Inter-Variétés : du Tour de France à la lune
Jeune garçon
(on ne disait pas pré-ado à l’époque), je passais une partie du mois de
juillet, l’oreille collée à mon transistor : je suivais le Tour de France
sur Inter-Variétés. Pour capter cette station, il me suffisait d’actionner le
commutateur et je passais directement de France-Inter en Grandes Ondes à
Inter-Variétés en Petites Ondes aussitôt terminé le journal d’Yves Mourousi que
je ne ratais pour rien au monde.
Après un
indicatif jazzy, une voix familière, celle d’un membre du service des sports
annonçait le programme et l’étape du jour. Tout de suite, il prenait contact
avec les trois envoyés spéciaux : Jean-Paul Brouchon sur la moto, Emile
Thoulouze dans la voiture et Pierre Salviac sur une autre moto pour prendre la
température de l’étape. A l’époque, à part mon quartier de la
Goutte
La magie de
la radio, c’était ça : pouvoir visualiser, pouvoir imaginer. Contrairement à ce qu’on pourrait
penser, l’auditeur n’est pas passif. Dans mon cas, des images formidables
prenaient vie en écoutant le Tour de France se courir en direct. Les
journalistes faisaient parfaitement bien leur métier. Lorsqu’il y avait des
échappées, l’un d’eux cherchait un point de repère. Il s’agissait d’une
affiche, d’une boutique remarquable, d’une voiture isolée, d’un monument, voire
d’un spectateur qui ferait signe. Une fois d’accord sur ce point, le premier
clamait « top » et aussitôt le deuxième enclenchait son chronomètre.
En passant devant le signal convenu, il l’arrêtait et l’on avait l’écart.
Jean-Paul Brouchon, grâce à la souplesse d’utilisation de la moto, pouvait se
déplacer au cœur de l’action, généralement en tête de peloton ou pour suivre
une échappée. Le mieux, c’était dans les Alpes. Je n’avais pas la moindre idée
de ce qu’était la montagne et encore moins des routes alpines pourtant, je
visualisais comme si j’y étais. Des années plus tard, je découvrais ces routes
que m’avaient décrites les reporteurs de France-Inter et d’Inter-Variétés. En
fait, il n’y a que les lacets que je n’avais pas imaginés, pas plus que je
pouvais savoir que la plupart de ces routes de montagne n’étaient pas
goudronnées à l’époque. Je découvrais aussi que les spectateurs écrivent les
noms de leurs favoris sur la route ainsi que, souvent leur nationalité. C’est
qu’il en vient de toute l’Europe et, parfois, de plus loin encore depuis
quelques années.
Plus tard,
j’ai suivi des étapes du Tour à la télévision. Au début, je me réjouissais de
voir les coureurs en action, de voir leur physionomie, leur style. En fait,
jamais je n’ai vécu les étapes avec autant d’intensité qu’à la radio. Il faut
dire que les commentaires redondants ou déplacés de Chapatte n’aidaient non
plus à la compréhension pas plus que sa mauvaise foi évidente. Avec la
lassitude devant l’évolution du Tour, avec un favori qui ne fait qu’une course
importante par an, le dopage de plus en plus perfectionné, les sommes d’argent
brassées, le mauvais comportement des spectateurs, le spectacle des courses
cyclistes a fini de m’exaspérer.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/07/07/14326287.html
Chaque année,
je ne peux m’empêcher de me remémorer avec nostalgie la grande époque
d’Inter-Variétés. Le souvenir le plus fort reste, en 1974, le démarrage de
Poulidor dans l’ascension du col du Chat, laissant le grandissime favori,
Merckx, sans réaction. Jean-Paul Brouchon relatait benoitement les efforts des
deux courreurs quand, surpris, il haussa le ton, précipita son débit pour
annoncer le démarrage du grand Raymond. Il me semblait voir les dos voûtés, les
balancements douloureux des corps et l’écart se creuser entre les deux champions.
Le lendemain étant journée de repos, la pression a été telle sur le vétéran
français qu’il a perdu tous ses moyens le surlendemain et le reportage
traduisait au mieux les souffrances du coureur incapable de recouvrer ses
moyens dans le Galibier. Cela, la télévision ne l’aurait pas rendu. Depuis,
chaque fois que je passe par le Chat (au-dessus du lac du Bourget) et par le
Galibier, j’ai une petite pensée pour ces deux coureurs hors-pair.
La coïncidence
des dates fait que France-Inter rappelle cet été l’opération « Radio
Terre » mis en place par Roland Dhordain à l’occasion du premier voyage
sur la lune. Il est bien évident que si je ne connaissais pas les routes du
Tour, je connaissais encore moins l’espace interplanétaire. Quoi que … j’avais
lu « On a marché sur la lune » du grand Hergé et, finalement, pour
moi, ce n’était que redite. Toujours est-il que les flashes d’intervention en
direct de Cap Kennedy (on ne disait plus Cap Canaveral à l’époque) rendait
vivante la conquête de la lune. L’indicatif faisait : « ici Houston –
Houston – Houston - …ton » avec un effet d’écho. Il me semble l’entendre
encore. Il résonne dans mes meilleurs souvenirs. La radio possède cette magie.
Je ne me rappelle quasiment rien de la télévision tandis que des souvenirs de
radio, j’en ai en pagaille. Dans l’ascension des sommets alpins et pyrénéens,
dans la conquête de la lune, la radio, Inter-Variétés, constituait une fenêtre
sur ce qu’il y avait de meilleur dans le monde et dans l’homme. Aucun conte,
aucun film et peu de reportages m’ont apporté autant. Bravo à ces
professionnels de la radio. Ils créaient un métier au fur et à mesure.
Un lien utile
dont on excusera les nombreuses fautes d’orthographe :
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/ete/terre-lune/