tempête dans un verre d'eau Cristaline

20 janvier 2007

tempête dans un verre d'eau Cristaline

Régulièrement, l’opinion feint de s’indigner afin de se payer une bonne conscience à peu de frais. C’est bien ce qui se passe autour de l’affaire de la publicité dite comparative pour l’eau Cristaline.

« Qui prétend que l’eau du robinet a bon goût ne doit pas en boire souvent »

Du coup, des gens habituellement mieux inspirés et, surtout, la grande masse de tous ceux que l’on n’entend pas beaucoup lorsqu’il s’agit de défendre l’environnement au sens large, se déchaînent. La ministre que l’on n’a pas beaucoup vu sur le terrain et qui n’a pas brillé à ce poste depuis sa nomination monte en première ligne. Comme vous avez raison de défendre l’énergie nucléaire qui ne pollue pas la nature. Courage Madame, dans trois mois, ce sera la quille pour vous.

D’abord, dans cette affaire, on confond un doute sérieux émis quant au goût avec une critique de la qualité. Encore une fois, la confusion due à une mauvaise compréhension du vocabulaire provoque un conflit. Tout le monde sait que l’eau du robinet en France est particulièrement surveillée et à peu près potable partout. Cela ne veut pas dire que cette eau potable est agréable au goût. L’huile de foie de morue est proprement infecte mais constitue un remède préventif souverain contre les maladies hivernales. A Briançon, l’eau qui est sûrement l’une des plus chères du monde, est parfaitement potable, sauf qu’il faut attendre une minute après l’avoir tirée que le calcaire remonte.

Donc, ne pas confondre une attaque contre le goût et une attaque contre la qualité de l’eau du robinet.

Ensuite, il est extrêmement curieux que des groupes écologistes et consuméristes défendent l’eau du robinet entre les mains des plus puissants groupes multinationaux au monde : Générale des Eaux (Véolia), Lyonnaise des Eaux (Suez), SAUR (reprise par Pinault récemment).

Depuis quelques années, en effet, ces groupes qui contrôlent ce qui permet la vie sur Terre, dans de nombreux pays du monde, voient la consommation diminuer. En effet, devant les hausses de prix qui résultent de leur intervention, les consommateurs gaspillent moins. Ils ferment les robinets après usage, réparent leurs installations, utilisent des chasses d’eau à deux réservoirs etc. Total, une baisse de la consommation que la hausse des prix ne vient pas compenser.

Du coup, les grands groupes ne cessent de faire des campagnes pour inciter les gens à boire l’eau du robinet et relancer la consommation et donc les bénéfices pour eux.

Dans cette opération, ils reçoivent le soutien objectifs des consommateurs « bios » qui rivalisent d’inventivité pour promouvoir l’eau du robinet. Leur argument majeur repose sur la réduction des déchets ménagers. Les bouteilles sont, il est vrai, particulièrement encombrantes même si elle sont recyclables. Ensuite, comme ils ont un esprit très individualiste, ils aiment bien tout faire eux-mêmes. Dans leur langage, on appelle ça un autre rapport à la nature et à l’environnement. Ils se procurent divers filtres afin de rendre l’eau du robinet meilleure. Donc, cela veut bien dire qu’ils ne font pas confiance et qu’ils se protègent du mauvais goût et surtout de la présence de mauvaises particules.

On nous dit que l’eau en bouteille contient parfois des traces d’antimoine, que la fabrication du plastique des bouteilles fait appel au pétrole qui doit être transporté. Bien sûr, les tuyaux en plastique, les anciennes canalisations, sont absolument sains et ne nécessitent pas de pétrole transporté. Le stockage en réservoirs ne pose pas de problème au contraire du stockage des bouteilles…

Comme la cohérence ne semble pas le fort de ces organisations, elles accusent Cristaline, afin de paraître mieux défendre le consommateur de base, d’appartenir à une multinationale de l’agro-alimentaire qui, décidément ne le respecte pas. En fait, Cristaline est une marque commerciale qui regroupe des sources appartenant à des familles ; c’est une marque du groupe Castel. On peut se demander si l’on ferait tout ce tintouin si une eau appartenant à un grand groupe multinational avait lancé cette campagne.

Pourtant, les publicités agressives ou stupides ne manquent pas dans notre paysage. Pourtant, les eaux appartenant aux grands groupes agroalimentaires rivalisent d’imagination pour en vanter les vertus : bonne pour les biberons, redonne de l’éclat à la peau, facilite l’élimination, 0 nitrate (c’est le minimum !), évacue les toxines, fait maigrir, proche de la composition du sang, forte teneur en minéraux, faible teneur en minéraux, recommandée pour un régime etc.

En s’en prenant à un regroupement (Cristaline) de petits producteurs, on prend nettement moins de risques. Il est vrai aussi que c’est la seule dont le prix peut concurrencer l’eau du robinet des multinationales.

Encore une fois, il faut se méfier de ces campagnes faciles qui semblent faire l’unanimité et qui regroupent des intérêts extrêmement opposés. On ne peut que demeurer consterné en constatant la formidable contre-campagne publicitaire en faveur de l’eau des multinationales. Néanmoins, une simple visite sur l’Internet montre que les sites qui la relaient sont aussi divers que nombreux mais que les réactions des Internautes contredisent leurs allégations. Le public n’a pas besoin qu’on lui dise ce qu’il faut boire. Ce n’est pas un hasard si l’on consomme autant d’eau en bouteille et si l’un des premiers réflexes des ménages qui accèdent à un minimum de confort consiste à acheter des bouteilles d’eau. On peut le constater dans le monde entier.

Enfin, on peut, en effet, promouvoir l’eau du robinet que j’ai abondamment consommée pendant les deux décennies où j’habitais la Goutte d’Or à Paris. Cependant, pour emmener l’eau du robinet au travail ou pour un examen, c’est pas facile ! Bien sûr, on peut promouvoir la gourde en cuir du Pays-Basque ou la gourde en alu des scouts, ou encore, la gourde en plastique (non-recyclable) comme autrefois dans les cours de récréation à l’heure du goûter.