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la lanterne de diogène
19 mars 2010

Ferrat Solleville

Oh, c’est juste un détail, une anecdote. J’entends qu’aux obsèques de Jean Ferrat se trouvait Francesca Solleville qui a chanté en hommage au défunt. Eh oui, Francesca Solleville. Qui s’en souvient ? Elle fait partie de ces chanteurs qu’on qualifiait d’engagés parce que leurs chansons voulaient dire quelque chose ; quelque chose qui faisait réfléchir. Nous étions encore dans les surlendemains de la guerre contre le nazisme. Le monde était coupé en deux et le camp capitaliste était divisé entre les démocraties et les dictatures qui entretenaient la peur à peine vaincue en Europe.

aubret_solleville

Souvent, ces dictatures avaient été mises en place par les Etats-Unis –grande démocratie s’il en est –mais combien maladroite et criminelle dans sa politique étrangère au point de préférer un totalitarisme compatible avec le capitalisme au danger de la propagation du communisme. En France, les chanteurs « engagés » évoluaient dans la mouvance communiste mais surtout entendaient mettre en garde contre le retour ici et le maintien là-bas du fascisme.

 

Il faut rappeler aux plus jeunes que si nous pouvons vivre tranquillement ici, si nous pouvons dormir sans crainte d’être embarqués par une police spéciale, c’est aussi parce des chanteurs ont alertés les jeunes de l’époque et ont participé à leur prise de conscience et à leur révolte. Francesca Solleville chantait fort. Elle ouvrait les bras, elle tendait les poings. Elle dénonçait la répression. Nous devons notre démocratie, en partie, au harcèlement permanent que représentait cette culture de gauche, revendicative et solidaire.

 

Aujourd’hui, ces dangers sont éloignés et c’est tant mieux. Nous risquons au plus une crise politique un peu plus grave que celle qui secoue l’UE depuis 1993. Nous y survivrons. Il est un autre danger, une autre guerre, plus insidieuse, plus progressive et qui nous dévore sans que nous y prenions garde. Ce danger, cette guerre, parfois appelée « la crise », se traduit surtout par le chômage et la vie sans abri. Or, il n’y a pas de Francesca Solleville, pas de Jean Ferrat, pas de Léo Ferré, pas de François Béranger, pas de Colette Magny pour dénoncer encore cette guerre-là. En fait, il y en a mais ça n’intéresse personne. On sourit –vaguement méprisant –en voyant les photos de cette foule rassemblée aux obsèques de Jean Ferrat, cette foule de cheveux blancs qui vibrait en entendant ses chansons et d’autres et qui ne voulait surtout pas du retour du fascisme. On sourit en pensant qu’ils ont pu croire au communisme alors qu’ils ne rêvaient que d’un monde plus juste. On sourit en pensant qu’ils ne voulaient pas de la société de consommation et qu’ils chantaient la révolution et l’amour fort et éternel. Comment a-t-on pu croire de telles balivernes, n’est-ce pas ?

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/12/05/3348768.html

 

Quand un chanteur s’avise de mettre quelques chansons qui ont du sens, l’industrie du disque et les programmateurs s’empressent d’en promouvoir une autre, plus neutre. On appelle ça, je crois, la pensée unique. Tout comme la croyance en un dieu unique n’admet pas la remise en cause, la société libéraliste et mondialisée ne tolère pas la moindre contestation sauf si elle peut la récupérer et faire de l’argent avec (cf. la tournée des « Enfoirés »).

 

Aujourd’hui, quand des chanteurs s’engagent en politique, ils rejoignent le pouvoir capitaliste et tout ce beau monde goberge et nargue les laissés pour compte. On me permettra de préférer ceux qui sont sortis de l’usine (comme Béranger ou Lavilliers) mais qui n’ont jamais oublié d’où ils viennent. Ils chantent encore pour des causes généreuses.

La démocratie s’est renforcée grâce aux contre-pouvoirs. La gauche a triomphé par la culture avant d’arriver au pouvoir. C’est bien ce que les conservateurs avaient compris quand ils ont décidé de sortir, petit à petit et le plus possible, tout ce qui a du sens dans les programmes scolaires. Le résultat nous le voyons tous les jours : la violence comme seul langage sur des territoires qui ne cessent de s’étendre et une résignation face à la crise faute de connaître une alternative, faute de savoir qu’on peut choisir sa société. D’ailleurs, une alternative, personne n’en veut. Les laissés pour compte voudraient juste profiter comme les autres mais surtout pas changer la société. L’insoumission, parfois revendiquée, n’est qu’une aspiration à ne plus être soumis soi-même mais pas à supprimer la soumission. On récupère volontiers la phraséologie de la rébellion mais on ne se révolte que parce qu’on ne pas consommer ou consommer plus.

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/01/10/16463468.html

L’inculture pour tous favorisée par une paresse intellectuelle commencée à l’école est entretenue par les médias de masse afin de former des générations de consommateurs superficiels avec la bénédiction d’une gauche pour qui la tolérance envers ce qui vient de la jeunesse est une vertu cardinale. L’inculture plutôt que la résistance. La violence plutôt que la solidarité. L’inculture qui porte le « bling-bling » au pouvoir quand des dizaines de sans-abris crèvent chaque hiver dans nos rues sans que personne ne moufte. L’inculture qui fait dire que ces chanteurs « engagés » qui meurent à présent sont vraiment ringards faute de comprendre ce qu’ils chantent. L’inculture qui nous fait accepter et même revendiquer nos chaînes du moment qu’elles brillent (on a sa dignité n’est-ce pas ?). L’inculture plutôt que la résistance.

 

 

On écoutera « Ma France » de Jean Ferrat (enregistrement de mauvaise qualité)

http://www.dailymotion.com/video/x6rqdu_f%C3%AAte-de-l-huma-2008-f-solleville-ma_music

 

et « Ma France à moi » de Diam’s (que j’adore)

http://www.youtube.com/watch?v=mppFev3Q9sM

 

 

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Commentaires
L
les obsèques de jean ferrat ne signifient pas que la culture est morte tout de meme !<br /> <br /> <br /> <br /> Sabrina
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A
Bigoudi, ne coupes pas les cheveux en quatre...L'ami qui tient la lanterne a du vouloir parler de toutes les dictatures mises en place ou/et soutenues par les USA en Amérique Latine et en Asie. Ca en fait déjà pas mal. En fait, beaucoup trop pour qu'on puisse accepter que les USA s'arrogent aujourd'hui plus que jamais le monopole de la défense de la liberté avec un grand L...car la liberté qu'ils défendent partout c'est beaucoup plus celle de l'économie et du commerce (où ils dominent le monde !) que celle des peuples. De plus,les USA, aprés la chute de l'Union Soviétique, exercent aujourd'hui une véritable dictature sur le monde occidental (Europe comprise) et sur les organisations internationales (ONU, FMI, ...). CQFD. Ce qui ne dédouane absolument pas les dictatures staliniennes..Dans lesquelles je ne range pas Cuba, qui est certes un pays où des libertés restent à conquérir, mais qui est aussi un pays scandaleusement opprimé et depuis si longtemps par le blocus des USA.
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B
Accuser les usa de toutes les dictatures, me semble un peu réducteur et inexact . <br /> Il me semble qu'ils n'ont rien à voir, ni avec les dictatures des ex pays de l'est,ni avec celles de cuba, et de la chine ... Ni, non plus avec celle d'espagne ... <br /> Serait ce là de l'anti américanisme primaire ? ...
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