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la lanterne de diogène
6 septembre 2018

Constance dans le colli-mateur

L’humoriste Constance a enflammé la toile après avoir enlevé sa robe et son soutien-gorge à la fin de sa chronique sur Inter, le 28 août 2018. Comme on pouvait s’y attendre, la vidéo a fait fureur et provoqué des torrents de réactions. Ici, c’est le hasard d’une visite sur un site d’information qui a piqué notre curiosité. Il est vrai que, n’écoutant qu’Inter, la station n’allait pas participer à ce mouvement et les stations concurrentes n’avaient pas intérêt non plus, pour ne pas inciter des auditeurs à aller voir, des fois qu’une autre chroniqueuse en fasse autant. Donc, finalement, pas tant de bruit que ça. Voir. La toile, les réseaux sociaux forment une sorte de monde parallèle où, sans faire de bruit, il arrive que des millions d’internautes se précipitent sur un site ou sur une séquence. Et puis, un jour, les médias traditionnels s’avisent qu’ils se sont fait doubler et qu’il y a eu un « buzz ». Ils tentent, alors, de rattraper le coup en invitant un spécialiste, en espérant que sa présence et ses analyses vont remporter du succès grâce au buzz des autres.

https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/l-humoriste-constance-publie-des-injures-recues-apres-sa-chronique-seins-nus-sur-france-inter_2922195.html

 

Nous tirerons deux enseignements de cette chronique.

D’abord, pour rester dans le domaine de la radio, remarquons que ça arrive depuis que la radio est filmée en direct. On voit, d’ailleurs, sur cette vidéo, qu’il y a plusieurs caméras dans le studio et donc, forcément, la présence d’un réalisateur qui choisit l’angle. Finie la caméra placée comme on pouvait, qui filmait maladroitement l’invité, souvent à son insu, au début. Finie aussi, l’image de l’interrogateur incrustée dans un coin. Maintenant, il y a un véritable jeu et des mouvements de caméras. Est-ce que la radio y gagne ? Pas forcément. Ceux qui appréciaient la radio parce que, selon l’expression de José Artur, on avait « réussi à supprimer l’image » et ceux qui se demandaient à quoi ressemble celui qui parle, comment est-il habillé, comment est le studio, en sont pour leurs frais. La magie de la radio a disparu. D’ailleurs, les jeunes générations ont définitivement admis que la radio est un média incomplet, qui ne diffuse que du son (de la musique) mais qu’on emporte partout, facilement, faute de pouvoir accéder à la TV. Ils connaissent quelques noms de radios dites musicales (en fait commerciales avec un peu de zique) mais ignorent les généralistes et les associatives. Pour eux, à part la fonction « boite à musique », c’est un média de vieux qui savent pas se servir d’un ordi. Nous faisons souvent référence à un article qui montrait les nouvelles pratiques d’écoute de la radio. Non seulement nous avions raison mais la tendance s’est amplifiée. Désormais, l’image s’ajoute. Pour les jeunes, il n’y a plus ni radio ni télévision ni ordinateur. Il n’y a plus que le smartphone avec ses diverses applications. Tout ce que les adultes nomment « médias » se doit d’offrir l’image. Inter n’est plus une radio mais une application parmi d’autres.

 

Ensuite, observons que quelques secondes où l’on voit vraiment les seins de Constance provoquent des réactions inouïes. Que ça fasse son petit effet paraît normal et c’est un peu ce qui était recherché. De là à provoquer un torrent d’injures et de propos salaces, il y a un pas qu’on n’aurait pas imaginé. Au 21e siècle, montrer ses seins dans un endroit inapproprié fait toujours scandale. Pourtant, la nudité apparaît à l’écran dès le début des années 1970 pour tous les publics. On pourrait penser que, même sans devenir banal, ça serait accepté. Or, c’est tout le contraire et, en ce retour de vacances, des échanges sur les réseaux sociaux montrent que nombre de femmes n’osent plus bronzer seins nus sur la plage, alors qu’elles en avaient l’habitude et, après avoir fait un petit tour sur les plages, on voit que les filles portent un short. Des enseignes de magasins de lingerie et de mode féminine ont même lancé des gammes « pudiques ». Comme si, ce qui se porte dessous et ne se voit donc pas, ou les maillots de bains destinés d’abord à être pratiques, se devaient de répondre à des codes stricts de dissimulations des « parties honteuses », comme on disait autrefois.

Quel contraste avec les réponses au courrier des lectrices de magasines genre « OK-Age tendre », il y a une trentaine d’années où l’on incitait les filles à enlever le haut du bikini et l’on ajoutait pour les timides que « pas de problème puisque les maillots des années 50 reviennent à la mode ». Certains comportements montrent que ça va même plus loin que la mode des tenues de bain des années 30, jugées impudiques par beaucoup à l’époque.

Toujours sur le même chapitre, Constance a reçu nombre de courriers injurieux qui s’inscrivent bien dans la tendance. La femme qui montre ses seins est forcément une pute ou une femme consommable sans ménagement. Pourtant, voici quelques mois, un mouvement planétaire a exigé qu’on sanctionne les hommes irrespectueux des femmes, quelle que soit la tenue qu’elles arborent. Les promotrices faisaient valoir qu’on peut vouloir mettre son corps en valeur sans pour autant qu’il soit en libre accès. On pouvait penser que la leçon avait été entendue. Il faut croire que non.

 

constance 1

Dans cette affaire, nous sommes en plein bal des faux-derches car enfin, la vidéo a été vue 1 million et 700 mille fois. C’est énorme, surtout comparé à l’audience de l’émission et à l’audience des radios généralistes. On ne nous fera pas croire qu’il y a seulement la moitié de ces spectateurs qui ont suivi l’émission en direct sur leur écran et ont eu la surprise de voir la chroniqueuse se déshabiller. Donc, qu’on ne nous dise pas qu’ils ont été agressé par cette séquence inattendue. Pour dire les choses franchement, la quasi totalité de ceux qui ont vu cette vidéo ont fait la démarche, uniquement pour voir l’humoriste retirer sa robe. Ils ont voulu voir la séquence puis, regrettant sans doute d’avoir cédé à une tentation grivoise, ils se sont empressés d’en appeler à la morale (quelle morale au fait?) ou de se trouver une vocation d’esthète en évaluant la plastique de la jeune femme. Dans un sens, ceux qui se sont montrés lourds ou obscènes ont le mérite de la franchise.

Remarquons que, au 21e siècle comme avant, la nudité féminine fait toujours débat et que certaines parties en appellent à des châtiments.

 

Au fait, qui est cette Constance ? D’où vient-elle et pourquoi a-t-elle été recrutée ?

Autre question qui rejoint la première remarque : quel intérêt à regarder la vidéo d’une personne qui a la tête et les yeux baissés pendant deux ou trois minutes, le temps de lire son petit papier ?

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Commentaires
J
Je ne suis pas familier de la radio filmée en direct-live et je n'écoute plus Inter depuis la période Philippe Val, m'étant rabattu sur France-Culture. <br /> <br /> En fait, je suis de l'époque bienheureuse où se retourner sur une paire de jolies jambes féminines ne rendait pas un type passible de garde à vue ; où les seins nus fleurissaient sur les plages (avec plus ou moins de bonheur) ; où l'érotisme était partout ou à peu près sans que cela dérange quiconque, à part certaines vieilles filles ; où le féminisme militait pour une évolution de la condition féminine et s'occupait davantage de social que de misandrie systématisée et de guigner le procès qui rapporte visibilité médiatique et surtout de la thune. <br /> <br /> Donc la paire de seins de cette demoiselle dont je n'avais jamais entendu parler avant de survoler le compte-rendu de ce "scandale" qu'en faisait notre bonne vieille presse franco-française, cette paire de seins ne m'effarouche pas plus que ne me surprend la lame de fond moraliste qui s'est ensuivie. <br /> <br /> L'obsession du politiquement correct nous a amenés à une régression sans précédent. L'injection de moraline est devenue quotidienne, si elle se poursuit encore quelques années, elle amènera nos pouvoirs clientélistes à faire disparaître des mémoires, par l'autodafé que l'on imagine, ensuivi du lavage de cerveaux ad-hoc (l'entreprise est déjà bien engagée) les noms de Desproges, Jean Yanne, Frédéric Dard, Léo Ferré, Brassens et Michel Audiard, et à initier le retour à une Inquisition version pré-apocalyptique, où tout individu de sexe mâle surpris à tenir la porte à une dame sera emmené sur-le-champ pour être lapidé sur la place publique.
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