Le temps de l'Eurovision
On parle beaucoup du foot-business, de ce football professionnel qui brasse des millions quand, tout autour, on tire le diable par la queue. On a quasiment tout dit : les salaires indécents des vedettes (les autres gagnent moyennement leur courte vie de sportifs de haut niveau), les montants des transferts, les budgets faramineux des clubs. Depuis quelques années, on évoque aussi les droits payés par les chaînes de radio, de télévision et des journaux pour diffuser les événements sportifs.
Sans remonter au poste à galène, j’ai quelques souvenirs de matches vus dans les bistrots, puis à la maison. Lorsque c’étaient des parties internationales, jouées sur le sol européen, il y avait un temps entre le moment où les animateurs sur le plateau s’éclipsaient et le début de la retransmission avec les reporteurs sur place. Pendant ce court laps de temps, on voyait le logo d’une chaine de télévision entouré de faisceaux au son d’une musique qui devenait familière et nous mettait tous en joie, avant même que ça commence. On était dans l’ambiance. On se demandait régulièrement de qui était cette musique d’orchestre philarmonique. C’était le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier mais, pour tous, c’était l’indicatif de l’Eurovision.
Partout en Europe, on entendait la même musique, on se
sentait semblables, on était tous européens. Il n’y avait que six pays membres
du Marché Commun comme on appelait familièrement la CEE. En
Et puis, au fil des ans, la CEE la FIFA la Coupe la Coupe la FIFA. On
L’Europe du Traité de Lisbonne, c’est l’Europe où tout se paie. C’est l’Europe où les médias doivent payer pour informer. C’est l’Europe où il faut payer pour regarder la télévision dans un bistrot en mangeant une salade ou une pizza, où il faut payer pour inviter ses voisins à regarder un match à la maison. Le message est clair : à l’heure de la mondialisation libéraliste, il n’est plus question de rendre service, plus question d’informer gratuitement, plus question de proposer d’aller voir ensemble un match au café du village ou du quartier quand on ne peut pas se payer le déplacement à l’autre bout du monde. La libre entreprise, oui mais à condition que les petites entreprises –comme les débits de boisson –paient les plus grosses.
Aujourd’hui, l’Eurovision évoque un concours de chansons commerciales ridicule.
http://www.marianne2.fr/L-eurovision-ou-le-retour-de-l-union-sovietique_a87674.html
On ne peut s’empêcher de déplorer le gâchis en voyant que l’immense espoir a été étouffé. Les peuples, qui pouvaient encore voir, ici ou là, les dernières traces des guerres mais qui en avaient marre, se réjouissaient de partager ensemble. Au lieu de ça, on leur a dit : on ne partage pas, il faut payer !
L’Eurovision, c’était l’amitié entre tous les peuples européens autour d’un nouveau média qui était la télévision. L’Eurovision, c’était l’Europe que voulaient ses peuples, c’était une identité européenne. L’Eurovision, c’était l’Europe unie avant l’heure : tous les Européens qui regardaient la même chose en même temps.
Pour le plaisir :
http://www.youtube.com/watch?v=swIrLkyhnbE&feature=related
en fait, ça ne durait qu’une trentaine de secondes. Cette vidéo permet de voir les logos des anciennes chaînes européennes.
http://www.youtube.com/watch?v=peMpZvTvBIc&feature=related