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la lanterne de diogène
28 juillet 2006

universalité ?

Voici qu’un nouveau chapitre s’ouvre dans ce Proche-Orient déjà si riche en Histoire et en histoires ; un chapitre qui comme presque tous les autres s’écrit en lettres de sang.

Au point où nous en sommes, qui peut encore dire comment tout a commencé ? Chaque camp a son massacre, sa spoliation, sa frustration à opposer à l’autre. On peut en revenir aux premiers temps bibliques quand les bergers s’affrontaient pour les pâturages, quand les bergers affrontaient les chasseurs, quand les agriculteurs affrontaient les bergers. Les lointains descendants de ces premiers hommes civilisés de par chez nous s’affrontent encore pour quelques arpents et quelque rancune entretenue au long des millénaires et malgré les exodes, les invasions.

Les Français, orgueilleux de leurs idées qui ont fait le tour du monde avancent toujours la raison et lui attribuent une vocation universelle, sûrs de leur bon sens. Pourtant, il n’est pas de raison qui tienne en de nombreuses aires de notre planète. Les solutions qui nous paraissent évidentes, la bonne volonté, l’idéal humaniste, l’esprit des Lumières, la fraternité universelle demeurent incompréhensible pour nombre de nos frères humains. Les Droits de l’Homme n’ont été adoptés par les Etats que pour adhérer à l’ONU. Les élites des années 1950 qui ont étudié en Europe ont consenti cette concession afin d’ exister dans le concert des nations. Les populations issues de civilisations très hiérarchisées n’entendent rien à une notion comme l’égalité de droits.

On croit bien vainement qu’il existe une objectivité, un système auquel tous peuvent et doivent adhérer. Quelle prétention ! Déjà, les anglo-américains n’utilisent pas les mêmes mesures que nous. Deux siècles après l’adoption du système métrique et de la base décimale, les Etatsuniens utilisent toujours des mesures agricoles et des fractions plutôt que des virgules. Avec cela, ils sont allés sur la Lune. Deux générations après l’adoption du système métrique et de la base décimale, les Britanniques, membres d’une union commerciale où règnent ces mesures, n’arrivent toujours pas à les utiliser.

On voudrait que notre façon de penser, notre vision de l’Histoire, du devenir des peuples, notre rationalité, notre laïcité soient comprises de peuples qui ont des réponses à toutes les questions sans en avoir étudié aucune. Alors qu’ils s’expriment dans des langues symboliques, on voudrait les amener à des raisonnements qu’elles ne peuvent pas exprimer ni cerner.

On voudrait qu’ailleurs, parce que pour nous, cela est évident, objectif, que les hommes, nos frères, voient les mêmes couleurs que nous, voient les mêmes formes que nous, sentent la même chose que nous, qu’ils mesurent comme nous. On voudrait que le temps soit enfermé dans une heure de soixante minutes quand ailleurs seule compte la finalité et que le temps pour y parvenir est sans valeur.

On est certain qu’il existe la vérité, des causes. En de nombreuses parties du monde et surtout au Moyen-Orient, ce qui est visible, ce qui nous paraît évident parce que constatable n’a aucune valeur en soi. Seule compte l’autorité de celui qui affirme.

Au Moyen-Orient, les passions sont exacerbées en permanence et il n’y a nulle place pour la nuance quand elle vient de l’autre mais elle est exigée pour ce qui touche aux siens. La moindre phrase, le moindre mot qui ne paraît pas en faveur de son camp est jugé hostile ; peu importe qu’il décrive une simple constatation. Les faits ne présentent aucun caractère d’objectivité en soi. Ils ne sont que ce que l’on veut qu’ils soient. Il n’existe aucun poids, aucune mesure. Nous sommes, en ce début d’Orient mystique, en pleine subjectivité comme nous disons. Aucune raison ne saurait être entendue. L’équilibre paraît toujours favorable à un camp ou un autre.

Nous autres, vivons dans un monde sensible façonné par la rigueur des Grecs, leurs codes, leur syntaxe, leur sémantique, leur précision. Il nous semble que, parce que le système nous a profité, il doit être partagé universellement. D’autres peuples n’éprouvent pas ce besoin de rigueur, de précision, de connaître les causes. Nous ne pouvons pas toujours exiger que les autres raisonnent comme nous et approuvent notre manière de voir et de vivre.

Au Moyen-Orient, les faits n’existent pas, les causes n’existent pas. Seules comptent la provenance et l’autorité de celui qui s’adresse à la population. Ce n’est pas facile à admettre dans notre pays rationaliste à l’extrême. 

Comment croire que des peuples, parce qu’ils subissent la guerre, la souffrance, le deuil, vont se retourner contre ceux qui les poussent dans cette logique fatale ? Est-ce qu’en 1914, Allemands et Français se sont retournés contre leurs gouvernements belliqueux et vengeurs ? Ont-ils écouté Jaurès ? Et pourtant, la suite a montré qu’ils auraient eu intérêt à le faire et le présent nous montre l’étendue du désastre à l’aune de l’amitié qui règne des deux côtés du Rhin.

Et l’on voudrait que des conflits qui durent depuis 5000 ans cessent. Au contraire : la moindre pierre lancée appelle, non pas sa semblable mais une pluie de ses semblables. Comment des gens qui ne savent pas ce qu’est la paix, qui n’en connaissent qu’une vague définition lue dans des livres étrangers ou trop anciens, pourraient avoir envie de s’y risquer ? Ces peuples ne connaissent, depuis qu’ils sont nés, que des guerres, des explosions, des tirs. Quand ces bruits se taisent, les rues sont encore patrouillées par des hommes en tenue de combat et armés et leurs dirigeants sont d’anciens généraux ou des hommes portant l’uniforme, histoire, sans doute de les rappeler à la réalité.

Dans ce Proche-Orient, chaque fois qu’un pas a été fait vers un début de règlement pacifique, dix pas en arrière ont suivi quelques jours plus tard. La dernière fois, ce mois-ci, le pas en avant n’était pas encore retombé sur le sol que cent pas en arrières ont été accomplis.

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