mme Idrac, lorsqu’elle a pris ses fonction de PDG n’a rien eu de plus urgent à faire qu’automatiser la ligne 1. Rien pour la 13. Quant aux maires de Paris, ils ne vont pas se fatiguer pour des gens qui ne sont pas électeurs à Paris. Qu’ils se démerdent !

Ainsi, alors que le confinement prend fin, la Maire de Paris ne pense qu’à son obsession de faire de la capitale la première grande ville au monde sans voiture automobile. En voyant les rues vides de voitures, elle a commencé à penser que ce serait possible. Elle a donc annoncé deux mesures phare, d’une part l’interdiction de la circulation automobile sur les 7 km de la rue de Rivoli – en lorgnant sur les Champs-Élysées qui la prolongent – et, auparavant, une piste cyclable en surface, au-dessus de la ligne 13. Pour ceux qui ne sont pas familiers des lieux, il faut simplement dire qu’un peu avant la gare Saint-Lazare, on s’élève et la rue d’Amsterdam grimpe carrément. Certes, ce n’est pas l’ascension du Galibier mais quand on n’est pas sportif, qu’on est en costumes de ville, qu’on vient de finir sa journée de boulot, ça compte. Ensuite, à partir de la place Clichy, l’avenue s’élargit mais pas tant que ça : une file dans chaque sens et un couloir de bus. J’ai toujours connu cette avenue plus ou moins encombrée. Le quartier est encore populaire et il y a plein de boutiques, donc des livraisons. La majorité municipale entend supprimer les embouteillages en interdisant la circulation et en mettant des cyclistes sur l’avenue. C’est la même logique mise en œuvre qui envoie la police pour déchirer les tentes des sans-abris et jeter leurs misérables affaires en pensant qu’ainsi, le problème des sans-abris finira pas être résolu. Seulement, les usagers de la ligne 13, ne s’arrêtent pas à Saint-Denis, terme de la ligne. Une fois parvenus à la station Porte de Paris, ils prennent généralement un bus et continuent encore plus au nord ou le tram en arrivant près de la basilique des rois de France. Si l’on prend le vélo, ce sont des dizaines de kilomètres en vélo et généralement sous la pluie car le bassin parisien est bien arrosé. C’est quand on est pauvre, qu’on a froid, ou quand on est contraint de marcher qu’on se rend compte qu’il pleut souvent à Paris. On arrive trempé au boulot ou le soir à la maison. Et il faut encore faire à manger. Visiblement, des considérations aussi terre à terre n’effleurent pas les élus parisiens qui ne parlent que de « déplacements doux ».

coronavirus - métro 2

On a donc reparlé de la ligne dès le lundi 11 mai au matin. La chaîne d’info BFM a dépêché une journaliste sur place. Bonne pioche ! Les rédactions généralistes ne possèdent jamais de spécialiste des transports. Même celui ou celle qui s’y colle n’acquière que peu de connaissances mais il faut croire que, parmi elles, on savait les problèmes de la ligne 13. Termes du problèmes : en temps ordinaire, celle ligne est donc bondée au-delà de l’imaginable et là, on prétendait imposer des distances entre les voyageurs avec 75 % du trafic. Pour le dire autrement, il s’agissait de mettre 1 litre et demi dans une bouteille de 75 cl. 36 heures plus tard, on a décidé de rétablir le trafic complet, encore insuffisant. On n’a pas fait le lien mais l’on apprend aussi que le Département de la Seine-Saint-Denis, dit « le 9-3 » est aussi le plus touché par la covid 19. Parmi eux, il y a forcément des usagers de la ligne 13. Autrement dit, dans un espace qui s’étale sur environ 12 km, mouvant, sans possibilité de garder un minimum de distance, on lâche chaque jour des centaines de voyageurs porteurs du coronavirus. Le tout sans que ça pose question, sans que ça interpelle qui que ce soit. On imagine l’angoisse des voyageurs qui sont bien conscients de la situation et qui se doutent que, malgré leurs précautions, ils ne peuvent pas éliminer les risques en portant un masque chirurgical ou fait maison, en se lavant les mains à l’arrivée, après avoir touché des poignées de portes et avoir frotté les autres usagers et les parois des rames ou des ascenseurs. Soyons sûr qu’il s’en trouvera pour s’en saisir et appuyer la circulation à vélo. Où l’on voit aussi que l’accessibilité du vieux métro parisien aux personnes à mobilité réduite attendra encore puisque la priorité, c’est le vélo et autres « déplacements doux ».

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-la-surmortalite-en-seine-saint-denis-expliquee-par-le-mal-logement-et-la-sur-representation-d-habitants-qui-sont-alles-travailler-selon-l-ors_3960699.html?fbclid=IwAR1DyNsXxk-5g4M7megCKFc_2UX7vX4KxR9A2-PblxPiAC1pIrToIn95Woo#xtor=CS2-765

covid 19 - bien pas bien

La ligne 13 est tout à fait symbolique de nos époques. Elle montre, sinon l’attachement des Français aux services publics, du moins leur utilité. Elle prouve le mépris des pouvoirs publics pour le petit peuple, pour la classe moyenne à qui l’on demande de bosser et de payer impôts et tickets de métro. Cette classe moyenne a bien appris sa leçon : il n’y a pas autre chose possible que ce qui existe. On se résigne mais on ne proteste pas : pas la force, pas le temps surtout. On arriverait en retard au boulot ou le soir à la maison avec le mari qui attend pour manger et les enfants qui crient famine. On voudrait quand même les voir un peu avant d’aller se coucher. La classe politique aime les grands projets mais ne se préoccupe pas de ceux qui vont en profiter. Ça fait un peu comme pour les gilets-jaunes : ils ont obtenu 10 milliards, ils devraient être contents. À croire que chacun des porteurs de la casaque jaune a touché une fraction des 10 milliards (soit un peu moins de 10 000 € chacun, ça se saurait). Donc, chaque fois qu’on ouvre une ligne de tram dans Paris, qu’on change le modèle de bus urbain, qu’on refait les stations de métro, on se dit que les usagers de la ligne 13 n’ont pas à se plaindre, même s’ils ne bénéficient d’aucune de ces améliorations. Et en plus, ils ont des élus favorables aux transports en commun, donc, qu’ils laissent faire. La classe politique ne comprend même pas pourquoi les gens ne sont pas contents alors qu’on fait tant pour eux. Les écologistes, adeptes de la douceur sont au bord des larmes quand ils se démènent pour le bien de tous, à commencer par la santé, et que les gens n’en veulent pas. Et les vieux ? Et les handicapés ? Ah, mais, il faut mettre en place de nouvelles solidarités et tout ira bien. La classe politique applique des théories, des programmes dans le meilleur des cas mais sans penser que ça concerne des personnes à qui l’on n’a pas demandé leur avis. Où irions-nous si l’on demandait leur avis ! La Ratp procède à des enquêtes de satisfaction mais jamais sur la ligne 13 ou alors avec des questions éloignées des préoccupations. Ailleurs, c’est à peine mieux : que pensez-vous du nouveau logo, de la couleur de la station, des machines qui ont remplacé les employés, de l’ergonomie des poignées de portes, des sièges ? Questions fondamentales, on le voit, quand les cochons d’usagers voudraient juste pouvoir arriver un peu moins épuisés par leur passage dans le métro, par les attentes, par les retards. Rappelons que la plupart des voyageurs attendent une ou deux rames dans l’espoir que la suivante sera moins pleine. On aime croire.

Justement, la crise sanitaire actuelle est aussi révélatrice des croyances profondes ancrées dans l’imaginaire collectif comme la génération spontanée. Pour beaucoup de gens, le fait de se rapprocher, de former un petit groupe suffirait à donner naissance au coronavirus. Et puis, tout Parisien est porteur du virus et doit donc impérativement rester chez lui sauf pour aller bosser naturellement. Les mêmes qui s’insurgent contre ces gens irresponsables qui boivent un coup sur les quais du canal Saint-Martin ne trouvent rien à redire en voyant d’autres Parisiens (ou les mêmes) qui s’entassent sur les quais du métro en attendant plus longtemps que d’habitude vu que le trafic n’est assuré qu’à 75 %. Qu’est-ce qu’on entendrait si c’était à cause d’un grève !

déconfinement - 2

Comme quoi, il suffit d’un rien pour que les plus bas instincts humains, refoulés en temps ordinaire, s’expriment à nouveau dans toute leur horreur. On a vu la délation se développer. Également, et comme indiqué dans d’autres articles, le confinement active le côté intégriste d’une bonne partie de la population. Moi qui me fait suer à respecter les mesures gouvernementales, je ne supporte pas que ceux qui prennent un peu de latitude vivent mieux que moi et qu’ils ne leur arrive, finalement, rien. Donc, j’en appelle au châtiment et, s’il le faut, je le provoquerai. Huit jours après le début du déconfinement, on ne parle plus des travailleurs qui s’entassent dans les transports en commun, en connaissant les risques mais en passant outre parce qu’il faut aller bosser pour gagner sa vie. En revanche, on comprend plus sûrement que ce déconfinement est tout à fait partiel. Si certains ont remarqué que les Français se consacraient à l’essentiel durant ces semaines de confinement, d’autres ont compris que ça ne pouvait pas durer et tout est fait pour que les activités nécessaires à la consommation, au travail, à la formation reprennent à n’importe quel prix, y compris une reprise de la pandémie. En revanche, tout ce qui touche aux loisirs, le restaurant, le cinéma, le spectacle, les cultes même, jusqu’à la simple flânerie dans les jardins public reste rigoureusement prohibé.

 

On notera un espoir proposé par la technologie mais passé complètement inaperçu sans doute parce qu’aucune polémique n’est envisageable

https://www.techredac.info/Bientot-un-masque-qui-devient-fluo-lorsqu-il-detecte-le-coronavirus_a2053.html?fbclid=IwAR18XHBU58jVQ_GLe57AWZ-_QRbB_6Fm1mmtnPQi3usk3pNHCzgKh5fI0DE

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Commentaires
J
Tes descriptions de la vie parisienne, Diogène, me rappellent l'enfer de Dante. Quand on vit loin de la ville et qu'on ne connaît ni métro ni bus bondés, qu'on a l'habitude de se déplacer à pied en coupant par des chemins de traverse, que les embouteillages tiennent de la fiction, et -contrepartie logique en ces temps- qu'un simple déplacement d'une cinquantaine de kilomètres relève de l'expédition, on ne peut qu'être sidéré à l'évocation de cette ligne de métro bondée comme l'apparaissent ses homologues japonaises dans les documentaires consacrés à la vie à Tokyo. <br /> <br /> <br /> <br /> Question simpliste et bête : pourquoi tant de gens, trop de gens, en un même périmètre qui semble par ailleurs aussi vivable (pluie, saturé de voitures, loyers délirants, pollution, coût de la vie, etc...) que la planète Mercure ? Comment a t-on pu en arriver là ? Alors qu'il y a toute la place autour ? Quel est ce monde centré sur la conso, où des gens sont contraints de se lever aux aurores pour s'engouffrer dans des trams, des bus, des métros bondés et gagner des bureaux, des ateliers, des usines, des chantiers dans une capitale déjà sursaturée, et rebelote le soir où les attend l'atmosphère romantique des barres de banlieue et des pavillons en meulière cernés de tours, de rocades, de voie ferrée et de pistes d'atterrissage ?<br /> <br /> <br /> <br /> Quelque chose m'échappe. On dénonçait déjà le métro-boulot-dodo il y a un demi-siècle et non seulement rien n'a changé, mais ça s'est aggravé. Et certains osent encore parler d'écologie, qui du fond de leur aquarium climatisé, sanglé dans leur costume de technocrate, n'ont jamais vu un corbeau, entendu le chant d'un chat-huant, passé ne serait-ce qu'une journée de leur vie dans une forêt sans croiser quiconque, hormis le renard furtif, le sanglier dont on entend au loin le grognement, le chevreuil dont l'aboi résonne dans les lointains ? <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai dû passer quatre jours de ma vie à Paris, il y a longtemps, au cœur de l'hiver, et j'y ai marché, longtemps, pour me rendre d'un point à un autre (cimetière Montparnasse, quartier Montmartre, le Sentier, les quais, Notre-Dame, Saint-Sulpice, en vrac et hors chronologie, c'est trop ancien, ça remonte aux années 90). Quand je suis rentré le soir chez mes hôtes et que je leur ai raconté mon équipée, leurs sourcils se sont haussés. J'avais parcouru une sacrée tripotée de kilomètres. Personne ne marche plus à Paris, m'a t-on dit. <br /> <br /> <br /> <br /> J'ai même failli devenir parisien, quelques années plus tard, lorsqu'un pote m'a proposé une piaule vers Barbès, histoire de voir venir. Ensuite je me débrouillerais. La vie en a décidé autrement. Je n'ai plus revu Paris. Cela ne me manque pas.
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