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la lanterne de diogène
18 mars 2007

une pause avant la bataille

C’est marrant parce que j’aime bien le rugby et j’ai parlé de foot l’an dernier. Tous les observateurs peuvent dire que l’on peut apprécier ou non le spectacle, mais la tenue des spectateurs dans les stades et aux abords et l’esprit sportif des supporteurs fait l’unanimité. A l’époque où un Virenque était ovationné sur les routes du Tour de France, où les alentours du Parc des Princes à Paris ressemblent à une ville en pleine guerre civile, où la tricherie est monnaie courante dans les championnats de foot nationaux, il est bon de voir les gradins des stades de rugby pleins de joyeux lurons venus passer un bon moment ensemble.

Quelques souvenirs si tu permets. La première fois que j’ai assisté à un match du Tournoi des Cinq nations, c’était en 1972 : France-Angleterre à Colombes. Eh oui, j’ai connu le stade olympique de Colombes, modeste, en pleine banlieue, au milieu d’usine d’équipements automobiles (pneus, autocars) avec des spectateurs sur des pelouses en bout de stade. Les supporteurs anglais venaient voir les gars du sud-ouest en sachant qu’ils avaient plein de bon vin dans leurs gourdes (au foot, on voit plutôt les mecs picoler avant pour casser la gueule des autres en entrant ou au moins les insulter). Les supporteurs se mélangent au rugby. Ce serait impensables de cantonner les visiteurs dans certaines tribunes même si l’on écrit « bienvenue » à l’entrée.

A Colombes, les joueurs sortaient un par un du sous-sol en bout de piste. Le premier avait le ballon et le passait à celui qui suivait, équipier ou adversaire. Impossible de mettre une caméra  (escalier trop étroit) comme on fait aujourd’hui ; autre temps… Ensuite, on applaudit les belles actions et les essais et les buts marqués. Bien sûr, on préfère voir son équipe favorite marquer mais on applaudit l’adversaire. C’est drôle d’avoir à remarquer des choses aussi simples que le respect de l’adversaire. On rugby, on ne se pose même pas la question : on vient passer un bon moment et c’est tout. Lors d’un tournoi junior, j’ai pu voir la scène suivante : l’arbitre venait de sanctionner un joueur. Celui-ci s’énerve et conteste la décision. Son entraîneur, l’interpelle depuis la ligne de touche et lui dit fermement : non, non ! tu te tais ! Le minot s’est arrêté aussitôt. Quel contraste ! à quelques centaines de mètres se trouve le grand stade de foot où l’ancien entraîneur était connu (très connu c’est pour ça que je ne le cite pas) pour encourager le public à faire pression sur l’arbitre.

Pourtant, ce n’est pas évident car les règles du rugby sont très compliquées. Ce n’est pas facile de comprendre l’interprétation d’autant que ce sport demeure marqué par son origine anglaise et qu’il faut une mentalité anglaise pour bien le maîtriser. Faut-il rappeler qu’il existe quantité de sports anglais, peu ou pas connus du tout en dehors de l’Angleterre, tout simplement parce que personne n’y comprend rien ? Curieusement, cette complication ne rebute pas le public féminin très nombreux à apprécier ce sport viril s’il en est. Peu de filles dans les tribune mais beaucoup devant leurs téléviseurs ; on n’en reste pas moins une femme d’intérieur, surtout s’il faut garder les enfants pendant que monsieur s’amuse avec ses copains.

La professionnalisation n’a pas eu raison de ce bel esprit sportif. Certes, on peut voir de plus en plus de gestes durs. Dans l’hémisphère sud, on tolère quelques piétinements de joueur à terre qui n’embellissent nullement le spectacle et le sport. Cela arrive progressivement dans le nord. Du temps des amateurs, il existait un accord tacite entre les joueurs pour ne pas s’abîmer. Un joueur blessé ne pouvait pas reprendre son travail le lundi. Ça la fichait mal devant son patron et que l’on soit paysan, employé municipal, médecin, commerçant, fonctionnaire. En revanche, force est de constater que le jeu s’est amélioré. Le placement sur le terrain devient impeccable. On ne voit plus ces masses informes de joueurs les uns sur les autres à la recherche désespérée du ballon pendant qu’un costaud de chaque camp essayait de virer les tas de chair agglutinée . Le rythme est plus soutenu aussi. Les silhouettes des joueurs deviennent plus homogènes. Qu’on se souvienne du XV vainqueur du Grand Chelem de 1977 : un tout petit (Fouroux), deux géants (Bastiat et Imbernon), une masse (Cholley), un presque maigrelet (Harize), un élégant (Aguirre), un moustachu (Romeu). Aujourd’hui, le gabarit est plus standard. Le lointain successeur de Fouroux, Yachvili, mesure 1,82m.

Cette année, sera une année rugby à cause de la Coupe du Monde. Pour ma part, je voudrais apporter une note discordante dans le concert de louanges adressées à M.Bernard Laporte. D’abord, pour remarquer que lorsque il a pris l’équipe de France, elle venait de disputer la finale de la Coupe du Monde de 1999. Quatre ans plus tard, les Bleus terminaient poussivement à la quatrième place. On ne peut pas parler de réussite. Pourtant, le DTN persiste. Je sais bien qu’il y a autant de sélectionneurs qu’il y a d’amateurs de rugby mais on peut quand même faire quelques remarques. Ensuite, on peut s’étonner que la première décision de M.Laporte a consisté à éliminer le meilleur buteur de l’histoire du XV de France (Christophe Lamaison), le meilleur marqueur d’essais du moment (Philippe Bernat-Salles), le meilleur homme sur le terrain (Raphaël Ibanez). Il me semble que la finalité du jeu consiste à marquer des essais et à les transformer. Le caractère personnel de ces joueurs peut agacer l’entraîneur, mais l’équipe se trouve gratifiée de ses efforts quand l’un deux marque au bout de séquence de jeux intenses et que la victoire se conclut.

Bleus_2007

A l’occasion du dernière rencontre du Tournoi, on a pu voir évoluer la trentième charnière depuis 2000 (premier match sous Laporte). Trente combinaisons demi de mêlée/demi d’ouverture. On sait que l’entente entre les deux hommes est une des clés de la réussite. Il n’est pas question de discuter les qualités des joueurs sélectionnés. A ce niveau, ils sont tous bons, voire excellents. On peut, tout de même, se demander ce qui a pu justifier le rappel d’un joueur comme Delaigue, en fin de carrière, alors qu’il n’était même plus titulaire dans son club. En plus, il n’a guère brillé cette année-là tandis que Michalak qui avait impressionné lors du Mondial de 2003 avait besoin de s’aguerrir à l’international, et la paire formée avec Yachvili devait acquérir des automatismes. Bien sûr, il convenait aussi de tester d’autres combinaison en cas de forfait d’un titulaire logique. Dans ces cas-là, on essaie un nouveau. Concernant Bauxis, il me semble que l’essai est transformé. Ce jeune buteur est impressionnant de décontraction quand on voit la concentration d’un Hook, d’un Wilkinson (quand il jouait), d’un Patterson, d’un Yachvili ou d’un Elissalde…  De toute évidence, il s’agit d’un joueur promis à un bel avenir.

Quand même, trente charnière en deux cycles de Coupe du Monde à Coupe du Monde, cela fait un peu trop. Dans le Tournoi qui vient de s’achever, il était nécessaire de faire évoluer Mignoni au plus haut niveau en vue de l’échéance de l’automne. Néanmoins, pourquoi avoir maintenu Yachvili sur la touche (seul remplaçant à n’avoir pas joué les premiers matches) ? Pourquoi l’éliminer parce que sa prestation contre l’Angleterre n’a pas été à la hauteur de celle de l’an dernier ? Juge-t-on un joueur sur une partie ? Pourquoi avoir maintenu Skréla comme buteur –irréprochable par ailleurs – quand du temps de Michalak, autrement meilleur, c’était déjà Yachvili qui était chargé de la tâche ? Elissalde a-t-il baissé au point de n’être sélectionné que dans les Barbarians ?

Le problème du numéro 9 (comme celui de la première ligne) c’est qu’il est unique. C’est un peu comme le gardien de but en foot. On peut intervertir les avants entre eux et surtout les arrières entre eux. Souvent, ils apprécient de pouvoir évoluer à un autre poste. En revanche, le demi de mêlée est unique. Personne ne peut prendre sa place et il ne peut échanger avec personne. La compétition est rude et laisse forcément une énorme déception chez celui qui n’est pas retenu. Du temps du regretté Fouroux, on savait qu’Astre était bien meilleur. Néanmoins, le premier a été retenu pour son esprit collectif et ses qualités de meneur d’hommes. Aujourd’hui, trois garçons se disputent la titularisation pour le Mondial. Il y aura forcément des pleurs pour celui qui ne sera même pas sur le banc de touche et la grimace pour ce dernier. Sans doute une belle carrière au plus haut niveau se terminera-t-elle pour celui qui ne sera pas de l’aventure : probablement un contrat en Angleterre mais plus de sélection nationale. 

Comme j’ai été sévère avec M.Bernard Laporte, je voudrais quand même lui reconnaître le mérite d’avoir impulsé la discipline à son équipe. Désormais, on ne voit plus de ces fautes insensée, commise dans le fol espoir que l’arbitre ne les verrait pas et qui donnaient trois points à l’adversaire. Je me souviens de la demi-finale du Mondial de 1995 : France –Afrique du Sud. A trois minutes de la fin, alors que le score était ric-rac, les Français commettent une faute devant leurs poteaux : trois points pour les Springboks qui se qualifient pour la finale et remportent la Coupe. On veut croire que c’est derrière. Avoir réussi à changer cette mentalité de garnement n’a pas dû être chose facile. J’imagine que le travail a dû porter, en amont, sur l’arbitrage et la tenue du championnat.

Autre enseignement de ce Tournoi : le recours à la vidéo. Lors de la rencontre France-Ecosse, on peut s’étonner que l'arbitre qui avait le nez dessus pour le dernier essai litigieux fasse appel à la vidéo alors que la caméra ne donnait aucune indication. En fait, l'arbitre semble s'abriter derrière son collègue. Va-t-on vers des décisions collégiales systématiques?

Alors, on peut toujours gloser sur la victoire du XV de France. On entend déjà quantité de commentaires. La France se place en favorite etc.

Pardon, mais c’est tout simplement stupide. L’expérience, la simple consultation du palmarès des grandes équipes permettent de constater qu’une victoire ou une défaite dans le tournoi local (des Six Nations au Nord ou des Trois Nations au Sud) n’augure en rien ce qui va se passer au Mondial. Qui aurait parié que la France serait en finale en 1999, avec en plus les soi-disant meilleurs à l’infirmerie ? En fait, ça a été la chance de l’équipe : un renouvellement salutaire ! L’Angleterre, championne en 2003, a été bien pâle depuis. Après chaque tournée d’été, on établi des pronostics, toujours infirmés. Donc, pas de conclusions hâtives à l’issue de cette édition 2007.  Juste une pause avant la bataille.

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