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la lanterne de diogène
20 décembre 2008

Désormais la démocratie

On connaît la formule : la dictature c’est « ferme ta gueule », la démocratie c’est « cause toujours ». Pas si simple et, surtout, ça semble ne pas déranger beaucoup. Quelques remarques alors que la démocratie française apparaît de plus en comme un emballage déchiré de toutes parts ?

Désormais, le président Sarkozy ne considère plus la représentation nationale que comme une formalité et les députés comme une assemblée de bénis oui-oui. Désormais, « le gouvernement ne reculera pas ». Il faut à tout prix que le programme de campagne soit respecté ou du moins les points de principe et ceux qui ont pour but de favoriser les amis du Président. En plus, il faut que ce qu’il appelle les « réformes » avance à marche forcée.

Désormais, les députés de la majorité sont priés de « ne pas afficher leur division ». Du débat considéré comme une division de la majorité. D’ailleurs, les médias à la botte ont toujours insisté sur le fait que la discussion est la preuve des déchirements dans les formations politiques. A peine le congrès socialiste terminé qu’il faut trouver de nouvelles « divisions ». En d’autres termes on habitue, on conditionne les citoyens à détester les débats. Il faut que le oui soit oui et que le non soit non et qu’on ne change d’avis sous aucun prétexte. Dans ces conditions, avec l’exécration du dialogue, on peut facilement gouverner par décrets. D’ailleurs, en France, on n’y est pas franchement opposé. L’école de Jules Ferry et de son séide Ernest Lavisse a monté en épingle deux parangons de l’absolutisme, Louis XIV et Napoléon 1er, tandis que les autres souverains plus flexibles ont été ridiculisés. Les Français ne détestent pas tant que cela les soi-disant « hommes à poigne ». Au moins, avec eux, on sait où l’on va ; fut-ce dans le mur.

D’ailleurs, l’évolution du gouvernement sur la réforme du lycée montre bien que l’on préfère l’affrontement au dialogue. A peine a-t-on avancé que le projet était reporté afin de le modifier (ou non) qu’on a parlé de « reculade ». Donc, on aurait préféré que l’exécutif s’obstine, reste sourd à la critique, à la révolte des lycéens puisque quand il décide de revoir sa copie, c’est interprété par la presse et par l’opposition comme une défaite. C’est un véritable pousse-au-crime. Si l’exécutif décide sans discussion, s’il exige du législatif qu’il vote le doigt sur la couture du pantalon, on peut espérer que l’on va crier à la dictature rampante. Raison de plus pour ne pas caricaturer le débat en le qualifiant « d’obstruction » et pour ne pas vilipender la suspension d’un projet de réforme en y voyant une marque de faiblesse quand on devrait louer la prise en compte de la diversité d’opinion. Quand on disait que ce n’était pas facile…

L’absolutisme sarkozien ne se limite pas au ressort national. Le dernier acte du président tournant de l’Union Européenne aura été de faire revoter les Irlandais afin qu’ils ratifient le traité dit de Lisbonne, dont le principal artisan est le président français, justement.

Désormais, on évitera d’avoir recours au vote populaire. Où irait-on si l’on demandait son avis au peuple ? Désormais le parlement sera prié de voter les lois proposées par l’exécutif. Les discussions devront servir uniquement à faire comprendre aux masses le bien fondé des lois approuvées (on préférera ce terme à « votées »). La pression économique et financière, appuyée, si besoin, par ce qui reste des pouvoirs publics, sélectionnera naturellement les médias convenables ; ceux qui diffuseront la bonne parole libéraliste, ceux qui caricatureront les débats, ceux qui approuveront les décrets présidentiels, ceux qui inciteront à consommer les produits fabriqués par les amis du Président.

Chaque fois, on s’efforcera de passer outre les choix des électeurs. La formule a déjà été expérimentée en France au début des années 1980 sous les gouvernements de la gauche. Il suffit de geler les investissements, de favoriser les produits importés ce qui aggrave le chômage. Plus récemment, on utilise l’arme de la délocalisation qui n’est pas incompatible avec les précédentes. Dans ce contexte, on peut voir, comme en Italie, un affairiste qui proclame que lui saura faire revenir les investisseurs. Au besoin, on peut les subventionner pour qu’ils reviennent une fois les élections passées. Le tour de vis apparaitra comme indispensable pour faire revenir la croissance. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Le recul de la démocratie s’accompagne nécessairement de mesures coercitives. L’appareil judiciaire doit suivre l’évolution et, peut-être, la précéder. Il est indispensable de prévenir une contestation que la nouvelle politique porte en germes. On a vu que l’appareil policier dépasse toute mesure et fait dans le déraisonnable. Une réponse pénale adaptée est nécessaire. Dans ce contexte, il faut cesser de croire que Mme Dati ne fait que des gaffes. Pendant qu’on s’occupe de l’effacement de sa bague sur une photo, on ne commente plus le reste. En fait, ses frasques constituent le plus sûr écran de fumée pour masquer la pénalisation de la contestation, l’extension et le renforcement du secret défense, l’impunité de fait des possédants, la difficulté grandissante de l’accès aux procédures judiciaires pour le citoyen de base.

Tous les jours on apprend, dans son quartier, dans son village ou sur les grands médias nationaux qu’une arrestation démesurée a eu lieu. Il faut faire du chiffre. Arrêter trois prostituées et leur infliger une amende constituent trois affaires résolues. Ça fait monter le chiffre. Au hasard, on apprend que la fille d’un directeur de journal a été arrêtée avec ses copains qui n’ont toujours rien compris à l’affaire. Leur faute était de discuter dans la rue, appuyés sur une voiture. Le raisonnement policier a été qu’ils pouvaient en rayer la carrosserie. C’est sûr que c’est plus facile que d’intervenir avant qu’une bande de petits cons excités ne brûlent une voiture. L’affaire des caténaires est en train de se réduire comme une peau de chagrin. On a arrêté, gardé à vue, détenu, des gens dont le tort était de ne pas posséder de téléphone mobile et d’avoir manifesté en Lorraine. 

Qu’on se rassure, le recul de la démocratie ne signifie pas que la France et, par extension l’Union Européenne, deviennent un vaste archipel du Goulag. La vie continuera d’être supportable tant qu’on aura les moyens de la supporter. Le gouvernement veillera à ce que le minimum soit distribué. En plus, des jeux et des paillettes seront développés pour rendre le minimum plus supportable. Et puis, ça ne va pas se gâter du jour au lendemain. On aura le temps de s’y habituer, comme la pollution. Quand on commencera à tousser, il sera trop tard. Les fameux médias, déjà mobilisés depuis des années pour accréditer l’idée qu’il n’y a qu’une politique (la pensée unique, vous connaissez ?) continuent leur besogne. On dira merci quand on prendra le dernier centime et quand on confisquera la dernière tente pour s’abriter.

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