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la lanterne de diogène
20 janvier 2010

Invictus

InvictusInvictus, le film de Clint Eastwood est un cas particulier dans le cinéma. L’idée consistait à montrer, à travers un événement que d’aucuns qualifieraient d’anecdotique, comment M. Nelson Mandela a pu réaliser, patiemment, la réconciliation entre les communautés antagonistes blanches et noires de son pays, l’Afrique du Sud.

 

Justement, M. Mandela, contrairement à ce que ses conseillers lui prodiguaient, n’a pas méprisé les événements sportifs populaires y compris et surtout quand ils intéressaient surtout les Blancs qui n’avaient pas voté pour lui aux premières élections présidentielles vraiment démocratiques. C’est que, précisément, le sport spectacle est un moyen de rassembler tout le monde autour d’une équipe. Il suffit de voir la tribune d’honneur du Parc des Princes à Paris pour s’en convaincre. Les hommes politiques de tous bords s’y retrouvent côte à côte alors même qu’ils ne sont pas parisiens.

 

Le succès du rugby –puisque c’est de cela qu’il s’agit –tient à ce que ce sport rude permet aux garçons des universités de culture britannique, soumis à une forte pression, de se défouler dans le cadre très contraignant d’une discipline à laquelle ils sont habitués. Le football, avec son jeu de balle au ras de terre et ses règles simples est praticable sur n’importe quel terrain. C’est la raison de sa popularité.

Pour revenir au rugby, ses règles compliquées, difficiles à comprendre quand on n’a pas une éducation à l’anglaise, évite que les affrontements sur le terrain ne dégénèrent en bagarre. Par extension, le public apprécie. Tout en supportant son équipe, on échange avec les supporteurs adverses et on applaudit les belles actions de l’adversaire. En d’autres termes, les supporteurs des deux équipes peuvent se mélanger dans les tribunes sans que ça vire aux insultes et au pugilat et sans que, malgré tout, des cordons de CRS doivent encadrer les mouvements de spectateurs comme c’est le cas dans les stades de football.

sa_rugby

Donc, en 1995, en refusant la revanche des Noirs sur les Blancs, en refusant l’ostracisme des Noirs envers l’équipe afrikaner des Springboks, le président Mandela a réussi à réconcilier dans les stades et les bistrots les deux populations fières de l’équipe qui représentait leurs couleurs. Bien entendu, Clint Eastwood a passé sous silence la réaction du président de la fédération sud-africaine de rugby après sa victoire en Coupe du monde qui avait déclaré que les précédentes éditions ne comptaient pas puisque l’Afrique du Sud n’y participait pas et que, par conséquent, ils étaient les premiers vrais champions du monde. La délégation néo-zélandaise avait quitté la salle. C’est vrai que l’essentiel était ailleurs : la paix s’instaurait en Afrique du Sud.

 

L’histoire de Mandela ramène à ces années où, lycéen, étudiant, on luttait, à sa façon contre le régime inique de ségrégation raciale d’Afrique du Sud. A Londres, pendant des années, deux manifestants se sont relayés jour et nuit, tous les jours, pour brandir une banderole devant l’ambassade d’Afrique du sud. A Paris, on se pressait dans les petites salles du quartier Latin, pour voir le film «

La Dernière

tombe à Dimbaza ». Mon professeur, Jean-Marie Floch nous poussait à aller le voir, ce qui lui a valu des ennuis de la part de l’administration. Et puis, on est passé à la vitesse supérieure : le boycott de l’Afrique du Sud. Pendant ce temps, nous parvenaient sur les écrans de tv ces images des ces affreux blindés hauts sur roue utilisés par la police anti-émeute. Quand on voyageait, on était surpris de constater que tous les voyageurs connaissaient la situation là-bas. Certains en revenaient. Partout nous échangions nos impressions du concert de Wembley retransmis dans le monde entier (à l’exception des dictatures bien entendu).

http://www.dailymotion.com/video/x3xb8_simple-minds-mandela-day_music

 

nelsonAlors, quand on voit que ce type, pour lequel nous avons manifesté, pris des coups, parfois, est finalement sorti de prison après 27 années, est devenu président de son pays, est le héros d’un film, on éprouve un petit vertige et surtout un grand soulagement. Nelson Mandela est devenu l’un des personnages les plus importants du siècle dernier. Réconcilier deux peuples qui se sont affrontés sévèrement pendant des dizaines d’années, deux peuples qui se sont méprisés n’est pas une mince affaire. Que l’on songe aux conflits ethniques ou simplement linguistiques qui n’en finissent pas y compris aux portes de chez nous. Je pense à

la Belgique

mais ce n’est pas le plus grave car c’est un pays de tradition démocratique.

 

Parlant de réconciliation, je me souviens que, à la suite d’un reportage sur l’Afrique du Sud, diffusé à la télévision en 1988 ou 89, j’avais dit qu’il y avait de l’espoir. Pour moi, deux peuples qui chantaient –ainsi que les voyait à plusieurs reprises dans ce reportage –finiraient par s’entendre. On m’avait ri au nez. Comment mentionner un détail aussi insignifiant et en faire un argument pour expliquer une improbable réconciliation ? A cette époque, l’idée simpliste mais très répandue parmi les adversaires de l’apartheid consistait à préconiser le départ de la minorité blanche. Pour aller où ? mais en Angleterre, bien sûr ! Il était impossible de faire comprendre que les Blancs en question n’étaient pas anglais mais hollandais et qu’ils étaient installés depuis le 17ième siècle, comme les Zoulous, d’ailleurs.

afrique_du_sud_2010

Tout cela est oublié et c’est tant mieux. L’Afrique du Sud s’apprête à accueillir, cette année, une autre Coupe du Monde, celle de football, le sport roi de la majorité noire de ce pays.

 

Enfin, Invictus m’a rappelé aussi un événement douloureux et personnel. A l’issue de cette rencontre que j’ai regardée à la tv en 1995, je suis allé rendre visite à mon ami Serge que je savais mal en point à ce moment. C’était la première fois que je le trouvais étendu par terre, sans force pour se lever. Emmené d’urgence à l’hôpital par les pompiers, je découvrais à cette occasion le prix de l’amitié. Je découvrais aussi la solidarité spontanée de tous ses amis : l’un proposant un pyjama et une serviette, l’autre d’aller acheter des produits pour la toilette, l’autre encore de prendre sa petite chienne en pension pendant qu’un autre se chargeait d’acheter des croquettes, un autre encore d’emmener dans sa voiture ceux qui ne pouvaient se déplacer facilement. Comme très souvent, la petite histoire rencontre la grande Histoire. 

drapeau_afrique_du_sud

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