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la lanterne de diogène
5 juin 2010

Gaza-Israël : Tiān'ānmén en mer

Passé l’abattement qui a suivi, une fois de plus, l’annonce de l’attaque israélienne contre la fameuse flottille humanitaire, il faut bien s’interroger et critiquer.

 

Comment en est-on arrivé là ?

 

Depuis la première intifada (1987), Israël n’est plus dans la situation où elle était entourée d’ennemis, plus nombreux, plus forts, bénéficiant de l’appui du bloc soviétique. Déjà, la nouvelle diplomatie de l’Urss finissante n’était plus hostile à l’Etat hébreu et des capitales arabes commençaient à envisager des relations emboitant le pas au président Sadate qui a eu raison avant les autres. Le temps n’était plus à la guerre froide pendant laquelle, nombreuses étaient les voix arabes et juives qui affirmaient que sans les Etats-Unis et l’Urss, les Arabes s’entendraient sans problème avec les Israéliens.

 

Lors de cette première intifada, Israël a montré sa nouvelle orientation : l’imitation du mode de vie à l’américaine et un mépris de plus en plus affirmé pour les Arabes, sortes d’Amérindiens de la région du Jourdain. Les générations nées en Israël (ou après la création de l’Etat juif) n’ont pas lutté pour établir un foyer pour tous les Juifs du monde. Ils ont appris comment les pionniers ont été roulés par les propriétaires arabes et comment leur réussite modeste a été entravée par les massacres des années 1920 et par les autorités britanniques soucieuses de s’allier la sympathie des Arabes pour s’assurer l’approvisionnement en pétrole. Ces générations qui ont été mobilisées lors de la première intifada n’ont pas la culture, l’éducation de leurs ainés. Ils considèrent –comme beaucoup de jeunes du monde –que tout leur est dû, à commencer par leur petit Etat et que rien ne les empêchera de vivre à leur guise. La notion de « terre sainte », comme disent les chrétiens, de terre de rencontre des trois religions monothéistes leur importe peu : ils aspirent à consommer plus. Ils sont chez eux et entendent faire ce qu’ils veulent.

 

Dès lors, la population arabe est négligeable voire gênante. On n’en veut plus dans les entreprises : mieux vaut faire appel à des Roumains et des Thaïlandais même s’ils essaient de rester clandestinement et si leur présence crée de la délinquance. Tout vaut mieux que les Arabes dans les pattes. On leur accorde une certaine autonomie pour ne plus avoir à s’en occuper mais on rogne leurs terrains, on fait passer des routes entourées de barbelés au milieu de leurs terres empêchant le petit propriétaire de cultiver son lopin qui se retrouve de l’autre côté de la route. On multiplie les contrôles pour les Arabes, on fait durer les démarches. Au quotidien, les Arabes sont exaspérés, humiliés, découragés et finalement désespérés. Quand on pousse tout un peuple au désespoir, il n’a plus rien à perdre : le pire est possible.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/09/01/2610765.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/09/07/2625955.html

 

Le temps des contradictions

 

Dans cette sorte de nettoyage ethnique, la jeunesse matérialiste trouve des appuis formidables dans les ultrareligieux qui rêvent d’un pays complètement juif pour hâter la venue du messie. Il faut se rendre à l’évidence : ces ultrareligieux sont les pires ennemis de la paix, des Arabes et, au premier chef, d’Israël.

 

Autre alliance des extrêmes, dans les années 1980, pour affaiblir Yasser Arafat qui gagnait en honorabilité sur la scène internationale, Israël avait cru très malin de favoriser le Hamas avec les conséquences que l’on sait. Bien sûr, tant que le Hamas faisait régner la terreur à Jérusalem en trucidant les militants de l’OLP, cela arrangeait bien les affaires de l’Etat hébreu. Quand ils ont commencé à disputer le pouvoir à l’autorité palestinienne, il était trop tard pour seulement comprendre que la créature avait échappé à son créateur. Pourtant, Israël n’a pas retenu la leçon.

 

Sur le plan démocratique, c’était l’époque des gouvernements d’union. Si l’on peut croire que face à un danger, les partis doivent s’unir dans l’intérêt de la patrie, dans les faits, c’est la paralysie : personne n’ose prendre de décisions ou bien, au contraire, les pires décisions sont approuvées tacitement par tous les membres de la coalition. Une des conséquences est de repousser aux extrêmes la contestation, renforçant en Israël les ultrareligieux et les racistes. Pendant que M. Shamir était président du Conseil, il ne s’est rien passé sur le plan diplomatique (en clair la recherche de la paix). En revanche, les colonies de peuplement sur les terrains des Arabes ont été multipliées obérant considérablement les chances d’un règlement durable. La constitution ultra démocratique d’Israël ne permet plus de dégager une majorité. Dans les premières années, tous les Israéliens étaient plus ou moins socialistes. Le parti travailliste pouvait gouverner. A partir du moment où des populations différentes se sont installées, les conservateurs puis les libéralistes ont augmenté. Dernièrement, les Russes, anticommunistes (au point que certains sont nazis !) ont encore compliqué la donne. Concrètement, aucun parti ne peut gouverner seul. Pourtant, il y aurait une solution maintes fois avancée mais chaque fois repoussée : le parti travailliste Avoda pourrait s’allier avec le Meretz ; qui correspondrait au Parti de Gauche ici. Or, jamais la direction du parti n’a voulu s’allier pour gouverner avec le Meretz. C’est d’autant plus absurde que les deux partis sont membres de l’Internationale Socialiste. Surtout, les conséquences sont criminelles puisque la paix est toujours repoussée et que le nombre de morts augmente.

 

Une autre erreur, de la part de cette jeunesse arrogante, c’est de se croire invincible parce que leurs aînés ont remporté des victoires militaires exceptionnelles. Comme si la bravoure, le courage et l’intelligence des anciens imprégnaient les uniformes des nouveaux. De même, puisque le fanatisme proaméricain frise la caricature, les générations israéliennes d’aujourd’hui sont persuadées que leur modèle les soutiendra quoi qu’il arrive. Le miroir ne peut pas contrarier le modèle. Dans ces conditions, on y va à fond. On se lance dans des guerres insensées (Liban en 1982 et sud Liban en 2006), on tape sur les moindres manifestants palestiniens, on arrache les oliviers, on abat les arbres fruitiers. L’armée israélienne d’aujourd’hui ne cherche pas la ruse, la stratégie. Elle ne cherche même plus à épargner des vies. L’armée et ses services secrets voient des terroristes partout, voient des caches partout : le moindre arbuste est suspect.

 

Surtout, les jeunes militaires d’aujourd’hui sont persuadés que tout Arabe est un délinquant potentiel et agit en conséquence. On a oublié l’incident diplomatique dont le président Chirac a été l’origine. Lors de sa visite de la vieille ville de Jérusalem, il était collé au corps par les soldats. Lui qui adore les bains de foules (en bon démagogue qu’il est), on prétendait l’isoler des habitants des quartiers qui se pressaient autour de lui. Il s’est fâché et a poursuivi, blême, la visite au bras d’un dignitaire palestinien. Il a déclaré avoir compris ce que vivent les Arabes à cette occasion. En revanche, les Israélien n’ont rien appris de l’incident.

 

La stratégie du pire

 

En abordant les bateaux de la « flottille humanitaire » au large de Gaza, les commandos ont déclaré n’avoir pas été bien accueillis et se sont sentis en légitime défense. Comme l’a dit quelqu’un : s’attendaient-ils à être invités à prendre le thé en pleine nuit ? Le pire c’est que c’est fort possible. Face à des militants pro-palestiniens, la moindre contradiction a été interprétée comme une agression envers Israël. Ce pays démocratique et –nous l’avons vu –ingouvernable, se conduit comme la dictature chinoise envers les Tibétains ou envers ses étudiants qui se sont révoltés il y a vingt et un ans ce jour. Certes, ici, on parle plus de ce qui se passe en Israël car des pans de notre population se sentent davantage concernés mais ce traitement qui met plus souvent qu’à son tour Israël sur la sellette ne saurait l’exonérer.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/07/08/14338079.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/03/10/12925964.html

 

La stratégie d’Israël vis-à-vis de Gaza est proprement absurde. L’idée affichée est de rendre invivable le territoire de Gaza pour que les habitants se retournent contre le gouvernement du Hamas. Il faut vraiment méconnaitre la mentalité populaire en général et arabe en particulier pour faire ce pari. Comment des gens qui ont élu démocratiquement leurs représentants et l’exécutif qui en découlent pourraient-ils se déjuger ? Comment penser que les Arabes qui, presque partout, acceptent –pourvu qu’il soit arabe –l’arbitraire d’un pouvoir tribal, religieux ou militaire vont s’en prendre à leurs chefs et se tourner vers ceux qu’ils considèrent, à juste titre, contre leurs ennemis majeurs ? En plus, la population vit très mal ce déni de démocratie car enfin, voici des gens qui font le choix du vote plutôt que de la violence et, parce que leur choix ne plait pas, se trouvent punis à mort.

Les religieux du Hamas sont ce qu’ils sont mais ils ont mis fin à la corruption généralisée dans leur ressort et remis de l’ordre. Les Gazaouis savent bien que leur territoire est bouclé, que les denrées ne passent que clandestinement et que la faute n’en incombe pas à leur élus. De deux choses l’une : soit les Israéliens –qui connaissent parfaitement les Arabes –se doutent que le mécontentement ne se retournera pas contre le Hamas et jouent la répression totale, soit ils croient réellement en leur stratégie hasardeuse et ça veut dire qu’ils ne connaissent plus les Arabes. Dans les deux cas, c’est criminel.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/02/14/12538493.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/01/17/12120035.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/01/18/12129048.html

 

Certains, généralement des Juifs, ont évoqué l’Exodus, ce bateau transportant des réfugiés juifs, rescapés des camps, arraisonné par la marine britannique alors qu’il tentait de mouiller dans le port d’Haïfa pour offrir un havre à ses passagers qui venaient de subir les pires épreuves. On pourrait également rappeler qu’au cours d’une des premières années du blocus de Cuba, la marine étatsunienne avait coulé un bateau espagnol envoyé par Franco (pourtant peu suspect de sympathie pour le régime castriste) et qui transportait surtout des jouets pour les enfants cubains à l’occasion des fêtes de Noël. Là, les navires n’ont pas été envoyés par le fond mais il y a eu des morts, des blessés et tout le monde s’est retrouvé en prison avec biens et argent confisqués.

De plus, comme si ça ne suffisait pas –cette opération incite d’autres pro-palestiniens à forcer le blocus maritime de Gaza. Un simple arraisonnement suivi d’un détournement vers Ashdod (à un jet de pierre de là) serait passé quasiment inaperçu. Désormais ce sont la provocation et l’épreuve de force permanents.

 

Et maintenant ?

 

En attendant, on peut bien s’interroger sur les causes. On peut bien écarter les discours convenus et diplomatiques pour soutenir l’un ou l’autre camp. Le bilan est beaucoup plus grave que les neuf morts de l’abordage et la colère que l’attaque a provoquée.

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/07/22/2337447.html

 

Les Etats-Unis ne soutiendront pas toujours Israël en toute occasion. Ce pays majoritairement protestant, nourri de

la Bible

, considère avec bienveillance ce petit peuple juif, méprisé par tous (comme les protestants autrefois) et trouvant leur salut en Terre Promise. On y voit un parallèle troublant avec leurs ancêtres, fuyant les persécutions en Europe et construisant, à la force du poignet, un Etat nouveau sur une terre où il y avait tout à faire. On sait aussi que, sur

la Terre

Promise

, Dieu a châtié ceux qui s’étaient détourné de l’objectif poursuivi par Moïse.

D’autre part, les calculs de la petite politique intérieure poussant une opposition à prendre systématiquement le contre-pied du gouvernement fédéral ne feront pas toujours le jeu des gouvernements israéliens quand ils commettent des fautes. Les Etats-Unis prendront toujours fait et cause pour ce petit pays entouré d’ennemis plus forts et victime du terrorisme. Il n’est pas sûr qu’ils le soutiennent quand il se fait agresseur, surtout envers de manifestants sans arme. Rappelons qu’à Washington, il y a en permanence des manifestations devant le Capitole et c’est cette tolérance qui fait la force de ce pays si hétéroclite.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/02/06/12360017.html

 

On voudrait radicaliser les Palestiniens et leurs soutiens qu’on ne s’y prendrait pas autrement. On voudrait les pousser dans les bras des ultrareligieux qu’on ne s’y prendrait pas autrement. On voudrait que, partout dans le monde, les Arabes excitent leur haine d’Israël et des Juifs qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Tous les efforts patients de la diplomatie israélienne afin pour se trouver de nouveaux alliés ont été anéantis le temps d’une attaque commando. Inversement et sans que ça lui coute rien, le Hamas a remporté une victoire décisive.

 

 

http://www.jeanfrancoiskahn.com/Israel-questions-sur-un-drame-qui-nous-dechire-tous_a150.html

 

http://www.jeanfrancoiskahn.com/La-plus-grave-defaite-d-Israel_a149.html

 

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/lekiosque/index.php?id=92336

 

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