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la lanterne de diogène
8 mai 2007

M.Sarkozy en place pour cinq ans

Cette fois, c’est fait. La victoire du candidat libéraliste est nette et l’on ne peut que s’incliner. Quoi qu’il en soit, on attendait ce moment depuis cinq ans après le cafouillage de 2002. Le second mandat de M.Chirac apparaît déjà comme une parenthèse car il ne s’est pour ainsi dire rien passé sinon la préparation de l’élection de ce mois-ci. Cinq années perdues, au moins deux ans de fin de règne avec tout ce que cela signifie en termes de décadence. La France était gouvernée par une sorte de triumvirat dont chacun des membres redoutait de se voir poignardé par les deux autres. On retiendra les avertissements de la diplomatie française sur les risques d’une opération militaire injustifiable en Irak.

Les électeurs français ont donc choisi. Curieux qu’aucun journal n’ait titré comme en 1981 quelque chose du genre : « le rêve obstiné du politicien ambitieux se réalise : Sarkozy pour cinq ans ! ». C’était le titre du Figaro (ou du Quotidien de Paris). De même, il est étonnant que Le Monde, dont c’est le thème favori depuis plusieurs années, n’ait pas titré sur la victoire d’un candidat issu de l’immigration. On préfère se répandre sur le retour en France de Johnny Hallyday et les frasques de Laure Manaudou et, bien sûr, les querelles réelles ou supposées au PS. Faut-il s’en étonner ?

Quant aux électeurs, comme on peut raisonnablement affirmer que peu ont eu connaissance du programme de l’élu, ils ont apprécié le ton vindicatif, rassurant, le thème du changement de la part de celui qui était déjà en place. Il ne faut pas chercher d’explication rationnelle à un choix personnel. Pourquoi aime-t-on quelqu’un plutôt qu’un autre ? la question demeure sans réponse depuis la nuit des temps. Reste qu’il a su rassembler tout ce qui est plus ou moins de droite : de l’extrême au centre. Il faudra bien analyser cette réussite et se demander pourquoi la candidate de gauche n’a pu en faire autant.

Pour l’heure, on peut s’interroger sur l’impression véhiculée par le candidat libéraliste en campagne depuis cinq ans, en tant que ministre de l’Intérieur et, dans une moindre mesure, ministre des Finances. On a observé que les plus anciens se sont davantage reporté sur lui mais on aimerait savoir pour qui ont voté les nouveaux électeurs massivement inscrits en décembre. De même, on remarque que les grandes villes ont plutôt choisi la candidate de gauche. On a grand tort de fustiger le reste de la France et de s’en moquer lorsque elle exprime sa peur et son besoin d’un homme qui paraît fort et en mesure de mettre de l’ordre (même si les cinq années ont montré que ce n’était pas aussi vrai). Bien que profitant d’une certaine qualité de vie, ces populations, en raison même de leur désir majeur de tranquillité, s’effraient, chaque fois qu’en partant au travail, elles découvrent une poubelle qui a brûlé, une cabine téléphonique qui a volé en éclat, un graffiti sur un beau mur, un impact sur une vitrine. Comme si cela n’avait jamais existé dans le passé, on s’émeut qu’une boutique a été dévalisée ou qu’un appartement voisin a été cambriolé. On s’en émeut d’autant plus fortement s’il s’agit de personnes vivant modestement, quelqu’un qui aurait pu être soi. L’arrivée dans les grandes villes, une fois passée l’inévitable zone d’activité avec ses horribles magasins abrités dans des hangars de tôle colorée et sans goût, est marquée par de hauts immeubles dont on devine qu’ils abritent une population qui y vit mal. Ensuite, une promenade dans centre ville révélera des petits groupes bruyants, buvant et agressifs. Tous ces petits faits entretiennent une crainte que l’on a tort de mépriser.

Le candidat conservateur apparaît comme celui qui mettra fin à cette situation. A droite, on attend toujours l’homme providentiel (cf.  http://www.canalblog.com/cf/my/index.cfm?pageNum=2&nav=blog.content&bid=125299   ). Par son discours direct, il donne l’impression qu’avec lui, on pourra rentrer tranquillement chez soi le soir, sortir la nuit, partir au boulot le matin sans craindre de trouver son pare-brise éclaté ou ses pneus crevés. Or, ces populations –d’humbles salariés pour la plupart (caissières, petits fonctionnaires, commerciaux, etc.) –vivent le plus souvent loin de ce que l’on appelle « les zones de non-droit ». Ils ne se rendent pas compte que les discours, tout à fait recevables de l’ancien ministre de l’Intérieur, non seulement ne se sont pas traduits par des améliorations mais que ses gesticulations, le déploiement démesuré des forces de l’ordre ont abouti au résultat inverse. N’importe, le parcours décrit plus haut se fait accompagné de policiers en tenue de combat et cela fait illusion.

D’un autre côté, la gauche, en méprisant les craintes de son électorat traditionnel, en donnant l’impression de défendre systématiquement les agresseurs, s’est discréditée. Bien sûr, les populations rurales sont traditionnellement conservatrices et votent en conséquence. Reste que les jeunes ménages, qui fuient les villes trop chères et qui commencent à être trop violentes, cherchent de plus en plus à habiter à l’écart et craignent plus que les autres pour leur modeste patrimoine acquis à crédit. C’est le visage de la France d’aujourd’hui.

La génération de politiciens qui devrait dégager dans les semaines à venir n’a pas compris ces changements et parle encore comme avant guerre. Ce n’est pas un hasard si les deux finalistes n’appartenaient pas à cette génération. On devrait logiquement enregistrer à droite comme à gauche, de nouvelle têtes et, certainement qu’on ne devrait plus voir à l’Elysée, un homme qui hante les cabinets ministériels depuis la fin de son service militaire comme l’actuel titulaire du poste. Presque un demi-siècle dans les lambris de la République !

Alors, il faut souhaiter bonne chance au nouveau président de la république parce qu’on aime son pays et sa population et parce que personne n’a intérêt à voir la situation se dégrader un peu plus. Comme lorsqu’il était aux affaires –c’est à dire jusqu’à ces jours-ci encore –il a beaucoup parlé, et très franchement, mais a enregistré peu de résultats, il est permis d’en douter. Accordons-lui une chance, dans l’intérêt de tous. Son premier discours de vainqueur a tranché avec ce qu’on connaissait de lui. La première partie était attendue mais il l’a mise dans la perspective du rassemblement de tous les Français, ce qui est son nouveau rôle mais qui est très nouveau de sa part. La deuxième partie, tournée vers l’extérieur était encore plus surprenante. Si son regard vers l’Europe correspond à sa vision d’une zone de libre-échange regroupant les gouvernements conservateurs, on a été plus surpris par son apostrophe à la puissance étatsunienne. Il a affirmé l’alliance mais également l’indépendance. Surtout, il a demandé à cette superpuissance de prendre la tête de la lutte contre les changements climatiques. Il a, au moins, le mérite de le dire et de le dire dans les minutes qui ont suivi son élection. Ensuite, il a évoqué une « union méditerranéenne » qui apparaît fortement comme le constat de l’échec de l’Union Européenne et en contradiction avec ce qui précède. Il n’en demeure pas moins que la France a, depuis toujours, une Histoire forte en Méditerranée, depuis l’empire romain et que sa politique coloniale a été fortement tournée vers la rive sud de la grande mer. En fait, on peut douter de ces références historiques. En revanche, c’est un moyen habile de tendre la main à la Turquie, au Maroc et à terme, à l’Egypte puis à l’Algérie et à la Tunisie. Cela devrait se faire également dans le cadre d’une politique de l’immigration. A suivre… Enfin, les petits mots à l’adresse de l’Afrique auront été appréciés mais il y a peu à attendre de ce côté tant la tentation de jouer avec les grands laisse peu de place à ces nations avec lesquelles nous partageons aussi une partie de l’Histoire.

Plus concrètement, dès dimanche, des incidents ont déjà eu lieu, ce qui est une première un soir d’élections. C’est à croire que la France rejoint ces pays de démocratie douteuse où les résultats sont contestés par les populations de la capitale et des principales villes. C’est dire que les craintes ne sont pas exagérées. Les forces de l’ordre étaient déployées depuis quelques jours et quatre compagnies étaient mobilisées en Seine-Saint-Denis. Visiblement, on ne se rend pas compte que cela est vécu comme une provocation, non par les voyous qui se complaisent dans cette atmosphère d’insurrection mais par le reste de la population qui se sent soupçonnée en permanence. Encore une fois, le rappel à des principes de bon sens n’est pas en cause, mais sa traduction sur le terrain, en terme de déploiement disproportionné des forces de l’ordre et la désignation de coupables faciles tandis que les délinquants courent toujours, aboutit à cette situation de troubles majeurs.

Côté anecdotique, on a pu avoir une idée de la cour qui évolue autour du nouveau président. Là où Mitterrand attirait les meilleurs écrivains, artistes de son temps, qui se confondaient en courbettes sur ses pas, on trouve les chanteurs du show-business, les exilés fiscaux apatrides, tous inconnus au delà de l’hexagone au contraire des précédents.  Le hit-parade a remplacé culturellement les best-sellers. Steevie a remplacé Marguerite Duras. Que l’on songe que l’on a interrompu, sur TF1, un ancien Premier Ministre –M.Fabius en l’occurrence –pour donner la parole en direct à un Johnny Hallyday bredouillant. Une autre indication précieuse aura été la présence de Richard Virenque auprès du vainqueur. En fait, c’est la France qui applaudissait fortement, non pas le coureur dopé mais le seul qui a menti, qui a gagné dimanche soir.

Enfin, l’homme qui a licencié Haroun Tazieff pour avoir eu raison contre lui sur l’éruption de la Fournaise devrait rejoindre le gouvernement resserré qui sera mis en place dans les jours qui viennent. Claude Allègre qu’on a vu s’introduire auprès de M.Fillon par une porte dérobée devrait voir le couronnement de son intelligence supérieure. Il faudrait qu’il soit chargé des risques liés aux changements climatiques... Cette ouverture de façade, cet affichage du rassemblement, devraient donner une indication forte de la sincérité du nouveau président.

C’est aussi une caractéristique de notre époque : beaucoup d’images, de tape-à-l’œil, une ignorance des beaux textes des grands auteurs, pour aboutir à une société peu généreuse, dépolitisée, repliée sur son matériel, rejetant volontiers son prochain.

Mardi matin, sur France-Inter, le baron de Sellières faisait son grand retour tel les émigrés à la Restauration. A une remarque qui pointait l’excellente productivité des salariés français (une des toutes meilleures du monde) a répondu qu’il vaudrait mieux que la productivité baisse mais que les Français travaillent davantage. Comprend qui peut… Tout est bon pour faire croire que faire travailler davantage ceux qui ont déjà un travail va créer des emplois. En attendant, ceux qui sont à temps partiel n’arrivent pas à obtenir un temps complet, ceux qui sont âgés sont remerciés même pas poliment, et l’on annonce qu’un fonctionnaire sur deux ne sera pas remplacé après sa retraite, ceux qui sont au chômage ne trouvent pas de travail. On n’a pas fini d’entendre des contre-vérités, de voir l’inversement des valeurs, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Ça n’est que le début.

Toujours, ce même jour, on apprenait, sur un ton badin, que le nouveau Président de la République se trouve au repos à l’étranger pour quelques jours. Faut-il lui rappeler qu’un Français est retenu en otage en Afghanistan et que des soldats français risquent encore plus leur vie depuis quelques mois là-bas ? Cette attitude pour le moins légère et méprisante est absolument inqualifiable. Ne nous leurrons pas : ce n’est pas la taille ni le coût du yacht qui importe mais l’insouciance ostentatoire du nouveau président. Quant à la servilité des journalistes dont aucun n’a relevé le fait elle est peut-être encore plus coupable. Qu’importe, après tout, dans quinze jours, plus personne n’y pensera.

Le quinquennat ne se présente pas sous les meilleurs auspices.

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