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la lanterne de diogène
26 juin 2006

vie politique

La crise que nous vivons actuellement doit nous amener à nous interroger sur l’évolution de la vie politique. En effet, qui dit vie dit évolution. Elle est inéluctable et nécessaire. Il ne s’agit pas de s’arc-bouter sur les institutions ni d’en réclamer de nouvelles. Il faut simplement s’arrêter et observer ce qui s’est passé ces dernières années avant d’en décrire quelques conséquences.

Nous distinguerons quatre grandes étapes.

La  cinquième constitution de la république a choisi de placer le président au sommet de tout. A l’époque, son rédacteur, Michel Debré, avait en tête la paralysie qui résultait du régime parlementaire de la quatrième république et la personnalité de celui que l’on attendait comme un homme providentiel : le général DeGaulle. Il ne pouvait être question de confiner le déjà grand homme au poste de Président du Conseil, nommé par quelqu’un au dessus de lui et susceptible d’être renversé par la Chambre. Se prévalant du titre de Président de la République, il ne pouvait s’agir pour l’homme d’action d’un poste purement honorifique en récompense de services rendus.

L’esprit de la Constitution prétend que la candidature résulte d’une initiative individuelle et de la rencontre d’une personnalité avec le peuple. Il suffit de lire un bulletin de vote pour les présidentielle pour constater que figurent seulement les nom et prénom du candidat. Son éventuelle appartenance à un parti est contraire à l’esprit. D’ailleurs, le général, lui même, ne possédait pas de carte de parti alors qu’il était soutenu par l’un d’eux créé spécialement pour lui.

Ces dernières années, on a assisté à la disparition de ces candidatures hors parti à l’exception de Jacques Chaminade en 1995. Encore faut-il souligner que sa démarche avait tellement surpris que la plupart des élus avaient avoué ne pas avoir compris qu’ils avaient signé un soutien à une candidature présidentielle. Néanmoins, l’esprit est respecté quand un candidat est soutenu par plusieurs formations et groupes de pression. Toutefois, la désignation par un parti d’un candidat pour le représenter demeure tout à fait contraire à l’esprit de la Constitution.

Cela déroute les électeurs mais la démarche de M.Balladur et de M.Chirac en 1995, tout comme celle de Michel Debré et de M.Chirac en 1981, s’inscrivaient dans l’esprit. Encore une fois, le candidat à la magistrature suprême ne doit pas être la personne d’un parti. Le rejet exprimé à la fin des années 50 et dans les années 60 s’est délité au fil des décennies et de l’oubli des pratiques de la quatrième république. L’apparition de nouveaux mouvements dans les années suivantes, le PS, le RPR puis la fédération de l’UDF (à l’initiative de M.J.-J. Servan-Schreiber qualifié à cette occasion de « turlupin » par M.Chirac qui était directement visé) a, sans doute, contribué à voir les partis sous un meilleur angle  que leurs ancêtres discrédités. Donc, on n’a pas craint d’accorder sa préférence à des candidats clairement issus de ces partis. Seul rescapé de cette époque, le PCF a commencé de décliner.

Un autre fait majeur de notre vie politique a été la disparition du centre suite, justement, à l’élection de 1974. L’alliance dite « Mouvement Réformateur », composée du Centre Démocrate (de Jean Lecanuet) et du Parti Radical (de JJSS), a décidé de soutenir un candidat de droite mâtinée de centrisme, M.Giscard d’Estaing et, suite à sa victoire, d’intégrer la majorité. Il en a résulté un affrontement gauche-droite, un bi-polarité à la manière des démocraties anglo-américaines. Le jeu politique s’est ainsi figé, chacun restant sur ses positions à partir du moment où le soutien du centre n’est plus nécessaire.

Troisième évolution majeure : la « co-habitation ». Le président de la république devient un monarque élu, selon l’expression quelque peu péjorative des observateurs étrangers, garant des institutions et arbitre suprême. Le Premier Ministre devient le chef de l’exécutif et a été désigné en tant que chef du parti le plus important sorti des urnes ou personnalité la plus en vue (dans le cas de M.Balladur). Dès lors, le spectre du « régime des partis » resurgit. La co-habitation marque aussi le rejet par les électeurs de l’affrontement bi-polaire ; pour autant que l’électorat forme un corps unique doué d’une intelligence singulière. Egalement, après la disparition du centre, l’alternative revient aux extrêmes. Cette tendance se trouve exacerbée suite à une « co-habitation ».

La « co-habitation » avait été suggérée avant les législatives de 1978 lorsque François Mitterrand avait déclaré à l’adresse du Président Giscard : « en cas de victoire de la gauche, [il] devra se soumettre ou se démettre ». L’ironie du sort a voulu que cette alternative lui échoit des années plus tard. Néanmoins, les expériences tendent à en interdire désormais la pratique. Le Premier Ministre allant « au charbon » et prenant des risques, se retrouve battu aux  présidentielles par le Président en place ou par un candidat resté en retrait pendant ce temps.

Enfin, ce qui paraît le plus décisif : le passage du septennat au quinquennat. D’abord, il s’agissait d’une aspiration souhaitée depuis longtemps. La durée de sept ans date de la fondation de la troisième république et correspondait à l’espérance de vie de celui qui allait en être le premier président. Cette durée exceptionnellement longue a pu constituer un facteur de stabilité en s’étalant sur deux législatures. La réduction de la durée du mandat, reportée à cause de la disparition du Président Pompidou (d’ailleurs au bout de cinq ans), a été écartée par son successeur en proie aux critiques permanentes sur son style. D’où son entêtement à restituer intactes les institutions à la fin de son mandat. Encore sept ans de perdus. Le Président Mitterrand n’a pas souhaité faire cette proposition. Résultat, une fin de deuxième mandat lamentable. Comme on ne retient jamais les leçons de l’histoire, le président actuel n’a pas jugé bon raccourcir son premier mandat pour espérer occuper la fonction dix ans ; durée qui a les faveurs du peuple. « Dix ans, ça suffit ! » oui, mais on espère toujours faire exception.

Le quinquennat  devrait être l’occasion d’un changement important des pratiques politiques. Il devrait permettre à la République Française de se rapprocher des mœurs en vigueur dans les autres démocraties européennes. En d’autres termes, nous pouvons observer que, chez nos voisins, les élections législatives (appelées « générales ») dégagent une majorité. Le chef de l’Etat, monarque ou président, désigne le chef du parti le plus fort à la tête de l’exécutif, c’est à dire du gouvernement. Il y a donc adéquation entre le législatif et l’exécutif. En cas de censure, de nouvelles élections sont organisées. Désormais, la coïncidence entre les mandats législatif et exécutif appelle plus que jamais ce changement.

D’autre part, les chefs de partis changent plus souvent et, précisément, dans la perspective de l’accession à la présidence du gouvernement. Le chef d’un parti mène la campagne dans l’optique de remporter les élections et de diriger le pays. En France, c’est pour ainsi dire le contraire. Le candidat à la présidentielle est soutenu par plusieurs formations et groupes de pression tandis que le Premier Ministre est rarement le chef d’un parti. Il sera plutôt choisi en fonction de ses qualités ainsi que de sa capacité à ne pas faire ombrage au Président tout en prenant les coups.

Egalement, en France, selon les périodes (à cause de la « co-habitation), l’un ou l’autre pouvoir domine l’autre. Cette incertitude ne peut convenir pour assurer la stabilité d’un Etat.

Ailleurs, la coalition des formations d’opposition  doit se trouver une nouvelle figure de proue après l’échec de celle qui a conduit la campagne. Il en résulte un renouvellement permanent de la classe politique. De même, le président du gouvernement qui n’est pas reconduit, se retire de la vie politique nationale. Le plus souvent, il brigue un mandat régional avant la retraite définitive. Il apporte son expérience internationale et profite des relations qu’il a pu nouer.

En France, on le sait, il n’en est rien. Les battus aspirent à la revanche, non pour leur formation mais pour eux-mêmes tandis que les élus ne pensent qu’à leur réélection.

Le Président de la République, à la fois monarque et  chef de l’exécutif, se devait d’être un homme d’expérience. Le poids de la fonction l’y obligeait. La durée du mandat et le contexte international nécessitaient une personne connaissant les rouages de la politique et douée d’une grande habileté pour les négociations internationales. 

Or, le quinquennat, en raccourcissant la durée de la fonction, supprime, du même coup, une des qualités requises. Dès lors, il faut envisager que le Président de la République ne soit plus ce « monarque élu » mais un véritable chef de l’exécutif, qui ne s’abrite pas derrière le Premier Ministre en cas de turbulence, qui mène la politique pour laquelle il a été élu, qui représente les intérêts de son pays dans les négociations internationales. Il n’est plus l’incarnation de la France mais son humble serviteur. Il est choisi en raison de ses qualités réelles ou supposées. Cela signifie aussi la retraite du magistrat à l’issue d’un ou deux mandats. Il n’est plus tolérable de se prononcer pour des hommes qui hantent les cabinets ministériels depuis plus de quarante années. Pas facile à faire passer…

 

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Ouvrons une parenthèse. Le Président actuel était Premier Ministre en 1974. A l’époque, ses homologues s’appelaient Helmut Schmidt qui venait de succéder à Willy Brandt comme Chancelier d’Allemagne, Harold Wilson Prime Minister britannique, Aldo Moro Président du Conseil italien et, plus loin, Indira Gandhi Prime Minister de l’Inde, Golda Meïr, Présidente du Conseil israélien. Franco était dictateur de l’Espagne, Mao conduisait la Chine, Brejnev était l’homme fort de l’Union Soviétique (Nicolaï Podgorny président), et Gerald Ford le Président des Etats-Unis. Amine Dada dirigeait l’Ouganda, Tito la Yougoslavie,  Hiro Hito était le Mikado, Faysal le roi saoudien.

Il suffit de reprendre la liste (non-exhaustive) de ces quelques pays pour constater que, non seulement  ces dirigeants se sont retirés (ainsi que leurs opposants) et ne sont pas revenus, y compris les dictateurs qui sont morts, mais quelques uns des ces Etats ont disparu ou changé de structure. L’URSS et la Yougoslavie n’existent plus et la monarchie a été restaurée en Espagne. Dans tous ces Etats, la liste des dirigeants comporte des noms nouveaux et presque aucun retour. On notera quelques exceptions :Amintore Fanfani Président du Conseil italien de 1954 à 1963 puis à nouveau en 1983, puis en 1987 en pleine crise politique majeure et ayant participé à de nombreux gouvernements ; et Nixon, vice-président d’Eisenhower battu par Kennedy et finalement élu en 1969 puis réélu. Ni Mondale, ni Dukakis, ni Bush, ni Gore ne se sont représentés après leur échec.

En France, M.Giscard d’Estaing appartenait au cabinet d’Edgar Faure tandis que dans le même temps, M.Chirac faisait son entrée, plus modeste, dans d’autres cabinets dès 1962 et obtient son premier maroquin en 1967 (il crée alors l’ANPE était-ce prémonitoire  ?). Mitterrand était déjà haut-fonctionnaire dans le gouvernement du Front Populaire et onze fois ministre sous la quatrième république.

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Au delà de l’anecdote, on peut remarquer que, dans le même temps, les intérêts des pays comparables ont été parfaitement défendus sur la scène internationale par leur chefs de gouvernements qui ont mené des politiques avec succès et écueils comme nos présidents. Dans le même temps, la longévité de notre classe politique n’est pas regardée comme un élément de stabilité. Récemment, les correspondants internationaux en poste à Paris,   constataient brutalement que la classe politique était partagée entre des partis qui font tout pour parvenir au pouvoir et placer leurs amis aux postes clés et, une fois en place, ne pensent qu’à s’y maintenir.

Les citoyens subissent depuis plus d’un an une seconde fin de règne (après celle de Mitterrand) nauséabonde. Le pouvoir est déstabilisé, hésitant et impuissant. L’exécutif ne tient pas compte des élections intermédiaires ni du référendum. Le Président de la République promulgue une loi et en interdit son application, ce qui, selon les juristes, relève de la Haute Cour de Justice de la République. Aujourd’hui, un scandale, auquel personne ne comprend rien, met en opposition le chef du gouvernement et l’un de ses ministres. Savent-ils, au moins, pourquoi ils s’affrontent ? Des députés de la majorité ne cachent plus leur défiance vis à vis du gouvernement qu’ils sont sensés soutenir. La division apparaît jusque dans le gouvernement et au grand jour. On se demande ce qui va encore arriver car c’est l’inattendu permanent. Quoi qu’il en soit, le prolongement de cette agonie est tout à fait intolérable.

Ceux qui prêchent les « réformes » sur l’air de la régression sociale, doivent commencer par se les appliquer à eux-même. L’évolution de la vie politique réclame un renouvellement de la classe politique. Le non cumul des mandats a constitué un progrès notable et une première étape. La parité hommes/femmes et la limitation dans la durée pourraient en être une autre. Il importe d’avoir le choix au moment de voter. Or, un faux choix, trop souvent proposé, contribue à détourner les électeurs des urnes. Si un parti présente systématiquement quelqu’un alors que la population l’a assez vu, on votera peut-être encore une fois pour lui mais pas deux. Et comme on ne va pas voter pour l’adversaire de ses propres idées, on ne se déplacera pas au risque de favoriser l’adversaire ou l’extrême droite.

Il convient tout autant de s’interroger sur les élections législatives. Le souci de dégager une majorité afin de soutenir durablement le gouvernement, par opposition à la pratique en vigueur sous la quatrième république, montre ses limites. Au départ, il s’agissait de ne pas favoriser un régime des partis au détriment de la légitimité populaire du président de la république. Or, depuis 2002 nous vivons sous le régime d’un seul parti, d’abord appui logique de l’action gouvernementale et relais avec la base puis, à nouveau comité de soutien à un candidat déclaré à l’élection présidentielle. Le parti unique se trouve, comme dans tous les régimes avec parti unique, à la fois dans la majorité et dans l’opposition. Les querelles pour prendre les premières  places mobilisent toutes les énergies au détriment de l’intérêt du pays. Il était dans la logique des choses d’en arriver là.

La loi électorale, qui accorde un supplément au  parti ayant obtenu le plus, contient en germe cette dérive. Egalement, il est profondément anormal que le système n’accorde pas un nombre de députés à peu près équivalent aux résultats du scrutin. A peu près équivalent  dans la mesure où, en effet, il est nécessaire de dégager une majorité. Pour démocratique qu’elle soit, la proportionnelle intégrale présente des limites au moins aussi perverses que le système actuel. Il suffit d’observer la vie politique israélienne pour s’en convaincre. Chaque cabinet est formé d’une coalition intégrant des groupuscules religieux ou extrémistes qui exercent un véritable chantage sur le parti arrivé en tête mais qui n’a jamais la majorité. Parfois, les mêmes soutiennent l’un puis l’autre camp en fonction de leurs intérêts. On en voit les conséquences dans le conflit israélo-arabe.

En France, ce qui grippe le système, c’est bien le fait qu’une formation truste sans partage la chambre basse, qu’une autre, qui a soutenu un candidat présent au second tour des présidentielles soit écartée tandis qu’une autre, encore, dont le candidat a obtenu un score inférieur à 5% soit en mesure de constituer un groupe. Il s’agit d’un déni de démocratie propre à créer des troubles ou, au moins, à favoriser l’abstention.

En fait, nous avons eu les deux. D’une part le rejet d’élections qui ne prennent pas en compte le choix de la population, d’autre part des violence pour faire entendre ses souffrances sociales. Il faut ajouter que la présence à l’Assemblée Nationale d’un parti extrémiste doit être de nature à le faire évoluer. Cela s’est vu en Italie où le parti néo-fasciste MSI s’est scindé et que la majorité a rejoint la droite démocratique sous le nom d’Alliance nationale tandis que la minorité dite Flamme tricolore demeure à l’extrême droite.

Lorsque le jeu n’est pas pipé, comme pour un référendum portant sur une question claire (car on peut poser une question fermée et forcer le vote), l’électorat se mobilise. Il ne manque pas de  constitutionalistes ni de politistes de talent pour proposer un système électoral tenant compte de l’expression des suffrages et permettant l’efficacité des institutions.

La crise politique semble d’autant plus inextricable que, dans l’état actuel des choses, on ne voit pas d’alternative à la majorité actuelle et qu’on voit encore moins cette majorité poursuivre dans cette voie ou dans une autre à peine maquillée et enrobée de beaux discours.

Cette période voit coïncider une fin de règne avec la pré-campagne pour les présidentielles. Traditionnellement, les partis politiques rivalisent pour accréditer l’idée que la désignation du candidat à la magistrature suprême résulte d’un processus plus démocratique que les autres. Néanmoins, l’expérience prouve que dans la réalité, c’est celui qui sait le mieux manœuvrer qui l’emporte.

Dans un parti au service de l’ambition d’un seul homme, évidemment, la question ne se pose pas puisque tout le monde, depuis le simple cotisant jusqu’au bureau, n’aspire qu’à la victoire de son champion. D’où les surprises au soir du premier tour. Quoi qu’il en ait été, le candidat choisi, entouré d’une cour de zélateurs (l’expression est encore en dessous de la réalité) s’éloigne tellement des électeurs que ceux-ci ne se reconnaissent pas en lui. Le coup du : on vote pour lui parce qu’il le faut mais on aurait préféré un autre, ne se répète pas souvent. L’annonce précoce de la candidature ou le lancement de rumeurs, permettent de préparer l’opinion publique. Dans le même temps, l’appareil du parti se met en branle pour contrer ce qui est perçu comme la politique du fait accompli. Encore une fois, ce sont les cadres du parti qui emportent la décision au bout du compte. Les militants ont l’impression d’être floués. Qu’on regarde les effectifs officiels des partis pour se convaincre de cette désaffection.

Pendant ce temps, les médias, perméables à ces rumeurs et appréciant une candidature qui sera de nature à les occuper pendant des mois, se précipitent pour avaliser cette démarche. C’est ainsi que s’explique l’hiatus entre le choix des partis et le choix des médias.

On a vu que les appareils de partis détestent avoir l’impression qu’on leur force la main. Surtout, ils détestent que le populaire se mêle de vouloir choisir son candidat puisque les cadres possèdent seuls la science. Ce sont eux qui ont l’intelligence pour guider les électeurs. Cela demeure très prégnant dans un pays où l’on est habitué à ce que les décisions soient prises d’en haut. Inversement, il peut aussi arriver que le matraquage d’un candidat finisse par exaspérer les électeurs ou qu’ils imaginent que, puisque les jeux sont faits, il n’y a pas d’inconvénients à émettre un vote différent.

Théoriquement, les médias se doivent de demeurer politiquement neutres. Ils sont un intermédiaire entre la source d’information, en l’occurrence, la vie politique, et les lecteurs ou téléspectateurs. Or, ils prennent une part au débat, non pas en ce sens qu’ils soutiennent un camp plutôt qu’un autre. Cela paraît inévitable, surtout dans des pays où des groupes industriels ou des partis possèdent leur presse. Ce qui constitue une spécificité française, c’est la collusion entre la politique et les commentateurs.

Le personnel politique et les journalistes se sont côtoyés dans les mêmes amphithéâtres universitaires, à Sciences-Po notamment, ils se tutoient dans le civil. Il en résulte forcément des amitiés, voire plus, et des inimitiés. Quand on connaît une personne pour avoir pris le café entre deux cours avec elle ou s’être vu rendre ou refuser un service genre prêt d’un document,  pièce de monnaie pour une photocopie, la perception diffère de celle de quelqu’un de l’extérieur, comme un électeur. D’ailleurs, les commentateurs ne s’intéressent absolument pas aux idées des uns ou des autres mais seulement aux personnes qu’ils connaissent parfaitement. L’analyse des idées relève de quelques articles publiées par des personnalités extérieures, généralement des professeurs. Ainsi, le débat politique est-il d’une teneur lamentable. Quand s’ajoutent des coups tordus, une tête de l’exécutif vieillissante, trahie par ses zélateurs et ceux qui sont parvenus grâce à elle, on a la situation que nous vivons.

Paradoxalement, la crise politique actuelle et le rejet qu’elle fait naître  peut avoir un effet salutaire : le renouvellement tant espéré de la classe politique.

En effet, comme l’opposition traverse une crise qui dure depuis près de cinq ans, on peut espérer que, n’étant pas prête, cela forcera l’émergence d’une nouvelle génération de cadres, plus proche de la population. Cependant, ne nous faisons pas d’illusion, les structures et les appareils de partis sont tellement bien tenus que toute velléité est rapidement étouffée.

A droite, la bataille qui a commencé en 1993 et qui a amené les personnalités à rejoindre finalement l’un ou l’autre clan va, quelque soit le résultat des prochaines élections, amener une nouvelle génération de cadres et d’opposants à ceux-ci.

Ce qui est intéressant à observer c’est que les deux principaux candidats déclarés à la présidentielle, instruits par les expériences du passé, ont axé toute leur stratégie sur le contournement des appareils des partis auxquels ils appartiennent. Leur idée consiste à déclarer leurs intentions, à prendre des positions sur les sujets qui intéressent les citoyens, en clair, tout ce qui concerne la vie quotidienne au détriment des grands principes sur lesquels tout le monde se retrouve, surtout depuis la fin de la « guerre froide ». Ils prennent en quelque sorte la population à témoin qu’ils sont les personnes qu’il faut pour la représenter. Ainsi, se forment des courants de pensée et des soutiens de nature, pensent-ils, à forcer leurs partis à les adouber. En cela, ils agissent tout à fait conformément à l’esprit de la constitution de la cinquième république : la rencontre d’une personne avec le peuple.

A l’image de la constitution de la cinquième république, taillée sur mesure pour un homme et un homme exceptionnel, les partis qui alimentent la vie du régime sont adaptés. A un homme, il convient d’opposer un autre homme. Les partis se doivent de dégager une personnalité propre à susciter l’assentiment populaire. Dès lors, rien d’étonnant à ce que, parvenu, ce personnage entende y demeurer le plus longtemps. Pour cela, il s’entoure d’une équipe à son service exclusif dans le parti afin de le verrouiller. Quand cette équipe parvient au pouvoir, son guide la place aux postes clés de l’appareil du pouvoir. Il devient extrêmement difficile de briguer une succession qui ne viendra que tardivement. Qu’on regarde les chefs historiques des deux grands mouvements politiques français ces dernières années. Ils ont enterré leurs dauphins les uns après les autres à la manière de Jeanne Calmant qui a vu mourir ses enfants et vieillir ses petits-enfants. Encore une fois, c’est dans l’ordre des choses ; sauf que cet ordre ne correspond pas à une époque où une information est diffusée à l’autre bout du monde en quelques secondes après avoir fait un tour dans l’espace. Celui qui incarne –selon l’esprit de la Constitution –le pays se doit de lui ressembler quelque peu. La population actuelle ne demande pas un « papa » ou un « tonton », ni un bouclier contre une invasion barbare, mais une personnalité compétente, un professionnel, dans laquelle elle se retrouve et qui défendra ses intérêts ici et à l’étranger. Autrement dit, le contraire de ce qui se passe en ce moment quand le Président dit à sa jeunesse : « je ne vous comprends pas ». Il s’étonne que les générations actuelles aspirent aussi au bien être, au confort, à la sécurité, aux progrès nés de la technique et non pas à la prospérité financière des entreprises qui hésitent à les embaucher. Terrible aveu !  Et, cet aveu a été réitéré un an après lors du récent déplacement du chef de l’Etat au Chili.

Ces propos, ajoutés aux bourdes, aux hésitations, aux improvisations, au traitement de la vie politique dans les médias ne sont vraiment pas de nature à réconcilier les Français avec la politique, c’est à dire avec ce qui les concerne au quotidien. S’il faut se méfier des personnalités providentielle, on ne peut qu’appeler de ses vœux un changement radical des pratiques. Ce changement ne viendra pas d’un choc, on a vu ce qu’il en a été en 2002 : passés les émois, tout a repris son cours normal, le poids des appareils conjugué aux ambitions personnelles ont repris l’avantage. Il ne peut donc venir que d’une réaction de citoyens, une ré appropriation de la chose publique (res publica en latin) par ceux qui sont concernés et non par une poignée de professionnels. En clair, c’est maintenant qu’il faut agir et imposer aux partis politiques la prise en compte des intérêts des citoyens et non, comme cela se fait habituellement, la soumission globale à un programme dont on approuve les grandes lignes et surtout le principe mais dont les détails se révéleront inacceptables. Il est grand temps que les partis et les gouvernants se mettent au service de ceux qui les ont élus.

……………..

En écrivant ces lignes, j’étais loin de me douter de la rapidité avec laquelle les deux principaux candidats pressentis évolueraient dans l’opinion publique. Il n’en demeure pas moins que M.Sarkozy apparaît de plus en plus en campagne, préparant son départ annoncé pour s’y consacrer. L’avantage est de se tenir en retrait les derniers mois avant le scrutin afin de ne pas risquer une décision peut-être nécessaire mais impopulaire. Quant à Mme Royal, elle espère forcer la décision des cadres de son parti. Elle sait très bien que selon les règles habituelles et plus ou moins statutaires, elle n’a aucune chance. M.Rocard en sait quelque chose. Or, sa démarche est tout à fait conforme à l’esprit de la Constitution : la rencontre d’une personnalité avec le peuple. Cela est particulièrement difficile à obtenir de la part d’un parti composé en majorité de fonctionnaires habitués à se retrancher derrière un règlement face à la moindre difficulté et qui méprise tout ce qui est populaire. A droite où l’on conserve des réflexes monarchistes, on suivra davantage celui qui présente le mieux. On sera moins tatillon sur les statuts du parti. A gauche, on trouvera toujours un article ou un vice de forme pour écarter une personnalité.

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