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la lanterne de diogène
24 avril 2009

Europe

Qu’elle était belle cette Europe. Elle faisait rêver lorsqu’on regardait la carte du continent et que les six pays du Marché commun apparaissaient avec une couleur différente. On se mettait à rêver qu’un jour, les voisins encore en gris sur la carte, rejoindraient les 6 et formeraient une communauté. On rêvait d’une communauté qui ne s’intéresserait plus seulement au charbon et à l’acier, qui ne s’occuperait plus seulement d’abaisser les taxes aux douanes mais impulserait un mode de vie à l’Européenne où l’on prendrait ce qu’il y avait de meilleur dans chaque Etat membre pour que tous puissions en bénéficier.

 

europeenLe traité qui a institué l’Union Européenne de

1993 a

pris, délibérément, le contre-pied. Travaillé de longue date sous l’influence des hypothèses libéralistes très à la mode dans les Etats-Unis de Reagan et, surtout,

la Grande-Bretagne

de Thatcher, la nouvelle entité s’intéresse aux entreprises, base de l’édifice, et tourne le dos aux citoyens, considérés comme de simples variables d’ajustement. On leur demande juste d’approuver puisque c’est pour leur bien. Une remarque en passant :

la Communauté

a fait place à l’Union. Ce n’est pas qu’un détail lexicologique. Désormais, il n’est plus question de former une communauté de personnes mais d’unir des pays afin de promouvoir le libre-échange. Il a fallu attendre encore quelques années avant qu’un habitant d’un pays puisse s’installer dans un autre tandis que les marchandises de son pays s’y trouvaient déjà et à un meilleur prix. L’ordre marchand plutôt que l’humanité.

Depuis 1993, chacun se trouve confronté à une norme européenne absurde. Les fonctionnaires de Bruxelles planchent sur la courbure de la banane, le calibre des tomates.

La Grande-Bretagne

, curieusement absente de la plupart des dispositifs, impose son point de vue libéraliste à tous les autres. Elle y dénonce les accords préférentiels signés à Lomé afin de favoriser l’importation de denrées en provenance des pays d’Afrique, Caraïbe et du Pacifique (ACP). Pour elle, la concurrence doit jouer à fond et pas question de favoriser ces pays qui ont tant besoin de travailler et de vivre des fruits de leur travail. La concurrence : voilà le maître mot. On doit se plier à sa loi divine.

 

Au nom de la concurrence,

la Grande Bretagne

–encore elle –a réussi à imposer que le chocolat puisse être fabriquer avec autre chose que du cacao. Qu’importe qu’un pays fondateur –

la Belgique

–s’en émeuve et qu’un autre pays fondateur –

la France

–proteste au nom du bon goût. On aurait pu croire à un poisson d’avril, mais non,

la Commission

vient d’autoriser la vente de vin rosé en mélangeant du vin rouge avec du blanc. En effet, il fallait y penser. Qu’importe si le rosé doit sa couleur à une maturation particulière : l’important est que le breuvage soit rose. De toute façon, l’essentiel c’est qu’une entreprise ait le droit de fabriquer un produit, pourvu qu’il satisfasse aux exigence d’hygiène. Dernièrement,

la Commission

européenne, bras armé de l’ultra libéralisme, vient d’autoriser les industriels de l’agroalimentaire à utiliser n’importe quelle mesure pour le conditionnement. En clair, au lieu d’avoir des paquets de

500 g

ou des bouteilles d’1 l, on pourra faire des paquets de

468 g

et prétendre qu’ils sont moins cher que le concurrent quand il y aura moins de produit.

 

Le citoyen qui se trouve aussi être consommateur dans notre société le sait. Quand il s’en inquiète, on lui répond que c’est l’Union Européenne qui l’a décidé. Il en résulte une impression que l’Europe ne sert qu’à l’emmerder. Au lieu d’améliorer son quotidien, au lieu de voir ses intérêts de consommateur défendus, il se trouve face à une administration qui multiplie les contraintes et lui impose de manger des produits dont il ne veut pas forcément. En fait, au lieu de prendre le meilleur dans chaque Etat, on a pris le pire. De

la France

, on a pris le jacobinisme consistant à imposer à tous une décision prise dans une capitale, loin des terroirs, loin des gens. Une autre preuve ? Au nom de l’égalité telle que définie à l’aune de l’Ecole de Chicago, on a rétabli le travail de nuit pour les femmes. Bientôt, on verra, également, les enfants à l’usine. Pas question d’entraver le droit au travail, n’est-ce pas ? Car, en plus, on inverse toutes les valeurs. Au nom de l’égalité des sexes, les femmes ont le droit de se faire exploiter, comme les hommes, jour et nuit. Dans tous les pays où l’euro a remplacé la monnaie nationale, on assiste à une hausse des prix spectaculaire. On peut le constater en France mais aussi chez nos voisins quand on décide d’y faire un tour. Ce qui, autrefois, était relativement bon marché, atteint des sommets. Qui en profite ? pas forcément les petits commerçants qui s’en plaignent.

 

Dans le même temps, certaines professions ont pris l’habitude d’attendre tout de l’Europe. Les paysans bénéficient de prix garantis supérieurs à ceux du marché. Leurs syndicats ont obtenu le droit d’utiliser des produits chimiques, subventionnés qui conduisent à une surproduction que l’Union doit prendre en charge. Parallèlement, il faut engager des actions pour dépolluer ce qui a été fait précédemment. La disparition progressive des abeilles n’est que la conséquence la plus visible. En fait, la pénurie alimentaire est organisée pour maintenir les prix et jouer le jeu de la concurrence des produits importés. L’autosuffisance n’a pas sa place face à la concurrence encore une fois érigée en dogme sacré. On paie pour jeter du lait, pour broyer des pommes quand, en Europe même, des enfants souffrent de carences vitaminiques. Les pêcheurs réclament de l’Europe qu’elle mette plus de poissons dans leurs filets comme les personnages de Pagnol qui réclamaient du syndicat des eaux la remise du précieux liquide quand la source était tarie. Les citoyens assistent à ce spectacle, impuissants et dégoûtés.

 

Pour élargir l’espace de libre-échange qu’est devenue, de fait, l’UE, on a décidé d’intégrer les anciens pays du bloc communiste sans aucune préparation. Leur arrivée a provoquée la plus grave crise que l’Union ait connue. En plus, il ne fallait (il ne faut surtout pas encore) dire que c’est à cause de ça. Pensez, ces pauvres gens demeurés si longtemps derrière le « rideau de fer ». En fait, la plupart des partis politiques de ces pays-là lorgnaient sur les fonds structurels pour améliorer leur niveau de vie. Préoccupation légitime, d’ailleurs, mais qui a contribué à dévoyer les missions de l’UE et à exaspérer l’opinion publique dans les anciens pays, ceux qui avaient impulsé cette dynamique de communauté.

 

Nous sommes en année électorale. Nous allons élire ceux qui vont nous représenter au Parlement européen. Aujourd’hui, même dans la très conservatrice Grande-Bretagne, la majorité des législations nationales est d’origine européenne. L’enjeu est de taille. Pourtant, les partis politiques ne font pas de zèle. Ils sont davantage préoccupés de recycler leurs personnalités encombrantes pour les expédier à Strasbourg que pour définir un programme ou, simplement, pour expliquer aux électeurs les enjeux. Même les groupes de pressions qui saisissent l’opportunité de ces élections pour diffuser leurs causes paraissent absents du débat. D’ailleurs, il n’y a pas de débat. Comment faire revivre le rêve européen dans ces conditions ?

 

D’une manière générale, les Européens, ont le sentiment d’avoir été berné, qu’on leur a volé leur rêve.

 

Les élections européennes ont lieu dans six semaines, paraît-il…

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