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Le canal de Panama représente à lui seul un concentré de beaucoup de questions liées au développement.

On y trouve pêle-mêle l’intervention de la finance internationale au moment du percement avec nombre de petits porteurs d’actions et ce que cela signifie en termes d’espoirs pour les classes moyennes supérieures. On y trouve la domination de l’ingénierie européenne à cette époque. On y trouve les premières interventions de la future superpuissance dans son arrière cour : les Etats-Unis ayant favorisé un mouvement séparatiste qui a conduit au détachement de la partie de la Colombie située sur l’isthme américain. Ensuite, la CIA a utilisé ses berges (ex-territorialisées) pour ses opérations spéciales en Amérique latine. On y trouve l’installation puis le maintien de gouvernants corrompus. On y trouve l’appauvrissement de la population alors que le canal aurait dû l’enrichir compte tenu de son faible effectif et le détournement des fonds. On y retrouve le développement de la grande délinquance et de la criminalité : la ville de Colon est considérée comme la plus dangereuse du monde. Le Panama demeure une place importante du trafic de stupéfiants.

Malgré tout, le canal reste la fierté des Panaméens alors même qu’ils  ne l’ont pas conçu et n’en bénéficient presque pas.

A l’occasion du vote sur l’élargissement du canal, on évoque le projet concurrent du canal du Nicaragua, vieux serpent de mer ou vieux serpent des deux océans dans ce cas. C’est la crainte de voir partir le trafic vers le Nicaragua qui a emporté la décision des électeurs. En fait, on en parle depuis des décennies. Il suffit de consulter des dictionnaires d’usage courant des années 40 et suivantes pour en trouver la trace. Il convient de souligner que l’intervention dans les années 1980 des « contras » soutenus en secret par la présidence des E.-U. (le fameux scandale de l’Irangate qui a valu moins d’ennuis à Reagan que l’affaire Lewinski au président Clinton) a pour origine le projet de canal. Tous les problèmes du Nicaragua et tous les conflits d’intérêt dans ce pays ont la même origine.

Enfin, et ce n’est pas le moindre aspect de ce projet : l’impact sur l’environnement. Le problème actuel est la taille gigantesque des cargos. Il se posera à terme pour toutes les voies maritimes comme le canal de Suez ou le canal maritime du Saint-Laurent. Bien sûr, cela pose des questions en cas de naufrage et, plus prosaïquement, doit-on continuer de percer la terre pour laisser passer des jumbos navires ? la question se pose également pour les ports. Les coûts du transport aérien devraient devenir dissuasifs quand le baril de pétrole aura atteint un certain niveau à moyen terme. Cela encouragera d’autres projets pharaoniques un peu partout.

Au total, le bilan du canal de Panama à ce jour apparaît globalement négatif. Ce qui est plus grave c’est que malgré l’ouverture de cette boite de Pandore, la population en veut toujours plus. Cette fuite en avant, qui n’est pas circonscrite au Panam a de quoi rendre perplexe et de quoi inquiéter.