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la lanterne de diogène
19 mars 2007

avant les présidentielles 3

Des éléphants, un mammouth et quelques fossiles

Bien qu’appréciant peu cette terminologie insultante envers des animaux remarquables que l’on compare aux politiques qu’on apprécie le moins, on reprendra –du moins en titre –ces vocables imagés. On sait qu’éléphant désigne un cacique du PS. Les commentateurs les utilisent à l’envi car leurs manœuvres, leurs déclarations alimentent les chroniques. Sans eux, les services politiques de la presse n’auraient rien à se mettre sous la dent.

L’intérêt soudain pour eux n’est pas un retour en arrière mais un point qui paraît pertinent sur la campagne de Mme Ségolène Royal. En fait, il semble, avec un minimum de recul, que si les élections avaient eu lieu l’an dernier, la candidate socialiste aurait été élue. Elle représentait un sang neuf, un style nouveau, un peu de fraîcheur,

En tant que femme, elle était au contact des réalités quotidiennes. Cela était apprécié.

Les choses étant ce qu’elles sont, l’échéance présidentielle étant 2007, la candidate a dû se positionner un an avant pour mettre l’appareil du parti devant les faits. Mme Royal, savait très bien qu’en dehors, elle n’avait aucune chance de pouvoir faire campagne, d’avoir accès au médias, de disposer des fonds pour mener bataille. Elle aurait été en concurrence directe avec le candidat choisi par les adhérents socialistes et dû jeter l’éponge par discipline. Cela s’était passé ainsi avec la candidature Rocard. On sait ce qui est arrivé. Les électeurs ont dû faire contre mauvaise fortune bon cœur. Mme Royal, instruite par cette expérience devait procéder autrement. En bref, sans le parti, elle n’a pas les moyens de faire campagne, avec, elle a moins de chances de gagner.

La lettre et l’esprit de la constitution de la 5ième république stipulent que la candidature à la magistrature suprême relève de la démarche individuelle. Le général DeGaulle n’a jamais appartenu à un parti. Sans doute pensait-il que ses successeurs pourraient en faire autant et rencontreraient, pour des raison semblables l’approbation de la population. Las, la modestie du Général ne lui permettait pas de voir qu’il était une personnalité historique, donc unique, et que cela lui a valu plébiscite. L’exception ne pouvait pas se répéter. Bien sûr, les bulletins de votes continuent de ne donner que le prénom et le nom du candidat. D’ailleurs, la pratique montre bien que si un parti soutient, après l’avoir choisi, un candidat, des dissidents d’autres formations s’agrègent pour le soutenir en dehors des disciplines de parti. En cela, la Constitution est respectée. Cela semble mince si l’on considère la mobilisation des appareils de partis.

Nous sommes confrontés à un paradoxe extraordinaire. Si l’on respecte à fond la Constitution et que l’on se présente individuellement, on n’a aucune chance de passer le premier tour des présidentielles. Si l’on est soutenu par un parti, on doit faire des concessions, s’éloigner de cette rencontre voulue par les institutions entre les électeurs et le candidat et, dès lors, on perd de sa crédibilité et l’on s’éloigne des électeurs. L’alternance qui prévaut depuis 1981 ne s’explique pas autrement.

Mme Royal en est là. Elle a dû faire acte d’intention de candidature bien avant les autres pour s’imposer avec le soutien de la base qui relayait l’opinion publique. Jusque là, elle avait gagné. A partir du moment où elle a eu besoin de l’appareil du PS, elle a dû mettre de l’eau dans son vin pour le rendre rosé. Elle a perdu sa spontanéité, son sourire même. Depuis, c’est la stagnation des intentions de vote. Personne n’a soutenu Mme Royal pour revoir ceux qui ont conduit leur parti à l’échec de 2002 revenir aux affaires. On veut des gens, peut-être moins expérimentés (ce qui reste à démontrer), mais qui n’ont pas été pris la main dans le sac en train d’abandonner la politique sociale. Une mère de famille comme Mme Royal ne lâchera jamais le morceau de la protection sociale. Aujourd’hui, il semble qu’elle ne rencontre plus d’inimitié dans son camp mais se retrouve à égalité d’estime avec ceux qu’elle a battus, c’est à dire pas grand chose. Paradoxalement, c’est la défection d’un de ceux-là qui peut redonner un souffle à sa campagne.

En déclarant qu’il ne voterait pas pour Mme Royal, M.Alègre  lui a probablement rendu le meilleur service. Il lui reproche de ne pas se déclarer favorable au nucléaire et aux OGM. Le mammouth c’est lui. Les centrales nucléaires archaïques ne vont sûrement pas séduire les générations montantes. Lui aussi doit imaginer qu’en éduquant comme il faut les électeurs ils finiront par penser comme lui qui a toujours raison. Pourvu qu’il ne rejoigne pas M.Bayrou. Ce serait bien qu’il soutienne M.Sarkozy car, alors, il serait sûr de perdre. En attendant, Mme Royal a tout de suite exprimé sa satisfaction et on la comprend.

M.Alègre fait partie de ces gens qui ont été détestés à juste titre lorsqu’ils étaient en fonction et qu’on a affublés de toutes les qualités une fois sur la touche. C’est ce qu’on appelle « l’effet puit ». Cela signifie que quelque chose qui est vide peut être rempli de tout. C’est la version intellectuelle de l’auberge espagnole. Dans le passé, le gros Barre avait constitué le prototype du creux que l’on a comblé de toutes les vertus à commencer par celle de prophète, complétée par l’adjectif « incompris » qui plait tant aux Français qui adorent celui qui ne gagne pas. M.Alègre, qui dispose d’une tribune dans un grand hebdomadaire (tout comme le gros Barre dans les années 1980), peut ainsi continuer à nous faire profiter de son intelligence scientifique. Il représente précisément ce que les Français détestent au PS : la suffisance hautaine, l’arrogance de l’universitaire qui méprise le peuple tout en prétendant parler en son nom ; à sa place, plutôt.

En fait, la seule candidature qui respecte la Constitution à la lettre et dans son esprit, c’est celle de M.José Bové. Il est le seul candidat hors partis, porté par un véritable mouvement populaire. C’est sa force, sa légitimité. C’est aussi sa faiblesse. Il n’est pas pris au sérieux par les journalistes, qui connaissent par cœur leurs cours de vie politique résumés à la vie des partis politiques et non aux idées politiques. Il se heurte notamment à l’appareil du PCF qui, à contre courant, soutient une candidate honorable à seule fin de compter ses voix et de peser dans les négociations qui suivront à l’occasion des législatives. C’est risqué car son faible score prévisible risque de retirer au PCF un poids qu’il aurait pu revendiquer en soutenant l’altermondialiste. A l‘instar d’un René Dumont autrefois, il incarne des idées nouvelles –en partie empruntées au précédent d’ailleurs –promises à un avenir. Aujourd’hui, René Dumont (parfaitement inconnu à l’époque sauf d’un cercle de proches) ne récolterait pas cinq cents signatures et la France serait encore plus en retard en matière écologique, comparée à nos voisins européens. Le combat écologiste s’est renforcé par une dimension politique et universelle qui propose des implications pour les individus dans leur vie quotidienne. M.José Bové a impulsé une prise de conscience tant au niveau national qu’international. Ce sont ses actions spectaculaires qui ont mis en évidences les implications de la mondialisation libéraliste au quotidien et l’aliénation imperceptible qui la porte jusque dans nos gestes les plus anodins. Cette prise conscience a été un événement majeur de ces dix dernières années.

Quoi qu’il en soit, avant le dépôt des signatures d’élus, M.Bové a déjà usé beaucoup d’énergie pour recueillir la signature des élus.

Parlant des extrêmes, il faut être clair. D’abord, si pour la démocratie, il vaut mieux que l’extrême droite participe aux campagnes plutôt que par des attentats, il n’en demeure pas moins que l’omniprésence de ce courant dans l’opinion reste malsain et qu’il faut s’interroger sur les raisons de ce succès relatif. A l’autre bout, si les idées expriment davantage de générosité, que penser de la présence, lors des dernières occurrences présidentielles, de trois candidats se réclamant du trotskisme ? Cette multiplication leur fait perdre toute crédibilité et étale au grand jour leur incapacité à s’entendre alors qu’ils se réclament de la même pensée.

Le cas de M.Bayrou est aussi significatif. Il semble que c’est précisément parce qu’il n’est pas soutenu par un parti qu’il enregistre son succès surprenant. Bien sûr, il a un parti derrière lui, mais l’illisibilité de l’UDF équivaut à une absence de parti. Aucun cacique, à part le numéro 1 lui même n’est connu du public. Bien mieux, ceux qui avaient une certaine notoriété ont rejoint la concurrence. M.Bayrou se trouve ainsi délesté. Affublé de ceux qui avaient participé aux gouvernements de droite, il n’aurait eu aucune chance de séduire un tant soit peu les électeurs de gauche. En s’en démarquant ouvertement, il peut prétendre à la victoire et, avant à la conformité de sa démarche avec la Constitution.

Curieusement, les électeurs n’appartenant pas à sa famille politique –c’est à dire les plus nombreux – viennent essentiellement de la gauche. A droite, on soutient l’homme fort*. Ceux qui ne sont pas convaincus, qui sont lucides, qui ont un peu peur, rejoignent effectivement le candidat démocrate social (c’est drôle, on n’emploie plus ce terme). A gauche, pour les raisons expliquées plus haut, les modérés se tournent vers M.Bayrou, rejoints par les misogynes, tandis que les plus à gauche, se tourneront vers les extrêmes et l’altermondialiste. Qui reste t-il pour soutenir Mme Royal ?

A mesure que l’échéance approche et que la victoire de M.Bayrou n’est plus considérée comme absurde mais probable, on le presse de dire avec qui il gouvernera. On a déjà entendu ça pour le référendum européen. Certains bornés et se croyant plus intelligents que les autres demandaient aux opposants au projet de traité constitutionnel : que proposez-vous ? avec qui allez vous gouverner ? Ils montraient qu’ils ignoraient les propositions des tenants du non et qu’ils ignoraient qu’il ne s’agissait pas de former un gouvernement dans la foulée. Cette fois, il faudra former un gouvernement et d’abord nommer un Premier Ministre. Que l’on sache, la question du nom de celui-ci n’a jamais été demandé à un candidat avant son élection. Avant celle de Mitterrand, on pariait le soir de sa victoire sur M.Rocard ou M.Mauroy ou M.Delors. Le nom de M.Raffarin n’a commencé d’être évoqué qu’au lendemain de la ré-élection du Président Chirac. Jusqu’alors, il était parfaitement inconnu du grand public. Au moins, comme on ne croit pas en la victoire de M.Bové, on ne lui demande plus avec qui il gouvernera. En revanche, on demande à Mme Voynet si elle participerait à un gouvernement de gauche.

Dans tous ces cas, et dans d’autres encore, on ne pose jamais de questions sur les propositions des unes et des autres. Il en résulte le sentiment largement répandu selon lequel ils n’en ont pas alors que leurs programmes sont les plus étoffés et les plus argumentés.

Quant au favori des médias monopolistiques, c’est bien parce qu’il est entouré d’un équipe peu compromise dans les gouvernements précédents, qu’il rencontre le soutien de la jeunesse. Le fait qu’il est soutenu par l’avatar moderne d’un parti issu de la mouvance gaulliste rassure au contraire les plus anciens. Il joue et gagne sur les deux tableaux. Pourtant, on aurait tort de penser qu’il a partie gagnée. Son impopularité n’est pas négligeable. Ceux-là même qui auraient pu être séduits par son discours sécuritaire mesurent son inefficacité. Quoi qu’il en soit, le prochain Président ne pourra ignorer davantage le besoin de sécurité ressenti par nombre de citoyens. Il ne s’agit pas de ceux qui s’effraient en lisant les faits divers dans leur journal mais de ceux qui vivent les incivilités, le bruit, la violence, la destruction, l’intimidation, les agressions, les vols au quotidien. Cela commence par la porte d’entrée de l’immeuble qui est cassée. Le ministre de l’Intérieur n’a pas répondu à leur attente mais a attisé les tensions et les policiers sont incités à enregistrer encore moins les plaintes pour ne pas avoir des ennuis avec leur hiérarchie. Voilà où l’on en est arrivé. Quoi d’étonnant quand on s’affiche comme supporteur de W.Bush qui voulant instaurer une pax americana et répandre la démocratie au Proche-Orient a semé la violence et la guerre comme on n’en avait pas connu depuis longtemps.

En fait, à l’ouverture de la campagne officielle, alors que nous sommes dans la dernière ligne droite, le résultat n’est absolument pas acquis. Une nouvelle surprise est à prévoir. Elle ne viendra probablement plus de l’extrême droite.

*ainsi qu’expliqué dans l’article n°1

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Commentaires
A
Bové serait le seul à respecter l'esprit des institutions ? Mais ces institutions ne sont-elles pas à changer du moins en partie ? En finir avec la monarchie présidentielle. <br /> <br /> Bové est un candidat hors partis. Oui, mais, n'a t-on pas un peu l'impression qu'il est aussi un candidat anti-partis ? Or, si les partis ne sont plus suffisants (besoins de transversalités dans la société, les réseaux), ils demeurent cependant nécessaires. Ils assurent une unification idéologique des réseaux, et la permanence de leurs appareils peut s'avérer capitale en cas de crise grave, ce qui ne saurait être exclu dans le monde tel qu'il est. Le PCF en particulier, ses 100 000 membres, ses 10 000 élus,ses milliers de responsables associatifs et syndicaux, les liens qu'il a tissé au fil des temps et malgré les aleas de l'histoire avec des dizaines de milliers de sympathisants actifs(souvent ex-militants,critiques ô combien mais sympathisants quand même), voilà une force qui peut se réactiver trés vite et trés fort à l'occasion d'une crise sociale ou politique majeure. Cela ne justifiait-il pas plus de considération de la part de José Bové qui a préféré d'abord quitter les Comités pour revenir ensuite "en sauveur" ?<br /> <br /> Les méthodes de lutte employées par José Bové sont-elles conformes à la morale du mouvement ouvrier syndical ou politique ? Détruire des installations commerciales, des plantations, des récoltes, est-ce de la "désobéissance civile" ? Je ne le pense pas. Et de la non-violence ? Encore moins.<br /> <br /> Y-a-t-il un mouvement populaire autour de lui ? Un exemple. A Clermont-Fd, son meeting régional (19 départements !)= 2500 personnes. Par comparaison, meeting de MG Buffet (le seul département du Puy-de-Dome)= 1200 à 1300 personnes. Il ne suffit pas de rassembler 40 000 signatures sur la toile pour prouver une légitimité populaire.<br /> <br /> Ces remarques et questions pour susciter tes réponses et un débat.
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